Pauvreté, qui es-tu ?

Pour ne l’imaginer que couverte de haillons, Dame Pauvreté fait peur. Aussi l’estimons-nous peu appropriée à nos foyers, qui à l’évidence ont besoin du vêtir et du loger, comme d’ailleurs de tant d’autres nécessités. Alors, volontiers, nous la laissons aux religieux : n’est-ce point à eux d’en faire le vœu, conjointement à ceux d’obéissance et de chasteté ?

Un tel regard, nous le sentons, relève de la caricature, peut-être même du mensonge avec soi-même. Il est le fruit d’un cœur vide, voire esclave d’un siècle avide. A confondre vœu et vertu, il n’encourage que la médiocrité. Si le vœu de ne rien posséder est propre au religieux et se trouve spécifié par la règle de ce dernier, la vertu est appelée à être partagée par tout chrétien, et son exercice multiforme s’adapte à chaque état en particulier. En ce sens, la vertu de pauvreté relève d’abord d’une disposition d’esprit : « Bienheureux les pauvres en esprit, car le Royaume des cieux est à eux » (Mt 5, 2).

Oui, la pauvreté chrétienne est une noble Dame, certes remplie de paradoxes. Quand le monde des ténèbres la traite en ennemie, objet de tous les mépris ; quand les têtes mitrées elles-mêmes ont pris ce mauvais pli, pour s’être croisés contre la pauvreté dans le monde, Jésus-Christ, lui, a dit : « Bienheureux les pauvres en esprit ». Autre paradoxe et non des moindres ; là où la pauvreté semble s’identifier au manque et à la privation, ses chantres chrétiens disent combien elle est souveraine possession : « Nous sommes considérés comme pauvres, nous qui enrichissons un grand nombre ; comme n’ayant rien, nous qui possédons tout » (2 Co 6, 10).

Dame Pauvreté, qui donc es-tu, de qui es-tu la parure ?

Cette pauvreté, l’Évangile l’appelle encore simplicité. Elle est la caractéristique du cœur qui n’a qu’un seul principe fondamental de vie, du cœur qui ultimement ne recherche qu’une seule chose : son Dieu, seul capable de la combler. Une telle âme sait que les véritables richesses ne sont pas celles du monde de la matière, mais de l’esprit. Et quand l’Esprit divin, maitre et créateur de tout, vient à se proposer, alors tout n’est plus rien. Assoiffée qu’elle est d’éternité, une telle âme relativise donc ce qui est passager. Parce que le temps est court (1 Co 7, 29), certes « elle use du monde, mais comme n’en usant pas » (1 Co 7, 31). Se sachant rachetée à grand prix, elle ne veut plus se rendre esclave des hommes (1 Co 7, 23), aussi son trésor est-il là où le voleur ne s’approche pas, là où la teigne ne détruit point, là où les bourses ne sauraient s’user (Lc 12, 33-34). Inépuisable, ce trésor relève non du paraître ni de l’avoir, mais de l’être ; de l’être divin qui se communique, parant l’être même de l’homme de divins reflets portant le beau nom de vertu. Alors oui, à la découverte d’un tel trésor proposé à tous et enfoui en chacun par la grâce baptismale, on comprend les âmes consacrées qui délaissent tout pour partir à son immense conquête : « Le royaume des cieux est comparable à un trésor caché dans un champ ; celui qui l’a découvert le recache et, dans sa joie, vend tout ce qu’il a pour acquérir ce champ » (Mt 13, 44). C’est la joie d’un saint François épousant promptement Dame pauvreté, mais c’est encore celle de tout chrétien que la vie aura lentement tourné vers les véritables biens, jusqu’à franchir enfin, au soir de sa vie, le seuil de la céleste Patrie.

Fondamentalement, cet esprit de pauvreté est donc caractéristique de celui qui se sait ici-bas étranger et voyageur (He 11, 13). Un tel constat en entraîne aussitôt un second. Notre pérégrination se faisant dans l’adversité – à raison même du premier péché – le détachement chrétien est encore celui du soldat qui, à chaque fois que le combat approche, ne garde que les armes nécessaires ; délibérément, il laisse en arrière tous les impedimenta, ces lourds bagages nécessaires au campement. Oui, l’Église ici-bas est militante, et la lutte est âpre : « Bien-aimés, je vous exhorte, comme des étrangers et des voyageurs, à vous garder des convoitises de la chair qui font la guerre à l’âme » (1 P 2, 11). Quant aux biens matériels, le monde pécheur – et initialement chacun de nos cœurs – est soumis à deux maîtres qui mènent la guerre à l’âme. Le premier répond au nom de Richesse, le second à celui de Misère ; chacun à sa manière tend à enfermer l’homme dans les préoccupations de la matière, et tous deux finissent souvent par opposer les hommes entre eux, détruisant tour à tour la paix familiale, sociale, ou internationale. Le disent suffisamment les querelles d’héritages, le règne de l’intérêt particulier propre au capitalisme comme l’histoire des conflits de ces dernières décennies. Et le règne de Mammon comme celui de Misère ne s’en répandent que plus. Le motif en est simple : le cœur humain laissé à lui-même est habité par un désir désordonné des biens matériels, par la convoitise des biens de ce monde. De cet esclavage destructeur, Dame pauvreté entend nous libérer. A celui qui, re-né avec le Christ, daigne l’écouter, elle s’adresse ainsi : « Si vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les choses d’en haut, où le Christ est assis à la droite de Dieu ; ayez du goût pour les choses d’en haut, non pour celles qui sont sur la terre. […] Faites donc mourir […] l’avarice, qui est une idolâtrie » (Col 3, 1-5).

Comment mener cette lutte, comment faire régner Dame pauvreté en nos foyers ? « Faites l’aumône, faîtes-vous des bourses que le temps n’use pas, un trésor inépuisable dans les cieux » (Lc 12, 33). La règle de l’esprit de pauvreté est simple : les biens matériels sont là pour faire le bien. L’acte premier de cet esprit de pauvreté reste donc l’aumône. Heureux le foyer qui sait indexer en son budget prévisionnel une part, si minime soit-elle selon les possibilités, pour faire le bien ! Heureux le grand adolescent qui, dès son premier salaire reçu, saura en consacrer une partie à autre que lui-même ! Il ne saura le faire que si, auparavant, il aura appris de ses parents la pratique de l’aumône. La petite Thérèse de Lisieux volera d’autant mieux vers les sommets de l’union à Dieu que son père lui aura appris, encore enfant, à pratiquer chaque dimanche l’aumône envers les pauvres… Qu’est-ce encore que la pauvreté familiale ? Celle qui sait combattre le délétère esprit de consommation, celle qui à travers le respect du patrimoine se considère comme usager des biens de ce monde plutôt que comme propriétaire, et apprend aux enfants la fuite de tout gâchis, qu’il s’agisse de nourriture ou d’électricité. C’est encore elle qui enseigne à se mettre au service des pauvres, à aider les indigents.

Pour le foyer chrétien habité du désir d’éternité, il ne fait aucun doute que la prudence jointe à la générosité saura faire régner Dame Pauvreté en son sein. Alors oui, Bienheureux sont-ils, car le royaume des cieux est à eux (Mt 5, 2). Dès ici-bas, à travers le voile de la foi, Dieu leur donne le centuple en leur découvrant quelque chose de sa transcendance divine.

Chanson d’automne

Interprété par Jean Lumière (1895-1979)

Les paroles de cette chanson sont tirées de la poésie « Paysage d’octobre » (« Les névroses – 1183») de Maurice Rollinat (1846-1903). Rollinat n’est guère recommandable par sa vie (et sa conception de la vie, très sombre), mais c’est un poète qui chante la nature avec talent. N’écoutez pas cette chanson si vous êtes d’humeur mélancolique !  Si vous êtes touché par la leçon de dépouillement que donne l’automne, vous y trouverez de quoi méditer, sans tomber dans le pessimisme surtout ! Pour ceux qui souhaitent connaître le texte intégral du poème : https://fr.wikisource.org/wiki/Paysage_d%E2%80%99octobre

Les nuages sont revenus,
Et la treille qu’on a saignée
Tord ses longs bras maigres et nus
Sur la muraille renfrognée.
La brume a terni les blancheurs
Et cassé les fils de la Vierge,
Et le vol des martins-pêcheurs
Ne frissonne plus sur la berge.

Refrain

Viens cueillir encor un beau jour
En dépit du temps qui nous brise
Et mêlons nos adieux d’amour
Aux derniers parfums de la brise.

(couplet ajouté pour harmonisation, n’est pas de Rollinat)

Les arbres se sont rabougris ;
La chaumière ferme sa porte, 
Et le petit papillon gris
A fait place à la feuille morte.
Plus de nénuphars sur l’étang ;
L’herbe languit, l’insecte râle, 
Et l’hirondelle en sanglotant
Disparaît à l’horizon pâle.

https://open.spotify.com/search/results/jean%20lumi%C3%A8re%2C%20chanson%20d’automne

Les Saisons (Die Jahreszeiten) – L’automne – Oratorio profane (1799-1801) – Joseph Haydn

Notre citation pour septembre et octobre :

Le plus bel instrument, le plus vieux, le plus vrai, la seule origine à laquelle notre musique doit son existence, c’est la voix humaine ». Richard Wagner (1813 – 1883).

 Les Saisons (Die Jahreszeiten) – L’automne – Oratorio profane (1799-1801) – Joseph Haydn

Trio (Simon, Hanne et Lukas) avec chœur

(Texte tiré d’un poème de Thomson, c’est une vision « déiste » de la nature et du travail qui peut néanmoins nous inciter à bénir nos occupations et à rendre grâce à Dieu d’être propre à les accomplir).

Simon :

So lohnet die Natur den Fleiß;

ihn ruft, ihn lacht sie an,

ihn muntert sie durch Hoffnung auf,

ihm steht sie willig bei;

ihm wirket sie mit voller Kraft.

Ainsi la nature récompense le labeur ;

elle le sollicite, elle lui sourit,

elle l’encourage par l’espérance,

elle l’assiste de bonne grâce,

elle agit en sa faveur de toutes ses forces.

 

Hanne, Lukas :

Von dir, o Fleiß, kommt alles Heil.

Die Hütte, die uns schirmt,

die Wolle, die uns deckt,

die Speise, die uns nährt,

ist deine Gab’, ist dein Geschenk.

De toi, ô ! labeur, vient tout salut.

La chaumière qui nous abrite,

la laine qui nous habille,

les aliments qui nous nourrissent,

sont ton don, sont ton cadeau.

 

Hanne, Lukas, Simon :

O Fleiß, o edler Fleiß!

 Von dir kommt alles Heil.

O ! labeur, ô ! noble labeur !

De toi vient tout salut.

 Hanne :

Du flößest Tugend ein,

und rohe Sitten milderst du.

Tu inspires la vertu

et tu adoucis les mœurs grossières.

Lukas :

Du wehrest Laster ab

und reinigest der Menschen Herz.

Tu préserves du vice

et purifies le cœur de l’homme.

 Simon :

Du stärkest Mut und Sinn

zum Guten und zu jeder Pflicht.

Tu renforces le courage

et le sens du bien et du devoir.

  Hanne, Lukas, Simon avec Chœur :

 O Fleiß, o edler Fleiß,…    

O labeur, ô ! noble labeur…

https://www.youtube.com/watch?v=Il7QFtUYXBo

 

 

Le détachement matériel

Nous vivons un temps où « les valeurs » vantées publiquement, officiellement, sont celles de la consommation et du confort…Tout nous y pousse ! Ce monde s’oppose à celui de Dieu, il refuse la lumière de l’Evangile. Il recherche sans fin les plaisirs, les honneurs, les richesses matérielles. Or, si nous voulons vivre en enfants de Dieu nous devons renoncer aux convoitises de ce monde. Renoncer à toutes les choses qui nous éloignent ou même, pire, nous séparent de Dieu ! Réalisons-nous suffisamment le danger d’une telle tendance ? pour nous-mêmes d’abord et, plus encore, pour nos enfants ?

Ce n’est pas tout de « renoncer au mal et aux convoitises de ce monde », saint Paul définit en trois mots le comportement digne d’un « enfant de Dieu », d’un véritable catholique : vivre dans la tempérance, la justice et la piété

Arrêtons-nous sur le premier de ces trois points : la sobriété, la modération, notamment en ce qui concerne l’usage des choses matérielles, c’est-à-dire « vivre en hommes raisonnables », en gardant une maîtrise de soi mais aussi une prudence et une modération dans cet usage des choses créées.

Tournons-nous à présent vers ce petit enfant de la crèche couché sur la paille, le Fils de Dieu lui-même venu nous enseigner comment vivre en vrais enfants de Dieu… Sommes-nous prêts à l’imiter jusqu’à ce dénuement de Bethléem ? Aussi bien, sans aller jusqu’à pareil « extrême », n’avons-nous pas à puiser devant la crèche quelques leçons de simplicité ? Demandons-nous cette grâce de parfait détachement de toutes les choses créées dont la Sainte Famille nous donne l’exemple ?

Bien sûr il y a une consommation normale, juste, légitime, mais elle a des limites : à nous de fixer ces limites, à nous de ne pas les dépasser. Sachons nous faire, sur ces points, une « règle de vie » …et nous y tenir. C’est dans la mesure où nous aurons acquis une bonne maîtrise de nous-mêmes dans la tempérance que nous pourrons mieux les imposer à nos enfants.

Cela ne peut se faire sans un esprit de pénitence et un goût du sacrifice, en sachant accepter de bon cœur les sacrifices imposés ( peu de moyens financiers, une maladie qui prive de loisirs ou contraint à un régime alimentaire contraignant, pas autant d’enfants qu’on aurait souhaités , ou même pas d’enfants du tout parce que la Providence a voulu cet immense sacrifice pour nous…), mais aussi les sacrifices volontaires ( pas de Nutella tous les matins au petit déjeuner, se priver d’acheter un vêtement ou un repas tout fait en prenant le temps de le confectionner soi-même, refuser d’allumer l’ordinateur trop tôt dans la journée tant que l’on n’en a pas un besoin indispensable…).

Nous éduquerons nos enfants à ce détachement matériel :

Vers deux ans, prêter : doucement, l’encourager à prêter ses affaires, à s’en séparer (ce qui est loin d’être spontané à cet âge !). Cela se fera plus par persuasion que par contrainte en mettant en avant le « pour faire plaisir » à l’autre, en restant souple car cela reste du domaine facultatif.

Réparer : nous aurons à cœur de lui apprendre à ne pas abîmer ce qui lui a été prêté, (ou ce qu’il a pris…) ou, sinon de lui faire réparer avant de le rendre (nous le ferons avec lui tout en lui laissant faire lui-même ce dont il est capable).

Vers quatre ans, partager : à partir de trois ou quatre ans, un enfant devient plus disposé à la générosité : il aime faire plaisir aux autres. C’est donc maintenant que l’on peut développer encore cette générosité en reliant les efforts qu’il va faire à l’amour de Jésus : partager avec l’autre, c’est comme si on partageait avec Jésus. Les occasions matérielles ne manquent pas, mais surtout, rien ne sert d’exiger d’eux qu’ils partagent avec les autres ce qu’ils ont envie de garder pour eux si nous-mêmes ne leur en donnons pas l’exemple : maman se prive de dessert car il manque un fruit dans le compotier…papa prête ses outils au voisin…

A six ans et plus, ne pas gaspiller : nous baignons dans une société si poussée à la consommation que, bien souvent, nous n’avons plus conscience des occasions de gaspillage : dans l’alimentation, les vêtements, les fournitures scolaires, le gâchis du papier…A chacun de voir ce qu’il peut améliorer dans sa vie quotidienne pour moins gâcher en vrais enfants gâtés que nous sommes hélas devenus ! Expliquons à nos enfants que tout ce qui est ainsi gaspillé est perdu, alors qu’il pourrait servir à ceux qui n’ont rien…Apprenons-leur à réutiliser un morceau de papier encore vierge, à terminer le pain rassis avant d’entamer la baguette croustillante… accommodons de temps en temps les petits restes qui traînent dans le réfrigérateur, mettons une pièce sur le genou du pantalon troué, ou transformons-le en bermuda ! Nos enfants verront que le détachement matériel n’est pas nécessairement une question de budget, mais surtout un état d’esprit, celui de la pauvreté que nous demande Jésus, de la paille de sa pauvre crèche à son dépouillement sur la croix !

Après douze ans, se former : en plus de la pratique du détachement matériel dans la vie quotidienne, nous les dirigerons vers un apprentissage de la doctrine, au moyen de lectures (comme le catéchisme de St Pie X) et de conversations, meilleurs moyens de leur donner des idées claires et bien fondées.

En apprenant à nos enfants à savoir se contenter du strict nécessaire, sans se plaindre de ce qui leur manque (ou de ce dont ils rêveraient !), sans désirer ou rechercher le « superflu », ils adopteront un style de vie simple et modeste et comprendront que l’on est bien plus par ce que l’on est que par ce que l’on a !

Sophie de Lédinghen

Ces petits riens qui nous agacent…

 

            Ce sont parfois les plus petites choses qui nous irritent le plus facilement. Oh il s’agit surtout de ces petites choses anodines, qui tapent sur les nerfs, mais sans entamer l’amour mutuel des époux. Même un bon mariage offre ses petits défauts à supporter : une manie qui vire au « tic », un craquement de doigts, un raclement de gorge, une maniaquerie maladive dans le rangement d’une petite cuillère…

On avait la certitude d’avoir épousé l’homme parfait, la femme sans défaut, et voilà que peu à peu cesse notre vision du Mont Thabor devant l’époux idéalisé. A présent que nous avons le privilège de nous côtoyer jour et nuit, nous nous apercevons de bien des singularités, qu’elles soient drôles, gauches ou irritantes. Chacun de nous, examiné sous le microscope de la vie quotidienne, va révéler des petites manies personnelles qui, pour notre prochain, paraîtront bizarres ou agaçantes.

Le mariage présente constamment des occasions que nous pouvons utiliser pour ou contre notre amour mutuel. Lorsque nous considérons un défaut chez notre époux et que nous nous y attardons, nous faisons un rapprochement entre sa personnalité et cette manie, et nous commençons à le voir davantage comme un objet que comme une personne, nous le déformons. Or considérer quelqu’un de l’extérieur est manquer à la charité. Observer d’un œil critique celui que l’on aime est une forme de trahison ; cela brise peu à peu la douce intimité qui existe entre les époux. C’est pourquoi nous devons toujours nous efforcer de regarder par-dessus les particularités et considérer l’intérieur en nous attachant à la personnalité profonde de l’être aimé. Plus on y parviendra, plus les petites manies perdront de leur importance… peut-être même jusqu’à devenir quelque peu sympathiques !

Parfois un certain nombre d’agacements se sont accumulés au fond de notre cœur, et l’on se trouve soudain face à une foule de ressentiments qui feront bientôt place à des disputes successives, parties de faits pourtant insignifiants ! Fatigues, aigreurs accumulées…on se répond d’un ton sarcastique. Considérées séparément ces blessures sont anodines…prises toutes ensemble elles deviennent considérables, quoique petites ! Pour une seule vétille, il n’y a pas de problème ; quand il y en a cinquante en même temps c’est tout différent ! Une façon d’éviter leur accumulation est d’en parler en ménage dès qu’elles se produisent, et chercher le remède à ces incidents irritants. Et si une discussion calme ne suffit pas, il reste encore un moyen, en plus de la prière souvent efficace, que l’on peut utiliser intérieurement : au lieu de tenir mentalement un registre dans lequel on consigne toutes les « manies » de son conjoint, efforçons-nous de dissoudre chacune d’entre elles dans notre amour pour lui à mesure qu’elles se présentent. Chaque soir, avant de nous endormir, essayons d’effacer consciemment de notre esprit les petites difficultés de la journée en les offrant en sacrifices à Notre-Dame, en lui demandant de les prendre en charge pour nous ; ainsi pourrons-nous commencer la journée suivante avec un cœur neuf.

Quelle que soit la profondeur de notre amour, nos imperfections et des circonstances difficiles ternissent inévitablement la beauté de l’âme que nous avions d’abord perçue chez notre futur époux, et nous en venons à nous demander si cette vision du Mont Thabor n’était pas simplement une illusion à présent dissipée…

Dans ces moments plus difficiles, tournons-nous alors vers le « coffre aux trésors »de nos plus tendres souvenirs, et efforçons-nous de faire renaître un geste, une parole, un acte de générosité ou d’héroïsme qui nous avait révélé la véritable nature, l’unique beauté de cet amour. Cette simple contemplation fera perdre de l’importance à la difficulté du moment et ravivera votre amour ! Au fur et à mesure de notre vie, prenons bien soin de placer de nouveaux souvenirs dans notre « coffre aux trésors », les petits désaccords s’amenuiseront et nous reverrons notre époux dans toute sa splendeur !

Avez-vous constaté comme il est plus facile de remarquer les défauts des autres, tout en passant allègrement par-dessus les siens ? Il m’est tellement plus agréable de me voir comme un être exceptionnel et de m’installer confortablement dans toutes sortes d’illusions sur ma personne ! Je préfère m’attarder sur les défauts des autres qui ne me posent aucun problème (sauf si j’ai à en souffrir).

Vous avez noté un bon nombre d’imperfections chez celui ou celle que vous aimez, vous le trouvez paresseux, autoritaire, impatient…et au lieu d’en discuter calmement à deux, voilà que vous vous mettez à pointer du doigt ses défauts en indiquant que vous apprécieriez qu’il les corrige…

Non seulement vous n’obtenez pas grand-chose en le critiquant ainsi, mais il se met à répliquer en vous faisant remarquer vos propres défauts (dont, par exemple, votre facilité à le critiquer !), et le tout dégénère en dispute.

Dans la vie conjugale, c’est souvent en commençant à se réformer soi-même que l’on fait progresser les choses ; c’est alors que, chose étrange, on voit apparaître des solutions à nos problèmes, nous réalisons que nos propres actions provoquaient de mauvaises réactions que nous déplorions chez les autres, et nous découvrons que notre pratique des vertus permet aux autres de changer plus facilement.

-Contrairement à ses amis, son mari Patricius ne devint jamais violent, ce qui lui permit de continuer à s’efforcer de l’aimer convenablement.Prenons l’exemple de sainte Monique qui avait un mari dur et irascible. Au lieu d’essayer de changer son caractère par les critiques et les reproches (ce qui n’aurait fait qu’augmenter son irritation) elle maîtrisa son propre caractère et apprit la patience. Ce qui eut pour effet deux choses :

-Par l’exemple de sa bonté, Monique finit par avoir raison de son mari, si bien qu’elle eut la joie de voir ce païen se convertir peu de temps avant sa mort.

Elle vit qu’il était préférable de se concentrer sur l’ivraie de son propre jardin plutôt que d’arracher celle qui poussait dans celui de son mari. La sainteté est plus efficace que l’éloquence !Elle avait détourné son attention principale des imperfections de son mari pour se concentrer sur les siennes propres, en s’efforçant de devenir elle-même plus sainte.

Ce n’est pas ce qui est plus facile qui nous intéresse, c’est ce qu’il y a de plus beau !

SL