Faire grandir son enfant

           Nos enfants, je ne vous l’apprends pas, sont ce que nous avons de plus cher sur cette terre. Que ne sommes-nous pas prêts à mettre en œuvre pour leur bien-être, leur satisfaction, leur joie de vivre ! Oui, nous voulons les voir souriants, ne manquant de rien, ne souffrant d’aucun tourment… Et souvent cela nous conduit à les détourner du vrai but de notre mission parentale, le bonheur du ciel. 

  En venant sur la terre, Notre-Seigneur est venu dire aux hommes qui était son Père dans le ciel, et leur montrer ce qu’il fallait faire sur la terre pour aller à Lui : le connaître, l’aimer et le servir par la prière, le devoir d’état, l’amour du prochain, le sacrifice… C’est donc la voie à suivre dans notre éducation.

  Nous observons, autour de nous, même dans les milieux catholiques, beaucoup de parents qui essaient de préserver leurs enfants de toute épreuve physique ou morale, de toute privation, de toute contrainte… Combien voyons-nous aujourd’hui d’enfants et d’adolescents incapables d’affronter l’adversité, de prendre sur eux pour l’accepter ou la combattre ; qui subissent les événements parce qu’on ne leur a pas appris à se dépasser en faisant preuve de caractère et de volonté.

  C’est tout petit que nous donnerons l’esprit de sacrifice et le sens de l’effort à notre enfant, en ne cédant pas à ses caprices, en ne le protégeant pas de tout. S’il tombe sans se faire mal, laissons-le se relever. Comment se relèvera-t-il plus tard, lorsque les épreuves de la vie se chargeront de le faire tomber, si on ne le lui a pas appris ? Comment trouvera t-il le courage d’affronter l’adversité ou d’encaisser un coup dur si on ne l’a pas laissé faire les choses « tout seul » (fermer les boutons de son manteau, ranger sa chambre, rendre service…) dès qu’il en a été capable ? Tout jeune, donnons des exigences à notre enfant qui doit savoir obéir tout de suite et sans grogner, prêter ses affaires, terminer ce qu’il a commencé, non seulement parce que Papa ou Maman l’a demandé mais aussi pour les faire de bon cœur… Et si Maman est contente, Jésus est content aussi !

  L’enfant et l’adolescent ont eux-mêmes à se priver, à faire l’effort, à supporter leur part de la vie. Si les parents veulent que leurs enfants soient forts face à la tentation, et courageux dans les combats de chaque jour, ils doivent être familiarisés avec l’effort. Comment se fortifieront-ils si leur mère se précipite auprès du professeur pour réparer une injustice de quelques demi-points au dernier devoir, ou pour expliquer (avec renfort de larmes parfois !) que la punition est beaucoup trop lourde ?! En plus de discréditer auprès de l’enfant ledit professeur auquel on aura donné tort, et dont on aura ainsi sapé l’autorité, le parent aura fait preuve de faiblesse auprès de son enfant. Comment voulez-vous que votre enfant grandisse et devienne responsable de ses actes si vous abaissez les barrières qui sont là justement pour l’aider à se construire ? Quel adulte voulez-vous vraiment que votre enfant soit demain ? Oui, il aura des croix à porter toute sa vie, il n’y a pas de ciel sans croix. Dieu lui-même a voulu cela pour son propre fils qu’il n’a pas épargné, loin de là !

« Mais je ne supporte pas de le voir souffrir ! » Alors, madame, aidez-le à porter ses croix au lieu de les lui porter. Les parents ne sont pas là pour empêcher leurs enfants de souffrir, mais pour aider, encourager et souffrir avec eux s’il le faut. Ce n’est pas la Sainte Vierge qui a été crucifiée à la place de son fils, et pourtant elle était là, debout au pied de la croix, silencieuse mais présente… Et elle priait en souffrant avec lui.

  C’est lorsque votre enfant sera encore petit que vous l’encouragerez et le consolerez doucement en lui demandant d’offrir sa peine, son sacrifice, la petite dispute, en donnant son cœur à Jésus dans une petite prière ou un baiser. Vous l’aiderez à reconnaître ses torts, ou trouverez quelques excuses à l’adversaire tout en lui disant que vous pouvez comprendre cette colère qu’il ne doit pourtant pas garder au fond de lui. Vous tempérerez sa nature rebelle avec tact ou même en le taquinant !

  Plus vous aurez fortifié le caractère et la volonté, mieux vos enfants traverseront et surmonteront leurs épreuves. Donnez-leur aussi le sens de la générosité, du don d’eux-mêmes, apprenez-leur à se détourner de leur petite personne pour se rendre utiles et agréables aux autres. Laissez-les prendre des initiatives, des responsabilités, et tant pis si le premier gâteau a un peu trop roussi dans le four, ils tireront les conséquences de leurs actes et se corrigeront d’eux-mêmes pour les fois suivantes, c’est comme cela qu’on devient humble et responsable !

  Plus tard, les chagrins seront plus grands, les blessures plus profondes, ainsi que les rancœurs. Les échecs auront de plus graves conséquences et certaines peines ne guériront peut-être jamais…Vous resterez consolateurs, écouterez avec patience. S’il y avait un conflit avec un professeur, un chef scout, l’autre parent, un prêtre ou toute personne détenant une autorité sur l’enfant, vous devez toujours soutenir l’autorité et ne pas prendre parti systématiquement pour votre enfant. Donnez des circonstances atténuantes pour minimiser les griefs, et prenez du recul afin d’aider l’enfant à accepter ce qui le peine ou le contrarie. Vous le connaissez suffisamment pour savoir, qu’il peut exagérer et aggraver les choses, mais si vous le voyez vraiment dans la révolte, il est possible que quelque injustice soit arrivée. Dans ce cas, on trouvera discrètement la personne concernée pour savoir ce qui s’est passé et, au besoin, s’entendre pour rectifier une parole ou une action inadaptée. Mais cela doit rester tout à fait exceptionnel, et sans que l’enfant en ait connaissance.

 Ce n’est pas parce que la colère ou le chagrin est passé que tout va bien… Il reste souvent encore un petits poids sur le cœur de notre enfant, une amertume, un regret, et cela peut être long avant de disparaître, et c’est vrai que cela est douloureux à notre cœur de père et de mère. Nous poursuivrons alors notre travail en soutenant de nos prières, à deux et dans le secret. Parfois, nous avons tout dit pour mettre en garde notre enfant qui s’égare (mauvaises influences, mauvais choix de vie, mauvaises occupations ou habitudes…), et rien ne change. Il faut encore se surpasser dans le sacrifice, et le déposer entre les bras de la Providence avec une confiance dont seuls des parents aimants sont capables, nous en serons toujours récompensés. Oui vraiment, une bonne éducation est aussi la sainteté des parents !

       

Sophie de Lédinghen

 

 

Après Traditionis Custodes,comment garder la Tradition?

C’est le thème du XVIème congrès de la revue Si si no no, organisé avec DICI, qui s’est tenu le 15 janvier 2022 à Notre-Dame de Consolation à Paris devant une nombreuse assistance, très intéressée par ce sujet que l’actualité religieuse de ces derniers mois a mis au premier plan. Le motu proprio Traditionis Custodes du 16 juillet 2021 a, en effet, considérablement restreint la possibilité pour le clergé diocésain et les prêtres des communautés ralliées à Rome de donner les sacrements selon le rite traditionnel. Les responsa ad dubia – réponses aux objections – publiées le 18 décembre 2021 par la Congrégation du culte divin ont donné de ce texte une interprétation extrêmement stricte. De telles célébrations ne sont plus possibles pour les confirmations et les ordinations et sont réservées aux paroisses personnelles pour les baptêmes et les mariages. Quant aux messes, elles sont soumises à un strict régime d’autorisation. L’interdiction de créer de nouvelles paroisses ou même de nouveaux groupes va considérablement limiter l’apostolat des communautés Ecclesia Dei ainsi que la possibilité pour le jeune clergé diocésain de promouvoir, au sein de l’Eglise officielle, un mouvement conservateur encore timide mais réel.

  Les six conférences ont été données par les abbés Portail, Lorans et Gleize, M. Viain, et enfin, les abbés Espinasse et Pagliarani. Elles ont porté sur l’histoire des indults et motu proprio relatifs à la célébration de l’ancienne messe, les relations entre celle-ci et le Concile, le rôle des laïcs dans le combat pour la messe et sa place occupée dans l’Eglise en France, avant la conclusion du Supérieur général. Les actes du congrès devraient être publiés dans les prochains mois, mais il est déjà possible de donner un aperçu des principales thématiques abordées.     

  L’histoire des six indults et motu proprio qui se sont succédés depuis 1969 sur la possibilité de célébrer la messe selon le rite traditionnel est instructive car elle permet de dégager quelques constantes au-delà des modalités qui ont pu varier dans le temps. Au début des années 1970, Paul VI répond déjà par la négative au philosophe français Jean Guitton qui plaide auprès de lui pour une libéralisation de la messe de saint Pie V, au nom de l’unité ecclésiale et parce que ce serait une condamnation du concile Vatican II.  En 1984, l’indult qui donne aux évêques le droit d’autoriser la célébration de la messe selon le rite traditionnel, tout en enserrant celle-ci dans des conditions strictes, réserve cette possibilité à ceux des catholiques qui ne remettent pas en cause la validité et la légitimité de la nouvelle messe.  Cet indult a fait l’objet d’un élargissement aux communautés créées après les sacres de Mgr Lefebvre en 1988, sans que cette limitation ait disparu. Nous retrouvons tous ces éléments dans le motu proprio de juillet 2021 et même certains d’entre eux dans le motu proprio Summorum Pontificum édicté par Benoît XVI en juillet 2007. Un autre trait caractéristique de ces textes est l’éclairage donné sur leurs fins pastorales. Ils s’adressent à des fidèles présumés âgés qui ont du mal à accepter les changements apportés par les réformes liturgiques et auxquels un temps d’adaptation est nécessaire. Dans les indults de 1984 et de 1988, ainsi que dans le motu proprio de Benoît XVI, il existe une volonté de désenclaver les catholiques traditionnalistes en les intégrant dans un courant conservateur de l’Eglise conciliaire dans le but de les faire converger progressivement vers l’acceptation de la nouvelle messe et du concile. Le régime beaucoup plus strict applicable aux célébrations selon l’ancien rite a suscité, dans ces communautés, des réactions en général plus fortes chez les laïcs que chez les clercs, mais leur acceptation de ne pas contester la validité et la légitimité de la nouvelle messe bride leur capacité de résistance.

  En reprenant les textes sur la célébration de l’ancienne messe, nous nous heurtons, au moins depuis 1984, à une contradiction : alors que les autorités romaines proclament de façon constante que la nouvelle messe est, avec la liberté religieuse, la collégialité et l’œcuménisme, un des fruits du concile Vatican II, l’autorisation donnée de pouvoir célébrer selon l’ancien rite est subordonnée à la reconnaissance de la validité et de la légitimité de la nouvelle messe et à l’absence de contestation du concile. L’actuel préfet de la congrégation du culte divin, Mgr Roche, a clairement affirmé que l’ancienne messe « diverge de la réforme conciliaire ». 

  Le motu proprio de 2007 Summorum Pontificum de Benoît XVI s’est écarté, au moins en apparence, de cette approche. Au-delà de la concession capitale de l’absence d’abrogation de l’ancien rite de la messe qui contredit certaines déclarations du pape Paul VI, il repose sur un équilibre plus subtil que réaliste :  il n’y pas d’opposition entre les deux messes, la nouvelle et l’ancienne représentent respectivement la forme ordinaire et la forme extraordinaire de l’unique rite romain et les deux ont vocation à s’enrichir mutuellement l’une et l’autre.  

  Les différences entre Summorum Pontificum et Traditionis Custodes doivent cependant être relativisées. Dans les deux motu proprio, la messe de saint Pie V ne constitue pas la norme. Pour Traditionis Custodes, la nouvelle messe est la seule expression du rite romain. Pour Summorum Pontificum, elle a une prévalence de principe sur l’ancienne. La forme ordinaire a un caractère permanent et durable, la forme extraordinaire présente un caractère contingent et provisoire. En 2008, Benoît XVI, parlait au sujet du motu proprio Summorum Pontificum d’« un acte de tolérance ». Or l’objet de la tolérance est de permettre un moindre mal en vue d‘un plus grand bien. Pour paraphraser Louis Veuillot, c’est une illusion libérale de croire que l’erreur tolérera toujours la vérité.     

  Les raisons de s’opposer à la nouvelle messe ont été amplement exposées, en premier lieu dans le Bref examen critique signé par les cardinaux Ottaviani et Bacci puis par d’éminents auteurs comme Louis Salleron et Jean Madiran. Il ne s’agit pas de préférences personnelles ou esthétiques qui devraient céder le pas devant le bien commun de l’Eglise mais de raisons d’ordre doctrinal. Le nouveau rite s’est éloigné de la théologie de la messe définie par le Concile de Trente tant en ce qui concerne le rôle du prêtre, la présence réelle et la fin propitiatoire du sacrifice.  Le frère Max Thurian de la communauté protestante de Taizé admet la possibilité pour des protestants de célébrer leur cène en utilisant le nouveau missel alors que cela eût été impossible avec l’ancien. Le frère Schulz, de la même communauté, reconnaît des similitudes ente les nouvelles prières eucharistiques et la messe luthérienne. 

  Au-delà de l’enjeu théologique, de loin le plus important, il faut se demander si la libéralisation de la messe de saint Pie V constituait une menace pour l’Eglise conciliaire. Le journal La Croix parlait en juillet 2021 de petite minorité en croissance pour caractériser les catholiques Ecclesia Dei. En France, 60 000 fidèles assistent chaque dimanche dans 250 lieux de culte – dont le nombre a doublé entre 2007 et 2021 – à la messe tridentine célébrée, dans la moitié des cas, par des prêtres diocésains et, pour l’autre moitié par des prêtres appartenant à des Instituts. Ces 60 000 fidèles représenteraient 4 % des pratiquants français. Ces chiffres ne prennent pas en compte les fidèles qui fréquentent les centres de messe de la Fraternité Saint Pie X.  Le ton très offensif de Traditionis Custodes tranche avec la déchristianisation rapide des pays d’ancienne chrétienté : pour rester en France, le nombre annuel de baptêmes a été divisé par deux entre 2000 et 2018 pour descendre à 215 000.     

  La conclusion revenait bien sûr au Supérieur général. Le motu proprio Traditionis Custodes concerne au premier chef les communautés Ecclesia Dei mais celles-ci sont très liées à l’histoire de la Fraternité Saint Pie X et, en particulier, aux sacres conférés par Mgr Lefebvre en 1988.  Summorum Pontificum a été conçu pour conforter l’aile conservatrice de l’Eglise sans remettre en question les causes de la situation que Benoît XVI voulait améliorer. Le choix de la Fraternité est de garder la liberté inconditionnelle de professer la vraie foi en laissant à la Providence le soin d’en gérer les conséquences plutôt que de soumettre une telle possibilité à la volonté d’une autorité qui marche dans le sens opposé. La Fraternité Saint Pie X ne demande pas un autel latéral, fût-il privilégié, dans une Eglise ouverte à tous les courants, elle demande la foi et la messe tridentine, inconditionnellement, pas seulement pour elle-même mais pour toute l’Eglise.  

Thierry de la Rollandière

 

Enfin la retraite !

           L’un de nos lecteurs nous a envoyé un article, qui fait suite à notre précédent numéro. C’est bien volontiers que nous le publions. Nous le remercions vivement pour sa généreuse participation.

           Que de rêves n’avons-nous formulés en attendant la retraite ? Que de projets et sollicitations avons-nous repoussés pour ne pas nuire à notre devoir d’état ?

  Mais qu’est-ce que la retraite ?

  Pour certains elle est attendue comme de grandes vacances, pour d’autres, c’est la rupture brutale d’une activité principale et d’un rythme de vie ; pour d’autres encore, c’est une diminution d’activité (certaines entreprises pratiquent même la retraite progressive) mais pour tous, c’est un changement de vie et d’activité important, libérant du temps disponible, l’occasion de redéfinir ses priorités.

  Dans mon entreprise, de nombreux retours plus ou moins dramatiques de jeunes retraités, désorientés, perdus, déprimés, avaient alerté les services des ressources humaines sur la nécessaire préparation à la retraite.

  Une formation sur deux jours fut mise en place ; quelques années plus tard cette formation était toujours en tête des indices de satisfaction. Je me décidai à la découvrir.

  L’idée de base était que chaque participant ressorte de la formation avec son livre de retraite rempli, divisé en 3 parties avec les consignes suivantes :

 – Premier chapitre : placer les occupations dont vous avez toujours rêvé mais que vous n’aviez pas le temps de réaliser, des activités pour lesquelles vous aimeriez consacrer du temps et de l’énergie, à condition que ce soient des activités où vous réaliseriez quelque chose.

 – Deuxième chapitre : pris par la vie professionnelle, vous avez peut être mené des vies parallèles avec votre conjoint, c’est le moment de se rapprocher et d’inventer des activités à deux. Consigne : placer des occupations communes.

 – Troisième chapitre : la retraite peut être un temps de repli ou d’isolement. Plus d’écoles ou d’entreprises pour retrouver un environnement social. Réfléchissons à donner de notre temps pour les autres : que ce soit la visite de malades ou de personnes âgées, aider dans une association, auprès de jeunes, etc. Ce temps donné est très gratifiant et nous donnera le sentiment d’être utile : placer des occupations au service des autres.

  La session fut animée, des questions surgissaient, des idées aussi, des difficultés apparurent, notamment pour remplir le deuxième chapitre, bref les stagiaires construisaient leur nouvelle vie.

  Si cette formation fut un succès, c’est à mon sens que les travaux demandés répondaient aux questions que chacun se posait : qu’est ce qui est important dans la vie, comment se rendre utile, conserver un rôle dans la société, comment rendre belle et heureuse cette nouvelle période de notre vie ?

– La grande affaire de notre vie

  Bien sûr la grande affaire de notre vie est de gagner notre ciel, aussi la retraite en offrant du temps disponible et moins de soucis matériels est un moment favorable pour s’y préparer.

Nos abbés sauront très bien nous y aider pourvu que nous leur demandions.

Le choix de sa résidence est important. Mon voisin rêvait de passer sa retraite au bord de la mer ; la proximité d’une paroisse ou d’un prieuré apparaîtra sans doute plus essentielle.

Plus précisément, nos prêtres nous recommandent de suivre une retraite spirituelle chaque année, ou au moins tous les deux ans. Pendant notre vie professionnelle, un tel rythme était souvent impossible. Pour un retraité, cela devrait être possible. Tous ceux qui ont essayé disent que cela vaut la peine !

Nos abbés nous conseillent aussi de lire des ouvrages de piété ou de doctrine. Mais le temps nous manquait souvent pour appliquer ces recommandations. Une fois à la retraite, cela devient possible. Nombreux sont peut-être les livres qui occupent les étagères de notre bibliothèque et que nous n’avons jamais ouverts !

Nos prêtres nous répètent souvent qu’il est utile et même nécessaire de prier et de recevoir les sacrements. Là encore, il faut bien reconnaître que, par le passé, notre surcharge de travail ne nous a pas permis d’être à la hauteur. Maintenant, il est plus aisé d’aller à la messe en semaine, de réciter le chapelet sans précipitation, et même parfois d’assister à un salut du Saint Sacrement ou un chemin de croix.

– Transmettre

  Au moment du départ à la retraite, ce que nous avons reçu, les histoires de la vie, les expériences acquises, peut-être les épreuves rencontrées, seront autant de choses qui pourront être utiles à transmettre aux générations suivantes.

  Donner des cours ou des conférences, écrire des livres ou des articles ou simplement prendre la peine de raconter, de parler, peu importe le moyen mais quelle nécessité de transmettre cet héritage ! Et quel bonheur ce sera alors d’instruire, de fixer des repères, de donner des exemples, de faire aimer notre pays et notre religion.

 

– Donner du temps pour les autres

  Lors de notre formation, chacun avait son idée pour donner un peu de son temps, et en ressentait la nécessité, notamment pour retrouver un environnement social. C’est une nécessité pour le retraité, mais c’est surtout une réponse adéquate à un réel besoin du prochain. Le Christ a dit : « Tout ce que vous ferez au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous le ferez ». Ils sont innombrables, les gens qui ont besoin de nous. Par exemple, les multiples associations qui gravitent autour de la Tradition cherchent sans cesse des bénévoles, et n’en trouvent jamais suffisamment. Les prieurés aussi sont souvent à la recherche de personnes disposant d’un peu de temps pour des activités très variables : comptabilité, ménage, organisation de kermesse, de procession ou de pèlerinage, sacristie, secrétariat, couture, enseignement du catéchisme, procure, etc. Dans les écoles également, les bénévoles sont bienvenus : surveillance, service de cantine, jardinage, entretien des bâtiments, enseignement, etc. C’est donc une excellente initiative que le jeune retraité propose ses services explicitement à son prieur ou à telle association. La charité étant la plus importante et la plus excellente des vertus, celle qui nous rapproche de Dieu, nous pouvons difficilement nous donner une ambition plus appropriée que celle de terminer notre vie sur terre à aimer et à aider notre prochain. En voici un bel exemple.

 

  La mère de saint Jean Bosco, maman Marguerite, avait accepté de consacrer les dernières années de sa vie à aider son fils prêtre dans son apostolat auprès des enfants. Un jour, elle perdit son sang-froid. Littéralement à bout de force, elle dit à son fils : « Cette fois, j’en ai assez, ça ne va plus. Hier, j’avais demandé aux enfants de rentrer la lessive que j’avais mise à sécher sur des cordes : ils me l’ont déchirée et traînée dans la boue. Dans le jardin, ils piétinent les légumes. Ils abîment tellement leurs vêtements que je ne sais plus où les raccommoder. Ils perdent leurs chaussettes. Ils cachent si bien la vaisselle de la cuisine que je dois la chercher pendant des heures. C’est fini, fini ! Je rentre à la maison pour avoir un peu de repos pour mes vieux jours ». Son fils, saint Jean Bosco, l’écouta sans l’interrompre ; il l’écouta sans dire un mot. Et quand elle eut fini, il montra simplement du doigt le crucifix qui était suspendu au mur. Maman Marguerite comprit. Elle réfléchit, puis dit en pleurant : « Tu as raison, mon enfant, je n’y avais pas pensé ». Et aussitôt, retrouvant son courage et son sourire, elle retourna à sa mission auprès des protégés de son fils, en silence à son ingrate besogne et y demeura jusqu’à son dernier soupir.

  Bienvenue à la retraite !

Olivier de Lacoste

 

Est-ce qu’apprendre à être poli, aide à grandir ?

           Si l’on écoute les reproches de nos anciens sur les jeunes d’aujourd’hui, il ressort qu’ils ne sont pas élevés, trop « désinvoltes », vraiment immatures : ils bousculent les vieilles dames au coin de la rue, ne savent pas dire merci, ne vivent que pour leur petit bonheur sans envergure.

  Est-ce qu’une des façons de devenir adulte ne serait donc pas de leur apprendre à être polis, civilisés par un certain savoir-vivre ? Toutes ces contraintes au quotidien quand ils sont petits, deviennent vite des habitudes, puis un véritable souci de gentillesse pour leur entourage, antidote nécessaire à l’égoïsme et au malaise des adolescents.

  La politesse facilite grandement les rapports entre les générations, et est un cadre dans lequel nos enfants peuvent se sentir à l’aise, en sachant tout naturellement dire Bonjour, ou Merci, avec un grand sourire qui fait toute la différence. Elle n’est pas un frein à leur développement, mais plutôt une armature qui leur permet de s’épanouir.

  Et c’est à nous, les parents, de leur inculquer ces principes, une des clefs du bonheur.

 

Apprendre à grandir

           Lorsqu’un soldat est incorporé dans l’armée, il commence par faire ses classes. Il apprend à saluer l’autorité, à distinguer les grades et reconnaître ceux qui les portent, à vivre avec ses camarades, à marcher au pas, à courir – sac au dos et arme en main – à tirer, à faire des manœuvres, etc. Un jour, il est prêt pour partir au combat. Plus la formation est poussée, plus la qualité s’impose : instructeurs exceptionnels, méthodes précises et rigoureuses, candidats triés sur le volet : ainsi en est-il des armées d’élite comme la Légion, les commandos marine ou le GIGN. Ces règles valent pour n’importe quelle profession, qu’il s’agisse, d’un compagnon du devoir, d’un médecin, d’un pilote de ligne, d’un violoniste ou d’un acteur de théâtre.

  Ce qui revient à dire que toute formation requiert quatre éléments : un formateur, un candidat, une finalité, une méthode. D’où quatre questions : qui forme, qui est formé ? comment, et jusqu’où ?

  En éducation, les formateurs sont les parents, celui qui est formé est l’enfant, le but à atteindre est le Ciel et le moyen est l’éducation. Or qu’y a-t-il de plus grand que de faire d’un enfant un saint ? Quel formateur sera assez qualifié pour cette noble et redoutable tâche où une éternité est en jeu ? Ces lignes se borneront à déterminer ce que nous devons faire grandir chez un enfant.

  Tout enfant naît avec cinq talents. C’est un bouquet à cinq fleurs : la piété, l’intelligence, la volonté, la sensibilité artistique et l’aptitude physique. Comment faire grandir ces cinq fleurs selon les âges ? Rappelons tout d’abord quelques grands principes :

– On ne donne que ce que l’on a. Comme une plante, l’enfant grandit aussi haut que son tuteur, mais ne va pas plus loin. Il suit ses courbures torves ou ses limites. Les parents doivent pratiquer ce qu’ils enseignent et alors, il arrive même que parfois, le disciple dépasse le maître.

– Il est important de ne pas adapter l’enfant à nos propres caprices (je veux sortir ce soir chez des amis, donc mon enfant se couchera tard). Ni nous plier à ses caprices (il a faim, il pleure, il veut ou ne veut pas, donc je cède). Il convient que parents et enfants s’adaptent à ce qui est objectivement bon pour l’enfant. L’éducation est une école de renoncement pour les parents, de docilité pour l’enfant. En éduquant, on s’élève. Certes, les deux parents sont à l’œuvre dans l’éducation. Au départ, la mère a un rôle central et le père est davantage en appui. Puis, pour les garçons, les rôles s’inversent : le père prend progressivement une place prépondérante dans l’éducation de son adolescent, tandis que la mère écoute, tempère et conseille.

– L’enfant requiert une attention de tous les instants. Avec calme et fermeté, la maman se penche sur ce jardin où poussent les ronces et les lys : elle jardine, plante, place un tuteur et met de l’engrais, puis elle arrache, taille, coupe et retranche. C’est une passion, incompatible avec une vie mondaine et agitée qui n’est que la fuite du devoir d’état, de la Croix.

– On distingue quatre étapes chez l’enfant : la petite enfance, le primaire, le collège et le lycée. Chaque étape est très importante et doit être respectée : ce n’est pas en tirant sur les radis qu’ils poussent plus vite, et ce qui est laborieusement obtenu à un âge serait passé sans effort à un autre. Cependant, on peut anticiper ou continuer à travailler un point d’une étape à l’autre. Il n’y a pas de recette, c’est un savoir-faire. Nous donnons les objectifs à atteindre. Un enfant est achevé d’être imprimé à quatre ans dit-on, car les grandes lignes sont dessinées et forment les bases de toute une vie. En primaire, l’enfant apprend les notions fondamentales : distinguer le vrai du faux, s’enflammer pour le bien, fuir le mal. Au collège, l’enfant affine ses vertus personnelles et se corrige de ses défauts : ses efforts visent à perfectionner l’individu. Au lycée, il se tourne vers le bien commun, s’oublie pour servir son prochain. Il se forge un haut idéal et de fortes convictions pour sa vie d’homme qui va bientôt commencer.

– Certes, pas d’illusions. Tout enfant – et donc le vôtre ! – est capable des pires bêtises. Hélas, le péché originel laisse de profondes blessures. Mais, avec la grâce de Dieu et par une bonne éducation, il est aussi capable du meilleur ! N’ayons pas peur d’être exigeants et de viser haut. On se fait une idée trop mesquine de la grandeur d’un enfant. Il a un potentiel immense. On peut être très exigeant et le mener très loin car il aspire aux grandes choses, à un grand idéal, à un grand sacrifice. Trop souvent, nous le rétrécissons à nos courtes vues.

1) La piété

   L’âme est faite pour Dieu, mais cela n’est pas naturel à l’homme. C’est sur les genoux de la maman que se forge la religion, l’amour de Dieu, de Jésus et de sa Mère. Les premiers élans du cœur passent du cœur de la mère à celui de l’enfant.

  Au primaire, il faut donner à l’enfant l’amour de Jésus et Jésus crucifié. L’enfant s’est-il ouvert la main en tombant ? Maman montre les plaies de Jésus et lui fait comprendre, par sa souffrance, ce que Jésus a souffert pour nous. Il embrasse les plaies de Jésus et offre de tout son cœur ses souffrances à Jésus. Il doit apprendre à réciter le chapelet en famille, à bien se tenir durant la prière comme à la messe. Il doit soigneusement être préparé à recevoir les sacrements. Dans l’examen de conscience, la maman forme la conscience de son enfant et lui inculque l’amour du bien et l’horreur du péché : « Je préférerais te voir mourir plutôt que de te voir commettre un seul péché mortel », disait Blanche de Castille au futur saint Louis. Seule une mère héroïquement chrétienne peut prononcer en vérité une telle sentence. Lors de la préparation à la confession, sur un papier que l’enfant lira (avec la formule de conclusion), la maman s’efforcera surtout d’inciter l’enfant à la contrition. La régularité est la clef de la sainteté.

  Au collège, l’enfant doit apprendre à prier seul. Il va visiter le Saint-Sacrement et récite une dizaine de chapelet, des litanies. Il connaît bien son missel et fréquente assidûment un livre de piété. Il choisit un confesseur à qui il ouvre son cœur et son âme, il le prend pour guide et lui est fidèle. Il peut s’engager dans des œuvres qui soutiennent sa piété. Il doit avant tout construire une relation avec le Bon Dieu : le bon Jésus m’écoute, me parle, me conseille et me donne les grâces pour bien faire. C’est souvent à ces jeunes âges que l’appel de Dieu se fait entendre. Encore faut-il l’entendre ! L’adolescent doit se familiariser avec ce cœur à cœur avec Dieu présent dans le Tabernacle. Cette piété, qui aura un rayonnement immense pour toute sa vie d’homme, doit se développer autour de l’amour de la messe, du chemin de Croix, de l’Imitation de Jésus-Christ, et par-dessus tout, de la dévotion à la Sainte Vierge que l’enfant prend pour Mère : il se consacre à Elle, il l’aime et veut être son humble serviteur.

  Au lycée, il s’engage dans des confréries qui sont tournées vers l’apostolat. Il s’initie à l’oraison. Il participe volontiers à la beauté de la Liturgie par les chants et le service de l’autel. Il fait une retraite avant de quitter les bancs de l’école. Il prie, se sacrifie, frappe à la porte du séminaire pour voir si le Bon Dieu le veut là. Il n’a qu’un désir : faire la volonté de Dieu ! La question n’est pas de savoir ce que veut faire un enfant plus tard, mais de savoir ce que Dieu attend de Lui ! « Seigneur, que voulez-vous que je fasse ? » ; « Parlez Seigneur, votre serviteur écoute » ; « non pas ma volonté, mais la vôtre ! ».

  Ce point rayonne sur tous les autres, car l’homme est fait pour connaître, louer, honorer et servir Dieu.

2) L’intelligence

   L’intelligence doit se soumettre avec humilité, docilité et amour au vrai. C’est par la façon de vivre de ses parents que l’enfant s’imprègne des notions du vrai et du faux. Ils doivent être intègres et intransigeants. La maman ne cède pas et ne se ment pas à elle-même. L’enfant sent le cachet de l’authenticité, la meilleure garantie de l’amour du vrai.

Offrons tout de suite la part belle à la bibliothèque familiale, puisqu’une grande part de l’éducation de l’intelligence se fera par la lecture. Dans une maison, d’un simple regard on constate où est la place de l’écran, et où est celle de la bibliothèque. Le ton est donné. Les parents veillent à ce qu’il y ait une bonne bibliothèque dans la maison, avec des livres variés qui correspondent aux âges des enfants.

Au début du primaire, en maternelle, il faut se garder d’une formation trop intellectuelle. C’est à cet âge, une fois pour toutes, que l’enfant va intégrer, par le geste, les notions primordiales comme se repérer dans l’espace (ici, là, dessus, dessous) et de temps (avant, maintenant, après). Il doit exécuter son travail scolaire avec assiduité et courage : c’est son premier devoir ! Sur le plan de l’intelligence, il doit former son jugement (vrai/faux), sa conscience (bien/mal), sa prudence (moyens/fin).

  Un point qui a son importance : la montre. L’enfant apprend à lire l’heure, non avec une montre digitale qui ne donne qu’une heure exacte, mais avec une montre à aiguilles qui donne surtout la notion de durée : il visualise et réalise qu’il lui reste vingt minutes avant midi ; à trois heures, nous sommes au milieu de l’après-midi.

  Dans les classes suivantes, l’enfant enrichit son imaginaire, son vocabulaire et sa réflexion par la lecture d’histoires édifiantes – vraies ou vraisemblables. L’amour de la lecture se fait dès le primaire. Qu’on ne s’y trompe pas : le devoir scolaire, loin d’être un pensum, est le moyen privilégié d’éducation par lequel une mère apprend à connaître son enfant. Elle va découvrir ses talents et ses défauts : mon enfant est-il brillant, persévérant, courageux, ou bien dépourvu de mémoire, de concentration, ou de compréhension ? La collaboration avec la maîtresse, qui le connaît par cœur, est le meilleur moyen de bien le cerner et de le faire progresser dans les autres domaines.

Si en primaire, les parents font le travail avec l’enfant, progressivement, il faut le rendre autonome. On vérifie que le travail est bien pris en classe, bien appris, bien compris. Il y a des points clefs de contrôle et de suivi.

  Au début du collège, l’enfant apprend à rédiger son agenda, à faire son cartable, à classer les cours, les exercices et les devoirs. Il doit s’adapter à plusieurs professeurs et faire la distinction entre le savoir et la personne de l’enseignant. Il apprend à apprendre seul. Il organise son travail : j’apprends, puis j’applique la leçon par les exercices, enfin je suis prêt pour le devoir. En quatrième, il construit et charpente sa pensée par un travail plus réfléchi et plus copieux. Il préfère la lecture de livres d’Histoire ou d’aventure aux bandes dessinées et aux films. Plus les écrans sont invisibles dans la maison, moins l’enfant les réclame. Les films tuent l’imagination, la réflexion et l’expression. C’est souvent dramatiquement irréversible.

  Au lycée, il plonge dans l’univers de la réflexion, du débat des idées. Il apprend à structurer sa pensée par un raisonnement rigoureux et à argumenter en mobilisant les données acquises par sa culture générale. Il lit des ouvrages conséquents, solidement charpentés et bien écrits. L’Histoire est maîtresse de vie. La biographie pousse à imiter l’exemple des héros et des saints. Un livre à thème philosophique ou qui développe une pensée nourrit la réflexion et les convictions. C’est l’âge où le jeune homme s’enflamme pour un idéal. Ce sont les idées qui mènent le monde, et ceux qui les possèdent savent où ils vont.

3) La volonté ou la formation du caractère

   L’éducation de la volonté apprend le bon usage de la liberté : l’enfant doit devenir un adulte autonome, maître de soi ou maître de rien. Dès les premiers mois naissent les premiers caprices. Il faut être ferme dès le début. Le petit cheval sauvage commence par porter le mors et la selle. Puis il est à la longe et apprend à marcher, tourner, s’arrêter. Enfin il est monté et suit les ordres du cavalier. De même, l’enfant apprend par le sommeil et le repas qu’il a un maître, des limites, des règles et des horaires : c’est le cadre rigoureux dans lequel il s’épanouit.

  En primaire, l’enfant doit apprendre à lutter contre les défauts qui blessent la vertu de justice comme le mensonge, la tricherie, le vol, l’irrespect : il faut être intraitable ! C’est tout l’honnête citoyen qui est en gestation. La maman lui explique la gravité de ces fautes qui, pour n’être souvent que vénielles, mettent en jeu tous les fondements de la vie en société. Elle accompagne son enfant et lui fait rendre l’objet du larcin, avouer ses mensonges et demander pardon aux personnes lésées. Il apprend l’humilité et la docilité par l’obéissance et le respect. Les règles de politesse doivent être très tôt inculquées. L’enfant ne fait que contracter des dettes, car il n’apporte rien que son sourire et sa politesse, et il doit savoir auprès de qui il contracte ses dettes. D’où les formules fondamentales comme « Bonjour Monsieur », « Merci Madame », « S’il vous plaît Monsieur l’abbé », « Pardon Mademoiselle », etc. L’apprentissage de la politesse à cet âge, se résume pour une grande part à la tenue à table, au respect des adultes : on se tait et on se tient bien en leur présence. Il intègre les notions d’ordre, de priorité entre l’essentiel et l’accessoire, en rangeant sa chambre, ses affaires, et surtout en faisant son lit tous les matins.

  Le collégien commence par apprendre l’autonomie : dans ses affaires, son cartable, son agenda. Il joue à des jeux vrais, réels, sains. Puis, en quatrième, il doit travailler les vertus qui forgent son caractère. Souvent, il faut l’aider en provoquant la situation où le caractère est mis en défaut pour que l’enfant réalise qu’il a une faille à régler. Méfions-nous des enfants trop sages. Il faut que l’homme qui sommeille en lui, encore engoncé dans un monceau d’égoïsme, soit mis au monde. Et pour cela, l’adolescent roule au GPL : Générosité, Pureté, Loyauté. La pureté est à préserver au prix de grands combats : un cœur pur est une source transparente comme le cristal, il brille comme une flamme et s’élance comme une épée. Pour l’aider à garder ce trésor, deux vertus auxiliaires sont indispensables : la générosité et la loyauté. Car l’impureté est une forme d’égoïsme. En travaillant la générosité, l’adolescent sort de lui-même, évite l’oisiveté et se tourne vers les autres. Son maître mot : rendre service ! Tous les services, spontanément et avec le sourire ! La loyauté préserve également la pureté car elle évite les situations de duplicité où, se cachant de ses parents par le mensonge et la désobéissance – notamment sur la question des écrans – l’enfant s’expose à la chute. Sur ce sujet, combien de parents ruinent toute leur éducation pour avoir manqué de vigilance sur ce point. La politesse est également très importante, surtout la politesse du cœur qui consiste à se gêner pour ne pas gêner. Deux points à travailler : lutter contre la vulgarité des manières et du langage qui sont les prémices de l’impureté ; respecter les adultes : saluer discrètement, laisser passer devant une porte, proposer ses services, et, à moins d’y être invité, ne pas écouter et ne pas participer à leurs conversations.

  Arrivé en fin de lycée, le jeune homme doit se poser deux questions. Pourquoi moi ? Pourquoi ai-je tout reçu depuis l’enfance, en famille, en paroisse, à l’école, dans des mouvements de jeunesse, contrairement à la plupart de mes contemporains ? Mais surtout, pour en faire quoi ? Dois-je tout garder pour moi, me servir de mes talents pour bien gagner ma vie et jouir de tous les plaisirs ? Évidemment que si le Bon Dieu m’a fait naître dans ce monde qui va si mal et m’a tout donné, alors que tout est à reconstruire, c’est qu’Il me confie une mission : être un chrétien et consacrer tous mes talents pour rebâtir la chrétienté en ce monde apostat, à l’instar de tous les saints et héros qui ont fait et sauvé la Chrétienté. Quel merveilleux idéal ! Ecce – Adsum !

4) La sensibilité artistique

  L’homme n’est pas qu’une âme, ni qu’un corps. A la jonction entre ces deux éléments, il y a la sensibilité qu’il faut éduquer. C’est souvent là, avec le point suivant, que se situe l’équilibre des tempéraments. Avoir une passion, un violon d’Ingres qui sera la consolation aux heures dures, le contrepoids dans l’échec, la fierté dans la vie ! La musique, le théâtre, la peinture forment l’enfant au goût sûr, au sens des nuances, à l’harmonie des proportions. Ils affinent le bon sens, disposent à la mesure et à la pondération.

Dès l’enfance, il est important que l’enfant évolue dans le beau : le choix des couleurs de sa chambre, de ses habits et de ses jouets construit son goût. A la maison, la musique est souvent allumée et verse ses mélodies équilibrées, joyeuses et harmonieuses. Il faut privilégier les compositeurs baroques et classiques, car leur musique, harmonieuse, équilibrée et structurée, adoucit et éduque les mœurs.

  Rapidement, l’enfant a besoin d’apprendre à distinguer, à nuancer. Et cela passe par les sens. Il découvre les sons aigus et graves, forts et doux, il les localise (stéréo). Il reconnaît les couleurs sombres et claires, fondamentales et complémentaires, proches et éloignées. Son toucher appréhende le rugueux et le lisse, le froid et le chaud, le liquide et le solide, etc. Son palais apprend la nuance des goûts salés et sucrés, amers et acides, cela par une nourriture variée. La maman sollicite ses sens en variant les exercices sous forme de jeux et de découvertes. Ce point est très important pour la suite de son éducation. Toutes les erreurs, même philosophiques, proviennent d’un manque de distinction des idées : c’est une forme de grossièreté de l’esprit qui manque de nuance et de jugement.

  Puis, il pratique la musique en jouant d’un instrument, il s’approprie les formes et les couleurs par la peinture et le dessin, il forme son goût par les activités manuelles.

  Au collège, il poursuit sa formation, mais il doit également se produire, exposer aux regards critiques des autres le fruit de son travail. Les applaudissements l’encouragent à poursuivre, il se rend compte que l’art se vit et se partage. Il doit travailler les règles de l’art et se les approprier. A ce stade, l’art est travaillé de façon personnelle, il perfectionne l’individu. L’enfant muscle, assouplit et affermit ses membres, affine ses sens et son goût, s’émerveille à réaliser le beau, se discipline par l’habileté manuelle.

  Au lycée, il intègre un ensemble. En effet, prenons ce brillant violoniste qui connaît par cœur son instrument, ses gammes et sa partition. Il doit maintenant jouer dans un orchestre, et doit non seulement trouver sa place parmi les siens, mais être en harmonie avec les altos et les violoncelles, sous la baguette d’un chef d’orchestre, en vue de l’exécution d’une œuvre, notamment lors d’un concert. Il découvre que, dans la vie, il faut s’accorder (avoir le même but et les mêmes méthodes), progresser au même rythme, et s’exprimer en nuances pour laisser la place à chacun, sinon c’est la cacophonie. Les perfections individuelles sont harmonieusement mises au service d’un ensemble qui les dépasse. Et il découvre le rôle particulier du chef : mener et unifier des talents variés en vue d’un bien commun. Ainsi il apprend, dans le concret, toutes les règles de la philosophie politique.

5) L’aptitude physique

   Le corps est un don de Dieu, le bon serviteur de notre âme. Il doit être respecté, lavé, nourri, vêtu, reposé, développé pour devenir robuste et souple.

  La propreté est primordiale. Le nourrisson doit être régulièrement lavé et changé. Son odorat se développe très vite. Il doit sentir bon.

  Si le nourrisson a besoin de chaleur, dès le primaire, l’enfant peut s’habituer à avoir un peu froid, surtout dans la chambre où il dort. Il doit courir, car cet âge déborde de vie. Le sommeil est la base de tout. Il doit beaucoup dormir et faire des siestes jusqu’à un âge avancé, cela prépare son équilibre mental et ses facultés de concentration. S’il n’a pas d’horaires de coucher et de lever, il se dérègle, ne dort plus ou mal. Les repas sont à heures fixes, l’enfant doit finir son assiette. Ces règles, acquises, sont capitales pour la suite.

  En primaire, il doit manger de tout pour élargir son goût et apprendre le sens des nuances. Par l’éducation physique, l’enfant domestique et maîtrise son corps : il trouve l’équilibre dans ses mouvements, apprend à monter un escalier, à sauter dans un rond, à enjamber une corde. Rapidement, il apprend à être propre, à se laver et se changer seul. En fin de primaire, il commence les jeux collectifs où il apprend à respecter des règles simples et à être bon camarade ; car voulez-vous connaître un enfant ? Regardez-le jouer : dans le jeu, il se livre tout entier et les passions se déchaînent. La surveillance active est très importante car le jeu est un grand moyen d’éduquer le caractère.

  Le collégien apprend à s’habiller, à avoir de l’allure, de la tenue, du maintien. Il adapte son vêtement à l’activité, aux lieux et aux personnes fréquentées. Il évite deux excès : la négligence et la coquetterie. Sa devise : sobre et de bon goût. L’activité physique, la gymnastique, vise à développer, charpenter, assouplir et muscler son corps. On vise une perfection personnelle : la vitesse, l’endurance, le cardio, la respiration, les performances et l’adresse par les sauts, les lancers, etc.

Comme pour les arts, au lycée, le jeune homme met ses talents au service des autres. Il fait partie d’une équipe, et son but est de la faire gagner et non de jouer « perso ». Il s’oublie : seul on va plus vite, ensemble on va plus loin.

  Chaque génération a le grave devoir de recevoir, d’intégrer et de transmettre ce savoir-faire : faire grandir les cinq talents que le Bon Dieu a offerts à chaque homme à sa naissance. Chaque petite graine, parvenue à maturité, devient à son tour un arbre où les oiseaux du Ciel viennent y faire leur nid. Toute sa vie d’adulte, la nouvelle génération puisera, comme dans un trésor, dans cette belle et vaste éducation reçue. De même qu’on ne transmet que ce que l’on a reçu, il faut aussi transmettre intégralement ce qu’on a reçu et ne pas croire qu’on fera différemment ou mieux que nos anciens. Commençons par faire comme eux, aussi bien qu’eux, et ce sera déjà presque parfait. Ce patrimoine reçu et transmis a fait les héros et les saints. Ce qui n’est pas transmis est perdu, nous le voyons depuis des décennies. A nous de relever la chrétienté !

R.P. Louis