Réflexions sur le bon usage des études scolaires en vue de l’amour de Dieu

           Préambule 

           Nous publions ce texte qui possède une véritable valeur intellectuelle et pédagogique. Simone Weil a beaucoup écrit sur l’importance de « l’attention ». Elle indique ici comment tous les efforts d’attention qu’on demande aux enfants dans leur scolarisation devraient être finalisés par l’attention que l’on doit à Dieu et favorisent l’attention dans la prière. On peut admirer cette profondeur et cette hauteur de vue. Toutefois, on ne doit certes pas tirer de ce texte une précision de pensée réellement théologique. Relevons en particulier qu’on ne peut pas dire de l’attention qu’elle « est la substance de la prière ». Saint Thomas cite l’attention comme une condition nécessaire à la prière. En effet, l’attention est une prédisposition de l’esprit pour s’appliquer à quelque chose, et donc, par exemple, à la prière (même si la faiblesse de l’esprit humain peut faire que, involontairement, l’attention se relâche). De même, il n’est pas vrai que « le désir seul oblige Dieu à descendre ». Ce serait faire de la grâce un dû. Or la grâce est gratuite. Mieux vaut donc cette autre formule de Simone Weil : « c’est Dieu seul qui vient saisir l’âme et la livre ». Il nous a paru nécessaire de faire ces remarques pour publier ce texte.

 

  La philosophe Simone Weil a écrit en mai 1942 à l’attention d’un dominicain de Marseille, le père Perrin, un texte remarquable sur la véritable finalité des études scolaires pour tout jeune élevé dans la foi chrétienne. Ces réflexions ont un sens très actuel car elles mettent l’accent sur l’importance de préserver et faire grandir une faculté de l’intelligence humaine que la vie moderne épuise constamment : la faculté d’attention. D’innombrables sollicitations accablent aujourd’hui la jeunesse au moyen d’écrans, de communications, de publicités et d’occasions de toutes sortes qui ont toutes pour conséquence de capter leur attention au profit du monde, ce qui veut dire au détriment de leur relation à Dieu dans la prière et d’études scolaires sérieuses qui forment leur intelligence à cette fin. C’est pourquoi nous proposons aux lycéens, aux étudiants et à leurs parents et éducateurs de découvrir des extraits de ces réflexions de Simone Weil1.

 

Louis Lafargue

 

  « La clef d’une conception chrétienne des études, c’est que la prière est faite d’attention. C’est l’orientation vers Dieu de toute l’attention dont l’âme est capable. La qualité de l’attention est pour beaucoup dans la qualité de la prière. La chaleur du cœur ne peut pas y suppléer. Seule la partie la plus haute de l’attention entre en contact avec Dieu, quand la prière est assez intense et pure pour qu’un tel contact s’établisse ; mais toute l’attention est tournée vers Dieu. Les exercices scolaires développent, bien entendu, une partie moins élevée de l’attention. Néanmoins, ils sont pleinement efficaces pour accroître le pouvoir d’attention qui sera disponible au moment de la prière, à condition qu’on les exécute à cette fin et à cette fin seulement.

  Bien qu’aujourd’hui on semble l’ignorer, la formation de la faculté d’attention est le but véritable et presque l’unique intérêt des études. La plupart des exercices scolaires ont aussi un certain intérêt intrinsèque ; mais cet intérêt est secondaire. Tous les exercices qui font vraiment appel au pouvoir d’attention sont intéressants au même titre et presque également.

  Les lycéens, les étudiants qui aiment Dieu ne devraient jamais dire : « Moi, j’aime les mathématiques », « Moi, j’aime le français », « Moi, j’aime le grec ». Ils doivent apprendre à aimer tout cela, parce que tout cela fait croître cette attention qui, orientée vers Dieu, est la substance même de la prière.

  N’avoir ni don, ni goût naturel pour la géométrie n’empêche pas la recherche d’un problème ou l’étude d’une démonstration et de développer l’attention. C’est presque le contraire. C’est presque une circonstance favorable.

  Même, il importe peu qu’on réussisse à trouver la solution ou à saisir la démonstration, quoiqu’il faille vraiment s’efforcer d’y réussir. Jamais, en aucun cas, aucun effort d’attention véritable n’est perdu. Toujours il est pleinement efficace spirituellement, et par suite aussi, par surcroît, sur le plan inférieur de l’intelligence, car toute lumière spirituelle éclaire l’intelligence.

  Si on cherche avec une véritable attention la solution d’un problème de géométrie, et si, au bout d’une heure, on n’est pas plus avancé qu’en commençant, on a néanmoins avancé, durant chaque minute de cette heure, dans une autre dimension plus mystérieuse. Sans qu’on le sente, sans qu’on le sache, cet effort en apparence stérile et sans fruit a mis plus de lumière dans l’âme. Le fruit se retrouvera un jour, plus tard, dans la prière. Il se retrouvera sans doute aussi par surcroît dans un domaine quelconque de l’intelligence, peut-être tout à fait étranger à la mathématique. Peut-être un jour celui qui a donné cet effort inefficace sera-t-il capable de saisir plus directement, à cause de cet effort, la beauté d’un vers de Racine. Mais que le fruit de cet effort doive se retrouver dans la prière, cela est certain, cela ne fait aucun doute.

[…] Il faut donc étudier sans aucun désir d’obtenir de bonnes notes, de réussir aux examens, d’obtenir aucun résultat scolaire, sans aucun égard aux goûts ni aux aptitudes naturelles, en s’appliquant pareillement à tous les exercices, dans la pensée qu’ils servent tous à former cette attention qui est la substance de la prière. Au moment où on s’applique à un exercice, il faut vouloir l’accomplir correctement ; parce que cette volonté est indispensable pour qu’il y ait vraiment effort. Mais à travers ce but immédiat l’intention profonde doit être dirigée uniquement vers l’accroissement du pouvoir d’attention en vue de la prière, comme lorsqu’on écrit on dessine la forme des lettres sur le papier, non pas en vue de cette forme, mais en vue de l’idée à exprimer.

  Mettre dans les études cette intention seule à l’exclusion de toute autre est la première condition de leur bon usage spirituel. La seconde condition est de s’astreindre rigoureusement à regarder en face, à contempler avec attention, pendant longtemps, chaque exercice scolaire manqué, dans toute la laideur de sa médiocrité, sans se chercher aucune excuse, sans négliger aucune faute ni aucune correction du professeur, et en essayant de remonter à l’origine de chaque faute. La tentation est grande de faire le contraire, de glisser sur l’exercice corrigé, s’il est mauvais, un regard oblique, et de le cacher aussitôt. Presque tous font presque toujours ainsi. Il faut refuser cette tentation. Incidemment et par surcroît, rien n’est plus nécessaire au succès scolaire car on travaille sans beaucoup progresser, quelque effort que l’on fasse, quand on répugne à accorder son attention aux fautes commises et aux corrections des professeurs.

 

  Surtout la vertu d’humilité, trésor infiniment plus précieux que tout progrès scolaire, peut être acquise ainsi. À cet égard, la contemplation de sa propre bêtise est plus utile peut-être même que celle du péché. La conscience du péché donne le sentiment qu’on est mauvais, et un certain orgueil y trouve parfois son compte. Quand on se contraint par violence à fixer le regard des yeux et celui de l’âme sur un exercice scolaire bêtement manqué, on sent avec une évidence irrésistible qu’on est quelque chose de médiocre. Il n’y a pas de connaissance plus désirable. Si l’on parvient à connaître cette vérité avec toute l’âme, on est établi solidement dans la véritable voie.

  Si ces deux conditions sont parfaitement bien remplies, les études scolaires sont sans doute un chemin vers la sainteté aussi bon que tout autre. Pour remplir la seconde il suffit de le vouloir. Il n’en est pas de même de la première. Pour faire vraiment attention, il faut savoir comment s’y prendre. Le plus souvent, on confond avec l’attention une espèce d’effort musculaire. Si on dit à des élèves : « Maintenant vous allez faire attention », on les voit froncer les sourcils, retenir la respiration, contracter les muscles. Si après deux minutes on leur demande à quoi ils font attention, ils ne peuvent pas répondre. Ils n’ont fait attention à rien. Ils n’ont pas fait attention. Ils ont contracté leurs muscles. On dépense souvent ce genre d’effort musculaire dans les études. Comme il finit par fatiguer, on a l’impression qu’on a travaillé. C’est une illusion. La fatigue n’a aucun rapport avec le travail. Le travail est l’effort utile, qu’il soit fatigant ou non. Cette espèce d’effort musculaire dans l’étude est tout à fait stérile, même accompli avec bonne intention. Cette bonne intention est alors de celles qui pavent l’enfer. Des études ainsi menées peuvent quelquefois être bonnes scolairement, du point de vue des notes et des examens, mais c’est malgré l’effort et grâce aux dons naturels ; et de telles études sont toujours inutiles.

 

  La volonté, celle qui au besoin fait serrer les dents et supporter la souffrance, est l’arme principale de l’apprenti dans le travail manuel. Mais contrairement à ce que l’on croit d’ordinaire, elle n’a presque aucune place dans l’étude. L’intelligence ne peut être menée que par le désir. Pour qu’il y ait désir, il faut qu’il y ait plaisir et joie. L’intelligence ne grandit et ne porte de fruits que dans la joie. La joie d’apprendre est aussi indispensable aux études que la respiration aux coureurs. Là où elle est absente, il n’y a pas d’étudiants, mais de pauvres caricatures d’apprentis qui au bout de leur apprentissage n’auront même pas de métier.

  C’est ce rôle du désir dans l’étude qui permet d’en faire une préparation à la vie spirituelle. Car le désir, orienté vers Dieu, est la seule force capable de faire monter l’âme. Ou plutôt c’est Dieu seul qui vient saisir l’âme et la lève, mais le désir seul oblige Dieu à descendre. Il ne vient qu’à ceux qui lui demandent de venir ; et ceux qui demandent souvent, longtemps, ardemment, Il ne peut pas s’empêcher de descendre vers eux.

L’attention est un effort, le plus grand des efforts peut-être, mais c’est un effort négatif. Par lui-même il ne comporte pas la fatigue. Quand la fatigue se fait sentir, l’attention n’est presque plus possible, à moins qu’on soit déjà bien exercé ; il vaut mieux alors s’abandonner, chercher une détente, puis un peu plus tard recommencer, se déprendre et se reprendre comme on inspire et expire. Vingt minutes d’attention intense et sans fatigue valent infiniment mieux que trois heures de cette application aux sourcils froncés qui fait dire avec le sentiment du devoir accompli : « J’ai bien travaillé. »

  Mais, malgré l’apparence, c’est aussi beaucoup plus difficile. Il y a quelque chose dans notre âme qui répugne à la véritable attention beaucoup plus violemment que la chair ne répugne à la fatigue. Ce quelque chose est beaucoup plus proche du mal que la chair. C’est pourquoi, toutes les fois qu’on fait vraiment attention, on détruit du mal en soi. Si on fait attention avec cette intention, un quart d’heure d’attention vaut beaucoup de bonnes œuvres.

  […] Heureux donc ceux qui passent leur adolescence et leur jeunesse seulement à former ce pouvoir d’attention. Sans doute ils ne sont pas plus proches du bien que leurs frères qui travaillent dans les champs et les usines. Ils sont proches autrement. Les paysans, les ouvriers possèdent cette proximité de Dieu, d’une saveur incomparable, qui gît au fond de la pauvreté, de l’absence de considération sociale, et des souffrances longues et lentes. Mais si on considère les occupations en elles-mêmes, les études sont plus proches de Dieu, à cause de cette attention qui en est l’âme. Celui qui traverse les années d’études sans développer en soi cette attention a perdu un grand trésor. […] Les études scolaires sont un de ces champs qui enferment une perle pour laquelle cela vaut la peine de vendre tous ses biens, sans rien garder à soi, afin de pouvoir l’acheter2. » 

 

1 Le texte complet de ces réflexions de Simone Weil peut être lu sous le titre De l’attention, préface de Jean Lacoste, édition Bartillat, 2018 (prix : 7€).

2 Matthieu 13, 44 : parabole du trésor caché dans un champ.

 

Le Dieu mendiant

           Triste novembre s’en est allé. Ce long mois qui apporte avec lui la nuit et le froid, le voilà enfin parti. C’est lui qui nous plonge dans l’hiver, lui qui tue le jour à petit feu et fait régner les ténèbres. Lui qui emporte la joie de l’été et des jours ensoleillés dans la tombe. Triste novembre…

           Et pourtant … si on y regarde mieux, novembre est l’aboutissement de toute l’année avant un nouveau cycle. L’aboutissement en effet. On ramasse les derniers fruits du verger. Les châtaigniers laissent choir les châtaignes, les arbres sèment la semence de l’avenir. Le geai chapardeur enfouit les glands sous les feuilles mortes. Le paysan laboure et sème le blé nouveau qui attendra au creux des sillons les jours nouveaux, tandis que la nuit étend son règne, rien ne semblant pouvoir l’arrêter. Tout semble terne. Et soudain, au détour d’un chemin, surgit un arbre flamboyant : ses feuilles sont revêtues de pourpre, d’or et d’ambre. Quoi ? Alors que la mort est en train de lui donner son ultime baiser, le voilà qui s’habille de sa plus belle livrée ? Et il n’est pas le seul ! Le long du ruisseau, les hauts peupliers processionnent tels des rois couronnés d’or, les chênes rutilants s’embrasent, les hêtres se prosternent dans leurs robes ambrées, les charmes s’illuminent, et les érables revêtent le soleil lui-même, comme s’ils capturaient sa lumière dans leurs feuillesaa agonisantes. Voilà que les arbres s’habillent pour mourir ! Les bourrasques de novembre emportent pourtant leurs feuilles avec elles, les jetant au sol, ne laissant bientôt que les branches nues. Nues ? Vraiment ? Le cycle se termine, mais les bourgeons sont déjà là, portant en leur sein la promesse que la lumière reviendra.

  Dans un cimetière, une famille meurtrie se penche une dernière fois sur le trou béant où repose un frère, un père, un fils. Les cœurs saignent. Tandis que le soir tombe sur la terre, les chants supplient, les dernières prières implorent, les flots de larmes ravagent les visages. Du fond de l’abîme j’ai crié vers toi Seigneur. Ecoute ma prière, sauve-moi de mes ennemis, sans toi, je suis perdu. Que la lumière qui ne s’éteint pas luise sur nos morts. Les arbres s’habillent pour mourir ! Et les hommes ? Les arbres sont de Dieu. Ils ont porté leurs bourgeons dans la nuit froide de l’hiver, espérant contre toute espérance, portés par les antiques prophéties, dans l’attente du Messie. Puis ils ont fleuri au printemps pour honorer sa mort et clamer sa Résurrection. Enfin, ils ont porté du fruit après la Pentecôte, les fruits du Saint-Esprit qui sanctifie les âmes. Enfin, ils ont semé et se sont habillés pour le jugement dernier à l’automne. Et les hommes ? Que font-ils ?

  Beaucoup se ruent dans les magasins, d’autres désespèrent face à leur monde qui devient fou, de dose en dose, de variant en variant. D’autres vouent toutes leurs forces au péché, ceux qui tuent les enfants dans le sein de leur mère, ceux qui adorent les idoles et les démons, ceux qui s’enivrent de la luxure et du plaisir. La nuit vient, elle semble tout emporter. Quelques hommes pourtant vont prier pour leurs morts, ouvrir les portes du Purgatoire pour remplir le Ciel, faire que Dieu soit glorifié. Enfin décembre. La nuit avance. Et pourtant, au solstice, le jour cessera de reculer, peu à peu, il va reprendre ses droits sur la nuit. Bientôt, Il sera là. Douce espérance.

  Dans le cœur des maisons où l’on aime Dieu, on fait la crèche. Les enfants s’en donnent à cœur joie. Mousse, terre, herbes, cailloux, sable, santons, petits chemins et petites rivières… Peu à peu un paysage apparaît. Au milieu, une simple étable, un peu de paille, un bœuf et un âne. La mère de Dieu est là, accompagnée de saint Joseph. La mangeoire est vide. Tout semble figé, prêt de s’animer d’un seul coup… La crèche s’animera à Noël. Enfin l’Avent ! Les prophéties de l’Ancien Testament nous l’ont promis. Depuis plus de 4000 ans… Les arbres flamboyants de l’automne aussi l’ont annoncé. Il va venir. Il va venir vaincre les ténèbres et le péché, apporter le salut et la lumière. La crèche incarne cette promesse. Joie de décembre !

Il va venir… Que va-t-Il trouver ?

  Avons-nous préparé nos âmes comme les arbres ont préparé leur mort ? Se vider de tout pour laisser la place aux bourgeons, aux fleurs, aux fruits de la sainteté ? Il faut se dépouiller pour renaître. Mourir au monde pour accueillir le Dieu chassé de la ville et de ses hôtelleries, pour recevoir le Dieu réfugié dans une étable. Cet enfant est si petit. Quoi ? Dieu si faible ?

 

  Dieu emmailloté, revêtu de la nature humaine, l’un de nous. Dieu aurait pu sauver les hommes comme nous donnons l’aumône : d’un geste condescendant, donner une pièce à l’indigent. Mais Il n’a pas voulu nous donner l’aumône. Il a voulu être vendu pour 30 malheureux deniers. Il a voulu venir parmi nous, se faire plus souffrant, plus faible, plus misérable que nous. Dieu humilié sur la croix, nu, meurtri, moqué, insulté, couvert de crachas et de plaies innombrables. Dieu vient mendier notre amour. C’est cela qu’il veut ce petit enfant dans la crèche, c’est cela que signifient ses langes qui lui enserrent les bras et les jambes, c’est cela qu’annonce la Création toute entière. C’est cela qu’a refusé l’orgueil de Satan.

  Alors, qu’allons-nous faire ? Dieu vient, Il vient mendier notre Charité, comme il mendia le manteau de saint Martin. Dépouillons-nous de tout pour Lui, donnons-Lui tout ce que nous avons : notre santé, nos richesses, notre vie, notre honneur même. Il en fera ce qu’Il voudra. Il prendra ce qu’Il veut, comme Il veut, quand Il veut. Tout Lui appartient. N’a-t-Il pas tout donné ? Absolument tout ?

  Décembre, le jour reprend ses droits. A Pâques, il vaincra ! A la Pentecôte, sanctifié, nous porterons de bons fruits. Puis reviendra novembre, joyeux novembre. Nous nous habillerons pour mourir, au crépuscule de notre vie. Et Dieu viendra moissonner, nous emporter au Ciel, là où luit la lumière qui ne s’éteint jamais.

Novembre, l’aboutissement de tout. Décembre, le commencement de tout.

Louis d’Henriques

 

Lessive maison, simple et économique !

 

            Mélanger 20 g de copeaux de savon de Marseille pour un litre d’eau tiède et verser dans un bidon.  Diverses huiles essentielles peuvent être ajoutées, (lavande vraie ou tea tree (arbre à thé) aux vertus antifongiques et antibactériennes), ce qui parfume agréablement la lessive.

Le savon de Marseille en copeaux peut être utilisé, mais il est aussi possible de râper le cube de savon par soi-même. Privilégier le savon vert (ou olive), de meilleure qualité que le blanc (végétal). Il est possible de l’acheter par correspondance (Savonneries Marius Fabre, du Fer à Cheval, etc…).

  Personnellement, le sachet de 750 g de copeaux de savon vert acheté 14,90 € à la Savonnerie du Fer à Cheval dure environ un an et demi. Je prépare deux litres de lessives toutes les trois semaines environ et j’utilise 75-100 ml par lessive, pour une famille de six personnes dont quatre enfants en bas âge. Economiqueac et peu chronophage (temps de préparation 5 min), efficace (autant que la lessive du supermarché).

Dernier avantage : Les restes d’un cube de savon de Marseille d’usage quotidien peuvent terminer dans la lessive. Ainsi, rien n’est perdu !

 

De la part d’une de nos lectrices, avec tous nos remerciements (Mme M-C G).

Je le redis : que les championnes de l’organisation n’hésitent pas à partager leurs trésors d’organisation en écrivant au journal. Partageons nos talents …

 

Recevoir et transmettre

Chère Bertille,

            Aujourd’hui je vais te faire une petite confidence, quand j’avais ton âge, vers 17-18 ans, j’avais hâte d’être grand-mère, on pourrait dire hâte d’être à la retraite.

            Cette idée peut te paraître étonnante… Comment peut-on espérer être à la fin de la vie quand on est dans la fleur de l’âge avec une tête remplie de beaux projets et un cœur plein d’espoir et de flamme. Ce qui me donnait envie d’atteindre cet âge, c’était la sagesse des personnes âgées, leur calme par rapport aux différents évènements, leur prudence dans leur prise de décision. Toutes ces qualités que j’admirais en elles étaient liées à leurs expériences, aux épreuves et aux joies qu’elles avaient traversées dans leur vie. Ces qualités sont aussi, sans aucun doute, liées au travail qu’elles ont fait année après année pour mieux se connaître et se corriger. J’avais aussi hâte d’atteindre cet âge pour transmettre à mes petits-enfants ce que j’avais appris, le fruit de mes lectures, de mes réflexions.

   Vois-tu, ma chère Bertille, vivre la période de la retraite dans ces conditions est merveilleux ! Je suis convaincue que c’est dès maintenant qu’il te faut travailler pour préparer la retraite. Tout d’abord, garde cette flamme, cette joie de vivre qui est le propre de la jeunesse. Cette attitude te permettra de tirer profit de tous les évènements de ta vie, que ce soit des moments de joie ou d’épreuves, et ainsi, petit à petit, la sagesse de la vie s’installera. Apprends aussi à bien te connaître, profite des résolutions de ce début d’année pour faire le point et voir si réellement tu sais vraiment qui tu es ! Enfin, ma chère Bertille, prends le temps de lire pour former ton cœur, ton âme, ton esprit. Il faut nourrir ton intelligence pour être en mesure de prendre les bonnes décisions. Je suis actuellement en train de lire les Sept colonnes de l’héroïsme de Jacques d’Arnoux, et te recommande cette lecture qui t’enthousiasmera et te donnera sans doute des modèles à imiter.

   Il y a un autre secret que je voudrais te dire : n’oublie pas de rendre visite ou de prendre contact très régulièrement avec les personnes âgées qui vivent « de près ou de loin » autour de toi : tes grands-parents mais aussi les oncles et tantes et peut-être des voisins ou des amis de la famille. Bien sûr, nous avons tous un devoir de piété filiale envers nos grands-parents, mais que cela dépasse l’accomplissement de ton devoir d’état. Je t’assure que tu t’enrichiras énormément en entretenant une relation privilégiée avec ces personnes d’expérience qui ont tellement à transmettre : l’histoire de ta famille, de notre pays qu’ils ont vu évoluer si rapidement, mais aussi les traditions familiales, et surtout leur regard sur les évènements : ils en ont déjà vus tellement ! Une petite visite régulière, un coup de téléphone et pourquoi pas des relations épistolaires ? Fais mentir le dicton : « Si jeunesse savait, si vieillesse pouvait… » Puise dans leur sagesse ! Tu donneras ton sourire et un peu de ton temps, et tu recevras tellement !

   Voilà, ma chère Bertille, bien que cela puisse te paraître étrange, tu peux préparer dès maintenant l’âge de la retraite où tu continueras à rayonner, forte de la sagesse et de la pondération qu’apporte l’expérience de la vie.

  Je t’embrasse, et te dis à très bientôt,

  Anne

 

Ses vieilles mains

Jadis elles furent jeunes et fermes, dans l’attente de ce que la Providence leur réserverait, ouvertes à ce que la vie leur donnerait, pleines d’espérance joyeuse et de rêves.

 

Puis elles reçurent les promesses d’un engagement définitif, prises dans des mains jeunes aussi, plus fortes et plus fermes qui se faisaient protectrices et guides tout à la fois, leur remettant d’abord une jolie bague, même modeste, choisie avec amour, et plus tard l’anneau d’or, nuptial, scellant le sacrement.

 

Les enfants venant agrandir la famille, elles se firent caressantes, réconfortantes, tant pour l’époux que pour les petits, affairées aux mille tâches du quotidien.

Raccommodant, lavant, frottant, cuisinant, jardinant, plantant, pansant les petites blessures, brodant, écrivant, jouant de la musique, créant si tels étaient ses dons.

Mais aussi posées sur l’épaule pour encourager ou prendre le jeune visage, comme on tient une coupe pour lui transmettre toute son affection dans les moments difficiles.

 

Souvent jointes le matin en offrande de la journée et le soir en action de grâces avec toutes celles des siens, tenant le chapelet.

Bénissant ceux qu’elles mèneront à l’autel, les remettant à une autre femme qui prendra dans ses mains le relais de tendresse.

Mais aussi de façon cachée, suppliantes dans les peines intérieures, jointes pour implorer les grâces nécessaires et la miséricorde divine pour ceux qui s’égarent autour d’elles, égrenant le rosaire silencieusement pour épancher son cœur de maman auprès de Celle qui est son modèle et son guide.

 

Abîmées par le temps, peut-être déformées par trop de travaux, où les veines marquent davantage comme des traces bleutées qui sont autant de chemins suivis et d’épreuves connues ou cachées.

Pour les générations qui viennent, elles sont parfois reconnues dans la toute petite enfance, juste à un détail de bague ou à un geste familier, rassurantes comme un refuge régulier lors des vacances ou des confidences qu’il est difficile de faire aux parents.

 

Au soir de leur vie, elles seront jointes pieusement, avec le chapelet, le crucifix qui auront été tout leur soutien, ou le linge qui aura scellé les mains du fils prêtre lors de leur onction, si telle fut cette grande grâce familiale.

Ouvertes devant le Seigneur, vides de tous les biens de la terre mais pleines de tous les renoncements, les offrandes et les trésors de grâces qu’Il aura bien voulu y mettre et qu’elles n’auront pas gardé pour elles seules, elles recevront la joie sans fin et loueront Celui qui est.

 

                  Jeanne de Thuringe