Le ciel et la terre passeront…

           Si vous avez déjà eu la chance par une après-midi d’automne d’apercevoir au loin le clocher d’une abbatiale sur votre route dans la campagne française, si vous avez saisi la grâce qui passait et que pénétrant dans cette abbatiale, vos oreilles ont été frappées par le chant des moines, si, vous échappant un instant du tourbillon du monde, vous avez fermé les yeux et ouvert vos oreilles, si écoutant l’appel de Dieu vous avez laissé votre âme être bercée par les complies alors, une évidence et une allégresse ont dû, peu à peu, s’imposer à votre cœur et à votre esprit : « Le ciel et la terre passeront mais mes paroles ne passeront pas ».

 

  Le chant des moines dans leurs abbayes millénaires, par le contraste qu’il offre avec les saisons qui passent dans notre monde agité et changeant, est la plus forte manifestation sensible de la stabilité et de l’éternité de l’Eglise.

 

Le monde change et les moines demeurent,

Le monde s’agite et les moines prient,

Le monde pleure et les moines chantent,

Le monde crie et les moines louent la grandeur, la beauté, l’immensité de l’amour de Dieu.

 

  Quel contraste frappant entre notre agitation quotidienne pour des choses très importantes à nos yeux et la tranquille activité des moines besogneux qui ont compris que la seule affaire importante est celle de leur salut et qui s’y consacrent jour et nuit.

 

  Quel bonheur de se replonger de temps à autre dans cette « éternité » sur terre ; quel bonheur et quelle grâce de pouvoir ressentir que l’Eglise a la promesse de la vie éternelle malgré toutes les embûches de son pèlerinage terrestre. Cela redonne l’espérance et permet, à l’instar de ces moines, de s’élever hors du temps et de prendre du recul sur notre lot quotidien. Un peu comme lorsque l’on prend l’avion et que soudain vu de haut, le fourmillement que l’on voit sur terre paraît ridicule. Tous ces mouvements que l’on aperçoit de loin de ces voitures qui nous semblaient si rapides, une heure auparavant, semblent si lents. Les déplacements semblent si petits devant l’immensité de la terre et du ciel qui s’offrent à nos yeux, qui est elle-même si petite devant l’immensité de l’univers, de l’espace, du temps et de Dieu.

 

  Méditer dans une abbaye pour s’élever hors du temps, et méditer dans un avion pour s’échapper dans l’espace nous permettent de prendre un peu plus la mesure de notre petitesse et de notre humilité devant Dieu, maître de toutes choses, et pour qui les attaques des petites fourmis humaines sont bien peu de choses face à l’immensité de sa puissance.

 

  Alors haut les cœurs, quelles que soient les tribulations de son navire, Dieu est Dieu et son Eglise est Sainte et Eternelle, les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre Elle, jamais !

 

Antoine

 

La retraite, enfin !

Oups ! la retraite !

           Il y a mille et une manières d’aborder la retraite… Pour certains ce « retrait » de la vie professionnelle constituera une libération leur permettant de se consacrer – enfin ! – à leur passion, pour d’autres, ce sera le grand saut dans le vide, la crainte de l’ennui, la vie en permanence à deux, la déprime, pour d’autres enfin, la possibilité de bénéficier d’un repos « bien mérité ! ».

 

Qu’en penser ?

  Nous ne donnerons pas de recettes ! Chacun a son tempérament, sa santé, sa vie familiale, ses conditions de vie et les situations sont difficilement comparables. Nous nous bornerons donc à énoncer quelques principes de bon sens qu’il nous paraît utile de rappeler. La retraite ne constitue pas la fin de la vie active mais le début d’une nouvelle vie de dévouement, d’engagement et de vie intérieure.

La retraite n’a plus la même signification qu’hier. Autrefois, elle arrivait tard, à un moment où la santé du retraité déclinant, il lui était bien souvent nécessaire de se reposer… Aujourd’hui, à 65 ans, on est encore jeune et on a encore un rôle à jouer dans sa famille et dans son milieu social.

 

  De fait, dans leur famille, les jeunes ou moins jeunes retraités sont souvent, jusqu’à ce que la mort les sépare, le point de stabilité sur lequel les générations suivantes peuvent s’appuyer. Nos jeunes ménages vivent dans un monde « déconstruit », galopent, manquent de recul pour comprendre ce qui se passe et comment ils doivent vivre… Ayons le souci de leur montrer ce qu’est un ménage, un vieux ménage. « L’exemple n’est pas la meilleure des pédagogies, c’est la seule » disait le général de Maud’huy1. Nos « vieux » ménages doivent pouvoir leur montrer un modèle leur donnant envie de continuer à bâtir leur famille.

 

Alors comment faire ?

  D’abord, considérer que, à 65 ans2, le temps n’est pas encore venu de se retirer. Il nous reste encore une bonne décennie d’énergie pendant laquelle nous pourrons agir de manière active sur notre famille et notre environnement. Pas d’égoïsme à deux, l’heure du repos n’est pas encore venue !

 

  Dans la famille, donnons toujours l’exemple d’un ménage uni, pieux, actif, tourné vers les autres, prêt à rendre service à l’un ou l’autre pour une naissance, une conduite scolaire, un travail de couture, un coup de fil, une lettre, un déjeuner du dimanche, l’accueil des familles pour les vacances… Nous avons plus de temps, utilisons-le ! Il est même probable que cette résolution nous aidera à trouver ce nouvel équilibre que nécessite la retraite ! Nous connaissons quelques ménages – peu nombreux heureusement – pour lesquels la retraite a constitué une étape douloureuse, dans laquelle il a fallu se réhabituer l’un à l’autre. Quel dommage ! Il s’agissait peut-être de personnes ayant cru trop tôt que le temps du repos et du confort à deux était arrivé !

 

  Il en va de même pour la vie sociale. Nos paroisses, nos conseils municipaux (si nous habitons à la campagne), nos associations, manquent de volontaires dévoués. Nous avons moyen d’y agir pour le bien commun, de mener une action politique au sens propre, de nature à élever notre société. Prenons des responsabilités ! Nous avons certainement une expérience utile à faire fructifier ! Faisons notre devoir et donnons aux générations suivantes l’exemple de l’engagement. Nous y trouverons certainement des ennuis… mais aussi la joie du devoir accompli et, par l’exemple donné, nous continuerons à conduire nos enfants et petits-enfants vers le bien.

 

  Même s’il n’est pas encore temps de se retirer complètement, profitons bien entendu du temps libre supplémentaire dont nous bénéficions pour approfondir notre vie spirituelle. La fin du travail professionnel nous donne certainement le temps de commencer la journée par une méditation, de faire une retraite ! Si nous avons la chance d’habiter près d’une paroisse, nous aurons peut-être le loisir d’aller à la messe en semaine ! Le choix du lieu de repli doit, si possible, tenir compte de ces facteurs. Nous-mêmes et toute notre famille en bénéficieront…

 

Des grands-parents

1 Général commandant une armée pendant la guerre de 1914, 1er commissaire national des scouts de France.

2 Nous avons pris l’âge moyen de départ à la retraite.

 

 

Comment cultiver la considération pour nos aînés ?

           Le « jeunisme » ambiant, qui fait que les grands-parents n’ont plus l’air d’être vieux (oui, « vieux » est un terme honorable !), ne s’habillent plus en papis, ne parlent et ne se comportent plus en mamies, et cherchent à faire disparaître systématiquement tout signe extérieur de vétusté naturelle, transforme radicalement la notion que les jeunes ont de la vieillesse.

  C’est une des raisons, non la seule, pour laquelle le respect envers nos anciens se perd : ils n’ont plus la tête d’illustres vieillards dont la sagesse surpasse toutes les modes et les aléas de l’actualité. Ils ne représentent plus la stabilité ni la force de l’expérience.

  Pourquoi laisser sa place assise dans le métro à une retraitée qui s’en offusque, car cela lui rappelle qu’elle vieillit ?

  Comment demander un conseil avisé à un grand-père hyper branché, qui perd son temps devant ses multiples écrans ?  

  Comment avoir de l’estime pour un vieillard toujours jeune, qui cherche davantage à être un copain de ses petits-enfants, plutôt qu’un guide ?

  Alors oui, le respect envers nos anciens se perd, mais peut-être est-ce parce que certains ne sont quelquefois pas « respectables ». Il n’y a pas de honte à paraître vieux : c’est l’aboutissement d’une vie de labeur, d’activité, de générosité, et l’acceptation de notre condition humaine, telle que le Bon Dieu l’a voulue, pour notre Bien et celui de notre entourage.

Chapelets récités dans la France entière ! Feuillet à imprimer et à distribuer

Sur la page de « La France prie » : Document pdf pour aider à réciter le chapelet.

A télécharger ici: 
https://foyers-ardents.org/rosaire/
Deux pages prêtes à imprimer en recto verso pour une utilisation pratique.
N’hésitez pas à les distribuer sur vos lieux de prière : c’est un beau moyen d’apostolat !



Dieu et César, à chacun ce qui lui revient –

A propos de la polémique sur le secret de confession

           L’actualité liturgique et sociétale de cet automne 2021 est largement consacrée aux relations entre l’Eglise et l’Etat. L’évangile du 22ème dimanche après la Pentecôte rappelle le précepte rendez à César ce qui est à César, mais à Dieu ce qui est à Dieu tandis que, le dimanche suivant, jour de la fête du Christ-Roi, l’Eglise proclame la royauté sociale de Jésus-Christ qui est l’antithèse du laïcisme. Nous pouvons y voir les réponses catholiques à certaines recommandations de la Commission Sauvé sur les abus dans l’Eglise et aux déclarations de plusieurs hommes politiques français qui, en demandant à celle-ci d’introduire des exceptions au secret de la confession, veulent promouvoir la supériorité de la loi civile sur la loi religieuse, fût-elle d’origine divine. Ce principe erroné, qui sous-tend la récente loi confortant le respect des principes de la République, pourrait, en effet, servir de fondement à une remise en cause du secret de la confession, et, peut-être même un jour, d’autres règles canoniques en vigueur dans l’Eglise.

  L’importance que l’Eglise attache au secret de la confession est suffisamment connue pour qu’il ne vaille pas la peine de s’y étendre : le concile de Latran IV, réuni en 1215, l’a proclamé de façon solennelle en même temps qu’il instituait l’obligation de la confession annuelle. Plus récemment, le code de droit canonique de 1917 affirme que « le secret sacramentel est inviolable ; c’est pourquoi le confesseur veillera diligemment à ne pas trahir le pécheur ni par parole, ni par signe, ni d’une autre façon pour n’importe quel motif ». Aucune exception ne peut donc justifier la levée du secret et ce, que le confesseur ait donné ou non l’absolution au pénitent. Ces règles ont été maintenues dans le nouveau code de 1983.

  En droit laïc français, le secret de la confession est placé sous le régime du secret professionnel et est protégé à ce titre. Le principe même d’un secret professionnel est nécessaire au bien commun et doit être respecté en particulier par les médecins, les notaires, les avocats, les militaires, ainsi que certains fonctionnaires et salariés. La formulation de l’article 226-13 du code pénal est très large et vise la révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire. Ce délit est sanctionné par une peine d’un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende. Cette interdiction de révéler le secret s’applique aux membres du clergé puisque deux arrêts rendus par la Cour de cassation en 1810 et en 1891 ont inclus le secret de la confession dans le secret professionnel tel qu’il est défini dans le code pénal. Un arrêt beaucoup plus récent, rendu en 2002, rappelle l’obligation imposée aux ministres du culte de garder le secret dont ils ont connaissance dans l’exercice de leur ministère, ce qui est plus large que la communication d’une « information » par le pénitent au confesseur pendant le sacrement de la pénitence qui seule bénéficie de la protection édictée par le code de droit canonique.      

  Une dérogation à la règle du secret est prévue pour donner à son détenteur la possibilité de s’en libérer afin de lui donner la faculté de dénoncer aux autorités certaines atteintes ou mutilations imposées à un mineur. Il ne s’agit en aucun cas d’une obligation mais d’une simple possibilité alors qu’une dénonciation est obligatoire pour les personnes qui ne sont pas soumises au secret professionnel et qui viendraient à avoir connaissance de tels faits. L’obligation de dénonciation s’efface alors devant le secret professionnel mais peut justifier une exception à celui-ci. Autrement dit, la loi civile permet, dans certaines circonstances, au prêtre de dévoiler le secret dont il est dépositaire, sans qu’il soit obligé de le faire, alors que la loi ecclésiastique l’interdit dès lors que les faits lui ont été révélés dans le cadre du sacrement de pénitence.    

  La loi ecclésiastique et la loi civile sont donc parfaitement compatibles et les deux condamnations d’évêques français prononcées au XXIème siècle pour non-dénonciation d’atteinte sur mineurs ne remettent pas en cause cette appréciation. Le 4 septembre 2001, Mgr Pican, alors évêque de Bayeux-Lisieux, a été condamné à trois mois de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de Caen pour ne pas avoir dénoncé un prêtre de son diocèse coupable d’abus sur mineurs. C’était la première condamnation d’un évêque français en matière pénale depuis la Révolution de 1789 et la première en Europe pour un ecclésiastique de ce rang. Le jugement retient que l’évêque s’est abstenu de dénoncer les faits commis par un prêtre de son diocèse dont il était le supérieur hiérarchique. Pour le tribunal, l’option de conscience, tirée du secret professionnel, ne pouvait s’appliquer dans le cas d’espèce car l’évêque avait eu connaissance des faits non seulement en dehors de toute confession mais grâce à une information que lui avait transmise le vicaire général du diocèse, lui-même alerté par la mère de l’enfant. Le jugement applique la notion de secret professionnel aux faits révélés directement par la personne concernée et portant sur sa propre histoire. Pour mesurer le chemin parcouru depuis 2001, rappelons seulement que Mgr Pican est resté en fonction à la tête de son diocèse jusqu’en 2010, année pendant laquelle il a atteint la limite d’âge qui s’applique à l’épiscopat, et qu’il a même reçu une lettre de félicitations du cardinal Castrillon Hoyos, préfet de la congrégation du clergé, pour ne pas avoir dénoncé un de ses fils à l’autorité civile.  

  Le 22 novembre 2018, Mgr Fort, évêque d’Orléans au moment des faits, a été condamné à huit mois de prison avec sursis par le tribunal correctionnel d’Orléans pour non-dénonciation d’atteintes sur mineurs commises par un prêtre de son ancien diocèse dont il avait été informé par un courrier que lui avait envoyé la victime. Il faut noter dans le second cas une sanction plus sévère que dans le premier cas de dix-sept ans antérieur. En outre, même si cette circonstance n’entre pas dans la définition du délit reproché, dans ces deux affaires, les évêques avaient maintenu dans leurs fonctions ou dans des fonctions exposées aux mineurs les prêtres en question.       

  Le rapport de la commission Sauvé, mise en place par l’épiscopat français pour enquêter sur les abus sur mineurs commis par certains clercs, qui propose de faire évoluer la législation de l’Eglise sur le secret de la confession, ne laisse pas de surprendre et d’inquiéter. L’objectif poursuivi par les auteurs du rapport est, en obligeant les confesseurs à révéler ce type d’actions, d’en prévenir leur commission à l’avenir. Divers Etats fédérés américains et australiens ont engagé des réformes qui obligeraient le prêtre à violer le secret de la confession à cette fin.  

  De surprendre, car le secret de la confession non seulement garantit la liberté de la personne dans sa relation à Dieu mais est également une condition de la sincérité dans l’accusation. Une telle mesure serait sans effet pratique car il est déjà peu probable que les auteurs de ces délits s’accusent de ces délits à des prêtres qui les connaissent et il est à peu près certain qu’ils le feraient encore moins s’ils n’avaient plus la garantie du secret absolu de leur accusation, sauf peut-être s’il s’agissait d’une confession in articulo mortis qui serait sans effet sur le plan des poursuites pénales.

 

  D’inquiéter car une telle législation si elle était mise en place serait un grave empiètement de l’Etat dans le libre exercice du culte. De séparée de l’Etat, l’Eglise deviendrait subordonnée à celui-ci. On en revient aux paroles de Clémenceau parodiant au début du siècle dernier le précepte évangélique rendez à César ce qui est à César et tout est à César. L’on pourrait même craindre d’autres incursions du pouvoir temporel dans le pouvoir spirituel. Pourquoi les pouvoirs publics ne demanderaient-ils pas aux associations à objet religieux et à statut civil, et même aux associations cultuelles, d’introduire la parité entre hommes et femmes dans leurs organes d’administration ? Le fait que les femmes ne puissent accéder au sacerdoce ne constituerait-il pas une discrimination injustifiée dont les pouvoirs publics devraient s’émouvoir et qu’ils pourraient sanctionner ? Qu’en sera-t-il de la prédication concernant certains actes contre nature interdits par la loi ecclésiastique et autorisés, pour ne pas dire plus, par la loi civile, voire même de l’interdiction en elle-même de certaines pratiques ?  Nous ne sommes évidemment pas parvenus à un tel stade mais il convient de rester vigilant. Les réactions timides, tant de la conférence épiscopale française que du Vatican, sur l’éventualité d’une levée du secret de la confession par les pouvoirs publics de notre pays ne sont guère encourageantes, surtout après la reconnaissance par les évêques français de la responsabilité institutionnelle de l’Eglise dans les dérives de quelques-uns de ses fils.    

  Cela dit, il faut bien admettre qu’en se limitant à demander aux Etats, au nom du principe de la liberté religieuse affirmé par le concile Vatican II, la seule protection du droit commun et en refusant par principe tout statut protecteur qui lui soit propre, l’Eglise catholique s’est considérablement affaiblie à l’égard des autorités publiques. De même que, chez beaucoup de catholiques et pas seulement chez les laïcs, la foi tend à devenir une opinion comme les autres, l’Eglise est considérée comme une institution, voire même une association, comme les autres à laquelle le pouvoir civil peut, sans ménagement, imposer sa loi en fonction des idées et des majorités politiques du moment.            

  Nous sommes loin de la royauté sociale du Christ qui soumet à la loi divine les individus et les sociétés, y compris les Etats. Un jour viendra où l’ordre voulu par Dieu sera rétabli mais il n’est pas de victoire sans combat.  

Thierry de la Rollandière