Le bon élève (2)  

Après avoir énuméré quelques conseils d’éducation pour une meilleure préparation des jeunes enfants à leur scolarité (tels qu’une bonne atmosphère familiale où règne une autorité aussi ferme qu’affectueuse, tout en laissant l’enfant développer un vrai sens de l’effort, de la curiosité et de la maîtrise de lui-même… Cf. FA n°34) parlons encore d’un grand atout à offrir à nos petits écoliers. Un cadeau simple et efficace, à la portée de tous les parents, et qui aidera bien plus leurs enfants que des années d’avance ou que de longues séances de cours du soir : le langage.

En effet, un enfant à qui l’on a parlé normalement, et non pas comme à un tout-petit (dodo, pan-pan, dada, lolo…) pendant ses trois premières années, et qui s’exprime correctement, apprendra plus vite à lire et comprendra mieux la maîtresse, étant familiarisé avec les mots. La famille est en effet responsable de la richesse ou de la pauvreté du langage de ses enfants. D’ailleurs une maîtresse d’école sait tout de suite, parmi ses élèves, ceux qui vivent dans une famille où l’on s’exprime ou non.

Comment s’y prendre ? Laisser parler l’enfant à table, en voiture (régulièrement et avec une relative modération), l’encourager à s’exprimer, surtout s’il est réservé, et décrire une scène à laquelle il a assisté aussi bien qu’une histoire qu’on lui a raconté ou qu’il a lue ; l’écouter sans trop lui couper la parole ou en le reprenant doucement si besoin. S’il pose une question, lui répondre clairement en employant des mots qu’il puisse comprendre. Si par exemple il demande ce que c’est qu’une contravention, ne lui répondez pas : « c’est une amende » ! Cela ne le satisferait pas beaucoup plus !

Plus les enfants grandiront, plus on aura soin de trouver des sujets de conversation intéressants, qui puissent éveiller leur curiosité ou leur jugement en leur élargissant l’horizon. Si l’on ne parle à table que d’argent, de nourriture ou de voiture, ils n’auront rien à dire lorsqu’ils auront une rédaction à faire. La vie quotidienne offre mille occasions de parler de sujets variés (saint du jour, jeux, bricolages, événements, sermon du dimanche, promenades…) qui enrichiront le langage et les connaissances des petites oreilles attentives !

Il y aurait encore bien des choses à dire pour aider les enfants à faire une meilleure scolarité… En deux mots je dirais : équilibre et bon sens, qu’il s’agisse du sommeil, de l’alimentation, du temps de travail comme celui des jeux. Un enfant a besoin d’espace, de bouger, de courir au bon air.

 

Les loisirs et activités culturelles 

C’est le temps dont on peut disposer sans manquer à ses devoirs, dit le dictionnaire. Que l’enfant qui rentre de l’école prenne un temps de détente après avoir fait ses devoirs, rien de plus normal. Qu’il ait quelques activités extérieures, sportives, musicales, amicales, bien sûr, surtout si la famille vit en appartement. La première des règles en matière de loisirs organisés, c’est : ni trop, ni trop peu. Certains parents se donnent >>> >>>  bonne conscience en inscrivant leurs enfants à une multitude d’activités, leur faisant passer des mercredis harassants, courant du cours de violon à celui de modelage en sortant de goûters d’anniversaire ! Et l’on observe des enfants saturés de divertissements, mais sans un moment de relâche permettant la réflexion ou l’imagination dans le calme de leur chambre ou d’un coin du jardin.

« Le jardin invite au rêve. Limité, clos de murs solides, petit domaine dont chaque coin a été mille fois visité, il suffit au jeu et au cœur. L’imagination émancipée, franchit l’enceinte et la cime des arbres, suivant dans son vol les oiseaux et les nuages. L’herbe haute se mue en jungle, les buissons paisibles en maquis, redoutable. Chaque arbre devient une forêt, le chat qui rôde se transforme en fauve… […] Formé à cette école, il y aura grande chance qu’à l’âge des premières ambitions, l’adolescent rêve son avenir ouvert et audacieux comme le voyage et l’aventure qu’il aura vécu […] Que d’explorateurs, de marins, de missionnaires, de créateurs d’empires ont ambitionné de réaliser sous d’autres étoiles leur rêve éclos parmi les fleurs du jardin familial ! » 1

Rien n’encourage mieux l’enfant à la perception du divin que la contemplation des merveilles que Dieu a créées pour les hommes. Les fleurs, les plantes, les arbres, cette splendeur qu’est le ciel immense avec ses belles étoiles si nombreuses et qui donnent à l’enfant une petite idée de l’infini, du mystère et du miracle. Celui qui a frémi et vibré devant la beauté des étoiles se laissera moins tenter, plus tard, par les feux follets que sont les plaisirs de la terre. Son âme aura goûté la beauté et la grandeur de Dieu à travers sa Création ! « Le beau est la splendeur du vrai » a si bien dit Platon.

 

Il faut éveiller cette contemplation du beau chez nos jeunes enfants, en douceur, d’abord avec des choses simples et remarquables de la vie quotidienne, en les rattachant au bon Dieu dans une action de grâce régulière. Les longues visites de musées ne sont pas à conseiller trop jeunes car les enfants, n’en percevant pas encore l’intérêt, pourraient s’en dégoûter. Commençons par la visite d’églises, de cathédrales aux beaux vitraux, en essayant de découvrir quels saints se cachent dans toutes les statues qui s’y trouvent, comment on les reconnaît par leurs attributs ou un détail qui rappelle leur vie, cela les passionnera ! Apprenons-leur à observer un tableau, une belle image que nous avons chez nous ou dans un beau livre d’art, à la décrire, et même à essayer de comprendre ce qu’a voulu nous montrer l’auteur… On peut agir de la même façon avec la musique, par exemple en écoutant les quatre saisons de Vivaldi : le ruisseau qui galope au printemps, la force de l’orage estival ou la chute légère des feuilles d’automne dans le vent, et l’on s’émerveillera d’entendre comme la musique aussi peut bien raconter les histoires !

« Dès le premier jour, courez avec l’enfant vers ce qui est beau et grand, dans le monde et les actions des hommes, leur langage, leurs chefs-d’œuvre, les grands personnages, les grands gestes, les grandes paroles. Si tout de suite le beau l’a touché, vous pouvez espérer que jamais il ne supportera le médiocre » (René Benjamin). Et j’ajouterais que son âme en éprouvera une plus grande soif de Dieu.

   

Sophie de Lédinghen 

1 Jean Rimaud, cité dans « l’art des art- Éduquer un enfant »

 

 

Quitter l’empire du laid  

« Venez voir la beauté, la clarté du Sauveur,

Et admirez en lui les beautés immortelles. »1

 

           L’empire du laid a si détestablement envahi les rues de nos cités qu’on peut le considérer comme l’une des manifestations les plus significatives et les plus déplorables de l’apostasie qui y règne, en lieu et place de la loi de Jésus-Christ. Le citoyen, en effet, a besoin du Beau au même titre qu’il a besoin du Juste ou du Vrai, qu’il a besoin de Dieu. Les forces maçonniques à la manœuvre dans les institutions culturelles et universitaires le savent bien qui, au nom du subjectivisme, ont sans discontinuité contesté l’objectivité du Beau et fait de la revendication du « moche » un droit pour tous. Jean Ousset dénonça en son temps cette manipulation idéologique. Il expliqua que, si la plénitude du Beau peut parfois être difficile à percevoir, « cela ne diminue en rien son caractère objectif, tout comme le caractère objectif d’une découverte scientifique ne saurait être contesté, sous prétexte que ladite découverte fut particulièrement compliquée.»2 Contester le caractère objectif du Beau, autour duquel s’était construite une forme de lien social pérenne et de décence esthétique commune, revient donc non seulement à précipiter la déconstruction de ce lien et l’abandon de cette décence, mais surtout à ériger le laid comme mode d’expression privilégié de tout individu en quête d’une reconnaissance au sein de son empire médiatique. Cela revient à déspiritualiser le champ de l’apparence du monde.

Il fut un temps où les peintres de la Contre-Réforme s’adonnaient aux Exercices Spirituels d’Ignace de Loyola. Dans la pratique de leur art, ils respectaient ainsi au mieux la « composition du lieu » que le saint hidalgo y préconise. D’abord conçue en une intelligence contemplative, l’image ne prenait qu’ensuite forme dans la matière, lors de la réalisation effective de leur toile. Pierre Gibert a consacré un ouvrage édifiant à cette pratique de la peinture, qu’on pourrait qualifier de théologique, à travers l’observation d’œuvres de Poussin, Morales, Rubens, Lotto, Vermeer…3

Il a démontré que l’agencement de leurs sujets reproduit souvent les suggestions des préambules données dans les Exercices spirituels : « Me rappeler l’histoire de ce que j’ai à contempler… Voir le lieu… Voir les personnages les uns après les autres… Entendre ce que disent les personnages… Ensuite, regarder ce qu’ils font, etc. » On pénètre par exemple dans cette Adoration des bergers (Rubens, 1608, cathédrale de Soissons) selon les indications très précises consignées au n°114 : « Dans le premier point, je verrai les personnes : Notre-Dame, Joseph, la servante, et l’Enfant Jésus lorsqu’il sera né. Je me tiendrai en >>>  >>> leur présence comme un petit mendiant et un petit esclave indigne de paraître devant eux. Je les considérerai, je les contemplerai, je les servirai dans leurs besoins avec tout l’empressement et tout le respect dont je suis capable, comme si je me trouvais présent. » Il est frappant de constater que le regard de « ce petit mendiant » est à la fois celui du personnage, du peintre et du spectateur de la scène. Par sa technique, certes, mais avant tout par sa spiritualité et son intelligence contemplative, l’artiste s’est hissé à la hauteur de cette plénitude objective de l’œuvre, si nécessaire au partage du Beau.

L’architecte Soufflot énonça de même quatre règles à respecter dans la conception d’un bâtiment, règles nécessaires « dont le respect assure le succès à tout architecte de bon sens »4 : l’utilité, qui détermine le rapport du bâtiment à l’usage qui lui est imparti, la sûreté, seule garante de la sécurité des gens appelés à le fréquenter, la convenance, qui insère l’ouvrage dans le paysage, la symétrie, qui confère à l’édifice son unité et sa beauté. Or tout ce qui, de nos jours, se prétend artistique revendique partout l’éphémère (graffitis, clips, tags), l’incongru (piercings, tatouages), l’abstraction (art contemporain), le virtuel (« œuvres » numériques) et, toujours, une certaine et spectaculaire prouesse technologique… Aussi, avant même l’apprentissage des règles esthétiques et techniques, dont l’expérience a prouvé qu’elles peuvent être dévoyées, seule une pratique spirituelle authentiquement catholique sera à même de susciter de nouveau, chez nos artistes, un goût accordé non à l’idéologie du moment, mais à l’Esprit Saint, et de les rendre capables de pratiquer leur art à bon escient. Ils pourront alors injecter de nouveau la plénitude de ce « Beau », dont la cité catholique a tant besoin pour rayonner de tous les éclats du Christ parmi nous. Pour cela, il est évidemment nécessaire que de plus en plus de gens reconnaissent collectivement le besoin vital d’un renouveau esthétique allant durablement dans ce sens.

 

G. Guindon

 

Voir le beau  

A la philharmonie de Paris, les dernières notes du Miserere d’Allegri viennent de s’évanouir ! Le public, peu à peu, redescend sur terre après avoir été élevé vers le ciel par la beauté vibrante de cet air aérien magnifié par la pureté d’une voix d’enfant.

Au même moment, le soleil se couche sur le Mont Blanc révélant à l’alpiniste qui bivouaque en montagne les sombres arêtes qui se détachent, flèches bleues acérées sur le fond rougeoyant du ciel embrasé. Instant d’éternité, beauté sublime et passagère que l’homme est incapable de reproduire.

La beauté contient en elle une capacité à toucher, à émouvoir notre sensibilité. Est beau ce qui sonne juste, vrai, immuable, authentique. Le beau, le vrai, le bien sont des transcendantaux qui nous élèvent vers le ciel et qui vont d’ailleurs toujours ensemble. Le beau nous ramène imperceptiblement à notre nature profonde de créature dont l’objet est de louer Dieu notre créateur. Le beau nous parle de Dieu et nous conduit vers Dieu que nous savons être la beauté même.

Chaque beauté que nous pouvons contempler sur terre est un peu comme une étincelle d’un feu d’artifice qui résulterait de la beauté de Dieu.

Toute cette beauté que Dieu a, sans compter, répandue sur toute la terre et qu’il a permis aux hommes de développer est une source inépuisable d’émerveillement et de joie. Cette source ne compense-t-elle pas largement les motifs de crainte et de tristesse qui peuplent cette « Vallée de larmes » ?

Mais pour trouver cette joie, il faut être capable de la recevoir. Ceci requiert au moins deux dispositions d’âme :

La curiosité, d’une part, qui nous fait ouvrir les yeux, observer le monde et la nature qui nous entoure, discerner et repérer les éléments de beauté qui parfois se cachent et ne se laissent pas saisir par le premier venu. Et la capacité d’émerveillement, d’autre part, cette souplesse de l’âme qui se laisse émouvoir. Fraîcheur de l’esprit qui reste ouvert aux découvertes et sait se laisser toucher, surprendre.

Véritables trésors, ces deux dispositions d’âme sont des sources inépuisables de richesse intérieure qui permettent de trouver de la joie partout, quelles que soient les vicissitudes de la vie.

Dilapidez-les bêtement, éparpillez-les au gré de votre vie numérique, laissez-en une parcelle dans chaque vidéo, réseau « social », tweet, Tchat ou Snapchat et bientôt elles auront disparu sans que vous ne vous en soyez même aperçu. Et, petit à petit, sans savoir pourquoi, vous constaterez que la vie devient morne, triste et sans relief. Le soleil brille et se couche partout tous les soirs et pour tout le monde, mais seuls les hommes heureux le regardent et seuls ceux qui sont capables de s’émouvoir à son coucher sont heureux.

Si, ayant gardé cette curiosité, nous sommes les heureux témoins d’un bel instant, notre premier réflexe en tant « qu’Homo Numericus » est de le « capturer » à l’aide de notre smartphone pour être sûr que cet instant de bonheur ne nous échappe pas. Le second réflexe est de le partager avec nos amis pour leur procurer à eux aussi de la joie. Joie qu’ils ont du mal à éprouver en visualisant le paysage que nous leur proposons au travers d’un écran de 10 cm2. Ils nous répondent néanmoins instantanément et notre vie numérique, abandonnée une minute reprend son cours immédiatement, pendant que la lumière change et que >>>   >>> nous passons à côté d’un surcroît de beauté et de bonheur potentiel.

Même si l’intention de partager les bons moments est louable, apprenons à la différer. Cela permet de prendre le temps d’observer plus complètement la beauté, de s’en émerveiller encore plus, de s’en imprégner et surtout de louer le Créateur à son origine. Que de joie et de bonheur éprouverons-nous plus tard à décrire à nos proches, avec nos mots, ce que nous aurons contemplé. Ils seront encore plus heureux de constater notre émerveillement que de recevoir un « screen shot » muet de notre vie, avec pour tout commentaire des « smileys » évocateurs.

La beauté du monde est un réservoir inépuisable de joie et de bonheur déposé par Dieu sur terre et dans nos vies pour nous faire lever le regard vers lui, l’entr’apercevoir et ainsi le désirer. C’est cette même beauté qui d’ailleurs imprègne toute la liturgie.

 

Allons y puiser régulièrement et conservons notre âme d’enfant pour accéder à la contemplation de Dieu au royaume des cieux.

Antoine

 

Confiance mutuelle et discrétion  

Certains époux sont parfois capables de s’infliger de très profondes blessures dans l’intimité de leur mariage. Mais il est également vrai que l’on ne peut mesurer l’immensité de la joie et de la paix qu’ils peuvent se donner l’un à l’autre dans un mariage fondé sur une confiance absolue et sur une totale intimité de cœur et d’âme.

Comme toutes les grandes choses de notre vie, le mariage revêt une forme certaine d’héroïsme lorsque l’on s’oublie pour l’autre. Plus on devient proche, mieux l’on se confie, en toute quiétude et avec simplicité, sans penser au jugement de l’autre sur nous : nous pouvons tout nous dire, nous nous comprenons et nous soutenons en toutes circonstances. Il semble que cela fasse partie d’un pacte d’amour que de garder précieusement en notre âme les secrets que nous nous confions, et c’est ainsi que nous pourrons ensemble, mieux résoudre les difficultés qui surviendront dans notre mariage. Ces secrets seraient « désacralisés » s’ils étaient partagés avec d’autres. Ne serait-ce pas alors une trahison de la confiance ? Que dire, par ailleurs, d’un mariage sans confiance, où l’on ne se dit que des banalités et dans lequel les époux ne se partageraient que le lit et le compte en banque, mais non le tréfond de leur âme ? Quelle horrible solitude !

Grandeur des époux qui se respectent et se confient de façon habituelle, prenant conseil ou soutien l’un auprès de l’autre, dans la certitude de ne jamais être « trahi » ! Voyez la Vierge Marie et son époux Joseph, quelle discrétion, quelle simple humilité ! « Pas de charité sans le respect d’autrui qui se traduit par les égards que nous lui rendons » (Père Chevrot). Après Cana, Marie n’intervient qu’une fois, pour s’effacer ensuite jusqu’à l’heure terrible de la Croix où elle revient auprès de son Jésus qui va mourir. Quant à saint Joseph, l’Évangile signale sa présence chaque fois que l’Enfant et sa Mère ont besoin de ses services. Ensuite, il n’est plus question de lui.

L’humilité ne consiste pas à se cacher pour ne rien faire, mais à ne pas s’admirer quand on a fait le plus et le mieux possible. À ne pas se raconter et monopoliser la parole dans les conversations, ce qui est souvent source de débordements que l’on regrette bien souvent quand on réalise soudain qu’on en a dit plus que nécessaire.  Ce qui se traduit généralement par de la médisance ou un manque de réserve, d’autant plus regrettable lorsque le sujet portait sur son époux ou sur sa femme ! Si l’on veut réussir un travail, il ne faut avoir en vue que ce travail, sans chercher les applaudissements. Si l’on veut parler utilement, il faut songer uniquement à ce qu’on dit, sans « amuser la galerie ». Et si l’on veut garder la précieuse confiance de son époux, on se gardera bien de la trahir en se laissant aller à des bavardages inutiles et qui ne regardent que l’intimité de son ménage.

Si l’époux chrétien ne s’admire pas >>>          >>> lui-même, en revanche il reconnaît ce que les autres font de bien, et en particulier son conjoint. Il voit ce qu’ils font de mieux que lui-même. « Que chacun d’entre vous, dit saint Paul, estime en toute humilité que les autres lui sont supérieurs ». Il ne s’agit pas de fermer les yeux sur nos propres qualités, nous savons bien qu’en distribuant des talents à chaque homme, Dieu ne nous a pas oubliés ! Cherchons toujours à reconnaître les qualités des autres et effaçons-nous loyalement devant leur supériorité.

Puisque notre époux a comme nous, des mérites et des droits, pourquoi exigerions-nous qu’il se plie toujours à toutes nos volontés ? À notre tour, sachons accepter ses désirs ou ses préférences. Il y a des situations où le chef de famille doit imposer sa décision sous peine de trahir son devoir d’état, mais il ne s’agit là ni de son opinion, ni de son goût personnel, même si souvent les deux peuvent correspondre. En d’autres circonstances la bonne entente sera toujours mieux assurée lorsque chacun se proposera de faire plaisir à l’autre.

Il serait injuste que l’épouse, la maman, fût seule à s’effacer. Tous doivent l’imiter et contribuer au bien-être de la famille. Les foyers malheureux sont ceux que régissent les affreuses lois du « chacun pour soi » et du « moi d’abord ». Le Christ a enseigné le règne d’un amour qui implique l’oubli de soi. On trouve son bonheur à rendre les autres heureux. Les époux sont toujours d’accord lorsque, avant d’exprimer un désir, le mari et la femme, chacun de son côté, s’interroge intérieurement : « Que préfère-t-elle ? » « Que souhaiterait-il ? » C’est à qui voudra contenter l’autre.

Dans une famille où tout le monde s’efforce de s’effacer, nul n’est sacrifié. On n’a plus besoin de penser à soi, les autres y pensent avant nous. Nul n’est oublié lorsque chacun s’oublie pour les autres !

Alors « vidons-nous » de nous-même, de tout ce tumulte qui tourne autour de notre pauvre petite personne qui, finalement, n’intéresse personne d’autre que nous. Et dans le vide qui se fait soudain, laissons entrer dans nos âmes la paix du bon Dieu qui, elle seule, unira d’une solide confiance mutuelle nos deux âmes d’époux. Si cela n’est pas le paradis sur terre, cela ressemble déjà à un bon avant-goût du Ciel !

 

Sophie de Lédinghen

 

Inspiré des « Petites vertus du foyer » (Georges Chevrot), Collection du Laurier.

 

A la découverte de métiers d’art : le tapissier (partie 2)

Voyons, avec cette deuxième partie sur le métier de tapissier les différentes étapes de restauration qu’il effectue.

Tout d’abord, il convient que le bois soit en bon état et préparé à recevoir la garniture. Qu’il sorte d’une restauration chez l’ébéniste ou non, le tapissier peut avoir encore à boucher les trous laissés par les anciennes semences, consolider les taquets, et faire « la carre » c’est-à-dire biseauter à la râpe à bois les angles de la feuillure pour poser la toile d’embourrure (voir plus loin).

 

Sanglage :

Une fois ce travail effectué, il est procédé au sanglage. Celui-ci se fait avec une sangle de jute très serrée, parfois avec une demi-largeur de sangle, à l’aide d’un tire-sangle et d’un marteau aimanté qui permet d’avoir « trois mains » pour fixer et tendre la sangle, tenir le marteau et fixer la semence.

Fait d’abord d’arrière vers l’avant, puis sur les côtés en entrelaçant le premier passage, sur un siège classique, il peut être, à l’inverse commencé par la grande longueur avec double sangle au centre, pour les canapés. Pour une garniture classique, le sanglage se fait sur le dessus de la feuillure, et en dessous si l’on pose des ressorts. C’est une étape importante : la sangle doit être très tendue, sans pour autant déformer le bois, car tout le reste du travail repose dessus.

 

Mise en crin :

Ensuite est posée la toile forte (jute très serrée) permettant d’isoler le crin des sangles afin que celui-ci ne s’échappe pas.

Si la garniture ancienne existe, elle sera réutilisée et complétée en crin. Des lacets seront passés pour fixer celui-ci. La quantité de crin dépend de la forme et du style du siège.

Cette étape de mise en crin est très importante car d’elle dépend toute l’allure du siège et sa solidité dans le temps. Il faudra longtemps le travailler à la main pour lui donner beaucoup de régularité.

Puis par-dessus, le tapissier pose la toile d’embourrure (toile de jute moins serrée), qu’il fixe avec des semences sur la partie biseautée de la feuillure. A travers cette toile, il retravaille le crin avec le tire-crin pour éviter trous et bosses.

 

Coutures :

Puis viennent les diverses coutures faites avec de la ficelle de lin très solide qui vont donner à la garniture sa forme et sa solidité pour éviter toute déformation dans le temps.

Points de fond pour fixer le crin et les toiles aux sangles, points de garniture pour « sculpter » la garniture et points de bourrelet qui donnent la ligne finale.

 

Crin animal et toile blanche :

Une épaisseur de crin animal (cheval ou vache) est ensuite fixée avec des lacets ou à gros points pour masquer les irrégularités des coutures et éviter que l’on sente la ficelle. Ensuite vient la pose d’une ouate de coton épaisse, sous ou dessus la toile blanche, pour encore affiner le tout et conférer un accueil >>>       >>> moelleux au siège. La toile blanche permet d’éviter l’usure prématurée du tissu définitif qui sinon, serait en contact avec les matières précédentes et frotterait à chaque usage du siège. C’est une toile de coton très solide et un peu raide.

 

Tissu définitif et finition :

Enfin vient la pose du tissu définitif (qualité siège impérativement), choisi avec le client et si possible dans le respect du style du siège. Il n’est pas toujours facile de se rendre compte de ce que donnera un tissu quand il est vu sur un échantillon. Le tapissier devra alors aider son client à se projeter.

La mesure anglaise des tours « Martindale », tend à s’imposer de plus en plus. Elle permet de mesurer la résistance du tissu en faisant passer dessus, en usine, des disques avec une vitesse de rotation très élevée afin de voir à partir de quand l’usure intervient.

Pour un usage quotidien, il ne faut pas moins de 20.000 tours Martindale. Evidemment plus le nombre de tours est élevé plus le tissu résistera dans le temps.

Il existe encore de très belles fabrications françaises, à des prix convenables qui donnent toute satisfaction, certaines reproduisent des tissus anciens d’après les « cartons » d’époque mais là, le coût s’en ressent.

Parfois une tapisserie de laine faite au petit point sera réutilisée, sur un vieux siège, voir le tissu ancien s’il est encore en bon état et que ce siège fait partie d’un salon entier.

Enfin ce tissu sera terminé par un galon collé ou des gros clous en laiton. Le tout dépend du style et de la nature du revêtement. Sur une tapisserie de laine ou un cuir, le galon n’est pas possible.

 

Particularités :

Tout doit être très tendu. La toile blanche et le tissu doivent travailler avant d’être fixés définitivement et seront donc tendus en plusieurs passes. C’est pourquoi, il est préférable de travailler à la semence en « appointant » ces toiles et non à l’agrafeuse, certes plus rapide mais qui ne permet pas ce travail de « détente » et tension, afin que le tissu ne poche trop vite.

Plus le siège est utilisé, plus le tissu se détend, mais il faut réduire ce phénomène autant que possible en amont.

 

Dossiers :

Selon le type de dossiers, le temps passé ne sera pas le même.

Les fauteuils Louis XIV ont des hauts dossiers qui nécessitent un léger sanglage de support, tandis que les fauteuils Louis XV ou Louis XVI ont des dossiers en « tableau » ou en fuite. Les cabriolets de même époque sont le plus souvent en médaillon où le crin est enfermé dans une sorte de couronne. Les fauteuils Restauration sont quant à eux, juste garnis de crin sans couture.

En réalité, c’est la partie la plus fragile du fauteuil car la feuillure pour y fixer les toiles étant étroite, il est hélas facile de fendre le bois (ce qui se voit à l’arrière du dossier). Aussi pour éviter de trop toucher au dossier, les anciens posaient une toile à carreaux ou toile neutre à l’arrière, pour n’avoir à changer que le tissu du devant si un malheur arrivait ou si l’on se lassait de la toile, sans tout démonter. Ce qui n’est pas le cas malheureusement si le tissu de couverture est mis à l’arrière du siège.

Nous vous souhaitons une belle restauration de vos vieux sièges.

Jeanne de Thuringe