L’unité d’une famille

 Quel bien plus précieux pour une famille que celle de son unité (I) ? En même temps, comme il est courant de la confondre avec ce qui n’en est que l’apparence (II), erreur qui provoque alors les dégâts les plus considérables (III). Évoquons ces trois points qui nous permettront de mieux comprendre comment garder et entretenir la paix familiale (IV).

I L’unité familiale 

L’unité se trouve au principe même de l’être de la société. Ainsi que le dit en effet saint Thomas d’Aquin : « Ce qui est composé n’a pas encore l’être tant que ses parties demeurent séparées, mais seulement lorsqu’elles s’unissent pour

 

 

constituer sa nature de composé. » Mais, qu’est-ce qui va établir l’unité des membres de cette société ? Il faut que tous aient à cœur le bien qui est commun à cette société et, s’il s’agit de la famille, le comprennent comme un bien inestimable qui mérite que l’on sacrifie pour lui, autant qu’il le faudra, ses intérêts personnels. C’est à la raison, éclairée par la Foi dans une société catholique, d’établir la norme commune à laquelle devront se plier le comportement et l’activité de tous.

II Vraie et fausse unité

Si, malheureusement, un membre de la famille s’émancipe d’une façon grave et durable de cette mensuration commune qui a été sagement établie par les parents, il faut faire tout ce que l’on doit pour aider cet égaré à venir à résipiscence. Puisse-t-il être touché par le dol et la peine qu’il inflige à toute sa famille ! Que Dieu soit loué si cet enfant prodigue retrouve le chemin de la vertu. Mais si, hélas, il persévère dans ses égarements, il importe que les parents, au nom d’une unité qui ne serait plus que seulement quantitative, ne fassent pas voler en éclat la vénérable règle familiale qu’ils avaient fixée, pour garder ce qui ne serait plus que l’apparence de l’unité.

III Dégâts générés par la fausse unité

Les maux qui seraient provoqués par cette faiblesse parentale seraient graves pour tous. Tous les membres de la famille subiraient les >>>         >>> conséquences de la dégradation ou de la corruption de ce qui fut la norme commune. Les membres les meilleurs perdront confiance dans leurs parents et auront tendance à s’éloigner de la famille pour ne pas cautionner par leur présence des agissements qu’ils réprouvent. Ils le feront d’autant plus que si, déjà jeunes parents, ils ont des enfants, ils auront à cœur de les protéger de scandales potentiels comme ceux de l’immodestie ou de l’intrusion d’un concubin.

Nous avons bien conscience que la prudence demande de savoir parfois tolérer certains maux, mais jamais si cette tolérance entraîne la corruption du bien de la société.

IV La paix familiale

« La paix est la tranquillité de l’ordre », et il n’est d’ordre que celui de Dieu, naturel et surnaturel. Tout l’effort familial et éducateur doit s’attacher à une généreuse et entière soumission à cet ordre divin qui demandera d’abord aux parents de s’y conformer généreusement. Leur exemple favorisera au plus haut point l’instauration d’une règle de vie familiale qui fera le bonheur vertueux de la famille car le bonheur ne s’épanouit jamais que dans la vertu.

Notre-Dame de la Sainte Famille, bénissez nos familles !

 

R.P. Joseph

 

Editorial

Chers amis,

Quand, il y a bientôt un an, nous choisissions ce thème, nous n’avions pas prévu ces derniers évènements qui ont blessé tous les catholiques par ces outrages insupportables, vus par le monde entier. Les racines chrétiennes de la France, fille aînée de l’Eglise, ont été attaquées. En tant que catholiques et en tant que Français, nous ne pouvons rester insensibles, et c’est bien en esprit de réparation que nous communierons et réciterons nos chapelets. Mais que nos ennemis prennent garde… Si les catholiques paraissent apathiques, faibles et sont des cibles faciles, ils possèdent une arme massive et invincible : la prière.

Nous ne nous habituerons pas au blasphème, nous prierons pour ceux qui ne savent pas ce qu’ils font mais nous ne pouvons accepter ces offenses faites à Dieu et nous saurons témoigner autour de nous de notre indignation ! Qui sait combien d’âmes choquées par ces excès retrouveront le chemin du Ciel ? Qui pourra compter combien d’actes de foi et combien de demandes de pardon auront provoqué ces spectacles indécents ?

Ce numéro nous aidera à ne pas nous laisser déstabiliser, à ne pas désespérer ni nous décourager ! On sait assez que ce serait là encore laisser une victoire au démon. Non ! Nous ne laisserons aucun évènement troubler notre paix et notre confiance. Chacun de ces articles saura parler à notre âme, nous apprenant comment garder paix, sérénité, mais aussi joie et sourire en toute circonstance.

Et qui mieux que Notre-Dame peut nous aider ?  « Le monde est maintenant si corrompu qu’il est comme nécessaire que les cœurs religieux en soient souillés sinon par sa boue, du moins par sa poussière, en sorte que c’est une espèce de miracle quand une personne demeure ferme au milieu de ce torrent impétueux sans en être entraînée au milieu de cette mer orageuse, sans être submergée ou pillée par les pirates et corsaires, au milieu de cet air empesté sans en être endommagée ; c’est la Vierge uniquement fidèle dans laquelle le serpent n’a jamais eu de part, qui fait ce miracle à l’égard de ceux et celles qui la servent de la belle manière1. » Monsieur l’abbé Castelain nous présente l’urgence de se consacrer à Notre-Dame.

Sachons aussi apprendre à regarder ces motifs d’espérance envoyés par Dieu pour soutenir notre fidélité : ce Congrès des familles du MCF2 qui rassemblait début juillet plus de 800 personnes, ces milliers de chapelets récités dans le monde entier grâce à l’initiative de La France prie3 (2810 lieux à ce jour en France), ces centaines de calvaires restaurés en France par SOS Calvaires4 et ses 4000 bénévoles. Que d’initiatives, certaines connues et d’autres plus discrètes, qui témoignent de la vitalité de la foi catholique et qui contribuent à faire régner le Christ dans nos vies !

O Notre-Dame des Foyers Ardents, donnez-nous l’espérance dans les incertitudes et les contradictions de la vie.  Apprenez-nous à marcher, comme vous, la main dans la main du Père céleste, pour continuer à chanter notre Magnificat dans les joies comme dans les peines.

Marie du Tertre

 

1 Traité de la dévotion à la Vierge – Saint Louis-Marie Grignion de Montfort

2 https://m-c-familles.fr/activites/congres-des-familles

3 https://www.lafranceprie.org/

4 https://soscalvaires.org/ –  C.F. Ma bibliothèque : Que la Croix demeure !

 

Le chevalier servant

Pour faire une mère, il faut un père. Dans le plan de Dieu, l’enfant est le fruit de l’amour d’un homme et d’une femme. Si la mère ne peut devenir mère sans le père, et inversement, chacun à un rôle différent à tenir auprès de l’enfant.

L’enfant prend forme dans le sein de la mère, caché pendant neuf longs mois. Puis survient la délivrance, la première respiration, le premier pleur. Les premières années, l’enfant est totalement dépendant de sa mère. Il a besoin d’elle pour se nourrir, mais aussi pour se construire. L’œuvre maternelle fonde le futur de toute une vie. Ne dit-on pas avec raison que le catéchisme le plus durable, celui qui revient à l’esprit au moment de l’agonie, est celui que l’on apprend sur les genoux de sa mère dans ses tendres années ? Cette nourriture corporelle, mais surtout spirituelle, cette vie fondée et élevée les premières années, c’est l’honneur de la mère, son devoir et sa grandeur.

Les premières années, le père est moins important. Disons-le clairement, jusqu’à ses six ou sept ans, un enfant a plus besoin de sa mère que de son père. Tout le temps de la gestation, sa vie dépend directement de la vie de sa mère. Tuez la mère et vous tuerez l’enfant. Puis, l’enfant boit le lait de sa mère. Si depuis quelques décennies, le lait en boîte peut remplacer l’allaitement naturel, par essence, l’enfant dépend encore de sa mère pour se sustenter. Sans elle, il périt. Enfin, les premières années, jusqu’à l’âge de raison, l’enfant est véritablement construit par sa mère. Il apprend le langage parlé et corporel, la reconnaissance, l’hygiène. Il découvre les premières émotions, les joies et les contrariétés, les larmes et les rires, il apprend à dominer ses caprices et à offrir ses premiers sacrifices. Là encore, contrairement à ce que veut nous faire croire le féminisme et notre société moderne qui nie la réalité pour ne pas voir l’inanité de ses idéologies, la mère est la mieux placée pour construire le petit d’homme. Elle a cette finesse psychologique, cette tendresse et cette douce autorité, cette abnégation et ce courage propre aux mères, véritable don de Dieu pour construire le cœur et l’âme des enfants. Qui peut nier une telle évidence ?

Au Moyen-Age, le jeune seigneur passait du monde des femmes au monde des hommes à sept ans. Les années passant, le rôle du père devient de plus en plus important pour construire l’enfant et l’adolescent, sans jamais remplacer la mère pour autant.

Irremplaçables mères, trésors de courage et de sacrifices, à l’image de Marie mère de Dieu, elles immolent véritablement une partie d’elles-mêmes pour leurs enfants. Peut-il y avoir amour plus fort que celui que donne une mère pour son enfant ? La maternité porte quelque chose de mystérieux. La mère donne la vie dans la douleur. La souffrance de l’accouchement, que nul homme ne connaîtra jamais, annonce la grandeur de la mission de la femme : mourir soi-même pour faire éclore la vie. N’y a-t-il pas là une ressemblance avec le mystère de la Croix ? Un cœur de vraie mère est nécessairement un cœur généreux.

Face à ce grand mystère, que les pères tiennent leur place ! Qu’ils soient le roc solide sur lequel leur épouse peut se reposer. Qu’ils travaillent avec courage pour subvenir aux besoins de la famille. Qu’ils soient l’autorité charitable pour guider la famille vers le Bon Dieu. Qu’ils soient le secours généreux pour seconder leur femme quand elle en a besoin. Qu’ils soient la force tranquille pour les travaux pénibles de la maison comme pour les grandes équipées, balades et pèlerinages. Qu’ils soient le modèle de piété et de sacrifice pour leurs enfants. Qu’ils soient les apôtres de l’Evangile dans la cité.

Mais surtout, qu’ils ne cherchent pas à remplacer la mère de leurs enfants. Face au grand mystère de la maternité, que les pères restent à leur place ! Un père ne rend pas service à ses enfants ni à son épouse s’il tente de devenir une deuxième maman…

Avec les enfants d’abord. Ne câlinez pas trop, maîtrisez vos émotions, restez toujours juste, ne couvez pas vos enfants. Ce n’est pas au père qu’il revient de soigner les écorchures sur les genoux ou les petites blessures faites à l’amour-propre pendant la récréation. Non ! Mais jouez avec eux, emmenez-les marcher, courir, apprenez-leur à se relever après une chute, à encaisser une humiliation ou un mauvais mot sans broncher. Montrez-leur comment agir avec honneur et courage. Voilà le rôle du père !

Puis avec votre épouse. Admirez son courage, soutenez-la, remerciez-la, tous les jours. Admirez votre épouse quand elle donne le sein, quand elle berce le petit, quand elle console ou encourage. Remerciez-la pour tout ce qu’elle fait quotidiennement pour le bien de la maison. Dites-lui combien elle vous est précieuse et combien vous l’aimez. Que le poète écrive un poème à son épouse, le musicien une symphonie, que le bricoleur lui fabrique la maison de ses rêves, que le jardinier lui plante une roseraie, que le globe-trotteur l’emmène en Patagonie, que le gourmand lui offre un bon dîner au restaurant, que chaque époux montre à son épouse la reconnaissance qu’il lui doit pour sa mission de mère. Il y a quelque chose de mystérieux dans l’œuvre maternelle. Le rôle du père, c’est d’être le chevalier servant de ce mystère, voulu par Dieu.

 Louis d’Henriques

 

L’Eglise contre la science

Les très nombreuses et spectaculaires avancées technologiques et scientifiques des dernières décennies, liées à un athéisme aujourd’hui omniprésent, semblent pousser de côté la religion en l’assimilant à de l’obscurantisme, à du fanatisme, ou encore à une preuve évidente de manque d’esprit critique et de raisonnement : l’homme un tant soit peu sensé n’a que faire de l’enseignement de l’Église, puisque c’est bien souvent d’elle qu’il s’agit. Des multiples critiques formulées à son égard, nous pouvons retenir les principales : l’Église doit son succès à l’ignorance des peuples, ignorance qu’elle a entretenue ; l’Église s’est opposée à la recherche scientifique, persécutant les chercheurs. Voyons ce qu’il en est1.

« L’Église profite de l’ignorance des peuples »

« Le pouvoir religieux va de pair avec l’ignorance », assène Yves Lever, dans sa Petite critique de la déraison religieuse. Cette idée que l’Église s’oppose à la connaissance a fait son chemin parmi les cercles anticléricaux, et a été largement entretenue depuis les soi-disant Lumières. Mais est-ce vraiment le cas ? L’Histoire nous prouve le contraire.

On fait souvent remonter l’origine de l’école à Charlemagne, au IXe siècle. Il ordonna en effet la création d’une école auprès de chaque abbaye ou cathédrale, dans le but d’enseigner les clercs mais également certains laïcs. On y apprenait la grammaire, le droit, la médecine, les lettres, la philosophie, sur des copies de textes antiques produites dans les bien connus scriptorium. Les religieux enseignaient à de jeunes hommes destinés aux ordres, ou aux fonctions politiques. Cette organisation scolaire était si bien établie qu’elle survécut aux invasions barbares et à l’anarchie du Xe siècle. Les religieux, principaux détenteurs du savoir, n’avaient pas cessé de transmettre leurs connaissances et de continuer à enseigner, ce qui permit un nouvel élan intellectuel en Gaule et en Italie après les années 950. Les XIe et XIIe siècles virent le développement d’écoles non rattachées à une cathédrale ou à un monastère, jetant la base des premières universités, dirigées par des religieux ou des laïcs reconnus pour leur piété (Saint Albert le Grand…). Ces universités bénéficièrent très tôt de la haute protection de l’Église. Ainsi les universités de Bologne (créée en 1088), d’Oxford, de Montpellier, de Toulouse, reçurent des papes divers privilèges en vue de favoriser leur enseignement et leur croissance. Par ailleurs, le 3ème concile de Latran (1179) fait obligation pour chaque cathédrale de disposer d’une école gratuite : « Il y aura, pour l’instruction des pauvres clercs, en chaque église cathédrale, un maître […] qui enseignera gratuitement.» Ainsi toute personne appelée aux responsabilités religieuse ou politique pourra bénéficier d’un enseignement de qualité, le préparant à assurer son office de la meilleure manière qui soit, et ce pour le plus grand bien non seulement de l’Église, mais encore de toute la société civile.

On pourrait alors objecter que cet effort de l’Eglise dans l’enseignement ne visait que les élites, afin de les diriger et de les subordonner au clergé, tandis qu’elle laissait le bas peuple dans l’ignorance. Il est vrai que l’éducation du Tiers Ordre2 à l’époque médiévale n’est pas à l’ordre du jour : la très grande majorité de la jeunesse est en effet attendue dans les champs ou à l’atelier familial, plutôt qu’au siège des échevins, notaires et huissiers de justice. L’enseignement est surtout religieux, avec l’apprentissage du catéchisme et de la morale chrétienne lors des sermons et des leçons publiques, que prêtres et moines dispensent à l’église ou sur les parvis. C’est là le fonctionnement de la société médiévale, où l’on estime que la connaissance principale est celle qui touche au salut de l’âme, le reste n’étant pas d’une vraie utilité quand il ne répond pas à un besoin particulier nécessité par un office spirituel ou politique. Cette apparente ignorance est en réalité compensée par un solide bon sens et une réelle connaissance du monde, aujourd’hui quasiment perdus du fait des idéologies modernes et de l’omniprésence du virtuel.

Une autre constatation vient rejeter l’objection faite plus haut : la croissance de l’Eglise en Europe et dans le monde s’est partout accompagnée d’une prolifération des écoles et autres établissements d’enseignement. Des ordres religieux en font leur spécialité, tels les salésiens3 ou les jésuites4, en Occident comme en terre de mission. En terre étrangère, l’école est l’un des premiers bâtiments construit par les missionnaires assurant bien souvent l’enseignement de leurs nouvelles ouailles. Ainsi, l’histoire de l’Eglise est indissociable de celle de l’enseignement, au rebours de ce qu’affirment de nombreuses critiques.

« L’Eglise s’est opposée aux scientifiques et à leurs recherches »

Une attaque plus courante contre l’Eglise est qu’elle se serait généralement opposée à la recherche scientifique et aux savants qui, par leurs travaux, contredisent ou risquent de remettre en question son autorité. Référence est alors faite à l’affaire Galilée, comme preuve de l’obscurantisme et de la tyrannie de l’Église contre les chercheurs, désireux seulement d’éclairer le peuple. Revenons brièvement sur cette histoire, ce qui permettra de rétablir des faits historiques et en même temps d’exposer quelques principes de la relation entre la science et la Foi.

Galilée5 enseigne d’abord les mathématiques, puis l’astronomie à l’université de Padoue. Le système alors en vigueur est celui de Ptolémée, ou système géocentrique : la Terre est fixée au centre de l’univers, tandis que les autres planètes ainsi que le Soleil tournent autour d’elle. Cette croyance a bien été remise en cause par Copernic6, soutenant au contraire le système héliocentrique (le Soleil est le centre de l’univers), mais il ne réussit pas à apporter suffisamment de preuves scientifiques pour convaincre ses contemporains, d’autant plus que le géocentrisme semble plus en accord avec ce que l’on peut lire dans la Sainte Ecriture. L’héliocentrisme bénéficie pourtant d’un certain soutien parmi les papes eux-mêmes, dont Clément VII7, ne remettant pas pour autant en cause l’Ecriture : cette dernière n’est pas un traité de science ou une œuvre à prendre systématiquement au sens littéral. Elle s’adresse à l’ensemble des hommes et doit donc être comprise par eux, charge ensuite à l’Église de clarifier ce qui pourrait interroger, à la lumière de la Tradition. En 1609, Galilée est convaincu du système de Copernic et proclame haut et fort la fausseté du géocentrisme. Le problème est qu’il présente immédiatement ce système comme une certitude scientifique, impliquant ainsi une remise en cause de l’interprétation alors en cours de l’Ecriture, sans pour autant donner de preuves concluantes8. Or les autorités religieuses sont disposées à corriger leur compréhension des textes, pour peu que la certitude scientifique soit établie : « Que Galilée nous apporte d’abord quelques preuves scientifiques convaincantes ; il lui sera ensuite loisible de parler de la Sainte Ecriture » (P. Greinberger) : « Je ne croirai pas à l’existence d’une pareille démonstration avant qu’elle ne m’ait été faite et, dans le cas de doute, on ne doit pas abandonner l’interprétation traditionnelle. » (Cardinal Bellarmin)

Le problème est donc d’abord une question de méthode scientifique (pas d’affirmation absolue avant de prouver) puis une question religieuse (l’interprétation de l’Ecriture). Le refus de Galilée de présenter l’héliocentrisme comme une théorie, en l’absence de preuves réelles, et sa remise en question implicite de l’Ecriture lui valurent une première condamnation : il lui est interdit de parler de l’héliocentrisme, tant que les découvertes scientifiques n’auront pas apporté de certitude en la matière. Ne respectant pas son serment, il sera assigné à résidence suite à un second procès en 1633, pour parjure et tromperie, ayant obtenu par fraude l’autorisation de publier un ouvrage affirmant de nouveau la certitude de son système, sans apporter plus de preuves. Cette nouvelle condamnation disciplinaire sera effectuée dans divers palais avec toutes les commodités possibles, bien loin de l’image de persécution que rapporte l’historiographie moderne.

 

La science, servante de l’Eglise ?

La relation entre Science et Eglise, entre Raison et Foi, s’exprime dans une subordination de la première à la seconde. Elles ont toutes deux la vérité comme objet, mais sur des plans différents. La science relève plutôt de la vérité physique, qu’elle cherche à démontrer principalement par l’expérience et l’observation. Pour arriver à une certitude absolue, à la vérité scientifique, des théories sont d’abord échafaudées, pour être ensuite confirmées ou contredites par les expériences et les observations. Le chemin est long avant de parvenir à la vérité recherchée, et les exemples ne manquent pas de certitudes d’un temps qui ont été remplacées par d’autres : le remplacement du géocentrisme par l’héliocentrisme, où s’est illustré Galilée, le montre bien. Les défaillances humaines, les défauts éventuels des outils scientifiques rendent difficile l’atteinte de la vérité. Par la science, l’homme découvre lentement le monde qui l’entoure. Il peut, par la raison, sortir du monde physique pour prouver l’existence de Dieu ou l’immortalité de l’âme, mais il est bien en peine d’en dire plus.

La Foi, quant à elle, a pour objet direct Dieu et sa création. Elle s’appuie sur la Révélation, contenue dans la Bible, et sur la Tradition, c’est-à-dire sur l’enseignement des apôtres par le Nouveau Testament et l’enseignement de l’Église. Alors que la Raison peut errer et se tromper dans sa recherche de la vérité, la Foi donne une connaissance sûre des vérités les plus hautes concernant Dieu, puisqu’elle provient directement de Lui. La théologie, ou science de Dieu, vient approfondir les vérités qui seraient plus difficiles à comprendre. Cette connaissance des choses de Dieu est en soi la seule nécessaire à l’homme, puisqu’elle lui permet d’accomplir son but qui est de connaître, d’aimer, de servir Dieu et ainsi d’atteindre le bonheur parfait. La science humaine, pour respectable et éminente qu’elle soit, n’a pour but que de permettre à l’homme d’atteindre une paix terrestre, temporelle, qu’il doit mettre à profit pour mieux se diriger vers Dieu. Cette connaissance du monde peut malheureusement être dévoyée, et servir à des buts autres que la recherche de Dieu et sa contemplation, s’attirant alors la condamnation des autorités romaines9 : le salut de l’homme étant supérieur au savoir, il appartient au devoir de l’Église de corriger les chercheurs quand leurs erreurs mettent le prochain en danger de perdre son âme. 

Nous pourrions pour conclure dresser une liste des religieux qui, par leurs travaux, ont fait avancer la science. Cela permettrait d’enterrer définitivement l’accusation d’opposition de l’Église à la science ; mais leur nombre est bien trop important pour en faire ici le catalogue10. En résumé, l’Église a toujours encouragé la Science et son enseignement, quand elle permet à l’homme de devenir meilleur et de se rapprocher de Dieu. Elle l’a également combattue ou dénoncée lorsqu’elle était utilisée au mal. Dans ce dernier cas, elle n’est plus légitime et corrompt l’homme au lieu de le grandir : « Science sans conscience, disait Rabelais, n’est que ruine de l’âme.» Cela est encore plus vrai quand la science s’oppose à la conscience de Dieu.

RJ

1 Science est utilisé dans cet article pour parler de l’ensemble des sciences, et non pas uniquement de la science « technologique »

2 La société médiévale est divisée entre le Clergé (religieux), la Noblesse (chevaliers) et le Tiers Ordre (artisans, laboureurs …)

3 Congrégation fondée en 1859 par saint Jean-Bosco

4 Fondée par saint Ignace de Loyola en 1539

5 Galileo Galilei : Italie, 1565 – 1642

6 Nicolas Copernic : Prusse, 1473 – 1543

Pape de 1523 à 1534

8 Il appuyait sa démonstration sur le phénomène des vents et des marées, qui ne sont pourtant pas causés par la rotation de la Terre.

9 Se référer aux textes de Pie XII : l’encyclique Humani Generis (1950), Discours à l’académie des sciences (1951)…

10 Nous renvoyons le lecteur intéressé par ce sujet au Savoir et Servir n°75, ed. du MJCF, duquel une grande partie de cet article est tiré.