Le quatrième commandement de Dieu

 « Honore ton père et ta mère afin que tu vives longuement1 » arrive à la quatrième place dans l’énumération des commandements de Dieu. Il est utile de s’arrêter sur cette place que Dieu lui a faite. Nous découvrons qu’il s’agit en réalité d’un emplacement « charnière » entre la première et la seconde Table (I). Le quatrième commandement ainsi placé nous apparaît alors comme la première application ou conséquence que l’on doit tirer de la première (II) et le principe qui ouvre à la mise en pratique des commandements de la seconde (III).

I) Le quatrième commandement, charnière entre les deux Tables

« Or, le Seigneur ayant achevé les discours de cette sorte sur la montagne du Sinaï, donna à Moïse les deux tables de pierre du témoignage, écrites du doigt de Dieu2.» La Bible nous révèle donc que les commandements figuraient sur deux Tables. Sur la première, étaient écrits les trois premiers commandements qui règlent les rapports des hommes avec Dieu. Sur la seconde, se trouvaient gravés les sept autres qui expriment les rapports des hommes entre eux.

  • Les trois premiers nous disent ce que les hommes doivent à Dieu :

– la fidélité : « Tu n’auras pas de dieux étrangers devant moi. »

– le respect : « Tu ne prononceras pas en vain le nom du Seigneur. »

– le service : « Souviens-toi de sanctifier le jour du sabbat.»

  • Les sept autres nous apprennent ce que les hommes se doivent les uns aux autres :

– les enfants doivent honorer leurs parents et par suite, les inférieurs, leurs supérieurs (cinquième commandement),

– on ne doit nuire au prochain par action ni dans sa propre personne (5e commandement), ni dans la personne qui lui est unie par le mariage (6e), ni dans sa propriété (7e), ni par de faux témoignages et des mensonges (8e).

– On ne doit pas nuire au prochain même par désir :

  – ni dans la personne qui lui est unie par le mariage (9e commandement),

  – ni dans ses biens (10e commandement).

On voit donc que le commandement qui enjoint d’honorer ses parents est le tout premier de la seconde Table et il y a lieu de s’interroger maintenant sur cette place que Dieu lui a faite.

II) Le principe d’autorité, clef de voûte de toute société

Le doigt de Dieu grave d’abord dans la pierre les trois premiers commandements, ceux qui définissent les devoirs des hommes à son égard. Il est évident, en effet, que la première préoccupation des êtres raisonnables doit être de rendre à leur Créateur et à leur Rédempteur ce qu’ils lui doivent, du moins autant que c’est possible. Et il n’est pas moins évident que rien ne peut se passer convenablement dans les sociétés terrestres si le culte qui est dû à Dieu se trouve négligé, comme l’avaient parfaitement compris les Anciens. Plutarque affirme, par exemple, qu’ « il est plus facile de bâtir une ville dans les airs que de constituer une société sans la croyance aux dieux3 ».

Cependant, Dieu a voulu être représenté sur la terre par des chefs. Il dirige les sociétés par des hommes à qui Il délègue son autorité et qui exercent le pouvoir en Son nom. Cette origine divine de l’autorité se prouve tant par la Sainte Ecriture que par la raison.

Dans la Sainte Ecriture, nous lisons au Livre des Proverbes : « C’est par Moi que règnent les rois (…) et qui gouvernent les chefs et les grands4.»  Et nous connaissons la magnifique réponse de Notre-Seigneur Jésus-Christ à Pilate : « Tu n’aurais aucun pouvoir sur moi s’il ne t’avait pas été donné d’en-haut5

Quant à la raison, elle nous dit que le commandement suppose une supériorité qui ne peut venir ni du chef qui commande, ni de la société qui l’a choisi comme chef, car ni l’homme, ni la société n’ont le pouvoir de prescrire des actes sous peine de péché. Pour qu’un supérieur ait droit à l’obéissance, il faut qu’il ait reçu une délégation de Dieu, il faut qu’il représente Dieu auprès de ses inférieurs6.

Étant ainsi établi que Dieu gouverne sur la terre par l’intermédiaire d’hommes, il est alors requis que le principe d’obéissance aux autorités ainsi constituées par Dieu soit manifesté en tout premier lieu comme la condition sine qua non de l’ordre qui existera dans les sociétés terrestres.

III) Les représentants de Dieu 

La grandeur des autorités qui se trouvent à la tête des sociétés terrestres est donc d’être investie d’un pouvoir divin. Ce pouvoir que Dieu délègue aux hommes aura pour mission de faire respecter parmi eux la loi divine. En aucune manière, Dieu ne livre les inférieurs, les subordonnés, les enfants à l’arbitraire d’une autorité despotique.

Voilà pourquoi, après le quatrième commandement, se succèdent les six derniers commandements qui précisent les devoirs des hommes les uns à l’égard des autres. Il appartiendra aux parents et, indirectement à toutes les autorités constituées, dans le domaine qui leur est confié, de veiller à ce que les rapports ainsi définis par Dieu soient respectés. Pareillement, il leur appartiendra aussi que les commandements de la première Table soient en tout premier lieu mis à l’honneur et mis en pratique.

Comme on le voit, le quatrième commandement joue un rôle charnière entre les deux Tables tant parce qu’il légitime auprès des hommes les parents et les supérieurs comme représentants de Dieu que parce qu’il les fait responsables du respect des commandements divins dans les sociétés dont ils ont la charge.

Dieu a voulu appuyer le quatrième commandement par une double sanction. D’un côté, il a adressé des menaces à ceux qui le transgressent : « Maudit soit celui qui traite avec mépris son père et sa mère7.». De l’autre, il a fait les plus belles promesses à ceux qui y sont fidèles : « Honore ton père et ta mère afin que tes jours soient longs8.» Il nous faut savoir le dire, l’expliquer, le rappeler.

Avec ma bénédiction.

Dans le Cœur Douloureux et Immaculé de Marie,

R.P. Joseph

1 Dt 5, 16.

2 Ex 31,18.

3 Plutarque, Contra Colotès

4 Prov. 8, 15-16.

5 Jn, 19-11.

6 Boulenger, La Doctrine Catholique, Vitte, 1923, p. 327.

7 Deut. 27, 16.

8 Ex. 20,12.

 

 

Le porte-plateau

Chères couturières,

Vous aussi avez rapporté de vos vacances provençales un joli tissu fleuri par des lavandes, ou parsemé de cigales ou d’olives ?  Voici un petit projet pour décorer votre cuisine et y semer la joie des contrées sublimées par le soleil ! Une remise au travail en douceur ou un premier projet pour vous lancer avec les bonnes résolutions prises pour la nouvelle année ?

Bonne couture !

Atelier couture

https://foyers-ardents.org/wp-content/uploads/2025/09/2025_09_01_Porte-plateaux_fiche-site.pdf

 

Tu honoreras ton père et ta mère

Chers amis,

« Puisque les dix préceptes du Décalogue renferment le bien absolu et l’ordre même de la justice et de la vertu, on ne peut pas absolument s’en dispenser1. » Chacun connaît la liste des commandements de Dieu, mais pour atteindre la sainteté, il faut s’y conformer. Or pour les suivre, il faut encore savoir les comprendre dans leur globalité explicitée par le catéchisme. Voilà pourquoi nous avons choisi d’approfondir dans ce numéro ce précepte quelque peu oublié aujourd’hui dans notre monde matérialiste et plus soucieux d’offrir un certain « confort » à l’homme plutôt que de se préoccuper de son salut éternel…

L’examen de conscience précise que ce commandement concerne non seulement nos devoirs vis-à-vis de nos parents, les devoirs réciproques des maîtres et des serviteurs, des maris et des épouses, mais aussi ceux des parents à l’égard de leurs enfants. Il nous demande de nous examiner sur notre négligence dans l’éducation chrétienne ou la pratique religieuse, sur les mauvais exemples donnés, le manque de surveillance, de soins, de disponibilité, de conseils ou de corrections nécessaires, sur la dureté, l’injustice, le manque ou l’excès de sévérité.

Vous trouverez dans ce numéro de nombreux articles concernant nos devoirs envers nos parents ; les obligations vis-à-vis de nos enfants ont été traitées très régulièrement dans nos précédentes revues dont c’est le principal objet.

Revenons donc rapidement ici sur les grands principes concernant ce deuxième aspect afin que nous ne risquions pas de les oublier dans notre examen de conscience.

En contemplant la vie de la Sainte Famille on peut tirer les conclusions suivantes :

– Le père doit subvenir aux besoins matériel (nourriture, vêtements, logement).

– Il a aussi le devoir de donner l’instruction des connaissances ordinaires mais surtout d’enseigner le chemin du ciel. Jésus nous l’a dit lorsqu’il fut retrouvé au Temple : « Ne fallait-il pas que je sois aux choses de mon Père ? » L’éducation religieuse sera donc une priorité dès le plus jeune âge2 ainsi que le choix d’une école vraiment catholique.

– Il se doit de donner l’éducation convenable à ses enfants en les corrigeant par des punitions appropriées et proportionnées et en les encourageant afin de faire fructifier talents et qualités en éradiquant leurs défauts et en leur apprenant à avoir un repentir sincère de leurs fautes.

– Enfin, il doit leur donner le bon exemple. L’enfant observe beaucoup : « Crois tes yeux et pas tes oreilles », dit Alexandre Soljenitsyne. Quel meilleur héritage que de voir son père à genoux chaque soir, l’entendre se lever tôt chaque matin pour aller à la messe, constater qu’il va se confesser régulièrement ? Soyons bien persuadés que l’enfant s’en souviendra toute sa vie.

Tel père, tel fils. Telle mère, telle fille. Que la pensée de l’exemple que l’on donne chaque jour à nos enfants ne nous quitte pas !

En cette période de rentrée et de résolutions, ne manquons pas de lire ces lignes avec attention et de tirer les conclusions nécessaires.

 

Que Notre-Dame des Foyers Ardents nous aide à honorer ce commandement tel qu’il se doit.

Bien amicalement,

 

 

Marie du Tertre

 

Quand le juge fait la loi : vers un gouvernement des juges ?

La question peut sembler surprenante : les juges, à première vue, n’exercent aucun pouvoir de gouvernement. Leur rôle ne consiste pas à prendre, comme peuvent le faire un gouvernement ou un parlement, des mesures de portée générale, mais à appliquer la loi aux situations particulières dont ils sont saisis. Et pourtant les exemples abondent d’affaires où les juges prennent des décisions qui sortent de ce cadre : lorsque la Cour suprême de Roumanie invalide un candidat arrivé en tête du premier tour de l’élection présidentielle en décembre 2024 et annule le scrutin, lorsque le tribunal judiciaire de Paris condamne en mars 2025 une candidate déclarée à l’élection présidentielle française de 2027 à une peine d’inéligibilité avec application immédiate nonobstant appel, lorsque le Conseil constitutionnel censure en janvier 2024 les mesures les plus emblématiques d’une loi sur l’immigration votée par le Parlement français, lorsqu’un tribunal administratif annule la construction d’une autoroute au motif que celle-ci ne répondrait pas à un objectif d’intérêt général impérieux, il est difficile de ne pas y voir des décisions dont la portée politique est indéniable. 

La tentation du juge de sortir d’un cadre qu’il considère comme trop étroit a été longtemps illustrée par la harangue prononcée en 1968 par le magistrat Oswald Baudot à l’attention des jeunes juges : « Soyez partiaux. (…) Examinez toujours où sont le fort et le faible qui ne se confondent pas nécessairement avec le délinquant et sa victime. Ayez un préjugé favorable pour la femme contre le mari, pour l’enfant contre le père, pour le débiteur contre le créancier, pour l’ouvrier contre le patron, pour l’assuré contre la compagnie d’assurance, pour le malade contre la sécurité sociale, pour le voleur contre la police, pour le plaideur contre la justice. » Il s’agissait à cette époque de porter atteinte à l’impartialité des magistrats par la prise en compte de préjugés socio-culturels qui devait infléchir l’interprétation de la loi applicable.  Aujourd’hui, le gouvernement des juges concerne surtout les décisions des cours suprêmes qui ont plus de chances d’interférer dans le champ politique que les jugements des tribunaux et des cours d’appel.

L’apparition du gouvernement des juges peut être fixée à 1803 avec l’arrêt rendu par la Cour suprême des Etats-Unis dans une affaire Marbury contre Madison dans laquelle la Cour s’est proclamée compétente pour annuler les lois qu’elle considérait comme contraires à la Constitution alors que celle-ci ne lui conférait pas un tel pouvoir. Le président en exercice des Etats-Unis, Thomas Jefferson, a critiqué cette décision qui place l’Amérique « sous le despotisme d’une oligarchie ». Ce pouvoir de la Cour suprême américaine n’a pas été remis en cause et cette juridiction a montré l’usage qu’elle pouvait en faire pour limiter les pouvoirs du Président et du Congrès.

Une telle conception a longtemps heurté la conception française de la justice héritée de la Révolution. Dès avant celle-ci, Montesquieu affirmait que les juges ne sont que « la bouche de la loi » alors que les parlements de l’ancienne France voulaient s’ériger en cours souveraines empiétant sur le pouvoir législatif qui appartenait au roi. La Révolution et l’Empire ont limité les pouvoirs des juges en leur retirant dès 1790 la compétence de juger des litiges dans lesquels sont parties l’Etat et des personnes de droit public, et ont diminué leur statut en en faisant des fonctionnaires assez peu considérés et soumis pour leur avancement au pouvoir exécutif.

Cette position subordonnée des juges français a évolué sous l’influence de plusieurs facteurs au premier rang desquels figure l’influence anglo-saxonne. Dans le système juridique anglo-américain, la loi joue un rôle limité en tant que source du droit. Le fondement du droit anglais, et de façon dérivée du droit américain, est la coutume, interprétée par les tribunaux, sur laquelle ils vont bâtir leur jurisprudence. Avec la règle du « précédent », les juges anglais et américains sont liés par les décisions antérieures prises par les tribunaux sur le même sujet alors que l’article 5 du code civil, dans sa version de 1804 toujours en vigueur, interdit « aux juges de se prononcer par voie de décision générale ou règlementaire sur les causes qui leur sont soumises ». Parallèlement, le statut des juges anglo-américains est bien supérieur à celui des juges français : ce sont les meilleurs avocats qui deviennent magistrats au Royaume-Uni tandis qu’aux Etats-Unis, l’élection de nombre d’entre eux leur donne une légitimité qui fait défaut à leurs homologues français même si des modifications législatives ont renforcé l’indépendance des magistrats français à l’égard du pouvoir exécutif. 

Le second facteur ayant favorisé une telle évolution est la multiplication des normes auxquelles doit se référer le juge. Des lois et décrets de plus en plus nombreux entraînent des risques de contradiction qui donnent au juge une marge de manœuvre dans la détermination du texte applicable. Ce risque s’est trouvé accru avec l’internationalisation du droit, le développement considérable du droit européen et la jurisprudence abondante, voire discordante, des cours suprêmes internationales que sont la Cour de justice de l’Union européenne et la Cour européenne des droits de l’homme. Pour un litige donné, les tribunaux auront le choix entre des normes internes et des normes internationales et pourront ainsi tirer parti de cette complexité pour orienter leur décision dans le sens qu’ils tiendront pour équitable. En outre, la Cour de justice de l’Union européenne, et plus encore la Cour européenne des droits de l’homme, font prévaloir des thèses clairement favorables à l’immigration, à une certaine défense de l’environnement et aux minorités de tous genres.

Le troisième facteur est, bien sûr, le rôle joué en France par le Conseil constitutionnel. Cette institution de la Vème République avait été créée pour limiter les empiètements du Parlement sur les prérogatives de l’exécutif. Son rôle a complètement changé lorsqu’il s’est arrogé, dans une décision rendue le 16 juillet 1971 le pouvoir de juger de la conformité des lois non seulement à la Constitution elle-même mais au bloc de constitutionnalité constitué par la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, le préambule de la Constitution de 1946 qui y a ajouté des droits économiques et sociaux et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. Ces principes ont été « découverts » par le Conseil constitutionnel lui-même qui a inclus dans cette notion la liberté d’association, la liberté des cultes, la liberté d’enseignement, les droits de la défense, l’indépendance des juridictions administratives, la fraternité etc. A la suite de la révision constitutionnelle de 2005, ce bloc de constitutionnalité a été renforcé par la Charte de l’environnement que le Conseil constitutionnel a complétée en y rattachant la lutte contre le changement climatique. Ce pouvoir que s’est reconnu le juge de déterminer la loi qu’il a vocation à appliquer est à la fois critiquable et source d’abus.  Un ancien membre du Conseil constitutionnel, Georges Vedel, ne s’y est d’ailleurs pas trompé lorsqu’il a affirmé : « Le juge constitutionnel ne dit pas le droit, il fait la loi. » 

Cette intervention du juge dans des décisions politiques au nom de l’« Etat de droit » résulte d’un renoncement du gouvernement et du parlement à remettre en cause un tel empiètement. Elle traduit aussi la volonté de certains lobbies de faire prévaloir leur volonté en dehors du cadre électoral.  Elle pose de sérieuses questions sur les véritables titulaires du pouvoir. La démocratie apparente masquerait-elle une oligarchie qui dirige le peuple plus soumis que souverain ? Une modification de la Constitution ne devrait-elle pas limiter le pouvoir que les juges se sont octroyé ?

Thierry de la Rollandière