Célibat géographique ou déménagement?

           Marc, marié avec 3 jeunes enfants, ingénieur en bureau d’étude, hésite : son entreprise lui propose une mission d’un an pour mettre au point son matériel sur une base militaire, dans une ville agréable mais à 500 km de son domicile actuel… Doit-il faire confiance à son chef qui a intérêt à ce qu’il accepte, mais ne peut pas garantir un poste précis à son retour ? Et puis, son épouse n’est pas enthousiaste…

Marc a récemment acheté une maison. Dans la grande ville où il réside, il bénéficie d’une bonne école catholique, d’un réseau d’amis…  Son épouse n’est pas une aventurière, elle fréquente de nombreuses amies, quelques œuvres associatives … Partir seulement 1 an ? Se fatiguer à chercher un logement, faire la classe à l’aîné des enfants, n’avoir la messe que les dimanches, mais pas en semaine ? Marc hésite à refuser le poste, car il a besoin de progresser pour sa motivation professionnelle et pour nourrir sa famille qui grandira encore. Alors, peut-être partir en célibat géographique ? Revenir en train chaque week-end ? Son épouse sensible, fera-t-elle face avec les 3 enfants ? Tout se mélange dans sa tête : comment trier tous ces arguments pour ou contre ? Il prend conseil.

La séparation des époux est mauvaise, sauf exceptions

Toute la semaine, mari et femme séparés sont sous pression, pressés d’accomplir leurs devoirs professionnels ou de soin des enfants. Le mari rentre tard le vendredi : comment se réincorporer dans la vie de famille qui a continué sans lui ? Chacun a une lourde liste de choses à régler pendant le week-end qui ne sera donc pas un temps de détente. Le mari veut reprendre en main les enfants, et son épouse peut avoir l’impression qu’il lui reproche ainsi de ne pas avoir été à la hauteur. Parfois, c’est l’épouse fatiguée qui demande de serrer la vis… Comment garder la complicité légitime du père avec ses enfants, l’écoute, les conseils, les échanges ? Comment réagir lorsque l’épouse souhaite qu’ils aillent dîner chez des amis le samedi, en laissant les enfants ? Ou au contraire, lorsqu’un des adolescents est invité à l’extérieur ?

Ceux qui ont vécu en célibat géographique le disent : en raison de la distance, des rythmes et contextes de vie différents, un déphasage permanent s’installe et fait souffrir durement. L’unité des époux, donc de la famille, est mise en danger et personne ne sort indemne lorsque la vie commune reprend.

Les enfants ont besoin de parents visiblement unis, attentifs voire admiratifs l’un pour l’autre, pour être épanouis et se sentir en sécurité : ils souffriront davantage de la séparation que d’un déménagement.

Seuls le soir, le mari ou l’épouse peuvent chercher des compensations (sorties, amitiés, internet, coucher tardif) ou perdre le moral, succomber à la langueur, aux récriminations, ou à la tristesse.

Pie XII , dans son discours aux jeunes époux du 15/07/1942, nous alerte sur ce thème de la séparation: « C’est une épreuve, c’est une douleur, certes ; mais c’est encore un danger : le danger que l’éloignement prolongé accoutume peu à peu le cœur à la séparation et que l’amour se refroidisse et baisse, selon le triste proverbe « loin des yeux, loin du cœur » (…) La tentation viendra de ceux qui vous entourent : on voudra, dans une intention louable et sans éveiller le moindre soupçon, vous consoler, vous réconforter ; cette compassion sincère et votre courtoise reconnaissance soumettront votre tendresse à une dangereuse épreuve, la feront fléchir et grandir ; les intérêts matériels ou moraux du foyer, des enfants, de l’absent lui-même uniront leurs voix pour vous presser de recourir à des conseils, à des appuis, à des aides. Cette rencontre de l’empressement le plus loyal et le plus désintéressé et de votre confiance la plus sincère et la plus honnête pourra furtivement insinuer l’affection dans votre tendre cœur. »

Célibat géographique : LA question essentielle

Est-ce vraiment notre devoir de choisir le célibat géographique et de laisser l’épouse avec les enfants ? Ou est-ce une forme de confort ? Cette question est primordiale : si c’est vraiment un devoir, c’est à dire la volonté de Dieu, alors les grâces d’état seront présentes. Sinon, le danger est majeur.

Il peut y avoir de bonnes raisons à la séparation : dans une période difficile, le père de Padre Pio1 s’est expatrié deux fois pour payer les études de ses enfants, pendant que son épouse gérait seule la petite ferme de Pietrelcina. Un officier affecté sur un poste qui l’obligerait à être en déplacement hors de son domicile 4 nuits chaque semaine ne fera pas déménager son épouse. 

Mais souvent, les motifs d’éviter un déménagement, certes fatigant, ne sont-ils pas remplis de prétextes ? Des tentations sous apparence de bien :

¨ Les bonnes écoles…  mais en primaire, au pire, on peut s’organiser pour des cours par correspondance ; et en secondaire la pension est une bonne solution.

¨ La messe… il faudra peut-être faire quelques km en plus, vers une église moins jolie…

¨ Le déménagement est fatigant, Paris fait peur parce qu’on sera plus à l’étroit, que faire si on est propriétaire ? Ce sont de vrais sacrifices matériels, mais pour un bien plus noble : l’unité familiale.

¨ Le travail éventuel de l’épouse… occasion de changer ? ou d’arrêter temporairement ?

¨ La difficulté du poste : si l’autorité légitime nous croit capable de réussir et nous le propose, ne refusons pas l’effort, ou la progression de carrière !

¨ Les amis et les cercles…c’est l’occasion de se faire de nouveaux amis !

Sachons voir les bénéfices d’un déménagement :

Un déménagement nous sort de la routine qui peut endormir notre vie familiale ou professionnelle, et même notre âme. Retrouvons la joie des petits enfants face à la découverte de nouveaux horizons, de nouveaux amis. Un déménagement est une occasion de prendre de nouvelles habitudes.

Dans notre cas réel, Marc a finalement déménagé avec sa famille. Les essais de son matériel ont duré deux ans au lieu d’un. Il est revenu ensuite dans sa grande ville, avec un travail encore plus intéressant.

Chaque membre de la famille avait gagné en confiance en soi, en capacité à affronter l’incertitude de l’avenir ! Si c’était à refaire, ni son épouse ni lui n’hésiteraient ! L’unité familiale qui aurait souffert de la séparation s’est trouvée renforcée : ils avaient vécu une aventure ensemble.

Que faire si le devoir impose la séparation ?

Des règles fortes pour une vie régulière sont nécessaires.

La vie spirituelle doit être renforcée par les deux époux, pour que la grâce compense l’anomalie de la séparation : le chapelet quotidien est vital, une messe en semaine et la méditation quotidienne sont des atouts majeurs. Enfin, les époux peuvent se coordonner pour prier à la même heure, à distance. « Souvenez-vous que, si Dieu a élevé le lien nuptial à la dignité de sacrement, de source de grâce et de force, il ne vous y donne pas la persévérance sans votre propre et constante coopération. Or, vous coopérez à l’action de Dieu par la prière quotidienne, par la maîtrise de vos penchants et de vos sentiments (surtout s’il vous fallait vivre quelques temps séparés l’un de l’autre), par une étroite union au Christ dans l’Eucharistie, le pain des forts, de ces forts qui savent, au prix de n’importe quels sacrifices et renoncements, maintenir sans tache la chasteté et la fidélité conjugales. » (Pie XII, discours aux jeunes époux, 15/07/1942)

Des photos et souvenirs, au foyer comme dans le logement temporaire de l’époux, des images pieuses ou objets familiers entretiendront le lien du souvenir et de l’affection.

Le contact fréquent entre époux, au téléphone, pas seulement par mail ou whatsapp aura pour but de garder l’unité à travers un gros effort d’écoute de la part du mari. Écouter l’épouse partager ses joies et ses soucis, ses émotions et ses pensées. S’intéresser aux enfants, réfléchir ensemble mais avec une attention accrue pour celle qui est sur le terrain ! Le père aura intérêt à écrire à ses enfants de temps en temps, ou à leur parler au téléphone : il montre ainsi qu’il pense à eux ! Si le retour chaque week-end n’est pas possible, les époux échangeront quelques lettres : elles sont plus appropriées que les réseaux sociaux pour partager les vraies joies et peines, des confidences mutuelles, des projets, des intentions ou pensées qui peuvent s’élever à des considérations spirituelles qui les grandiront.

Il faut préserver ou organiser des moments de qualité, entre époux et en famille, chaque week-end et plus spécialement lors de vacances ou à la fin de la période de séparation. Certains militaires après une mission de 6 mois en opérations, organisent un beau voyage en famille pour se retrouver et pour créer des souvenirs positifs qui domineront sur ceux de la séparation.

Enfin, il est vital de savoir s’arrêter, avant que l’usure ne soit trop forte, donc de reconsidérer régulièrement l’évolution des circonstances qui dictent le devoir, et de chercher toutes les occasions de revenir à une situation normale.

L’unité de la famille, clé de sa sainteté

La famille catholique est le reflet de la sainte Trinité : les parents (image de Dieu le Père), les enfants, l’unité de la famille (représentant l’Esprit Saint, qui unit les autres personnes). Prenons bien conseil pour discerner notre vrai devoir lorsque cette unité est mise en danger par une séparation afin de préserver ce commandement : « que l’homme ne sépare pas ce que Dieu a uni. »

 « Que nulle séparation de temps ou de lieux, chers jeunes époux, ne relâche le lien de votre amour, ce lien que Dieu a béni, que Dieu a consacré. Restez fidèles à Dieu, et Dieu gardera votre amour immaculé et fécond. » (Pie XII – 15/07/1942)

Hervé Lepère

 

1 Le Padre Pio est évidemment saint mais sa messe n’est pas célébrée dans les lieux de culte de la FSSPX et des chapelles amies en raison des doutes qui pèsent sur la procédure des canonisations revue après le Concile.

 

 

La solitude de l’homme, ce mal si moderne!

 

De tout temps, l’esseulé a existé. En témoignent les Cicéron passé du Capitole à la roche tarpéienne, ou encore la veuve sans enfants mentionnée par saint Paul (1 Ti 5, 5). Ces solitudes étaient la conséquence des inévitables aléas de la vie, qu’elles soient politiques ou individuelles. Face à ces dernières, saint Paul en appelait justement à la charité de chacun.

Malgré les réseaux sociaux, malgré les appels républicains à la « fraternité », nos solitudes d’aujourd’hui dépassent de loin ce stade d’anomalie de la vie. Elles ont quelque chose de constitutif, qu’il importe de découvrir.

On pourrait évoquer des causes sociologiques : l’industrialisation a détruit le monde rural, par définition plus soudé ; la mondialisation a isolé l’individu ; l’essor des biens de consommation a favorisé la recherche de l’intérêt personnel au détriment du bien commun. Il importe d’aller plus loin, car ces phénomènes sociologiques ne sont eux-mêmes que la conséquence d’un choix philosophique, générateur de solitude. L’individualisme moderne qui caractérise nos sociétés occidentales est le fruit d’une perversion de l’esprit, qui toujours gardera sa puissance destructrice tant qu’elle ne sera pas rejetée.

           L’homme moderne, l’homme seul, est né avec Descartes. Seul, l’homme cartésien l’est. Il est né d’un doute universel, de l’hypothèse que nos sens nous trompent. Dans cette optique première, le monde extérieur ne peut apporter de certitude, mais seulement l’illusion. L’autre est donc initialement un étranger absolu, un « non-existant » ; tout au plus une fiction. Selon Descartes, l’expérience de cette solitude première est le point de départ de toute certitude : « Je pense, donc je suis ».

Sous ces formules rhétoriques se cache un retournement profond, celui du subjectivisme. Pour en saisir la portée, revenons à l’expérience quotidienne. L’enfant, au sein de la famille, commence par découvrir les autres, avant même de se découvrir soi-même. Il naît dans la dépendance totale de sa mère, qui en tout subvient à ses besoins. Il se voit bénéficiaire de son amour et, dans son regard, il découvre son père, qui progressivement prend en main son petit être pour lui donner de s’épanouir. Seules ces années d’attention, d’amour et d’éducation, soutenues par l’école, permettent à l’enfant de se découvrir comme sujet aimé, puis de forger sa personnalité, de devenir lentement lui-même. En un mot, il se découvre comme membre de cette société d’amour qu’est la famille, pour seulement ensuite se découvrir lui-même comme conscience, et donc comme capable de bien. Fondamentalement ce petit être est social. Seul, il ne l’a jamais été ; il n’est même que par les autres. Il le sait, et il en sera toujours ainsi.

La logique cartésienne veut que la véritable science, faite de certitudes, ne naisse que de la mise entre parenthèses de tout cet acquis. Elle fait du sujet pensant, qui se découvre comme sujet, la pierre fondamentale du savoir. Tout, désormais, pour être vrai, doit partir du sujet. Le point de départ est donc l’homme, pris dans sa solitude existentielle. Le XXème siècle saura le redire : « L’enfer, c’est les autres » (Sartre). Enflé de lui-même, cet homme-là estime même qu’il ne s’accomplira que dans et par la solitude ; non pas celle qui l’éloigne du factice pour ramener à l’essentiel, mais la solitude d’orgueil faite du mépris d’autrui : « Devenir existant, c’est marcher vers l’exception. […] Que le troupeau [les autres] aille à son destin, et que l’Exception [moi] gravisse sa montagne » (Mounier).

Au commencement, aurait pu dire Descartes, l’homme était seul. On sait comment les philosophes d’alors ont décliné ce nouvel axiome sur le plan politique. Rousseau fit du bon sauvage l’idéal humain, hélas corrompu par la société ; lui aussi rêvait de l’homme seul. Un siècle avant lui, le contemporain anglais de Descartes, Hobbes, avait tiré les conséquences sociales d’une telle solitude posée au pinacle : si la société se dissout au profit de la masse d’individus, devenus rivaux et menaces pour l’autre, il n’y a plus qu’à créer un pouvoir fort, une dictature dirait-on aujourd’hui, pour maintenir cette masse dans une coexistence non violente. C’est le fameux monstre du Léviathan, chanté par le « philosophe » d’outre-manche. Un tel monstre, qui règne par la force et la peur, ne peut que recroqueviller l’individu sur lui-même, toujours au dépend de sa sociabilité. L’individu ne s’y voue plus au bien commun, mais inversement : il revient à l’État Providence, doté de la toute-puissance maternelle, de gérer sa vie d’individu. L’habitant d’une telle Cité est à jamais infantilisé – et donc non sociabilisé ; c’est un homme seul.

En prenant pour charte fondamentale celle des droits de l’homme, nos sociétés libérales ont inscrit dans le marbre cette machine à produire l’isolement humain. L’homme n’y est plus fondamentalement tourné vers le bien de la Cité par toute une série de devoirs – qui le grandissent à mesure même qu’ils sont accomplis – mais ce sont les autres qui sont fondamentalement tournés vers lui, afin de respecter ses supposés droits. Cet homme-là est légitimé à toujours poursuivre son intérêt égoïste ; c’est un homme seul.

  Régnante depuis plus de deux siècles, c’est cette Cité-là qui nous a engendrés, que nous le voulions ou non. Même malgré nous, nous sommes héritiers de cette mentalité. Parce qu’au premier regard, le confort et la facilité auront toujours plus d’attrait que l’apparente aridité de la rigueur et du sacrifice, nos enfants eux-mêmes risquent d’être broyés par les dents de ce Léviathan individualiste, lequel ne produit que des esseulés, qu’ils soient jouisseurs ou désespérés. Bref, au-delà des inévitables solitudes, fruits des aléas de la vie, une solitude beaucoup plus profonde nous menace : sinon celle de l’orgueil de l’intelligence, du moins celle de la jouissance égoïste.

  Le solide rempart à ce virus rampant, le petit grain de sable apte à rendre impuissant le monstre Léviathan, n’est autre qu’une authentique vie familiale pour nos enfants. Disons-le et redisons-le : c’est elle qui est le premier lieu de la sociabilisation. C’est là que, sous le regard bienveillant et complémentaire de ses parents, il apprend lentement la véritable confiance en soi, qui lui révèle combien il peut être pour autrui source de vie.

Un être qui aura bénéficié de cet incomparable apport, jamais ne souffrira profondément de solitude, fût-il seul extérieurement. Celui ou celle que la vie aura par exemple laissé célibataire, loin de toujours mettre en avant son droit lésé à être aimé affectivement, apprendra petit-à-petit à découvrir la joie qu’il y a à rayonner le bien. Il en sera de même de cette autre solitude qu’est la stérilité – au regard des autres familles, elle esseule ceux qui en sont frappés. Mais loin de rester rivés sur leur propre épreuve, ces époux-là sauront donner à leur foyer un autre type de fécondité, selon les desseins indiqués par la Providence. Pour les uns comme pour les autres, le regard véritablement chrétien qui les entoure sera une aide véritable. Loin de se sentir implicitement jugés par autrui sur le seul critère du « statut » social, ils se verront appréciés et estimés à la mesure du bien qu’ils feront, et même discrètement aidés à chaque fois que cela s’avèrera nécessaire. `

Une grande leçon reste à retenir de tout cela : toujours l’orgueil isole, là où l’oubli de soi dans la charité brise même la solitude de l’existence solitaire.

 

Le tablier de cuisine

Chères amies,

Cet été nous vous proposons de coudre un tablier de cuisine, pour les repas entre amis, pour remercier les parents qui vous accueillent pour les vacances ou pour offrir en cadeau de mariage personnalisé, toutes les occasions sont bonnes !

https://foyers-ardents.org/wp-content/uploads/2020/07/Tuto-tablier-FA-22.pdf

Cette fois encore c’est assez facile et vous pourrez initier vos demoiselles à la couture en attendant quelque chose d’un peu plus compliqué. Nous espérons vous faire coudre prochainement un joli vêtement pour femme avec un patron plus facile à monter que les précédents grâce à notre dernière trouvaille.

Bonne couture !

Isabelle et Marie-Hélène

 

Comment devient-on contre révolutionnaire?

Les jeunes et les moins jeunes qui ont eu la chance de faire un jour une retraite suivant les Exercices Spirituels de saint Ignace ont découvert grâce à ce grand soldat de la foi un aspect très concret de la doctrine du Christ-Roi. La célèbre « méditation des deux étendards » nous enseigne que durant toute notre vie ici-bas nous aurons à choisir entre l’étendard du Christ et celui du prince de ce monde. Ce combat ne peut en effet laisser absolument personne indifférent : « Qui n’est pas avec moi est contre moi, et qui n’amasse pas avec moi disperse1 » nous a dit Notre Seigneur. Si ce principe demeurera toujours le même jusqu’au jour du Jugement dernier, en attendant, tous les hommes, toutes les familles et toutes les sociétés qui passent en ce monde sont appelés au cours de leur vie à choisir leur camp (leur « étendard ») et à combattre une bataille qui leur est propre. Chaque bataille va donc s’inscrire dans une époque particulière : les hommes d’armes savent que pour engager le combat avec quelque chance de succès, il faut d’abord connaître le terrain et l’ennemi que l’on s’apprête à affronter : « Nous nous battons sur un terrain donné, que nous ne choisissons pas, c’est ainsi. Quand les marins combattent à terre, ils deviennent des fusiliers marins et ce sont des soldats. Quand les soldats embarquent sur un bateau, ils deviennent des fantassins de marine. C’est le terrain qui définit la mission et le comportement. Si l’on ne comprend pas cela, on ne comprend rien à la politique2. » Quelle est la configuration du terrain sur lequel nous avons à combattre aujourd’hui ?

Depuis la Révolution dite française, la République qui asservit notre pays est un régime politique athée et totalitaire qui combat par tous les moyens le Règne de Notre Seigneur Jésus-Christ. L’élément le plus grave que nous pouvons identifier avec la Révolution est que le fil de la Tradition au niveau politique s’est rompu comme le relève Hannah Arendt dans La crise de la culture. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a plus de tradition, ni que tous les hommes se sont arrêtés de transmettre. Cela signifie que notre société et toute la civilisation occidentale ont inversé leurs rapports au futur et à la Tradition3. L’homme moderne ne construit plus sur l’héritage du passé, c’est un spéculateur qui vit sur un emprunt au futur. Ce faisant il écrase et détruit son passé, ne considérant plus le testament accompagnant cet héritage, testament effacé depuis longtemps par les révolutionnaires. C’est l’essence de la révolution que de remplacer l’ordre de Dieu par un ordre entièrement créé par l’homme. De plus, par les technologies modernes qui prolifèrent dans notre monde comme le pire des cancers, les possibilités de continuer à transmettre et à recevoir l’héritage vivant de la Tradition chrétienne sont chaque jour plus réduites ou difficiles à mettre en œuvre. La nature est détruite à un rythme toujours plus élevé par la technique et le nombre de paysans ne cesse de s’amenuiser dans le pays, les machines arrachant impitoyablement à la terre ses dernières ressources. La véritable culture française est en état de décomposition avancée. La jeunesse est tout entière engloutie par la fiction communicationnelle : les écrans, les réseaux, l’électronique, envahissent à un rythme effroyable chaque foyer et tout l’environnement des familles.

Les téléphones portables, l’accès à Internet, la vidéo, tout concourt à détruire les facultés les plus hautes de l’intelligence humaine. Cette intelligence qui ne cherche plus à être reliée à la nature et donc au réel, tant l’artificiel est devenu le nouveau milieu de l’homme moderne.

Face à ce constat, la question la plus urgente à laquelle il appartient à chacun de répondre en son for intérieur puis par des actes concrets pendant toute son existence est la suivante : comment puis-je devenir contre-révolutionnaire ?

Nous devons admettre en premier lieu que l’on ne remportera aucune victoire seul. Un principe politique que tout catholique doit reconnaître est le principe hiérarchique : « Toute autorité vient de Dieu » signifie d’abord qu’il faut accepter que l’autorité existe, qu’elle a été voulue par Dieu et qu’elle a pour objet de nous faire faire le bien (et ce faisant de nous apprendre à le faire) à différents âges de notre vie et dans une multitude de domaines (famille, entreprise, Cité, etc.). Que l’on soit en quête de la vérité, du bien commun politique et de tout autre but, nous serons toujours dépendants d’une autorité et soumis à elle. Le propre de l’homme étant d’utiliser son intelligence pour poser des choix raisonnables et ensuite agir, le contre-révolutionnaire devra d’abord chercher à connaître et adhérer à une doctrine intellectuelle vraie qui fait autorité dans l’ordre naturel. Il ne s’agit pas de réinventer la roue en adoptant la même méthode que l’adversaire : « La contre-révolution n’est pas la révolution contraire, mais le contraire de la révolution » nous indique utilement Joseph de Maistre. C’est pourquoi celui qui veut s’opposer à la Révolution doit commencer par se faire le disciple d’une école : l’école contre-révolutionnaire. Celle-ci a compté d’illustres représentants parmi les Papes et les prélats de l’Église depuis le 19ème siècle ainsi que parmi les intellectuels, en particulier de langue française4. Notons que ces derniers ont dû eux-mêmes choisir le bon combat et se mettre en quête de la vérité en se mettant à l’école de maîtres qui les ont guidés sur ce chemin. Du point de vue intellectuel, le remède de l’esprit le plus sûr face aux erreurs modernes propagées par la Révolution se trouve dans la doctrine et l’enseignement de saint Thomas d’Aquin. Nous proposons donc le premier pas à faire pour rejoindre l’école contre-révolutionnaire en laissant Jean Madiran, un grand représentant de cette école au 20ème siècle, témoigner de sa découverte de la philosophie thomiste : « Je raconte ici comment se produisit ma rencontre avec saint Thomas d’Aquin. J’avais fait ma classe de philosophie sans entendre jamais prononcer son nom. On dira : — Bien sûr, le lycée de la République n’allait pas vous parler du thomisme… Ah, pardon, dire cela serait se tromper doublement. Il n’est pas naturel, il ne va pas de soi que le lycée républicain occulte, en classe de philosophie, une philosophie aussi importante.

Mais secondement, en dehors du lycée on ne m’en avait point parlé non plus. J’étais d’une famille catholique ; pratiquante ; avec de « bons livres ». J’étais scout, chez les « sdf », c’est-à-dire les catholiques, avec à la fin plus de dix-huit badges, parmi lesquels tous les badges de religion préparés et passés avec l’aumônier, un prêtre de grande foi bien instruit et pourtant je ne connaissais pas même de nom saint Thomas et le thomisme. […] « C’est à la bibliothèque de la faculté des Lettres que j’ai rencontré saint Thomas. Le livre d’un auteur inconnu de moi, ouvert par hasard, m’indiqua que le thomisme existait. J’avais inconsidérément accepté de faire un exposé sur la pensée de Bergson, dont je ne savais à peu près rien. Je cherchais au catalogue quelque ouvrage qui pût m’en fournir un résumé, selon la méthode détestable qui consiste à étudier non pas une œuvre mais ce que les commentateurs ont écrit sur elle. Donc, parcourant la bibliographie, je tombai sur un titre qui comblait ma recherche : La philosophie bergsonienne, et en un seul volume, une chance ! L’auteur m’importait peu et d’ailleurs m’était inconnu. Ma vraie chance pourtant fut que c’était l’édition de 1914 du livre de Jacques Maritain, celle où les exposés de la « théorie bergsonienne » étaient suivis ou entrelardés de petits catéchismes de philosophie thomiste sur les mêmes sujets : la doctrine de saint Thomas sur la perception intellectuelle ; sur la nature et les perfections de Dieu ; l’âme et le corps dans la philosophie chrétienne ; la doctrine scolastique de la liberté. Du coup je laissai tomber tout ce qui concernait Bergson (et ne fis jamais mon exposé) ; je ne vis plus que ces abrégés de thomisme ; j’avais été immédiatement conquis par le déferlement d’une évidence. Le catholique en moi et le maurrassien découvraient d’un même pas l’énoncé irréfragable de la vérité : une vérité totale, venant embrasser, compléter, organiser, couronner des vérités jusque-là inarticulées les unes aux autres5. »

Louis Lafargue

 

1 Évangile selon Saint Mathieu, ch.12 v.30.

2 Jean-Marie Le Pen, entretien paru dans le n°3183 de Rivarol le 9 avril 2015.

3 En particulier de Tradition catholique puisque celle-ci existera toujours : il est de foi de croire que les portes de l’enfer ne l’emporteront pas sur l’Église.

4 Pour une liste récente des membres de cette école, nous renvoyons le lecteur à l’article de Jean Madiran dans le numéro de Présent du 18 février 2011 « L’école (informelle) contre-révolutionnaire ». Cependant une réserve s’impose sur plusieurs des noms de cette liste, qui, en particulier parce qu’ils se sont religieusement séparés de Mgr Lefebvre, sont imparfaitement contre-révolutionnaires, nonobstant leurs autres mérites.

5 Jean Madiran, Maurras, Nouvelles éditions latines, Paris 1992, pp. 20-22.

 

 

 

Le déconfinement n’aura pas lieu ou les boutons de Laetitia.

           Au couvent, le plus récent de nos dictionnaires est une édition « Hachette » de 2001. J’y ai cherché et n’y ai pas trouvé le mot « déconfinement ». Qu’on se le dise : ce néologisme, aujourd’hui sur toutes les lèvres, n’appartient pas au vocabulaire de la langue française. C’est un premier signe.

Il est vrai que l’Académie, anticipant peut-être les évènements de 2020 a pu l’admettre au cours des deux dernières décades. « Déconfinement » aurait alors sans doute pris place entre « déconditionner » et « déconfit ». Ce voisinage lui siérait à merveille ! La France a en effet un besoin urgent d’être « déconditionnée » du climat de psychose et de terreur instillé à la faveur de la pandémie afin de faire face à cette nouvelle tartine de « déconfiture » que le confinement lui a demandé d’ingurgiter.

 

I  Le déconfinement n’aura pas lieu.

 

  Si le mot « déconfinement » n’existe pas, qu’en est-il de la réalité signifiée par le mot ?

C’est chichement que le gouvernement a desserré l’étau de ses mesures drastiques et c’est sous la contrainte qu’il a dû admettre la disproportion des dispositions qu’il avait adoptées pour rendre à peu près impossible le culte public. Pour l’avenir, nous serions bien inspirés de nous souvenir de la petite phrase de Christophe Castaner, ministre franc-maçon de l’Intérieur et, à ce qu’il semblerait, Docteur en théologie : « La prière n’a pas forcément besoin de lieu de rassemblement ». Voilà tout un programme par l’un de nos oligarques, qui, certainement, sait de quoi il parle et n’a pas manqué à ses patenôtres dans son oratoire privé tandis que les Loges étaient bien sûr fermées et interdits les convents.

  Décidément, la neutre laïcité a bien du mal à ne pas se mêler des cultes. On le voit aussi à ce nouveau vêtement liturgique dont elle a voulu affubler les prêtres tandis qu’ils célèbrent la Messe. Il s’agit d’un hybride qui tient autant du masque que de la muselière. Car il est évident pour tous qu’à chaque fois que le prêtre se retourne vers les fidèles pour dire ses « Dominus vobiscum », sa toxicité est redoutable. C’est ainsi qu’on transforme la Messe en « mescarade » ! Et qu’on « emmasquille » les prêtres !

  En réalité, non seulement le déconfinement n’a pas lieu mais c’est le confinement qui redouble ! Certes le confinement des âmes ne date pas d’aujourd’hui… Le carcan des lois liberticides pour supprimer toute possibilité de parler contre les dogmes de la pensée unique existe depuis longtemps. Depuis la loi Pleven jusqu’à la loi Perben, en passant par les lois Gayssot et Lellouche, la traque des opinions bat son plein. Sur l’hexagone, les miradors se sont dressés, les uns après les autres, pour surveiller les citoyens. Comment échapper aux feux et aux tirs croisés de SOS Racisme, de la Halde « Haute autorité de lutte contre la discrimination et pour l’égalité », de la LICRA « Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme et de la DILCRAH « Délégation interministérielle de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et de la haine anti-LGBT », en France concentrationnaire ?

 

II  « L’amende des boutons ou la bande des moutons1. »

 

  Tout cela n’était pas suffisant ! On doit à la sémillante et mal-prénommée, Laetitia Avia, d’avoir – pendant que les français étaient confinés – renforcé l’arsenal dont chacun perçoit l’insuffisance ! Grâce à Laetitia, le Parlement a fini de voter le 13 mai dernier, une loi qui permet d’enjoindre de retirer, sous 24 heures, tous les « contenus manifestement haineux » qui circuleraient sur internet. Les plateformes auront la peccadille d’une amende de 250 000 € si elles ne s’exécutent pas. La délation est encouragée et promue comme sport national et comme vertu civique. Peut-être sera-t-elle bientôt récompensée par la Légion d’honneur ! Car il faudra du courage, planqué derrière son écran, pour appuyer anonymement sur les nouveaux boutons obligatoires de signalement dont toutes les plateformes devront se doter.

III  La loi aviaire pire que la grippe aviaire

   Une jolie éruption due à Madame Avia qui va provoquer une grippe aviaire, bien plus à craindre que le coronavirus. Ce qui est un comble, c’est que l’invention géniale des boutons-mouchards, provient d’une élue dont on ne doit pas oublier la mise en cause pour ses propos racistes et homophobes par Médiapart. Laetitia, on a envie de lui appliquer le mot de Colette : « prénom gentil qui seyait à sa carrure [ de crédibilité ! ] comme une cravate de tulle à un rhinocéros. »

  Catholiques, il va falloir que nous fassions mentir Edouard Drumont qui avait eu cette boutade peu flatteuse à notre encontre : « Si les préfets convoquaient tous les catholiques sur la place pour midi précis, à cette fin de recevoir des coups de pied quelque part, ils arriveraient tous à midi moins le quart, pour être sûrs de ne pas le faire attendre ! » Le confinement passé et à venir nous a conviés et nous convie à réapprendre à chouanner… A nous d’être ingénieux pour découvrir les manières modernes d’entrer en résistance et de passer derrière les haies virtuelles ou réelles. A nous de savoir éviter d’entrer dans « le bal des moutons et de déjouer le mal des boutons1. » A nous de nous organiser, et de nous mobiliser, de nous unifier enfin pour mener avec Foi, intelligence et courage, les luttes que nous devons mener pour l’honneur de Notre-Seigneur Jésus-Christ et pour combattre ses ennemis.

Madame Avia, nous aimons tous les hommes pour qui Notre-Seigneur Jésus-Christ a versé son sang, mais, oui, nous haïssons le mal, le péché et l’erreur. Votre loi aviaire, nous la combattrons davantage que la grippe aviaire et que le coronavirus : comptez sur nous ! Notre-Dame de la Vendée militaire, accordez-nous les vertus de nos ancêtres !

Epilogue du 26 juin 2020

  Avia, orum, n. signifie en latin « lieux impraticables ». Il faut croire que le Conseil Constitutionnel a encore un peu de latin puisque le 18 juin (sic!), il a sanctionné « le caractère impraticable » de la loi « Avia » et a critiqué la privatisation du contrôle de la liberté d’expression qu’elle instaurait. Que le soulagement légitime que nous pouvons éprouver ne nous rende cependant pas dupes des motifs irrecevables invoqués par les « sages » de la République. Disons qu’ils veulent rester les maîtres de la répression de la pensée.

Père Joseph

 

1 Voilà deux contrepèteries qui viennent illustrer à leur manière comment passer derrière les haies !