Rien par force

Rien par force, car Dieu ne contraint personne. Il faut apprendre à l’enfant à vouloir et, pour cela, mettre sa volonté aux prises avec les prescriptions du devoir, tout en soutenant et encourageant ses efforts.

Sainte Angèle MERICI (1474-1540), éducatrice, religieuse lombarde, fondatrice de la Compagnie de Sainte Ursule

 

Gestionnaires des dons de Dieu

 « J’accorde à l’un la vertu d’enseigner, de porter la parole, en donnant au prochain de justes conseils, sans se soucier d’autrui. Un autre a la grâce de donner le bon exemple. Mais chacun est très strictement obligé d’édifier son prochain par le parfait exemple d’une vie sainte et louable. 

Telles sont les vertus et bien d’autres qui sont engendrées par l’amour du prochain. Je les ai faites si différentes que je n’ai pu les donner toutes à un seul homme. J’accorde en particulier à l’un celle-ci, à l’autre celle-là. 

Pourtant, on ne peut avoir l’une sans les autres parce que toutes les vertus sont liées entre elles. Mais il y en a beaucoup que j’accorde comme têtes de file des autres : j’accorderai à l’un principalement la charité, à l’autre la justice, à celui-ci l’humilité, à celui-là une foi vive, à cet autre la prudence, la tempérance, la patience, et à cet autre enfin une force invincible. 

Tous ces nombreux dons, ces grâces des vertus ou d’autres avantages, qu’il s’agisse du corps ou de l’esprit, sont distribués de façon diverse. Si je les répands de façon si variée – car je ne les donne jamais tous au même individu – c’est pour qu’on soit obligé d’exercer la charité les uns envers les autres.

Car j’aurais bien pu doter les hommes de tout ce qu’il leur fallait, pour le corps et pour l’âme. Mais j’ai voulu que l’un eût besoin de l’autre et qu’ils deviennent ainsi mes gestionnaires chargés de distribuer les dons et les grâces qu’ils ont reçus de ma bonté. Bon gré mal gré l’homme ne peut pas éviter la nécessité de recourir à l’action charitable du prochain, pourtant, si une telle action ne se fait pas sous mon regard, elle ne lui procure aucun profit de grâce. »

Extrait du Dialogue de Notre-Seigneur avec sainte Catherine de Sienne  

 

Quatrième station

« Bien vivre n’est rien d’autre qu’aimer Dieu de tout son cœur, de toute son âme, de tout son esprit, » et comment aimer Dieu si nous ne le connaissons pas ? Aimer Dieu ! Vaste programme ! Et l’aimerons-nous jamais assez ?

La maman pourra ainsi lire ou simplement s’inspirer de ces pensées pour entretenir un dialogue avec ses enfants ; elle l’adaptera à l’âge de chacun mais y trouvera l’inspiration nécessaire pour rendre la présence de Dieu réelle dans le quotidien matériel et froid qui nous entoure. Elle apprendra ainsi à ses enfants, petit à petit, à méditer ; point n’est besoin pour cela de développer tous les points de ce texte si un seul nourrit l’âme de l’enfant lors de ce moment privilégié.

Ainsi, quand les difficultés surgiront, que les épreuves inévitables surviendront, chacun aura acquis l’habitude de retrouver au fond de son cœur Celui qui ne déçoit jamais !

Après la contemplation du Notre Père et de la Salutation angélique, nous vous proposons celle du Chemin de Croix. En effet, sa méditation, source de nombreuses grâces, est un exercice souvent négligé hors du temps du Carême, elle est pourtant source de nombreuses grâces. Une illustration facilitera le recueillement des plus jeunes.

Seigneur, je me mets en votre présence et je vous adore avec toute la ferveur dont je suis capable. Je veux être tout à vous dans les instants qui vont suivre, et prolonger mon cœur à cœur avec vous toute la journée !

 

Quatrième station : Jésus rencontre sa très sainte Mère

Composition de lieu

Après sa chute, Jésus se redresse avec peine. Avant de reprendre sa marche, il lève les yeux, et voit sa Mère, qui a réussi à se faufiler près de lui. Aucune parole n’est dite, aucun geste n’est fait. Il y a seulement deux regards qui se croisent et se comprennent : allons sauver les âmes !

Corps de la méditation

Quelle torture est-ce pour vous, ô Maman chérie, que la vision de votre divin Fils souffrant ! Vous voulez le réconforter, vous aimeriez tant prendre sur vous toute sa douleur. Mais vous savez qu’elle est nécessaire, et dans votre regard passe un nouveau Fiat, avec l’amour et la souffrance mêlés. Et à vous voir ainsi éprouvée, la peine de Notre-Seigneur est encore plus grande ! C’est un vrai paradoxe, comme une contradiction, de voir que cet instant vous apporte à tous deux souffrance et consolation en même temps : Marie ne nous a pas encore officiellement adoptés comme ses enfants, mais elle nous aime avec un cœur dont l’amour est tel que celui de toutes les mères réunies n’est rien en comparaison ; et elle comprend que seul un Dieu peut réparer pour nos fautes immenses, et sauver de l’enfer toutes les âmes qui se laisseront toucher par sa grâce. Alors elle veut participer à notre salut, en prenant une part dans les souffrances de Jésus : elle accomplit son rôle corédempteur. Et dans ses yeux, Jésus peut lire : « Je suis là, ne crains pas de décharger un peu ton fardeau sur moi, car je suis ta mère, et c’est mon privilège de maman de souffrir pour toi, et à cause de toi. Moi aussi je veux sauver les âmes, car je les aime. »

Vous auriez pu nous rejeter tous, et nous laisser à notre misère, car nous le méritions. Mais comment votre cœur maternel si pur peut-il abandonner ceux pour lesquels son Fils souffre en ce moment ? Comprendrais-je un jour à quel point vous nous aimez ?                                                                              

Colloque

Plus un cœur est pur, plus le péché le fait souffrir. Vous me voyez, ô Jésus, si contrit de la peine que je vous cause, à vous et à votre Mère immaculée, et pourtant je ne mesure pas le mal que je fais chaque jour, et à quel point il offense vos deux cœurs. J’en ai bien une idée, quand je croise le regard de ma maman de la terre, après avoir fait une sottise : dans ses yeux je vois la peine que je lui cause, et la miséricorde toute proche qui n’attend qu’un geste de ma part pour me pardonner. Vous aussi, vous n’attendez que mon repentir et le don de mon cœur pour me combler de grâces, et pour que les larmes de votre Mère me purifient afin de me permettre de comprendre l’horreur du péché, et de l’éviter autant qu’il m’est possible de le faire ! Mon Saint Ange, éclairez-moi, guidez-moi sur le chemin du Ciel, afin que je comprenne, à travers les souffrances et les croix, combien est doux le chemin du Ciel quand on y croise le regard de Marie.

                   

Germaine Thionville

 

Ne nous décourageons pas !

Certains d’entre nous, plus lucides que la majorité, pourraient se décourager devant l’état de déliquescence de notre civilisation chrétienne occidentale. De ce fait, une certaine langueur les atteint, qui les freine dans leur action ou dans le développement de leurs talents personnels.

William J. Slattery, loin de leur donner raison, leur énonce des raisons d’espérer1 :

« Plutôt que de considérer l’Eglise comme quelque chose d’ancien, avec la tentation de se dire que sa jeunesse et sa maturité créative sont derrière elle, nous prenons conscience qu’elle n’est peut-être pas encore sortie de l’enfance. 

Il y a une chose que nous savons avec certitude : l’Eglise du Christ divinement constituée porte en elle une sagesse et une énergie dotées d’une éternelle jeunesse. Ni la persécution, ni les chefs incapables ou corrompus, ni les catastrophes de l’Histoire ne parviendront jamais à la dévitaliser. « La Chrétienté a subi un certain nombre de bouleversements dont le christianisme est mort chaque fois, écrivait Chesterton. Il est mort et s’est relevé de chacune de ses morts, car son Dieu sait comment on sort du tombeau ». Sa vitalité, si manifeste dans son passage des catacombes aux cathédrales du premier millénaire, la rend pleinement apte à mener une autre lutte herculéenne pour faire naître une nouvelle civilisation chrétienne. Nécessairement nouvelle – abandonnons les illusions – parce que la « civilisation occidentale » d’aujourd’hui, devenue culture globale dominante, s’empresse de se débarrasser de tous les symboles chrétiens publics, éliminant la morale chrétienne de ses institutions, de ses programmes éducatifs et de sa conscience médicale ; elle aura bientôt achevé de détruire jusqu’à l’esprit chrétien qui seul consolidait ses fondations. L’Occident s’est tragiquement condamné lui-même, et il n’apparaît pas qu’il soit récupérable.

La nouvelle civilisation chrétienne peut commencer n’importe où. Peut-être même, une fois de plus, en Occident, en Amérique et en Europe. Car cette société en décomposition compte des hommes et des femmes au cœur ardent, entièrement convaincus que Jésus-Christ est le Seigneur de toutes les dimensions de la vie ; des minorités créatives qui œuvrent à faire renaître de ses cendres le phénix des idéaux sociaux-chrétiens ; qui, encore aujourd’hui, jour après jour, prient, étudient, parlent et agissent pour construire sur la vérité une culture de vie et un ordre de liberté centrés sur le Christ. (…)

La tâche de bâtir une civilisation chrétienne peut paraître décourageante, mais nous pouvons agir en nous rappelant comment elle a été construite la première fois : sous l’impulsion de la conviction que Jésus-Christ est le seul sauveur de l’humanité, qu’il n’y a que dans la foi catholique que l’homme peut trouver la plénitude de la vérité ; qu’il ne peut y avoir de paix avec la dictature du relativisme ; que ni le syncrétisme ni le faux œcuménisme ne sont envisageables ; que l’amour du catholicisme pour Dieu, pour chaque homme et pour chaque femme en fait une religion ouverte sur le monde qui propose « l’antique vérité » à tous, avec ardeur et intelligence ; et que chacun de nous a un rôle à jouer.

Car une civilisation est construite ou détruite non pas par des réalités sans nom, mais par la force des actions cumulées d’individus qui changent les choses parce qu’ils font usage de leur créativité, de leur liberté avec le soutien de la grâce sanctifiante. Avant toute révolution sociale, il faut une révolution intérieure. C’est dans l’âme que l’histoire est faite, dans ce sanctuaire secret où toute la puissance des hommes politiques, des législateurs, des militaires et des médias des régimes totalitaires est toujours réduite à néant. Et ce sanctuaire est la raison d’être du catholicisme : c’est dans la mesure où il y pénètre avec les vérités divines, la sanctifiant avec la vie surnaturelle et la guidant vers l’union avec Dieu dans le Corps Mystique du Christ qu’il devient l’irremplaçable bâtisseur d’une civilisation véritablement chrétienne.

Dans cette mission la plus urgente, la plus cruciale – car qu’y a-t-il de plus urgent, de plus crucial que le salut éternel ou la damnation ? – le catholique devra défier les forces d’un monde hostile au Christ et être défié par elles. (…)

Dans le feu de la guerre spirituelle, son cœur sera renforcé par le souvenir de la longue lignée de catholiques héroïques et créatifs qui l’ont précédé et lui ont ouvert la voie. Mais il y aura plus que le souvenir : il y aura la présence mystique. »

 

La Pentecôte dans l’art médiéval : « Et chacun les comprenait dans sa langue »

Qui ne se souvient de ces quelques mots des Actes des apôtres évoquant leur toute première prédication, le jour même de la Pentecôte : « et chacun les comprenait dans sa langue ». Et le texte de continuer en listant les différents peuples assistant au miracle : Parthes, Mèdes, Elamites, habitants de Mésopotamie, etc. Le jour de la Pentecôte, les douze apôtres reçurent le don si particulier de la glossolalie, également appelé don des langues, dont le propre est de se faire comprendre de tous et ce en dépit de la frontière de la langue. C’est ce don si spectaculaire qui explique certaines représentations étonnantes de la Pentecôte dans l’art médiéval.

L’iconographie de la Pentecôte : les apôtres au cénacle

La représentation de la Pentecôte connut quelques variations au fil des siècles et ne fut pas toujours clairement distincte de l’Ascension. Il faut dire que les deux épisodes mettent en scène les douze apôtres après la Résurrection. Le jour de l’Ascension, le Christ montant aux Cieux leur donne pour mission de prêcher l’Evangile et leur promet l’envoi du Saint-Esprit pour les assister dans cette tâche. Puis, le jour de la Pentecôte, leur mission débute par la réalisation de cette promesse : l’Esprit Saint descend sur eux. Parfois la Vierge Marie les accompagne, parfois non. Ainsi, dans les Evangiles de Rabula (Syrie, VIe siècle) l’Ascension prend l’apparence d’une pré-pentecôte : de part et d’autre de la Vierge, les apôtres, les yeux levés au ciel, assistent à la montée du Christ aux Cieux sur un char de feu. Des langues de feu descendent alors sur chacun d’eux. En dépit de ce détail troublant, il s’agit bien d’une Ascension ! La Pentecôte est elle-même représentée quelques folios plus loin dans le même manuscrit et cette fois-ci plus de doute : les apôtres et la Vierge réunis au cénacle reçoivent à nouveau l’Esprit Saint.

De manière générale, deux éléments constituent la Pentecôte : la descente de l’Esprit Saint et la réunion du collège apostolique au cénacle. À l’époque carolingienne, le Sacramentaire de Drogon (IXe siècle) la représente ainsi : sous un dôme supporté par des colonnes et orné de drapés, les douze apôtres sont placés en demi-cercle, dos au lecteur. Tous portent un nimbe qu’une flamme vient compléter. Dans le coin supérieur gauche, le Père et le Fils réunis leur envoient l’Esprit Saint, tandis que dans le coin supérieur droit une main divine déploie un phylactère inscrit.

Cette image de la Pentecôte d’une certaine manière fait écho aux nombreux conciles réunis par l’Église à l’époque carolingienne. En effet, parfois, au-delà du récit lui-même, l’image renvoie à l’institution de l’Église qui, en la personne des apôtres, se voit confier la mission d’annoncer l’Evangile à toutes les nations. Ainsi il arrive que la Vierge, souvent image de l’Église, soit placée en avant du collège apostolique. Ou bien, comme sur le lectionnaire de Cluny (XIe-XIIe siècles), c’est saint Pierre, en tant que chef de l’Église, qui occupe cette place.

Le Tympan de Vézelay (XIIe siècle) : les peuples de l’Univers

La plus fameuse représentation médiévale de la Pentecôte se trouve à Vézelay sur l’un des tympans du narthex parfois qualifié à tort de tympan de l’Ascension en raison de la place centrale qu’y occupe le Christ. Toutefois, l’observation attentive du tympan nous prouve que nous avons ici à faire à une véritable Pentecôte. Des mains du Christ s’échappent des rayons qui partent en direction des douze apôtres répartis de part et d’autre du Christ. La promesse de l’envoi de l’Esprit Saint se superpose avec la réalisation de cette promesse.

Mais surtout, les peuples de l’Univers, auxquels est adressée la Bonne Nouvelle, occupent les voussures de ce tympan. Et il faut dire que ceux-ci sont nombreux et variés : il y a évidemment les Romains accompagnés des bœufs qu’ils sacrifiaient, les Arméniens montés sur des patins, les siamois qui partagent un même corps, les pygmées qui ont la réputation d’être si petits qu’ils montent sur leurs chevaux à l’aide d’une échelle. Plus étonnants encore sont les Panotii ou Panotéens, peuple des confins de la terre qui ont la réputation d’être dotés de grandes oreilles dans lesquelles ils s’enveloppent pour dormir ; ou bien les Cynocéphales, peuple à tête de chien, vivant sur les bords du Gange ou, d’après d’autres auteurs, en Cyrénaïque.

Évidemment, tout cela paraît grotesque. Pour bien comprendre ces sculptures surprenantes, il faut se rappeler que le but est de représenter tous les peuples de la terre, y compris ceux des antipodes, dont l’apparence physique étonnante est rapportée dès l’Antiquité par des auteurs comme Hérodote (Ve siècle avt J.-C.), repris plus tard par Isidore de Séville (VIe siècle après J.-C.). Mais au-delà de ces récits exotiques, les dimorphismes mis en avant à Vézelay résultent moins d’une croyance en l’existence de peuples difformes que d’une volonté de donner une formule visuelle aux différents paganismes existant sur terre avant la venue du Christ. La déviance spirituelle s’accompagne soit d’un usage rituel païen comme le sacrifice des bœufs par les Romains, soit d’une difformité physique qui lui est souvent liée puisque, pour le cas des cynocéphales, leur apparence va de pair avec une réputation de cruauté.

Le plus célèbre d’entre eux est saint Christophe, patron des voyageurs. À partir du XIIe siècle se popularise en Occident la légende orientale selon laquelle le patron des voyageurs, connu pour sa taille de géant, était un cynocéphale. Christophe s’appelait le « Réprouvé » et vivait dans le pays de Canaan, pays dont le nom ressemble phonétiquement au mot latin canis, désignant le chien. Un jour, il rencontre le Christ enfant et l’aide à traverser un fleuve. En remerciement, le Christ lui donne une apparence normale. Il devient Christophe, perd sa tête de chien et la monstruosité qui va avec, et reçoit le baptême. Comme dans l’histoire de saint Christophe, sur le tympan de Vézelay, la difformité physique est l’image de la faute originelle impactant chaque peuple de la terre. Cette faute originelle sera lavée par le baptême dès que ces peuples seront évangélisés. C’est donc tout l’intérêt de les représenter ainsi associés à la Pentecôte. Les apôtres reçoivent la mission d’évangéliser les peuples de la terre, de porter la Bonne Nouvelle là où elle n’est pas encore parvenue.

La Pentecôte définie comme l’anti-Babel

Mais, dans la plupart des cas, les peuples de l’Univers sont représentés de manière moins extravagante. Sur les mosaïques du dôme de la Pentecôte (XIIIe siècle) de Saint-Marc de Venise, les différents peuples cités dans les Actes des apôtres sont représentés par un binôme de chaque. Ces représentations peuvent nous interpeller car elles reflètent l’image que les Vénitiens du XIIIe siècle se faisaient de chacun de ces peuples. C’est ainsi que les Égyptiens ont la peau noire, probablement en référence aux Soudanais ou aux Éthiopiens, que les Élamites ressemblent à des asiatiques, et que les Romains ne sont pas les légionnaires de l’Antiquité mais plutôt les habitants de la ville de Rome, rivale de Venise.

La présence de tous ces peuples rappelle la mission évangélisatrice des apôtres qui ne doit pas se limiter au seul pourtour méditerranéen, au seul Empire Romain. Elle évoque aussi directement la glossolalie. Ce don mystérieux est la raison pour laquelle la Pentecôte est définie comme l’anti-Babel. La glossolalie est le remède à la diversité des langues, initialement créées pour contrer l’orgueil humain et obtenir de l’homme qu’il peuple les extrémités de la terre, conformément à l’ordre divin donné à Adam puis à Noé à la sortie de l’arche, ordre auquel les hommes se sont soustraits en construisant la Tour de Babel. Dans la Cité de Dieu, saint Augustin insiste sur ce point : la Pentecôte rétablit l’unité que l’orgueil humain avait brisé. C’est pourquoi certains manuscrits représentent les deux épisodes en parallèle, notamment ceux conservant le Speculum Humanae Salvationis, texte théologique du XIVe siècle qui procède à des mises en parallèle typologiques entre Ancien et Nouveau Testament. Ainsi, au folio 64v d’un Speculum Humanae Salvationis conservé à Cologne, les deux épisodes sont superposés. Tandis que les apôtres et la Vierge reçoivent l’Esprit Saint au registre supérieur, quatre ouvriers s’activent au registre inférieur pour édifier la Tour de Babel.

Conclusion 

Que retenir de tout cela ? Il est peu probable que l’un d’entre nous soit amené dans sa vie à converser avec des hommes dotés d’oreilles d’éléphant, et il est évident que le bilinguisme n’est pas à la portée de tous. Mais tous, nous sommes apôtres et il sera donné à chacun selon sa vocation propre les grâces et les dons nécessaires à l’accomplissement de la volonté de Dieu. Aux apôtres, il fut donné la glossolalie pour que la Bonne Nouvelle soit entendue de tous. Et, de manière générale, même si cela peut prendre des apparences étonnantes, c’est le propre des dons de l’Esprit Saint et des talents que Dieu nous donne de faciliter l’apostolat. C’est donc en les cultivant que l’on devient apôtre et que l’on œuvre au Salut de ce monde.

 

Une médiéviste