Le Véritable Ami

Voici, résumé par le Bienheureux Claude de la Colombière, le modèle de l’Amitié humaine, magnifié ici dans l’Amitié divine : une très haute idée de l’Amitié….

« Jésus, Vous êtes le seul et le véritable AMI.

Vous prenez part à mes maux, vous vous en chargez, vous avez le secret de me les tourner en bien. Vous m’écoutez avec bonté lorsque je vous raconte mes afflictions et vous ne manquez jamais de les adoucir.

Je vous trouve toujours et en tout lieu ; vous ne vous éloignez jamais et, si je suis obligé de changer de demeure, je ne manque pas de vous trouver où je vais.

Vous ne vous ennuyez jamais de m’entendre ; vous ne vous lassez jamais de me faire du bien. Je suis assuré d’être aimé si je vous aime. Vous n’avez que faire de mes biens, et vous ne vous appauvrissez point en me communiquant les vôtres.

Quelque misérable que je sois, un plus noble, un plus bel esprit, un plus saint même ne m’enlèvera point votre amitié ; et la mort, qui nous arrache à tous les autres amis, me doit réunir avec vous. Toutes les disgrâces de l’âge ou de la fortune ne peuvent vous détacher de moi ; au contraire je ne jouirai jamais de vous plus pleinement, vous ne serez jamais plus proche que lorsque tout me sera le plus contraire.

Vous souffrez mes défauts avec une patience admirable : mes infidélités mêmes, mes ingratitudes ne vous blessent point tellement que vous ne soyez toujours prêt à revenir si je le veux. O Jésus, accordez-moi de le vouloir, afin que je sois tout à vous, pour le temps et pour l’éternité. »

 

Et toi, aimerais-tu « être ton ami » ?

C’est au sein de sa famille que le jeune enfant développe ses premiers contacts avec les autres : parents, frères et sœurs, grands-parents ou cousins qui passent ou rendent visite. Les parents s’appliquent à ce que s’établissent d’excellents rapports entre tout ce petit monde, un bon esprit, le désir de se comprendre, de s’entraider, de se confier. Peu à peu les connaissances s’élargissent aux amis de passage, aux gens que l’on croise dans la rue ou à l’église. Le petit fait souvent la grimace devant un nouveau visage, puis s’y habitue après plusieurs rencontres…

Parfois des familles très unies ont tendance à défendre jalousement l’entrée du foyer à tout étranger. Mieux vaut préserver nos enfants de cette forme de repliement familial en leur montrant assez jeunes qu’il y a d’autres familles, d’autres enfants, auxquels, à l’occasion, on pourra rendre service, saluer d’un mot gentil, d’un geste de politesse, d’un sourire.

Quand il ira à l’école, l’horizon du nouvel écolier s’agrandira encore, et il apprendra à bien s’intégrer dans sa classe et à respecter ses camarades, pour de nombreuses années ! C’est sa personnalité, polie et modelée par son éducation, qui fera de lui un être plus ou moins sociable et avenant. Que seront ses camarades, pour lui ? Des êtres indifférents ? Des souffre-douleurs dont on s’amuse parce qu’ils n’ont ni son nom, ni sa désinvolture… ? Des objets de mépris car concurrents, trop « bigots » ou dévergondés ? Non, ils ne peuvent ni ne doivent être cela ! L’écolier devra d’abord voir en chacun de ses camarades, en chaque homme, une âme créée par le Bon Dieu. Ses parents l’aideront dès son jeune âge à voir, non s’il a tel ou tel caractère, non s’il est déplaisant ou sympathique, mais une âme. Une âme qui se prépare, comme lui, un avenir éternel de joie ou d’horreur. Avant de juger, il doit déjà respecter l’âme de ses congénères, et l’aimer comme Dieu l’aime.

Qui sait si le salut de l’une de ces âmes n’est pas lié à l’attitude qu’aura l’enfant vis-à-vis de lui ? Souvent, les hommes se damnent par les hommes, et Dieu les sauve aussi les uns par les autres. En tout cas, cet enfant peut beaucoup compter pour en entraîner un autre dans un sursaut ou une chute, selon sa bonne ou mauvaise influence sur lui (et inversement !). À l’école, l’élève « bon camarade » cherchera à élever le niveau d’entente entre tous, à contribuer à donner un esprit de classe qui est comme une âme collective frondeuse ou disciplinaire, vulgaire ou distinguée, fervente ou indifférente… Il apprendra également à se défier des mauvais sujets pour lesquels il aura tout tenté avec gentillesse, mais sans succès. On le mettra en garde de ne pas mettre son âme en danger sous prétexte de « convertir » un camarade de mauvaise influence. Prier pour le malheureux sera alors son réconfort, et la Providence fera le reste.

Cela n’est pas donné à tout le monde d’être meneur d’hommes, fédérateur dans sa classe, mais cela est à la portée de tous d’être le bon camarade sur lequel on peut compter, auquel on songe spontanément quand on a un service à demander, dont on est sûr de n’être jamais repoussé. Celui-là devient alors un modèle vivant qui sans pose, s’impose ; sans rien dire, réprimande ; sans discours, prêche Dieu ; sans rien faire pour attirer l’attention, se distingue aux yeux de tous.

C’est en étant admirable, vertueux, que l’on se fait de bons amis. Vertueux ne veut pas dire « sainte Nitouche » qui se montre exemplaire par devant et détestable par derrière ; mais quelqu’un qui, se mettant à l’école de Notre-Seigneur, imite ses vertus de bonté, de joie, d’honnêteté, de franchise, de courage, de pureté… pour se faire un autre Christ parmi les autres. Cela est entraînant pour l’entourage qui voudrait imiter et devenir l’ami de ce si bon camarade. « Qui se ressemble s’assemble ! », les bons camarades, comme les mauvais, auront une bonne ou une mauvaise influence autour d’eux…

Plusieurs fois, des jeunes de mon entourage sont venus me trouver :

– Je n’ai pas d’amis, personne ne veut venir avec moi…

– Et toi, aimerais-tu « être ton ami » ? En quoi es-tu suffisamment aimable pour attirer de bons et sympathiques amis ?

C’est amusant comme à chaque fois cette question faisait « mouche » en ouvrant les yeux de l’âme. Nous n’avions pas besoin de développer davantage la question… Tout était clair, et je le voyais bien dans ce bon sourire entendu que j’avais alors en face de moi !

En amitié, ce sont les âmes qui s’attirent, qui s’entraînent et s’élèvent en s’encourageant mutuellement. Un bon ami n’est jamais parfait, il a ses propres défauts, ses propres combats pour son bien supérieur, il a comme nous tous son pèlerinage terrestre à accomplir avec ses dépouillements et ses enrichissements, ses labeurs, ses épreuves, ses chutes, et ses élans de grâces. Le véritable ami sait nous reprendre, nous encourager contre nos défauts ou faiblesses, et peut tout nous dire. Il est autant l’ami de notre âme que celui de notre personne humaine… et peut-être même plus !

Il faut donc guider nos enfants dans la recherche du bon ami, celui qui l’entraînera vers le Ciel. Le Bon Dieu en met toujours un et même plusieurs sur le chemin, parfois dès la petite enfance, parfois plus tard (scoutisme, pension, études supérieures, paroisse…), toujours il nous envoie ce soutien de l’âme. Mais surtout notre éducation fera de notre enfant « le » bon ami pour d’autres, un nouveau Jésus-Christ parmi ses congénères, en famille, en société, en entreprise, celui dont on pourra dire : « Si je ne l’avais pas connu, je ne vaudrais pas la moitié de moi-même. » Celui-là saura immanquablement se faire de bons et vrais amis !

   Sophie de Lédinghen 

 

Le Grand Ami

La foule se presse sur les trottoirs pour attraper le prochain RER. Au passage piéton, les automobilistes tentent de trouver un intervalle dans le flot continu, mais il semble qu’à chaque fois un piéton surgisse au dernier moment. Les chauffeurs s’impatientent. Certains finissent par forcer, s’attirant des regards noirs de chaque côté de la chaussée. D’autres klaxonnent. Au milieu, les trottinettes slaloment, manquant de renverser une vieille dame, pestant contre un piéton plus lent que la moyenne. Les cyclistes se suivent en file, le doigt sur la sonnette, prêts à houspiller le premier qui oserait poser le pied sur leur voie réservée. Il y a peu de sourires dans cette foule. Quelques rares éclats de voix brisent le bruit des pas sur le béton, entre deux collègues de travail, le temps de rejoindre l’anonymat du quai. Les visages sont globalement fermés, les yeux rivés sur les écrans ou perdus dans le brouhaha que des écouteurs déversent directement dans leurs oreilles.

Assis sur le béton, un mendiant regarde le torrent humain qui charrie les individus comme des galets qui s’entrechoquent dans le courant. Personne ne voit le miséreux. Il est sale et malodorant. Déshumanisé, il devient invisible. Qui pour l’aider ? Enfin, une parmi un millier, une âme généreuse lui tend la main et glisse dans sa paume crasseuse une petite aumône. La Charité fleurit dans le sourire du misérable et dans celui de son bienfaiteur, que la foule happe de nouveau.

Jérusalem. Les cris ameutent les passants. Des gens, les bras levés, menaçants, insultent un homme seul, entouré d’une troupe de soldats. La foule éructe et crache sur le malheureux. Son corps est une immense plaie. Les yeux sont tuméfiés. La nuque, le dos, les épaules, les jambes sont lacérés par les coups de fouet. La chair est à vif. Reste-t-il quelque chose d’humain chez ce condamné ? Les épines humilient et blessent son front. Ses mains sont liées au patibulum qui lui laboure les épaules. Il ne peut se protéger le visage quand il chute de nouveau, sous les railleries. Il n’a plus figure humaine. Il est comme un ver de terre. Défiguré par le péché, les hommes se détournent de lui et le mènent à la mort, sans pitié aucune.

Qui pour l’aider ?

« Je ne vous appelle plus serviteurs […] mais je vous ai appelés amis. »

Où sont vos « amis », Seigneur ?

Par la Croix, Dieu restaure la dignité de l’homme. Non pas à la façon de l’âme généreuse qui donne l’aumône au misérable du coin de la rue. Non, en se faisant plus misérable que le misérable, afin que le mendiant restaure sa dignité en faisant lui-même l’aumône du peu qu’il a, à plus indigent que lui.

Dieu ne fait pas l’aumône aux hommes. Il se fait plus misérable que le plus misérable de tous les hommes pour mendier notre amour. Il revêt tous nos péchés qui le défigurent et lui ôtent toute apparence humaine. Il porte nos trahisons jusqu’au Calvaire pour les détruire, sous les coups et les crachats, versant tout son sang. Tout cela pour que, pris de compassion, nous l’aimions. Notre-Seigneur Jésus-Christ est venu sur terre pour mendier notre Charité. Son Sacré-Cœur veut notre amitié. Il veut notre amitié plus que jamais nous ne pourrons le vouloir.

Ô Dieu Mendiant ! Ô Divin Ami ! Resterons-nous ingrats ? Resterons-nous dans le camp des hommes sans pitié qui l’ont vu dans les rues de Jérusalem et n’ont rien fait, ou pire, qui ont jeté leurs insultes et leurs crachats avec la foule ?

« Voici ce cœur qui a tant aimé les hommes, et qui reçoit en retour tant d’ingratitudes. »

Le vrai amour est quand celui qui aime est prêt à se sacrifier pour le bien de l’être aimé. Aimons-nous véritablement ? Comment aimons-nous Dieu ? Pour nos intérêts d’abord ou pour Dieu uniquement ? Aimons-nous Dieu pour éviter l’Enfer et obtenir une promotion au boulot ? Ou aimons-nous Dieu pour sa Gloire et uniquement pour sa Gloire, pour répondre à son amitié et ne chercher qu’à Le glorifier ?

« Je ne vous appelle plus serviteurs […] mais je vous ai appelés amis. »

Où sont vos amis, Seigneur ? Vous êtes venu mendier la charité des hommes, qui avez-vous trouvé pour se donner tout entier à vous ?

Que chacun de nous, au fond de son âme, considère le Sacré-Cœur de Jésus qui a tellement souffert à cause de nous, qui ne veut pas faire l’aumône en nous sauvant sans nous, mais qui veut restaurer notre dignité en se faisant plus misérable que nous pour mendier notre charité. Quelle preuve d’amitié ! Il n’y a pas de plus grand ami que Jésus ! Que ferions-nous pour le meilleur de nos amis qui nous a sauvés en donnant sa vie ? Tout simplement donner sa vie en retour. Qu’au fond de notre cœur jaillisse le don total.

Ô Jésus, je vous donne tout, mon âme, ma vie, ma santé, mon corps, mon honneur, mes richesses, ceux que j’aime, tout. Vous voulez tout prendre comme Job ? Faites ! Tout ce que vous voudrez, Ô Cœur divin, tout ce qui vous est agréable, Ô Dieu mendiant, Ô vous Jésus, mon grand Ami.

 Louis d’Henriques

 

Trousse en toile enduite doublée

Chères couturières,

Vous trouverez sur notre site pour ce nouveau numéro un patron de cette petite ou grande trousse qui vous suivra partout : trousse à bijoux, à crayons de couleurs, trousse de couture pour votre nécessaire de raccommodage ? Trousse de toilette à offrir ou encore trousse pour les portables, dans l’entrée ou dans le salon ? Trousse fourre-tout pour votre sac à main, trousse de monsieur avec l’indispensable pour tailler une barbe…

Cliquer pour accéder à Couture-Trousse_fiche.pdf

Il s’agit d’un modèle simple, formé de deux rectangles de tissu. Nous vous indiquons en début de patron les mesures nécessaires en fonction de modèles types (trousse à crayons, trousse de toilette, trousse avec un nécessaire pour changer bébé…). Le patron est proposé doublé pour une finition plus soignée ; vous pouvez le réaliser en une seule épaisseur. Le tissu extérieur est proposé en toile enduite imperméable, mais n’hésitez pas à laisser s’exprimer votre créativité printanière avec des matières comme du cuir ; ajoutez-y à votre gré de jolies surpiqures, des broderies, des rubans, des pompons, pour une réalisation du meilleur effet ! Bonne couture !

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Atelier couture

https://foyers-ardents.org/category/patrons-de-couture/

 

Constitution et avortement : loi constitutionnelle du 8 mars 2024

La constitutionnalisation de la liberté de l’avortement fait partie des sujets que nous préférerions naturellement éviter tant elle heurte les consciences droites et montre le fossé qui sépare les catholiques fidèles et les défenseurs de la loi naturelle de la quasi-totalité de la classe politique et médiatique, et même de la grande majorité de nos contemporains. Il faut dire que peu de choses nous ont été épargnées dans les derniers jours de février et la première semaine de mars 2024 : la hâte avec laquelle ont été conduits les débats, les très fortes majorités des votes favorables à la loi dans tous les groupes politiques, la faiblesse des opposants dont le nombre diminuait au fil du temps et qui contrastait avec le triomphalisme débridé de ses promoteurs – le Premier ministre a parlé à cette occasion de « la France, phare de l’humanité » , la timidité de la réaction de l’Eglise catholique, sans compter l’illumination de la tour Eiffel qui affichait, le soir du vote final, les mots « mon corps, mon choix » et la cérémonie organisée place Vendôme pour l’apposition du sceau de la République sur la loi promulguée par le chef de l’Etat. Ce déferlement peut apparaître dérisoire tant le combat des partisans de la révision constitutionnelle fut facile et dénué d’embûches. Il montre en creux la gravité de l’atteinte ainsi portée à la loi naturelle et à ce qui reste de la France chrétienne, ainsi que la facilité avec laquelle pourraient être demain adoptées, sans rencontrer de résistance, d’autres réformes mettant en péril les îlots de chrétienté qui subsistent.

« La France, ont clamé les partisans du texte, est le premier pays de la planète à inscrire la liberté d’avorter dans sa constitution et est fière d’envoyer ainsi un signal de libération à toutes les femmes du monde au nom du droit de celles-ci à disposer de leur corps.» Tout est faux dans cette assertion. Le maréchal Tito avait déjà fait inscrire cette sinistre liberté dans la constitution yougoslave après la seconde guerre mondiale et les constitutions de deux pays européens y font aujourd’hui indirectement référence. Avorter n’est pas pour une femme disposer de son corps mais de celui d’un autre être humain dont la vie a commencé et qui est privé du droit de vivre. Comment parler de libération de la femme alors qu’il y a aujourd’hui tant d’avortements contraints ? Cette prétendue liberté de la femme repose bien sur une fausse conception de la liberté.

Le vote de la loi érigeant le droit à l’avortement en liberté constitutionnelle est une initiative des députés appartenant aux groupes insoumis et écologistes au cours de la précédente législature, (2017-2022) à laquelle les gouvernements de l’époque s’étaient opposés en arguant du caractère inutile d’un tel texte en l’absence de menace affectant ce droit. Après l’arrêt de la Cour suprême des Etats-Unis du 24 juin 2022 qui a supprimé la protection fédérale du droit à l’avortement et donné pleine compétence aux Etats fédérés pour >>> >>> légiférer dans cette matière, plusieurs propositions de loi ont été déposées dans les deux assemblées du Parlement français pour « inscrire le droit à l’IVG dans la Constitution ». Le Sénat a rejeté le 19 octobre 2022 la proposition déposée par 118 sénateurs appartenant à sept groupes politiques alors que l’Assemblée nationale a adopté le 24 novembre 2022 un texte identique. Celui-ci visait à introduire dans la Constitution, dans le titre VIII relatif à l’autorité judiciaire, après l’article 66-1 relatif à l’abolition de la peine de mort, un article 66-2 garantissant à la femme un droit effectif à l’IVG.  Après la protection de la vie des criminels, venait le droit de tuer les innocents. Le texte voté par les députés, avec cette fois-ci le soutien du gouvernement, est venu en discussion au Sénat le 1er février 2023. Tous s’attendaient à ce que la proposition soit à nouveau rejetée quand, à la surprise générale, le sénateur LR de la Manche, Philippe Bas, ancien ministre de la santé de Jacques Chirac, a déposé et fait adopter un amendement introduisant dans l’article 34 de la Constitution un alinéa selon lequel « la loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté de la femme de mettre fin à sa grossesse ». Les différences entre les versions des députés et des sénateurs relèvent surtout de la sémantique mais le président de la République a décidé de reprendre le texte sénatorial pour en faciliter l’adoption et le texte voté le 30 janvier 2024 par l’Assemblée nationale, le 28 février par le Sénat et le 4 mars par le Congrès du Parlement dispose que « la loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse. »

Les débats parlementaires ont été décevants. Les opposants ont insisté sur le caractère inutile du projet en l’absence de remise en cause du droit à l’avortement dans notre pays et sur leur attachement à la loi Veil de 1975 dont la révision constitutionnelle trahirait selon eux l’esprit. Les deux tentatives de modification du projet, qui se sont heurtées à un échec, ont porté sur la suppression de l’adjectif « garantie » et sur l’insertion dans le texte de la protection de la clause de conscience qui donne au personnel médical le droit de ne pas pratiquer ni de concourir à une interruption volontaire de grossesse. Au Congrès réuni le 4 mars 2024 à Versailles, 782 parlementaires ont voté pour, 80 contre – honneur à eux car ils ont été soumis à de fortes pressions – et 50 se sont abstenus, tandis que 23 n’ont pas pris part au vote.

Cette révision constitutionnelle s’inscrit dans la ligne des réformes qui depuis 1975 n’ont cessé d’élargir le droit à l’avortement. D’abord présenté par Simone Veil comme un « ultime recours » pour remédier à une « situation de détresse » et dépénalisé pour une durée de cinq ans s’il était pratiqué pendant les dix premières semaines de la conception du fœtus, l’avortement allait être autorisé de façon définitive en 1979, puis remboursé par la sécurité sociale en 1982. En 1993, la loi crée le délit d’entrave à l’IVG et, en 2001, le délai pendant lequel l’avortement peut être pratiqué est porté à douze semaines, les chefs de service hospitalier ne peuvent plus s’opposer à la pratique d’un avortement dans leur service et la femme ne peut plus être poursuivie pour un avortement hors délai. En 2012, le taux de remboursement par la sécurité sociale passe à 100 %, en 2014, est supprimée la « condition de détresse » d’une portée pratique limitée car la femme en était le seul juge, et en 2022, le délai passe de douze à quatorze semaines.

La liberté de l’avortement avait acquis, avant même la récente réforme, un statut quasi-constitutionnel dans la mesure où le Conseil constitutionnel avait à quatre reprises reconnu la conformité à la Constitution de la loi de 1975 et des mesures qui en élargissaient la portée. La décision du 27 juin 2001, à laquelle a participé Simone Veil en tant que membre du Conseil à cette époque, est intéressante à plusieurs titres : le Conseil avait été saisi par plus de 60 sénateurs (y en aurait-il encore un seul aujourd’hui ?)  sur l’allongement du délai de dix à douze semaines et sur la possibilité pour un chef de service de s’opposer à la pratique de l’avortement dans son service. Le Conseil a décidé que l’augmentation du délai ne remettait pas en cause l’équilibre existant entre la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme de dégradation et la liberté que tient la femme de l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789  >>> >>> (« Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression. »), ce qui ouvre un champ pour le moins indéfini à son application. Le Conseil, à aucun moment, ne reconnaît à l’embryon la qualité d’un être humain, semblant oublier le principe posé à l’article 16 du code civil : « La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de la vie.» La suppression du droit, pour un chef de service, de s’opposer à ce qu’un avortement soit pratiqué dans son service fut jugée conforme à la Constitution en raison de l’existence de la clause de conscience du corps médical fondée sur la liberté d’opinion, reconnue par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, le préambule de la Constitution de 1946 et la liberté de conscience considérée comme un principe fondamental reconnu par les lois de la République. 

Les conséquences de cette réforme ont été soulignées : la clause de conscience du personnel médical, dont plusieurs députés insoumis et écologistes ont demandé la suppression dès le lendemain du vote, peut être considérée comme étant à risque malgré la décision du Conseil constitutionnel de 2001, le nouveau texte pourra encourager les pratiques eugénistes, et la possibilité de critiquer l’avortement pourra être censurée en tant qu’elle contreviendrait à l’exercice d’un droit constitutionnellement garanti. Nous avons déjà pu constater l’existence d’un tel risque avec les réactions aux propos courageux d’Aymeric Pourbaix sur Cnews selon lesquels l’avortement était la première cause de mortalité dans le monde, avant le tabac et le cancer. Plusieurs journalistes de la chaîne ont désavoué leur auteur et Cnews a dû platement s’excuser pour cette déclaration jugée transgressive. Pourtant les chiffres sont éloquents : il y a eu 232 000 avortements en France en 2022 et ce chiffre est en augmentation constante depuis une trentaine d’années – nous étions à 200 000 en l’an 2000 – ce qui représente 32 % des naissances. Ces chiffres placent la France en tête des pays européens pour le taux de recours à l’avortement : le rapport entre le nombre d’avortements et celui des naissances est de 12 % en Allemagne 12,5 % en Suisse et 16 % en Italie. En outre, la France est le seul pays d’Europe où ce taux continue à augmenter alors qu’il diminue dans les autres pays.

L’Eglise catholique a pris position contre l’inscription de l’avortement dans la Constitution française. Le responsable de Radio Vatican et de Vatican News a rappelé les paroles prononcées par le pape François en 2021 : « L’avortement est un meurtre » et s’interroge : « Comment est-il possible de juxtaposer dans la charte fondamentale d’un Etat le droit qui protège et celui qui sanctionne sa mort ? » La conférence épiscopale française a appelé les catholiques à être des serviteurs de la vie, de la conception à la mort, et a appelé « à soutenir ceux et celles qui choisissent de garder leur enfant (…) et à entourer de notre respect et de notre compassion ceux et celles qui ont eu recours à l’avortement ». Nous retrouvons là toute la prudence, pour ne pas dire plus, du corps épiscopal qui omet d’avertir sur la gravité du péché objectif que représente un tel acte.

 

Alors que faire dans « cette course à l’abîme d’une civilisation en perdition » pour reprendre les mots de Philippe de Villiers ? Ne pas nous décourager, ni nous résigner bien sûr. Essayer modestement de tirer quelques leçons de ce triste événement de notre vie politique. Ne pas céder sur les principes car, n’en déplaise à beaucoup de « modérés », la constitutionnalisation de l’avortement était en germe dans la loi Veil de 1975 et défendre celle-ci pour mieux combattre celle-là est une gageure. Reconnaître aussi que le vrai combat est surnaturel et que si l’avortement est contraire à la loi naturelle, il ne pourra pas être combattu par les seuls moyens humains bien que ceux-ci soient nécessaires.  L’avantage du combat surnaturel est que, même s’il se situe dans le long terme, c’est un combat assurément gagnant. N’oublions pas l’une des dernières paroles de Jésus-Christ à ses disciples : « J’ai vaincu le monde.» J’ai vaincu, cela veut dire que c’est déjà fait…     

Thierry de la Rollandière