Apprendre à voir le beau !  

Une enfant admire une poupée Barbie : « elle est trop belle ! »  Une maîtresse moderne s’extasie devant un gribouillage d’enfant aux couleurs agressives : « bravo, c’est très beau ! »

Un jeune homme remarque une silhouette élancée et apprêtée : « elle est belle ! » C’est peut-être une jolie fille, mais s’il s’avère que c’est une pimbèche ou une précieuse, dirons-nous encore qu’elle est belle ? De tous temps, la femme a été le symbole de la beauté. Mais croyons-nous les magazines qui réduisent la beauté féminine à un physique et à son rituel de beauté : maquillage, soins et parfums ?

Ne laissons pas nos enfants croire que la beauté est une question d’émotion, que des goûts et des couleurs, on ne peut pas discuter, car c’est une question personnelle. Dire que le Beau tient seulement à l’opinion que chacun s’en fait, revient à dire que le Beau n’existe pas.

Ce n’est pas parce qu’un aveugle ne le voit pas que le paysage n’est pas beau, ni parce qu’un ignorant n’en saisit pas le sens qu’un poème est moins beau !

Il nous faut donc ouvrir notre regard à la lumière et éduquer notre intelligence pour voir et aimer le Beau.

 

Voir la beauté dans des genres variés

La beauté d’un paysage n’est pas la même que celle d’une démonstration mathématique, d’un acte de générosité, ou d’un être humain. On parlera même d’une belle récolte, d’un beau chahut ou d’une belle mort…

Quel est le point commun ? En s’inspirant de la tradition Thomiste, disons que plusieurs éléments sont nécessaires pour faire une chose belle : sa perfection (ou plénitude) par rapport à sa finalité, l’harmonie ou les proportions dans la variété des aspects qui la composent, la splendeur ou l’éclat de sa forme : notre intelligence aime la lumière et l’intelligibilité.

Ainsi une maison qui remplit visiblement sa finalité d’être le foyer chaleureux où l’on se retrouve, un lieu qui favorise le repos, et un lien agréable avec son environnement, exprimera une certaine harmonie. Si elle a un certain éclat, sans excès, la maison sera belle.

En revanche, les quartiers modernes aux immeubles composés comme des assemblages irréguliers de cubes de béton, construits par ceux qui pensent que « la maison est une machine à habiter » (Le Corbusier) ne génèrent ni beauté ni bien-être ! Leurs inventeurs se sont trompés de finalité, l’harmonie est absente, le matérialisme utilitariste domine.

« Le Beau, c’est la splendeur de la perfection, ou si l’on aime mieux, la splendeur de l’idéal »1.

 

Apprendre le Beau à l’extérieur

Nous comprendrons progressivement ces notions abstraites lors de visites culturelles ou de promenades dans la nature. Ainsi, nous saisissons bien la plénitude d’une cathédrale. La cathédrale est tout ce qu’elle doit être et possède tout ce qu’elle doit avoir : la capacité de rassemblement, l’hébergement des saintes espèces. C’est le lieu du sacrifice, de la prière, du culte, du mystère, de la prédication… Elle est construite pour la gloire de Dieu et exprime la piété d’un peuple.

Elle nous transporte de l’harmonie et du symbolisme de ses lignes, de son plan et de ses proportions, de sa décoration instructive (vitraux ou statues), de sa lumière ou de sa pénombre qui aident à la prière et au recueillement.

De l’extérieur, elle est un haut lieu de la ville qui attire les regards. Surabondante plénitude, pleine d’harmonie et de splendeur qui en fait sa beauté2.

Apprenons progressivement à nos enfants à voir ces différents aspects : plénitude par rapport aux finalités, harmonie, splendeur. Prenons-nous aussi le temps de regarder et d’apprendre à observer, à élargir les horizons !

Bien sûr chacun a ses dons, ses compétences, son caractère propre et sa forme de culture personnelle. Certains seront plus à l’aise pour mettre en valeur les merveilles de la nature, pour reconnaître les arbres à leurs feuilles ou les pics montagneux à leur profil, d’autres face aux œuvres d’art, à la musique, à la littérature ou aux sciences… Commençons à la maison, chacun à notre place.

 

Apprendre le Beau à la maison 

L’enfant baigne dans l’atmosphère de la maison. Il s’en imprègne. Jour après jour son intelligence est marquée par ce qu’il voit, ce qu’il entend, ce qu’il dit à la maison. Elle est ainsi fortifiée, assouplie, rassurée ou hélas faussée, racornie.

De l’extérieur, l’enfant rapporte beaucoup de faux trésors : publicités, chansons, attrait des jeux vidéo, fascination pour des vedettes sportives ou musicales, pour des camarades qui osent ce qu’on ne fait pas à la maison… Il faut lui apprendre à trier, à voir et à choisir la beauté : beauté des œuvres matérielles, beauté du travail bien fait, beauté des vertus et de l’amour.

Pour cela rien de tel qu’un climat d’équilibre et de joie, un cadre aimé et harmonieux, quelques belles choses selon les moyens de chacun, des conversations animées et proportionnées aux âges et aux circonstances. Tout ceci, avec sérénité, soutiendra la recherche et l’effort vers le Beau, mais aussi le Vrai et le Bien.

« Quand le Beau vient joindre son éclat séduisant au Vrai et au Bien, l’un et l’autre ne gagnent-ils pas plus aisément, plus sûrement notre cœur ? »1.

C’est pour cela que la peinture de Fra Angelico nous paraît si belle : « d’une manière qui ne cesse de nous étonner, l’œuvre de Fra Angelico est à la fois plus ancrée dans la réalité humaine, que celle, souvent très idéalisée et très statique de ses prédécesseurs, et beaucoup plus immatérielle (…) Dans sa peinture comme en théologie, la grâce n’ignore ou ne détruit pas la nature, elle la couronne ». « Telle est la gloire de Fra Angelico d’être le peintre qui pour le plaisir de nos yeux et surtout le bonheur de nos âmes nous aura entrouvert le ciel pour nous le faire voir »3.

Les hommes ont besoin de l’enthousiasme du Beau pour surmonter les défis qui se posent à eux. Le Beau est une voie d’accès à la réalité la plus profonde de l’homme et du monde, et ainsi à Dieu. Donnons du Beau à nos enfants et à nos contemporains !

    Hervé Lepère

 

Parents – école : une cohérence indispensable  

Lors de conversations récentes, j’ai été frappé que trois amis me rapportent séparément le nombre beaucoup plus important d’enfants qui s’éloignent de la Foi et de la morale catholique chez leurs amis qui avaient choisi des écoles sous contrat, par rapport à ceux qui avaient fait l’effort d’écoles indépendantes (hors contrat). 

La cohérence nécessaire à notre équilibre

La cohérence dans notre vie nous fortifie et nous permet d’aller plus loin ! A l’inverse, que de souffrances et de fragilités lorsque nous sommes en proie à des conflits intérieurs, des conflits d’autorité, des conflits de personnes… La cohérence entre la famille, l’école et l’Eglise est donc fondamentale pour la réussite de l’éducation des enfants et la construction de personnalités équilibrées.

En effet, la Foi doit s’incarner dans notre vie. Le laïcisme, ou l’œcuménisme moderniste de la plupart des écoles sous contrat, va au contraire couper le naturel du surnaturel ; ils introduisent dans l’âme de l’enfant une séparation qui va à l’encontre de la nécessaire unité de l’être humain. Consultez les manuels scolaires modernes pour voir combien ils s’opposent souvent frontalement à la doctrine catholique et aux traditions de la culture française ! 

Ensuite, la neutralité dans l’enseignement n’existe pas. Du fait du contact fréquent et de leur répétition, les opinions de l’enseignant vont marquer les enfants : sélection, analyse, interprétation, commentaires sur tous les sujets abordés en cours, qui en seront imprégnés.

Enfin, l’adolescent se formera en étant familier de références cohérentes, qu’il affrontera parfois, mais en sachant qu’elles sont importantes. Sans références, l’adolescent devient au mieux un libéral, relativisant toutes choses jusqu’à la Vérité même puisque chacun peut se construire ses propres valeurs.

Rien sans effort ou sacrifice

Il peut falloir accepter la séparation pour la pension, ou des kilomètres de trajet, des scolarités qui pourraient être le plus gros budget de la famille… Mais quelles récompenses que ces sacrifices qui contribuent à la cohérence dans l’éducation !

Joie de voir souvent dès les premiers mois dans une bonne école, les enfants s’épanouir, se développer dans un environnement cohérent avec celui de la famille ; dépasser leurs parents en science ou en piété.

Satisfaction plus tard lorsque les jeunes adultes restent fidèles à la Foi et à la Morale, rayonnent dans la société et avec de bons amis, puis s’engagent solidement dans la vocation ou le mariage.

Récompense éternelle au ciel, bonheur de pouvoir dire « j’ai transmis ce que j’ai reçu » et remercier pour les grâces de Dieu qui n’ont pas été vaines. Si l’un des enfants vacille, les fondations posées lui donneront l’occasion de revenir plus facilement dans le droit chemin, le moment venu. 

La cohérence concrète : s’engager jusqu’au bout !

La première résolution essentielle, après avoir choisi une bonne école est de s’abstenir de toute critique à l’extérieur comme devant les enfants. La perfection n’existe pas dans les œuvres humaines ! Souvenons-nous que la médisance est un péché. En se propageant, la critique s’amplifie comme la rumeur… Une critique sur le caractère d’un professeur peut se transformer après deux intermédiaires en « un ami de mon ami n’est pas satisfait de l’école ». Ce qui fera peut-être renoncer des parents hésitants. Selon l’enseignement de saint Thomas d’Aquin, sachons donc voir le bien avant de noter les imperfections ! 

N’abîmons pas chez les enfants la confiance due aux autorités et professeurs ! Veillons plutôt à ce que les priorités, les règles de vie spirituelle, de comportement en famille, de tenue à la maison soient cohérentes avec celles de l’école.

Il y a souvent des difficultés réelles à payer les scolarités, pourtant cela reste un devoir majeur. C’est justice pour que la structure de l’école et les enseignants puissent vivre normalement (certains ont aussi une famille à nourrir !). Voyons ces versements comme un investissement dans ce que nous avons de plus précieux : nos enfants et leur salut éternel. Le retour sur investissement n’est pas immédiat, mais il est réel ! Le Bon Dieu nous récompensera au centuple.

J’ai pu admirer des parents qui sacrifiaient leur train de vie, recouraient sans honte aux banques alimentaires, trocs de vêtements, astuces et entraides entre familles, ainsi qu’aux bourses pour financer les scolarités. Certains ont terminé de payer leurs scolarités plusieurs années après que leur dernier enfant a quitté l’école. Que dire, en revanche, de ceux dont les enfants portaient des vêtements neufs de marques à la mode et qui ne payaient pas leurs factures ? Ces mêmes années, des religieuses se sont contentées plusieurs jours de suite, d’une simple soupe le soir, pour que leurs pensionnaires ne manquent de rien et ne s’aperçoivent pas des difficultés…

Heureusement, plusieurs œuvres ont développé des bourses d’entraide1, qu’il faut penser à solliciter. Que ceux qui en profitent en fassent la publicité autour d’eux, pas seulement pour trouver de nouveaux bénéficiaires, mais surtout de nouveaux généreux donateurs : parrains et marraines, oncles et tantes, grands-parents, jeunes célibataires diplômés dont le salaire dépasse largement les besoins. N’ayant pas encore d’enfants, ils ne pensent pas à donner à ces œuvres, et à bénéficier de l’avantage fiscal s’ils payent des impôts2. Plus il y aura de donateurs, plus les familles seront aidées !

Même si nous payons les scolarités à l’heure, ne prenons pas une mentalité de consommateur américanisé qui négocie tout, commente les défauts des produits ou des employés sur internet et multiplie les réclamations !

 

Participer à la vie de l’école, comme à une vie de famille

L’école catholique est si nécessaire à l’éducation que notre reconnaissance doit aller au-delà de la contribution financière. Nos enfants comprendront la valeur de leur école en voyant leurs parents participer systématiquement aux évènements : spectacles, fêtes religieuses ou kermesses, réunions de formation, rencontres avec les professeurs, ventes diverses, travaux… Même lorsque les dates ne nous arrangent pas.

Apprenons à nos enfants à remercier leurs éducateurs principaux par une petite lettre ou carte postale pendant l’été ou les vacances de Noël.

Les éducateurs qui se dévouent, parfois jour et nuit, apprécieront ces témoignages. Ce sont des hommes et des femmes qui sacrifient leur vie pour nos enfants ! Ils méritent notre attention.

 

Et si ce n’est pas possible ?

Lorsque la scolarité dans une vraie école catholique n’est pas possible, les parents devront redoubler d’efforts pour être disponibles à tout instant pour questionner, écouter, corriger, répondre aux questions, éclairer à la lumière de la foi à transmettre. De même, il y aura encore plus nécessité de mieux sélectionner les fréquentations familiales ou amicales et d’orienter le choix  des enfants vers des activités qui développeront leurs qualités morales et spirituelles.

« Les catholiques ne s’emploieront jamais assez, fût-ce au prix des plus grands sacrifices, à soutenir et à défendre leurs écoles, comme à obtenir des lois justes en matière d’enseignement. Ainsi, tout ce que font les fidèles pour promouvoir et défendre l’école catholique destinée à leurs fils est œuvre proprement religieuse, et partant devient un effort essentiel de l’action catholique (…) Qu’il soit donc proclamé hautement, qu’il soit bien entendu et reconnu par tous que, en procurant l’école catholique à leurs enfants, les catholiques de n’importe quelle nation ne font nullement œuvre politique de parti, mais œuvre religieuse indispensable à la paix de leur conscience ».3 

Le pape Pie XI nous confirme ainsi qu’en choisissant d’abord le Royaume de Dieu et sa justice, le reste nous sera donné par surcroît !

 

    Hervé Lepère

 

1 MCF Mouvement Catholique des Familles, ADEC, Fondation pour l’Ecole…

2 Ils bénéficient d’une réduction d’impôt de 66% du montant du don. Donner 100€ leur coûte seulement 34 € !

3 Pie XI, encyclique Mediator Dei

 

Le rôle du père dans les fiançailles  

Renaud et Elodie annoncent leurs fiançailles, toute la famille se réjouit : ils vont si bien ensemble ! Les parents se préoccupent d’organiser la réception… Au milieu de ces activités, qui s’ajoutent à celles d’un quotidien déjà chargé, Patrick, le père de famille réfléchit à la manière de jouer son rôle de père dans cette étape. Thomas, un oncle, se demande si son fils aîné de 12 ans fera un jour un si bon mariage… Renaud, le fiancé, commence à réaliser qu’après l’euphorie du mariage, il sera à son tour père…

Trois étapes de la vie pour lesquelles cet article peut éclairer ou aider à réfléchir. 

Réussir les fiançailles commence avant les fiançailles !

C’est avant de se fiancer qu’un jeune homme ou une jeune fille se forme, réfléchit, pèse et prie pour faire le bon choix, le moment venu1. De même, c’est avant que les enfants se fiancent qu’un père de famille doit contribuer à les préparer. Vu l’enjeu, mieux vaut s’y prendre à l’avance !

Dans son ménage, le père ne se contente pas d’être « nourricier », de travailler pour procurer le quotidien. D’ailleurs, la mère est très présente sur ce créneau. Le père est aussi un passeur, un préparateur de l’avenir ! Il oriente et prépare ses enfants pour qu’ils accomplissent leur destinée, leur mission dans le monde pour qu’ils l’améliorent par leur future famille, leur travail, leur action dans la société, leur apostolat. Il les enracine dans leur histoire et dans la tradition pour qu’ils portent du fruit à leur tour le moment venu.

« Que dans la famille, sous la vigilance des parents, s’élèvent des hommes de caractère loyal, de droiture valeureuse, qui soient un jour des membres utiles et irréprochables de la société humaine, virils parmi les conjonctures joyeuses ou tristes, obéissants aux chefs et à Dieu : c’est la volonté du Créateur » disait Pie XII le 13 Mai 19422

Gustave Thibon3 nous éclaire sur les vertus particulières nécessaires pour réussir un bon mariage : « Pour être pleine et féconde, l’union des époux doit reposer sur quatre choses que je sépare pour les besoins du discours, mais qui dans la vie s’amalgament jusqu’à l’identité : la passion, l’amitié, le sacrifice et la prière ».

Le père de famille, avec son épouse, aura donc eu soin de se soucier de l’éducation de la volonté (Aimer, c’est vouloir le Bien, parfois jusqu’au sacrifice), du jugement, de la vie spirituelle et de l’équilibre affectif de ses enfants. L’exemple du père lui-même, l’esprit de famille, la paroisse, le choix des écoles, des camarades et amis, donc le choix des activités de loisir ou militantes, auront une influence déterminante pour imprégner puis former le caractère et les inclinations des enfants et adolescents avant l’âge des grands choix de vie.

La complicité du père pendant les fiançailles

Chers pères de famille, si vous avez fait cela, malgré certaines imperfections, si vos enfants cherchent à bien faire, à leur manière, mais sous l’éclairage de la Foi catholique, ayez confiance dans les grâces du sacrement de mariage dont vos enfants vont bénéficier en abondance ! Vous franchissez une étape décisive de votre rôle de passeur, elle comporte ses joies nécessairement mêlées à un effort de détachement.

Au-delà des bons conseils de l’article « notre enfant se fiance » dans ce numéro, signalons quelques points particuliers pour le père de famille.

Dans son rôle de préparateur de l’avenir, le père doit voir loin, parfois plus loin que son épouse. Celle-ci peut avoir un effort à faire pour se détacher affectivement de son enfant, qui va quitter père et mère. Le père redoublera donc d’attention pour soutenir son épouse dans ce détachement, ainsi que dans les soucis matériels. Il aidera à discerner les qualités qu’apportera la future belle-fille ou le futur gendre.

Avec son enfant fiancé, le père aura intérêt à susciter quelques moments de complicité en tête à tête. Ils seront l’occasion d’aller à l’essentiel, d’écouter l’enfant parler de ses projets, des qualités de son futur conjoint et de la belle-famille, de l’encourager à la vertu, à la prière en commun et au sacrifice notamment en gardant une pureté sans tache. Le père aidera ainsi son enfant à se concentrer sur l’aspect spirituel du mariage.

Avec un fils, le père prendra enfin un moment pour quelques conseils d’homme à homme. Il pourra lui rappeler les différences de physiologie et de psychologie entre l’homme et la femme, qui influent sur nos comportements. Il mentionnera l’importance pour l’homme de se donner à son épouse, et de résister à la tentation de la posséder égoïstement.

Quant aux fiancés, naturellement focalisés sur leur future moitié, qu’ils gardent de la délicatesse avec ceux qui les entourent et les aident ! Les parents peuvent être immédiatement ravis surtout lorsqu’ils connaissent déjà le nouveau venu. Mais ils pourraient aussi être surpris et ne pas voir immédiatement les « innombrables » qualités du futur conjoint. Que les fiancés cherchent à les comprendre et restent attentifs aux réflexions et conseils ! Eux, les fiancés, ont eu le temps et la grâce de se découvrir, de développer une admiration, une affection puis un amour mutuel, d’acquérir la certitude que leur futur mariage correspond à la volonté de Dieu4. Les parents n’ont eu ni ce temps, ni cette grâce à la place de leurs enfants : ce ne sont pas les parents qui sont appelés à ce mariage, mais les fiancés ! Dans tous les cas, en exerçant la vertu de prudence, les parents conseilleront, approuveront, questionneront voire diront leurs réticences à leur enfant, c’est leur devoir.

Pour tous, les fiançailles seront l’occasion de faire évoluer leur regard sur le futur conjoint. Les fiancés en particulier, initialement éblouis par l’autre, se rappelleront ce conseil de Gustave Thibon : « l’authentique amour nuptial accueille l’être aimé, non pas comme un Dieu, mais comme un don de Dieu où tout Dieu est enfermé. Il ne le confond jamais avec Dieu, il ne le sépare jamais de Dieu ».

    Hervé Lepère

 

1 Voir le précédent numéro Foyers Ardents 34

2 Radio-message au monde

3 Ecrivain-Philosophe (1903-2001) in « Ce que Dieu a uni »

4 Recollections pour fiancés :

  • au Moulin du Pin (FSSPX) Tel : 02.43.98.74.63.
  • A Mérigny : noviciatndaa@orange.fr ou 05 49 64 80 20 (Samedi 17 et Dimanche 18 Septembre 2022, Mars et Mai 2023.) a
  • Sessions de fiancés du MCF Mouvement Catholique des Familles, à l’école St Michel (36130 Montierchaume, acprès de Châteauroux) : contact@m-c-familles.fr ou 01 75 50 84 86 (Samedi 5 et Dimanche 6 Novembre 2022 – Samedi 11 et Dimanche 12 Février 2023)

 

Rendre possible le choix du bonheur

Mon fils Renaud a déjà 30 ans et ne se décide pas à se marier. Il reste dans son train-train confortable : son travail, sa voiture, son appartement et de bonnes amies… Se donner ? S’ouvrir à d’autres groupes d’amis ? Pour lui, l’effort n’en vaut pas la peine…

Marc, le mien a mis plusieurs années avant d’accepter sa vocation…

  C’est un fait, s’engager à des fiançailles puis au mariage, ou répondre à l’appel de la vocation sacerdotale ou religieuse, est une décision qui va changer le cours de notre vie. Il y a de quoi hésiter, douter, ne pas se sentir capable…

Comment se préparer pour se décider, au bon moment, sans hésitation ni faiblesse ? Le choix décisif nous mettra dans la voie du bonheur, le bonheur de savoir que nous faisons la sainte volonté de Dieu.

 

Se détacher, se donner, persévérer

  Dire « oui, je le veux », nécessite un triple effort : se détacher de son propre confort individualiste pour se donner par amour et pour persévérer dans les joies, les peines et les sacrifices de chaque jour.

  Que nous le voulions ou non, l’époque dans laquelle nous vivons nous influence tous. Elle encourage la satisfaction prioritaire des envies individuelles de confort, de consommation, d’indépendance, d’épanouissement égoïste, de loisirs… Sans nous en rendre compte, nous pouvons élever nos enfants comme s’ils devaient faire le bien naturellement ; nous sommes plein de bonnes intentions et de belles paroles, mais ne voulons pas de contrainte, pas d’effort régulier. Alors, nous sommes déçus lorsque le bien ne résulte pas naturellement de cette éducation sans rigueur. André Charlier en indique les conséquences dans sa « lettre aux parents » :

« Vos enfants ne comprendront rien à l’action de la grâce en eux, ils ne l’apercevront même pas car, lorsque la grâce nous demande quelque chose, c’est ordinairement quelque chose qui coûte : alors ils ne sauront pas lui répondre, ou bien répondront par un refus. »

 

Apprendre à savoir faire un bon choix

  Pour savoir faire le grand choix, exigeant et définitif le moment venu, il faut donc s’habituer à, régulièrement, se détacher du confort du quotidien pour se donner à une belle cause. Le choix de faire, chaque année, le pèlerinage de Pentecôte – 3 jours complets – est le moyen idéal pour s’entraîner !

 

Le pèlerinage est en effet l’image de la vie, dans tous ses aspects : le spirituel, la vie en société dans une atmosphère de chrétienté regroupant des milliers de personnes, avec leur village de toile, la chaleur de l’amitié dans un chapitre, le silence parfois, la monotonie ou l’effort de chaque pas, image des multiples « oui » de chaque jour.

  Une heure de pèlerinage, c’est un jour de notre vie, certains plus faciles et joyeux, d’autres plus souffrants, tous pour Dieu et le prochain. Ce sont les joies, les peines et les sacrifices qui s’entremêlent. Peu importe, il faut se donner, il faut marcher, sourire ou pleurer, se ressourcer aussi pour pouvoir continuer. Chaque pas est une preuve d’amour, parfois facile, parfois difficile ; comme les petits gestes qui rendent un ménage heureux ; comme les attentions, le sourire, >>> >>> les paroles ou les prières qui vont marquer une rencontre, toucher un cœur et aider à sa conversion.

  Le pèlerinage de Pentecôte est plus complet qu’une retraite, où l’on se retrouve seul hors du monde (retraite cependant nécessaire), plus éducatif qu’un sport même intense qui ne reflète qu’un objectif humain externe à notre être, plus exigeant qu’un pèlerinage à Lourdes qui impose peu d’effort physique.

 

En faire un rituel annuel, pour se fortifier

  La régularité d’une pratique aide à persévérer. En faire un rituel est un moyen éducatif formidable.

Qui n’apprend pas à ses enfants à se brosser les dents chaque soir, à faire son lit chaque jour (même vite fait…), à aller à la messe le dimanche ? Au bout d’un moment, on ne se pose plus la question : le soir, dentifrice, le matin tirer la couette, le dimanche la messe… Un rituel approprié est un rempart contre les tentations, une rampe pour s’aider à monter l’escalier du ciel, un exercice d’assouplissement de notre volonté propre.

  Ainsi, prendre l’habitude de faire le pèlerinage de Pentecôte chaque année est formateur pour préparer les grands choix de la vie.

  Nous ne nous donnons pas le choix de ne pas répondre, ni l’excuse d’avoir mieux à faire. Nous ne nous exposons pas à la tentation de la faiblesse naturelle, celle qui nous empêche de répondre à l’appel de Notre-Dame.

  Décider de faire le pèlerinage, c’est s’entraîner au triple effort : se détacher pour décider puis pour partir sans confort, se donner à Dieu ou aux autres, persévérer pendant 72 heures. C’est découvrir la joie de l’effort accompli, des grâces spirituelles et des amitiés, c’est se fortifier en voyant cette foule immense : nous ne sommes pas seuls !

  Le faire chaque année depuis l’âge de 7 ans, c’est, au bout de 14 pèlerinages, en arrivant à l’âge du choix de vie, avoir imité la préparation de Notre Seigneur parti 40 jours au désert avant de démarrer sa vie publique. Quelle meilleure préparation ?

  Bienheureux ceux qui ne se posent pas la question « qu’allons-nous faire à la Pentecôte ? » Chez nous la Pentecôte, c’est pour Notre-Dame, c’est la solennité du Saint Esprit dont nous avons tant besoin pour nous éclairer et nous fortifier. Ils nous attendent ! Pas de question sauf en cas d’examen, de naissance, de mariage ou de décès !

 

S’organiser pour le Bien Commun familial

  L’exemplarité des parents aux yeux des adolescents vaut mieux qu’un long discours.

Il est rare que les deux parents puissent venir ensemble : d’abord parce qu’il faut garder les enfants trop jeunes, ensuite parce qu’il faut rester avec ceux qui préparent des examens… Un des deux parents viendra marcher avec les adultes s’il le peut, ou avec l’encadrement des enfants, ou aider à la logistique. Celui qui reste, par le sacrifice qu’il accomplit et parce qu’il est un seul cœur et une seule âme avec son conjoint,   n’en réalise pas moins un pèlerinage méritoire>>>  >>> pour toute la famille.

Si les enfants doivent aller seuls, nous chercherons des amis pour assurer les trajets avant que l’encadrement des chapitres enfants ou ados ne prenne le relais.

 

  Comment résoudre le problème financier ? Au-delà des efforts d’anticipation, ayons l’humilité de nous faire aider. Sollicitons grands-parents, parrains ou célibataires de notre entourage…Avec l’accord du prêtre, montons une collecte auprès des personnes âgées : elles financeront le pèlerinage de jeunes pèlerins, en échange de prières pour leurs intentions ! Je l’ai vu faire, c’est efficace !

  Entraînons-nous à répondre oui à l’appel du pèlerinage, ce oui qui nous prépare à prononcer, le moment venu, le grand oui de notre choix de vie.

 

« Ami, rejoins-nous sur le chemin,

Portant ton fardeau avec entrain,

Quitte la pauvreté du confort,

Reçois les richesses de l’effort1 ».

 

  Notre-Dame nous rendra au centuple cet effort devenu rituel. Rendez-vous au pèlerinage !

 

  Hervé Lepère

 

La confiance en soi par le jeu

           Hugues entre dans la chambre où ses trois aînés sont bruyants… Des cubes en bois sont mélangés avec les animaux de la ferme et les Playmobil. Le désordre n’est propice ni au calme ni au jeu. Au lieu de se fâcher, papa propose :

– Est-ce que je peux jouer avec vous ?

– Oh oui, mais on ne sait pas quoi faire !

– Voulez-vous jouer à faire un village ? L’un prend la ferme, un autre le commerce, un autre le garage ? Ou bien au Far West ?

– Moi, je fais un ranch avec les vaches ! Moi le shérif avec la voiture de police, moi les Indiens…Papa, vous serez le marchand.

 

  C’est parti ! L’enthousiasme est revenu, chacun construit son enclos, les figurines sont partagées… Les Indiens attaquent puis font la paix des braves sous le regard du policier nommé shérif aujourd’hui, l’institutrice appelle tout le monde en classe. De temps en temps, papa lance une idée : et si c’était la fête de la ville ? un ouragan arrive, que faisons-nous ? L’imagination est stimulée. Au bout d’une heure, papa disparaît sans bruit et le jeu continue sans lui toute l’après-midi.

 

L’importance éducative du jeu

  Qu’est-ce que le jeu sinon un effort plus ou moins spontané de la nature en vue d’exercer les puissances dont l’adulte aura un jour à se servir pour réaliser sa vocation d’homme1 ?

  Au-delà des bons souvenirs, il restera de ce moment un travail de l’imagination, de la collaboration en équipe et de l’habileté manuelle.

Dans ce jeu, le père aura eu l’occasion d’observer les tempéraments, s’affichant beaucoup plus librement que dans un travail scolaire encadré.

Ce jeu aura aussi manifesté l’amour du père pour les enfants, amour qui n’est pas seulement paroles ou embrassades. Un amour fait d’attention et de présence à l’autre, de volonté de lui faire du bien en respectant sa personnalité pour la faire grandir.

  « Saisir ce que doit être la présence du père auprès de l’enfant réclame de revenir à sa mission. Au père, il revient de développer chez l’enfant sa personnalité propre et sa dimension sociale, autrement dit sa liberté et sa responsabilité. L’action du père sur l’enfant consistera donc à forger sa volonté, tâche qui réclame l’éclairage de l’intelligence. Si l’intimité caractérise la présence maternelle auprès de l’enfant, la complicité caractérise celle du père. Le jeu en sera un moyen privilégié. Entré dans le monde de l’enfant par le biais du jeu, le père pourra, toujours sous forme ludique, le faire progresser dans son propre monde, à savoir celui de l’adulte : quelle fierté que celle de l’enfant qui, sous la conduite de la main paternelle, manie pour la première fois la brouette2 ! »

 

La confiance en soi

  La confiance en soi est le fait de se sentir capable de relever des défis à venir.

  Elle est donc indispensable pour rester en possession de ses moyens face aux difficultés inévitables de la vie. Elle aide à être pertinent dans ses démarches, à s’ouvrir à de nouvelles opportunités, à prendre de bonnes décisions et à oser prendre des risques.

  Comment s’engager pour la vie et être fidèle dans un bon mariage ou dans la vie religieuse sans un minimum de confiance en soi, bien sûr appuyée sur la confiance en Dieu ? Comment réussir dans la vie professionnelle et dans l’éducation des enfants sans cette confiance ? Cette qualité doit donc être travaillée dès le plus jeune âge.

Le jeu construit la confiance en soi

  Réussir un défi, recommencer après un échec, organiser ou simplement participer en groupe à un jeu donne confiance dans ses capacités intellectuelles ou physiques, dans son aptitude aux relations sociales ou à la persévérance.

 

  Selon l’âge, le père organise, suggère ou s’associe aux jeux. Il apprend les constructions en cubes ou en Légo, il participe aux cache-cache ou jeux de ballon. Il aide à démarrer des jeux inventés en s’adaptant au rythme et à l’histoire imaginés par les enfants. Les possibilités sont infinies tant les enfants aiment transposer la vie des adultes. N’hésitez pas à devenir un élève dans le jeu de l’école dont votre fille est la maîtresse, à fournir du matériel pour que les enfants en vacances organisent une kermesse, des concours, des spectacles, un goûter, un pèlerinage dont vous serez le public….

  Pour développer la confiance des enfants en eux, sachez perdre « par hasard » en étant maladroit ou stimulez l’attention du plus jeune. Ma grand-mère, jouant à la crapette, ne pouvait s’empêcher de poser la question à son adversaire étourdi : « tu n’as rien oublié ? », suscitant une attention renouvelée et un coup gagnant…

  Le jardinage, le bricolage ou la cuisine peuvent être présentés de manière ludique (sans abuser du désherbage ou de la vaisselle). Laissez les enfants faire, même s’ils font moins bien que ce que vous aimeriez. Faites faire le premier trou de perceuse dans le garage et pas dans le salon ! Limitez vos commentaires pendant l’action… Une fois l’opération terminée, faites un bilan de manière positive : voyez la bouteille à moitié pleine avant la bouteille à moitié vide ! Saluez toujours en premier ce qui a marché : le trou est fait même s’il n’est pas net, le gâteau est bon même s’il est trop cuit… Et indiquez une ou deux manières concrètes de s’améliorer la prochaine fois. Encouragez !

  L’apprentissage et la confiance sont à ce prix. L’objectif est que l’apprenti dépasse le maître, mais cela mettra plusieurs années ! C’est l’occasion pour les parents de travailler la maîtrise de leurs impatiences ou de leur perfectionnisme.

 

La confiance en soi pour relever la société

  « Nous manquons d’hommes d’initiative. Les hommes d’œuvre qui se dévouent à la régénération de la société, se plaignent amèrement qu’ils ne sont pas secondés. Ils ne peuvent aller de l’avant ; leur temps se passe à remonter le moral de leurs troupes qui se laissent traîner plutôt qu’elles ne marchent. Les jeunes gens qui ont au cœur un grand désir du bien se plaignent qu’on ne les a pas préparés au rôle qu’ils doivent jouer dans le monde3. »

  Les œuvres sociales, civiques ou religieuses sont nombreuses et ont besoin de toutes les compétences. « Pour entreprendre ces œuvres en temps opportun et suivant les nécessités des milieux, il faut déjà beaucoup d’esprit d’initiative, il en faut encore davantage pour les faire vivre autrement que sur le papier ou dans les rapports des Congrès (…) Les éducateurs, sans faire cependant de l’éducation de « casse-cou », peuvent beaucoup pour développer cet esprit d’initiative » chez les jeunes.

 

  Saint Jean Bosco, grand éducateur, obligeait chacun, élèves et encadrants, à participer aux jeux – selon leur choix – à chaque récréation.

En effet, le jeu développe la confiance en soi et l’initiative, il forme le tempérament. Ces qualités sont indispensables au redressement de la société et au progrès de l’Église.

 

  Vous ne perdez pas votre temps à jouer avec vos enfants !

 

Hervé Lepère

1 Traité d’éducation à l’usage des parents (ch.9) – J. Viollet

2 La paternité en crise : analyse et remèdes- Abbé P. de la Rocque in « Le père, bienfaiteur ou dictateur », Vu de Haut N° 26- Colloque de l’Institut Universitaire St Pie X-Novembre 2018

3 Soyez des hommes. F-A Vuillermet-2013