La bénédiction paternelle

« Lorsque la démocratie a renversé toute barrière entre le père et le fils, et que passant sur eux son niveau égalitaire, elle croit avoir fait merveille quand ils ne sont plus que les camarades l’un de l’autre, il est temps, me semble-t-il, de vous rappeler ce que vous êtes et de vous redire : n’abdiquez pas, rappelez-vous le nom sublime que saint Paul donnait aux pères de son temps : « race sainte, sacerdoce royal ». Aujourd’hui, hélas, dépossédé de tout, chassé de partout, serions-nous condamnés à voir le foyer sans Dieu ? Et c’est ainsi que passant de génération en génération, la bénédiction perpétuera parmi vous la tradition de Foi, de vertu, de dignité chrétienne et d’esprit de famille qui font dire que vous êtes une race bénie1

« La bénédiction la plus auguste est celle qui est donnée chaque soir par les patriarches du foyer, à chacun de leurs enfants et petits-enfants, inclinant leur front tour à tour devant le vieux fauteuil, demandant en silence le signe de la croix. C’est parfois aussi l’heure des confidences, des aveux, des avis, des remontrances et des pardons ; parfois aussi l’heure des larmes versées, consolées et essuyées. Après cette bénédiction, les fronts marqués par cette main se sentiront sacrés par elle, et par elle, avertis de n’avoir pas à s’avilir ou se profaner. Cette imposition des mains, reçue à la fin de chaque journée fait partie de ce sacrifice du soir dont il est parlé dans l’Ecriture : Elévatio manuum tuarum sacrificium vespertinum. Et les pères respecteront dans leur personne un ministère qui les rapproche du Très-Haut et ils se rapprocheront conséquemment de Lui par la sainteté et l’exemple de leur vie tout entière. Est-ce que d’ailleurs la seule vue de ces têtes inclinées révérencieusement devant eux ne leur a pas dit assez qu’ils ont charge d’âmes et que comme ils ont eu le devoir de les bénir, ils ont le devoir de les édifier et de les sanctifier ? La voilà donc en exercice cette noblesse, cette consécration que saint Paul attribuait aux pères chrétiens de son temps ! O rois et prêtres de la famille, n’abdiquez point ; race sainte n’apostasiez pas ! Que ce grand acte de foi ne tombe pas en désuétude ! Ne laissez pas cette croix tomber de votre couronne2 ! »

Toute la famille se trouve ennoblie, consacrée et sanctifiée par la bénédiction paternelle. Les parents qui la donnent et les enfants qui la reçoivent sont unis à jamais d’une affection surnaturelle qui, loin de briser les affections de la nature, les rend infrangibles, en donnant à tous, parents et enfants, des gages de paix, de générosité réciproque et de naturel dévouement. Au contraire, là où l’on ne sait plus, où l’on ne veut plus bénir, le foyer cesse d’être un sanctuaire, les parents sont découronnés de leur autorité et les enfants privés d’une sauvegarde et d’une protection que rien ne remplacera jamais. La bénédiction paternelle est une tradition qu’il faut maintenir et rétablir3. »

1 et 2 Monseigneur Baunard – Discours de clôture du Congrès catholique de Lille – et in : Le vieillard – La vie montante.

3 Mgr Athanase Forget, Lettre circulaire aux prêtres de son diocèse, 3 décembre 1935.

 

 

En sortant de l’école

 

Poème de Jacques Prévert (Histoires et autres histoires, 1946)

Interprétation : Les Frères Jacques – Octobre 1949

 

Pour saluer la fin de l’année scolaire et l’envol vers de nouvelles destinations… Un voyage imaginaire d’enfants, par chemin de fer.

 

En sortant de l’école
Nous avons rencontré
Un grand chemin de fer
Qui nous a emmenés
Tout autour de la terre
Dans un wagon doré

 

Tout autour de la terre
Nous avons rencontré
La mer qui se promenait
Avec tous ses coquillages
Ses îles parfumées
Et puis ses beaux naufrages
Et ses saumons fumés


Au-dessus de la mer
Nous avons rencontré
La lune et les étoiles
Sur un bateau à voiles
Partant pour le Japon
Et les trois mousquetaires des cinq doigts de la main
Tournant la manivelle d’un petit sous-marin
Plongeant au fond des mers
Pour chercher des oursins


Revenant sur la terre
Nous avons rencontré
Sur la voie de chemin de fer
Une maison qui fuyait
Fuyait tout autour de la terre
Fuyait tout autour de la mer
Fuyait devant l’hiver
Qui voulait l’attraper


Mais nous sur notre chemin de fer
On s’est mis à rouler
Rouler derrière l’hiver
Et on l’a écrasé
Et la maison s’est arrêtée
Et le printemps nous a salués.

C’était lui le garde-barrière
Et il nous a bien remerciés
Et toutes les fleurs de toute la terre
Soudain se sont mises à pousser
Pousser à tort et à travers
Sur la voie de chemin de fer
Qui ne voulait plus avancer
De peur de les abîmer


Alors on est revenu à pied
À pied tout autour de la terre
À pied tout autour de la mer
Tout autour du soleil
De la lune et des étoiles
A pied, à cheval, en voiture et en bateau à voiles.

 

Confiance mutuelle et discrétion  

Certains époux sont parfois capables de s’infliger de très profondes blessures dans l’intimité de leur mariage. Mais il est également vrai que l’on ne peut mesurer l’immensité de la joie et de la paix qu’ils peuvent se donner l’un à l’autre dans un mariage fondé sur une confiance absolue et sur une totale intimité de cœur et d’âme.

Comme toutes les grandes choses de notre vie, le mariage revêt une forme certaine d’héroïsme lorsque l’on s’oublie pour l’autre. Plus on devient proche, mieux l’on se confie, en toute quiétude et avec simplicité, sans penser au jugement de l’autre sur nous : nous pouvons tout nous dire, nous nous comprenons et nous soutenons en toutes circonstances. Il semble que cela fasse partie d’un pacte d’amour que de garder précieusement en notre âme les secrets que nous nous confions, et c’est ainsi que nous pourrons ensemble, mieux résoudre les difficultés qui surviendront dans notre mariage. Ces secrets seraient « désacralisés » s’ils étaient partagés avec d’autres. Ne serait-ce pas alors une trahison de la confiance ? Que dire, par ailleurs, d’un mariage sans confiance, où l’on ne se dit que des banalités et dans lequel les époux ne se partageraient que le lit et le compte en banque, mais non le tréfond de leur âme ? Quelle horrible solitude !

Grandeur des époux qui se respectent et se confient de façon habituelle, prenant conseil ou soutien l’un auprès de l’autre, dans la certitude de ne jamais être « trahi » ! Voyez la Vierge Marie et son époux Joseph, quelle discrétion, quelle simple humilité ! « Pas de charité sans le respect d’autrui qui se traduit par les égards que nous lui rendons » (Père Chevrot). Après Cana, Marie n’intervient qu’une fois, pour s’effacer ensuite jusqu’à l’heure terrible de la Croix où elle revient auprès de son Jésus qui va mourir. Quant à saint Joseph, l’Évangile signale sa présence chaque fois que l’Enfant et sa Mère ont besoin de ses services. Ensuite, il n’est plus question de lui.

L’humilité ne consiste pas à se cacher pour ne rien faire, mais à ne pas s’admirer quand on a fait le plus et le mieux possible. À ne pas se raconter et monopoliser la parole dans les conversations, ce qui est souvent source de débordements que l’on regrette bien souvent quand on réalise soudain qu’on en a dit plus que nécessaire.  Ce qui se traduit généralement par de la médisance ou un manque de réserve, d’autant plus regrettable lorsque le sujet portait sur son époux ou sur sa femme ! Si l’on veut réussir un travail, il ne faut avoir en vue que ce travail, sans chercher les applaudissements. Si l’on veut parler utilement, il faut songer uniquement à ce qu’on dit, sans « amuser la galerie ». Et si l’on veut garder la précieuse confiance de son époux, on se gardera bien de la trahir en se laissant aller à des bavardages inutiles et qui ne regardent que l’intimité de son ménage.

Si l’époux chrétien ne s’admire pas >>>          >>> lui-même, en revanche il reconnaît ce que les autres font de bien, et en particulier son conjoint. Il voit ce qu’ils font de mieux que lui-même. « Que chacun d’entre vous, dit saint Paul, estime en toute humilité que les autres lui sont supérieurs ». Il ne s’agit pas de fermer les yeux sur nos propres qualités, nous savons bien qu’en distribuant des talents à chaque homme, Dieu ne nous a pas oubliés ! Cherchons toujours à reconnaître les qualités des autres et effaçons-nous loyalement devant leur supériorité.

Puisque notre époux a comme nous, des mérites et des droits, pourquoi exigerions-nous qu’il se plie toujours à toutes nos volontés ? À notre tour, sachons accepter ses désirs ou ses préférences. Il y a des situations où le chef de famille doit imposer sa décision sous peine de trahir son devoir d’état, mais il ne s’agit là ni de son opinion, ni de son goût personnel, même si souvent les deux peuvent correspondre. En d’autres circonstances la bonne entente sera toujours mieux assurée lorsque chacun se proposera de faire plaisir à l’autre.

Il serait injuste que l’épouse, la maman, fût seule à s’effacer. Tous doivent l’imiter et contribuer au bien-être de la famille. Les foyers malheureux sont ceux que régissent les affreuses lois du « chacun pour soi » et du « moi d’abord ». Le Christ a enseigné le règne d’un amour qui implique l’oubli de soi. On trouve son bonheur à rendre les autres heureux. Les époux sont toujours d’accord lorsque, avant d’exprimer un désir, le mari et la femme, chacun de son côté, s’interroge intérieurement : « Que préfère-t-elle ? » « Que souhaiterait-il ? » C’est à qui voudra contenter l’autre.

Dans une famille où tout le monde s’efforce de s’effacer, nul n’est sacrifié. On n’a plus besoin de penser à soi, les autres y pensent avant nous. Nul n’est oublié lorsque chacun s’oublie pour les autres !

Alors « vidons-nous » de nous-même, de tout ce tumulte qui tourne autour de notre pauvre petite personne qui, finalement, n’intéresse personne d’autre que nous. Et dans le vide qui se fait soudain, laissons entrer dans nos âmes la paix du bon Dieu qui, elle seule, unira d’une solide confiance mutuelle nos deux âmes d’époux. Si cela n’est pas le paradis sur terre, cela ressemble déjà à un bon avant-goût du Ciel !

 

Sophie de Lédinghen

 

Inspiré des « Petites vertus du foyer » (Georges Chevrot), Collection du Laurier.

 

Confiance en la Providence et Pèlerinage  

« Si certaines situations nous semblent incompréhensibles, si nous ne parvenons pas à saisir la raison d’être des circonstances et des créatures qui nous font souffrir, c’est parce que nous ne savons pas découvrir la place qu’elles occupent dans le plan de la divine Providence, où tout est ordonné pour notre plus grand bien. La souffrance elle-même est voulue pour notre bien et Dieu, Bonté infinie, ne la veut et ne la permet qu’à cette fin. Nous croyons tout cela en théorie, mais l’oublions facilement dans la pratique, si bien que lorsque nous nous trouvons dans ses situations obscures et douloureuses qui viennent anéantir ou entraver nos projets, nos désirs, nous nous égarons et nos lèvres formulent la demande anxieuse : « Pourquoi Dieu permet-Il cela ? » Cependant, la réponse, aussi universelle et infaillible de la Providence divine, ne nous manque jamais : Dieu le permet uniquement pour notre bien. Telle est la grande conviction dont nous avons besoin pour ne pas nous scandaliser devant les épreuves de la vie. Nous pouvons douter de nous-mêmes, de notre bonté, de notre fidélité, mais non de Dieu, qui est la bonté et la fidélité infinies. Dieu permet quelquefois que nous nous trouvions dans des circonstances très difficiles, humainement sans solution. Si le Seigneur agit ainsi, sois sûr que ce n’est pas parce qu’il t’a abandonné ou rejeté, qu’il veut te décourager ou t’anéantir, mais bien qu’il désire te rendre plus fort, voire même héroïque dans la foi.

Si de graves difficultés se font jour, oh comme le démon s’en sert ! Il cherche à affaiblir de plus en plus notre foi et à nous empêcher de croire, ô Seigneur, que vous avez assez de pouvoir pour réaliser des choses qui dépassent la portée de notre entendement.

Votre Providence divine, ô Seigneur est telle que Vous prenez soin de toutes vos créatures comme s’il n’y en avait qu’une !1 »

 

N’est-ce pas là le message de ce pèlerinage de Pentecôte 2022 ? Les pèlerins étaient partis courageusement, généreusement pour témoigner publiquement de leur foi et de leur amour envers le Sacré-Cœur de Jésus, et voilà, que des pluies diluviennes ont raison des bivouacs et que la direction du Pèlerinage doit annoncer la fin de notre Pèlerinage dont nous avions déjà été privés pendant 2 ans !

Des conditions extrêmes pendant la tempête, 4000 personnes à évacuer et aucun accident à déplorer !

La Providence veut-elle nous faire comprendre qu’il nous faut faire notre devoir d’état avec générosité et courage sans nous inquiéter de rien : la tempête peut venir, Elle sera là, nous protègera, nous donnera le nécessaire. « Ainsi, ne vous inquiétez point de ce que vous mangerez ou de ce que vous boirez, et ne vous laissez point emporter à ces pensées-là. Car ce sont les nations du monde qui ont de l’inquiétude sur toutes ces choses, et votre Père sait que vous en avez besoin. Mais cherchez premièrement le royaume de Dieu et sa justice, et vous aurez tout cela de surcroît. Ne craignez point, petit troupeau2. »

 

1 Intimité divine – P. Gabriel de Sainte Marie-Madeleine- T. IV.

2 Saint Luc 12-29,32

 

Il y a Parole et paroles  

           À l’heure où la guerre de l’information fait rage, l’expression biblique « La Bonne Parole » prend tout son sens. Dans la cité malade, quelle est la bonne Parole ? Où se trouve la bonne information ?

 

           Quand on sait à quel point un être humain est constitué des informations qu’il emmagasine, aussi bien sur un plan génétique, biologique qu’émotionnel ou intellectuel, on saisit pourquoi, depuis le Commencement, la guerre eschatologique se déroule essentiellement sur ce terrain, crucial, de la parole. Et l’on comprend pourquoi toutes les forces politiques et financières contemporaines concentrent leurs efforts maléfiques sur ce terrain privilégié de l’information.

 

  Mais il y a Parole et paroles. L’une, la Parole de Dieu dit la Vérité sur Sa Création. L’autre, la parole du père du mensonge essaie de la travestir, de la trafiquer, de la subordonner, de la détruire.

 

  Il faut, vous dira-t-on, sauver l’économie. Sauver la République. Sauver la démocratie. Sauver la France. Sauver la famille. Sauver l’homme. Sauver la planète… Sauver, sauver, sauver… Ils voudront bientôt sauver Dieu Lui-même… Jamais pourtant, tous ces sauveurs de fête foraine vous parleront de sauver votre âme.

 

  « L’homme est créé pour louer, honorer et servir Dieu, notre Seigneur », rappelle dès l’ouverture de ses Exercices Spirituels saint Ignace de Loyola. « Et, par ce moyen, sauver son âme… »

Dans la cité malade, il n’est pour l’âme qu’un Sauveur, c’est Jésus-Christ, Fils du Père dans l’Esprit.

 

  Tous ces sauveurs si pressants feraient bien de se souvenir que derrière chacune de leurs initiatives, le vieux serpent les a toujours attendus pour les mordre plus profondément encore, au cœur de leurs illusions et de leurs utopies. Le vieux serpent qui ne songe qu’à perdre, jamais sauver.

  Perdre son âme, c’est égarer dans le commerce avec le monde l’usage de ses trois principales facultés qui sont, comme le rappelle sainte Catherine de Sienne dans cette magnifique oraison, la mémoire, l’intelligence, la volonté :

 

Dans ce jardin intérieur,

était enfermé l’homme, ô Père éternel.

Tu l’as extrait de ta pensée

comme une fleur à trois rameaux,

qui sont les trois facultés de l’âme :

mémoire, intelligence et volonté1.

 

  Notre mémoire, en tant que faculté vivante de notre âme, sert à entretenir, par la prière et l’oraison, la Memoria Dei au plus profond de notre être. L’intelligence nous a été donnée pour comprendre la nature trinitaire de Dieu, par l’étude, la lecture et la méditation, afin d’échapper à toute forme de propagande ou de divertissement venus du dehors. Notre volonté nous engage à désirer louer et servir Dieu, à recevoir ses sacrements, à espérer le Ciel plutôt que d’attendre le bonheur de la terre, à prier pour la persévérance finale, pour soi et pour les siens…

 

  Si nous comprenons que nous sommes sur Terre pour sauver notre âme, alors ne souillons pas notre mémoire, notre intelligence et notre volonté. Remplissons notre devoir d’état tout en les gardant sauves de tout commerce adultère avec cette société. Comprenons que sauver son âme revient tout simplement à ne pas la perdre, c’est à dire détourner notre consentement intérieur de tous les experts en damnation dont l’unique préoccupation est d’égarer notre mémoire, de corrompre notre intelligence et d’anesthésier notre volonté.

C’est un combat avant tout intérieur, quotidien, qui engage toute notre âme, et dont Jésus-Christ, notre Seul Seigneur et notre unique gouvernement, nous assure qu’il est déjà gagné dès lors que nous plaçons en Lui notre espérance et laissons agir sa Charité. C’est un combat extérieur, ensuite, qui nous oblige à affiner chaque jour notre discernement pour démêler le vrai du faux dans l’information dont la société nous abreuve jusqu’à la nausée. Alors seulement peut commencer un combat politique vraiment éclairé, parmi la multitude des débats, des leçons, des plaintes, des mensonges répandus par le monde, sur les pages de ses magazines, ses affiches, ses écrans…

 

  Car la seule nouvelle qui pèse est celle de Jésus-Christ-Rédempteur, la seule vraiment nourrissante dont il vaille la peine de distinguer la présence, afin d’ajuster au mieux à elle-seule nos comportements parmi nos semblables, nos prochains. La Parole faite chair, et non l’information.

 

Roland Thévenet