Dimanche en famille.

 Comment créer une atmosphère de paix et de joie de vivre pour nos dimanches en famille ?

Voici quelques pistes que vous pourrez exploiter à votre gré :

  • S’arranger pour que les tâches ménagères soient terminées le samedi soir ou réduites au minimum pour le dimanche ;
  • Préparer ses menus à l’avance en ayant soin d’anticiper sur la confection des plats, afin de n’avoir qu’à programmer le minuteur du four le jour même, ou à sortir les plats tout prêts du réfrigérateur ;
  • Ne pas calculer une heure de réveil trop juste, afin que le départ à la messe ne soit pas l’occasion d’une foire d’empoigne pour occuper la salle de bain, ni d’une course de fond tout au long du trajet ;
  • Eviter les achats et séjours dans les magasins ;
  • Refuser les invitations (autres que familiales), afin de rester avec les enfants et que ce jour soit la « plaque tournante » de la semaine, le meilleur moment de convivialité familiale, (surtout quand les enfants sont loin de la maison durant la semaine) ;
  • Prévoir par avance une occupation en commun pour l’après-midi (voir les articles des précédents numéros) ;
  • Si certains de vos enfants doivent repartir le dimanche soir, exiger qu’ils aient fait leur sac dès le samedi soir, afin d’éviter les réclamations de dernière minute : paire de chaussettes introuvable, dentifrice, fournitures scolaires…
  • Prévoir un ou deux sujets de conversations, ou un passage de livre à lire en famille au coin du feu, pour agrémenter la culture et les débats familiaux ;
  • Si possible, oublier pour une journée, les soucis matériels, les téléphones portables et les ordinateurs, et laisser de côté les querelles intestines. Cultivez la paix et imposez un « cessez-le-feu » général, en l’honneur du Bon Dieu.

Que ce jour représente, une fois par semaine, la joie de la « Trêve de Dieu »

L’espérance

  Ma chère Bertille,

Remplie d’enthousiasme à la lecture des paroles de Charette que je t’avais adressées en guise de vœux pour saluer l’an nouveau, tu as voulu partager ta joie en montrant ma lettre à quelques-unes de tes amies. Las ! Tu as dû affronter leur froid scepticisme. Elles reprochent à cette lettre son ton pessimiste qui dessinerait, du moins à les entendre, une vision noire de la réalité qui nous entoure alors que nous avons tant de raison de rester optimistes.

            Ces mots de pessimisme ou d’optimisme sortent tout droit des officines de la Franc-maçonnerie et nous sont radicalement étrangers. Nous ne sommes ni l’un, ni l’autre, nous sommes des âmes d’espérance. Nous ne jugeons pas les êtres et les choses à l’aune des réalités humaines, mais selon une perspective éternelle. Nous sommes de la cité d’en haut et nous ne travaillons pas pour les quelques prébendes grossières qu’offrent le monde à ceux qui le servent. Le pessimiste ou l’optimiste n’a d’autre horizon que celui étriquée des biens de la terre.

Ne sommes-nous pas baptisées ? Laissons ces notions à ceux qui n’ont point d’espérance. Au calvaire, il n’est plus question d’optimisme ou de pessimisme, seule l’espérance est de mise. Note, fièrement, que le mot espérance est un joyau rare qui appartient en propre à notre belle langue  française. A ma connaissance, seul le français a un mot spécifique pour différencier l’espérance de l’espoir.

Il te souvient, non sans émotion certainement, de ce beau texte d’Alphonse Daudet dans sa fameuse Dernière Classe lorsque

le vieux maître chante les louanges du Français qui est : « la plus belle langue du monde, la plus claire, la plus solide » aussi « il fallait la garder entre nous et ne jamais l’oublier, parce que, quand un peuple tombe esclave, tant qu’il tient bien sa langue, c’est comme s’il tenait la clef de sa prison ». Soyons fidèles à la clarté de notre langue et ne tombons pas dans l’esclavage de l’espoir ; demeurons enfants de France, femmes d’espérance.

Il ne s’agit pas de nier l’évidence : les réalités présentes sont sombres. Lorsque les hommes de la Terreur ont vaincu monsieur de Charette, la vieillesse du monde a détruit la jeunesse de Dieu. L’ombre de la Terreur continue de s’étendre sur la terre. Elle a pour noms avortement, euthanasie, manipulations génétiques…

A vue humaine, la situation actuelle est désormais sans issue. Devant une telle calamité, la spiritualité de l’autruche a le vent en poupe. La plupart des personnes se voilent la face ou se consolent dans un optimisme béat alors qu’il s’agit de regarder la réalité en face. Ce déni de réalité donne aux ennemis de Dieu et du pays le bâton pour nous battre. Ne te trompe pas, l’espoir ou l’optimisme ne sont pas les armes des combats d’aujourd’hui. Seule l’espérance permet de mener le bon combat. Ne savons-nous depuis sainte Jeanne d’Arc que la victoire vient d’en haut ? « Les gens d’arme batailleront et Dieu donnera la victoire ». Espérance contre tout espoir disait saint Paul, Contra Spem in spem.

Aussi est-il nécessaire de revenir une nouvelle fois à monsieur de Charette. Tu connais sa belle et noble devise, elle claque au vent sur les champs de bataille comme un cri d’espérance : « Combattu toujours, battu parfois, abattu jamais ». Je te mets au défi de trouver dans ces paroles le moindre optimisme. En revanche, cette devise est une magistrale leçon d’espérance. Le Chevalier de Charette accepte la réalité telle qu’elle est avec son lot de combats, de défaites, d’erreurs, mais il ne se laisse pas aller au désespoir car luit dans son âme de chrétien la leçon suprême : la Croix est, au-delà des apparences, la victoire suprême, l’espérance qui anime nos âmes : O Crux Ave, Spes unica.

Vois-tu Bertille, notre foi nous conduit sur ces chemins d’espérance où nous savons que toute tentative de restauration humaine est désormais vaine car la situation échappe complètement aux forces humaines, mais non point à la force divine de la grâce et à sa puissance de résurrection.

Ne te laisse donc pas abattre par les réflexions sceptiques des âmes pusillanimes, incapables de s’élever au-dessus du naturel. A ces esprits chagrins qui ne veulent pas voir la réalité en face et préfèrent les méandres des compromis, cherchant une consolation dans l’espoir, encourage-les à réciter souvent cette belle invocation bénie et encouragée par Pie IX : « Notre Dame de la Sainte Espérance, convertissez-nous ».

Tel est le souhait que je formule : convertis-toi à l’espérance, à l’école de Notre Dame.

Oui, vraiment monsieur de Charette est grand : « Faut rire ! »

Je t’embrasse bien affectueusement,

Aziliz

Les avantages de la littérature

Il arrive souvent que l’on reproche à la Littérature d’avoir une mauvaise influence dans la formation de l’esprit, mettant le lecteur assidu au contact de personnages fictifs, d’un univers parfois imaginaire, éparpillant son intelligence dans des suites sans fin d’élucubrations qui ne la structurent pas, ou qui, du moins, ne lui donnent pas la rigueur, l’assurance et la précision que pourraient lui apporter les mathématiques. Ne désigne-t-on pas d’un ton ironique les rêveurs, les idéalistes en disant : « C’est un poète ! » ? Dès lors, le littéraire peut apparaître comme un être un peu en marge, enfermé dans une sorte de tour d’ivoire, et ne s’estimant bien accompagné que de ses livres.

Mais c’est méconnaître la Littérature et son étude que de leur imputer de tels effets. L’étude de la Littérature présente de réels avantages, mais quels sont-ils ? Une bibliothèque, n’est-ce que, selon le mot de Julien Green, « le carrefour de tous les rêves de l’humanité » ? S’agit-il simplement d’acquérir une imagination plus fertile, ou de savoir manier à la perfection la langue aussi bien que la plume ? Ces avantages finalement assez matériels, s’ils étaient les seuls, rendraient l’étude de la Littérature assez décevante pour des esprits en quête de savoir. En outre, ce serait la réduire à quelque chose de très superficiel ; mais bien au contraire, loin d’éloigner les hommes de la réalité, la Littérature ne les en rapproche-t-elle pas davantage? Loin de rendre frivole leur regard sur le monde, ne les aide-t-elle pas au contraire à l’approfondir ?

Un constat simple de la réalité permet de comprendre que son étude constitue un véritable avantage : celui de l’appréciation des littéraires dans le monde professionnel et politique ; celle-ci découle de la formation de l’esprit que la Littérature leur prodigue ; elle leur donne en fait une appréhension plus juste de la réalité.

Chercheurs ? Professeurs ?

            Contrairement à ce que l’on pourrait penser, tous les Littéraires ne sont pas destinés à devenir chercheurs ou professeurs. Actuellement, les profils littéraires sont appréciés, et même recherchés dans les entreprises ; dans un article du Capital, Jeanne Bordeau[1] en explique les raisons : « Ils disposent d’une solide culture générale, de vraies capacités de synthèse et d’analyse, mais surtout d’une sensibilité humaine et d’une créativité qui peuvent faire défaut aux esprits plus scientifiques. »[2] Elle appuie son propos en énumérant un certain nombre d’entreprises comme Axa, HSBC, L’Oréal, Danone, Leroy Merlin, Vinci… qui embauchent des étudiants en Lettres, Sciences Humaines et Sociales (LSHS) en tant que cadres. On constate que l’étude de la Littérature, en effet, mettant les étudiants au contact des textes littéraires les mieux écrits, leur permet de développer une expression orale assez aisée, de posséder un vocabulaire juste et choisi ; dans le cadre de l’entreprise, ils sont donc plus à même de soutenir une conversation et de convaincre leur auditoire. À l’écrit, les chefs d’entreprise considèrent aujourd’hui comme une denrée rare ceux qui peuvent rédiger une lettre ou un rapport sans faute d’orthographe et dans un style suffisamment clair et élégant. D’ailleurs, les Littéraires n’ont-ils pas toujours eu un rôle indispensable dans la société, comme le montre la participation des hommes de Lettres à la politique ? Au Moyen Âge, les moines, seuls dépositaires des écrits, étaient les conseillers des rois ; pendant la Renaissance, l’amour des souverains pour les Lettres s’alliait à leur désir de favoriser l’essor intellectuel de leur pays; Racine n’a-t-il pas été historiographe du roi ? Sans compter les discours enflammés d’un Victor Hugo ou d’un Lamartine à l’Assemblée… Ces quelques exemples permettent de comprendre le rôle indispensable des Littéraires dans l’élite intellectuelle d’un pays.

D’où leur viennent ces avantages incontestables ?

            Le Littéraire semble être plus sensible, parce qu’avant même d’analyser un texte et d’intellectualiser sa lecture, il est touché par la beauté de ce texte, l’élégance de son style, la poésie dont il est imprégné…Qui n’a pas admiré la prose de Voltaire, ou qui ne reconnaîtrait pas la musicalité rythmée de cette phrase de Sartre dans Les mouches : « Tu es le roi des dieux, Jupiter, le roi des pierres et des étoiles, le roi des vagues et de la mer. Mais tu n’es pas le roi des hommes. » ? Sensible, il l’est aussi parce que le texte littéraire est l’expression de sentiments éprouvés pas l’auteur, (exprimés à travers ses personnages s’il s’agit d’un roman), et que ce lecteur partage. Cette sensibilité lui donne une finesse, une délicatesse de cœur, qui le rendent plus perceptif aux dispositions ou aux émotions des autres. En effet, la Littérature explore le cœur humain jusque dans ses moindres recoins, elle en donne quasiment une connaissance expérimentale, et le vrai Littéraire, bien loin d’être un idéaliste renfermé, est en fait un vrai psychologue.

La Littérature joue aussi un rôle important dans la formation de l’esprit : « Cette étude exerce et cultive toutes les facultés à la fois, l’intelligence, l’imagination, la sensibilité; donne à chacune de ces facultés une nourriture convenable, des idées, des images, des sentiments…(…) Elle applique et exerce toutes les autres puissances actives de l’âme : la perception, l’attention, la comparaison, le jugement, le bon sens moral, le bon goût littéraire, la délicatesse de l’esprit et du cœur. [3]»

La Littérature développe en effet l’intelligence : analyser un texte nécessite d’abord de l’avoir compris, c’est-à-dire de saisir la signification exacte de chaque mot dans son contexte, ce qu’a voulu exprimer l’auteur et pourquoi, le cheminement de son raisonnement, et l’enchaînement de ses idées. Il ne suffit pas, en effet, de seulement reconnaître la beauté purement matérielle de l’écrit en question. De cela découle une certaine rigueur d’esprit, qui ne manque pas non plus de souplesse, car un texte n’est pas un raisonnement mathématique, et la diversité des styles, des genres, des époques et des auteurs demande de s’adapter.

Cette analyse permet ensuite de juger, et c’est là que s’exerce ce « bon sens moral » dont parle Mgr Dupanloup : si un texte littéraire n’est pas toujours l’expression d’un message, qu’il soit philosophique ou politique, il contient cependant toujours des idées. La beauté du texte n’entrave pas le jugement que l’on y porte, et la phrase de Sartre, citée plus haut, au-delà de sa beauté plastique, peut-être analysée, et critiquée à raison, dans son contexte. Pour prendre un autre exemple, la Littérature courtoise du début du Moyen Age, qui a influencé celle de la Renaissance, n’avait pas vocation à délivrer un message particulier, mais elle exprime bien une certaine conception de l’amour et de la femme. Le texte est non seulement le reflet de la pensée d’un auteur, mais aussi celui de son époque, et des circonstances qui l’ont influencé. Plus récemment,  les écrits de Mallarmé, Nerval, Maupassant, reflètent l’angoisse chronique des écrivains de cette fin de siècle. Juger un texte, c’est donc aussi reconnaître les mentalités d’une époque donnée.

Simultanément, cette analyse n’est pas seulement historique et psychologique, elle est aussi morale : le lecteur n’est pas passif devant un texte, mais il peut juger de sa vérité ou de son erreur. Et c’est là que le regard du chrétien s’exerce avec l’acuité que lui donnent les principes de la foi et de la morale chrétiennes : il lui permet en premier lieu de juger de la licéité de sa lecture ; puis d’appliquer ces principes à l’œuvre en question, de l’aborder en considérant ses héros, voire son auteur, dans leur réalité, c’est-à-dire dans leur subordination et leur dépendance vis-à-vis de Dieu, de sa loi, de ses vérités éternelles. C’est ainsi qu’il pourra répondre à Sartre, dans l’œuvre que nous citions : l’homme peut-il jouir d’une liberté absolue, n’est-il pas sous l’autorité d’un être supérieur, qui n’est autre que Dieu ?

C’est d’ailleurs l’un des avantages que présente la Littérature catholique : un Paul Bourget, ou un Bernanos, dressent les portraits d’hommes qui certes pèchent, certes ne sont pas parfaits, mais qu’ils placent sous le regard de Dieu, qu’ils jugent, approuvent ou condamnent avec des critères catholiques, sans que leurs romans soient pour autant moralisateurs. Catholicisme et Littérature ne s’excluent donc pas l’un l’autre, mais tandis que l’une se révèle l’un des meilleurs moyens d’apostolat pour un romancier, l’autre éclaire non seulement l’écrivain mais aussi le lecteur.

Délicatesse, rigueur et analyse sont donc des qualités qui accompagnent la Littérature, qu’elle aide à développer.

Par ailleurs, la mémorisation des poésies et des citations qui illustrent les dissertations exerce aussi une faculté dont aucune profession ne pourrait se passer.

La littérature, une porte ouverte sur le monde social et professionnel.

            En entreprise, les recruteurs adopteront un directeur de Ressources Humaines, qui sera assez fin, aura assez de psychologie, pour percevoir les difficultés des employés, en avoir l’intuition, et les aider à les résoudre d’une manière adaptée et efficace. Ou encore apprécieront-ils une personne qui pourra leur dresser un compte-rendu clair, précis et synthétique d’une réunion, d’une conférence, d’un article… Un exemple permettra de le comprendre : un Directeur de Ressources Humaines expliquait que la lecture d’écrivains naturalistes tels que Zola, malgré toutes ses déficiences, rendait plus facile la compréhension des causes historiques, psychologiques, familiales et personnelles des contestations ou  manifestations des syndicats… Une réelle souffrance est à la source de leurs agissements, et si celle-ci ne permet pas de tout excuser, elle aide du moins à mieux comprendre les problèmes et à y remédier. Peut-être pourrait-on objecter que la Littérature n’est pas la cause directe de ces atouts professionnels, et que les études et formations liées au métier y préparent davantage que la lecture de Racine, Victor Hugo ou Zola ; certes, il serait sûrement exagéré de tenir la Littérature pour unique cause de la performance professionnelle au sein de l’entreprise, mais elle constitue une aide véritable surtout parce qu’elle donne une tournure d’esprit, et c’est peut-être là en réalité son plus grand avantage. En effet, parce qu’elle s’applique à exprimer des sentiments personnels et donne à voir des individus, elle permet, de ce fait, d’envisager l’universalité de l’humanité. Le lecteur se retrouve dans le héros ou dans le narrateur, il apprend non seulement à connaître l’homme, mais aussi à se connaître lui-même, à pénétrer ce jeu complexe des passions, de la volonté et de la faiblesse, de la grandeur et de la déchéance, qui sont le lot de tout homme. N’est-ce pas finalement ce que dit Saint-Réal « Un roman, c’est un miroir que l’on promène le long d’un chemin. » ? Et même si les modes, les styles et les goûts littéraires divergent selon les époques, les sujets traités se rejoignent toujours en ce qu’ils concernent l’homme. La comédie est un bon exemple de cette universalité de la Littérature : Molière comme Plaute tourne en dérision les défauts humains – avarice, lâcheté ou vanité – retrouvés de manière constante dans la nature humaine. N’était-ce pas l’ambition de Balzac que de livrer à travers la description de la société dans laquelle il vivait, une vision aussi large, aussi complète que possible de la réalité de l’humanité ? Si les personnages qui peuplent les écrits littéraires nous paraissent parfois dépourvus de réalité, hors de notre portée, il n’en demeure pas moins qu’ils prennent appui sur un modèle, bien réel, imaginé par un homme qui pensait, voulait, éprouvait, de la même manière que nous.

            Étudier la Littérature et se former à son école revient donc aussi à étudier la nature humaine, à en affiner la connaissance, celle des ressorts psychologiques qui la poussent à agir ; et cette acquisition est un avantage, quelle que soit la profession exercée par la suite ou le milieu dans lequel on vit ; elle est un avantage qui n’exclut aucun bénéficiaire et qui le dote pour toute la vie.

Aussi le Littéraire n’est-il pas cet être évanescent, marchant comme une ombre au-dessus de réalités qui le dépassent complètement, regardant comme étranger tout ce qui pourrait lui paraître un peu trop réel ; au contraire, on peut dire que la Littérature est une école de réalisme, mais au bon sens du terme, et la réalité devient toujours plus proche du lecteur au contact de la Littérature.

            Ce monde d’ailleurs toujours mieux connu n’en est pas pour autant dévalué, ou exposé dans toute la sordidité qui peut parfois le caractériser ; la Littérature, à l’exception de quelques auteurs des XIXe et XXe siècles, (les réalistes, les naturalistes), n’a pas pour but de montrer la face prosaïque du monde ; tout en le montrant tel qu’il est, elle le transfigure en même temps : c’est le rôle de la poésie. N’est-ce pas embellir la réalité, tout en la conservant, que de voir en chaque être un symbole, une image ? Voir que la vie est un fleuve, que sous la rose se cache une femme, que la lune est une « faucille d’or », parler d’un enfant comme d’ « un rayon qu’on espère », marcher sous « l’azuré lambris des voûtes étoilées », tout cela ne représente-t-il pas un avantage immense lorsque l’on se retrouve confronté à une réalité qui pourrait être banale, étriquée, grossière, mais que l’on appréhende ainsi sous un nouveau jour ? « Au même degré que l’amour, la poésie transfigure la réalité.[4] »  C’est une vérité que ne pourront ni lui refuser ni lui usurper les mathématiques…

            S’il fallait donc donner synthétiquement les avantages que procure l’étude de la Littérature, on pourrait ainsi les résumer : outre l’aisance d’expression orale et écrite qu’elle lui procure, la Littérature forme les facultés de l’homme : son intelligence, son jugement, sa sensibilité ; elle lui offre à travers ses nombreuses figures « l’image de l’humanité éternelle[5]», et cette formation affine sa psychologie, son appréhension des autres hommes et de la réalité. Ces qualités ne peuvent qu’être remarquées dans le milieu professionnel, dans un monde aujourd’hui de plus en plus déshumanisé et individualiste, dans lequel la place d’honneur est laissée aux sciences dures.

            La Littérature transforme l’homme dans son être-même, et cette dernière citation de Mgr Dupanloup expliquera pourquoi il peut retirer de l’étude de la Littérature tant d’avantages : « Il faut que celui à qui est donné cet enseignement devienne un homme plus parfait, plus noble, plus élevé que les autres. » Tel est le défi lancé à qui se lance dans l’étude de la Littérature ; mais qu’il se rassure, les héros qu’il admirera tout au long de ses études sauront l’aider à le relever…

Thérèse Roussel, étudiante en troisième année d’Humanités.

Lucie Rouot, étudiante en troisième année d’Humanités et de philosophie.

[1] linguiste et fondatrice de l’Institut pour la Qualité de l’Expression

[2] https://www.capital.fr/votre-carrière/c-est-le-retour-des-littéraires-en-entreprise-958317  

[3] Mgr Dupanloup De la haute éducation intellectuelle

[4] Jacques Reynaud – Introduction de son anthologie poétique

[5] Werner Jaeger

MERCI !

Ce petit mot n’est pas insignifiant, mais bien plus, il peut être une source de joie de vivre au quotidien, pour soi-même, et pour toute la famille.

Quand  nous disons : « Merci ! », c’est d’abord au Bon Dieu que nous nous adressons : « Merci »  non seulement au moment des grâces après les repas, mais ce remerciement intérieur doit également orner nos journées et nous faire garder le sourire : « Merci pour cette bonne journée, merci pour ce paysage, merci pour cet instant de bonheur, merci pour ce petit clin d’œil de votre Providence, et surtout merci de nous avoir sauvés »…

Si nous nous attachons à ce sourire intérieur, non seulement nous chassons les grogneries et ronchonnements qui proviennent souvent de notre ingratitude, mais nous dilatons notre capacité d’amour et de reconnaissance, à tel point que cela finit par transparaître dans notre attitude extérieure.

C’est pourquoi il faut très tôt apprendre aux tout-petits aussi à dire « Merci ». Un grand « Merci » sans complexe, franc, direct qui balaie l’égoïsme et l’orgueil, en reconnaissant qu’ils sont débiteurs de la charité que quelqu’un d’autre leur a faite : «  Merci, Papa », « Merci, Maman ». Ils prennent ainsi conscience que tout n’est pas dû au petit tyran domestique exigeant et trépignant qu’ils peuvent vite devenir, à tout âge ; et apprennent également qu’ils sont encore plus redevables à Dieu qu’à leurs parents.

Remettre le « Merci » à l’honneur dans une famille, en commençant par la reconnaissance due à notre Créateur, c’est déjà participer un peu à la charité des Elus

Deuxième Mystère Douloureux : La Flagellation – Fruit de ce mystère : La mortification de nos sens

Le Rosaire des Mamans

Toute la nuit on a promené Jésus à travers Jérusalem, d’Anne à Caïphe, de Pilate à Hérode. Et maintenant, dans le jour clair de cette veille de sabbat, à bout d’arguments en face des pharisiens déchaînés, Pilate fait apporter de l’eau et se lave solennellement les mains : « Je suis innocent du sang de ce juste »

O Lâcheté humaine ! Ce juste dont il proclame l’innocence et qu’il n’a pas le courage de sauver, le voici maintenant par son ordre, attaché à la colonne de flagellation, et les soldats armés de fouets commencent à frapper. La souffrance physique, vous l’avez déjà connue dans votre vie. Mais cette fois, c’est la souffrance aiguë qui s’abat comme un ouragan sur la chair suppliciée, la déchirant sous le couperet des lanières de cuir ou la morsure des balles de plomb.

Mère du ciel, ô Marie, pendant ces quelques minutes où les dix grains vont passer entre mes doigts faites que je sache voir cette scène avec les yeux du cœur et qu’elle fasse éclater cette carapace d’accoutumance qui me vient de savoir depuis trop longtemps «  que le Christ a souffert sous Ponce-Pilate »… Voici les fouets, les lanières rougies et ce dos déchiré. Il me faut entendre le sifflement des fouets comme une poignée de vipères, voir ce sang qui ruisselle, cette chair qui éclate sous les coups répétés, cette mare de sang qui s’élargit aux pieds de la victime tirée par les poignets à un pilier bas, pour que les coups portent mieux.

« J’ai versé telle goutte de sang pour toi… » Mais oui, vous pensiez à moi, ce n’est pas une imagination pieuse, il fallait bien que vous y pensiez, pour je ne sois pas oubliée dans la Rédemption. Vous pensiez à moi comme à tous les autres, et chaque créature humaine vous était présente avec ses grands crimes ou ses moindres fautes.

 « Il a été frappé à cause de nos péchés, il a été transpercé par nos péchés, broyé par nos iniquités » dit l’Ecriture. C’est par ses plaies que nous avons été guéris.

Est-ce suffisant de pleurer devant cette scène ?… Est-ce suffisant de sentir cette émotion de surface qui nous remue si facilement au spectacle de la souffrance physique ?… Les péchés dont vous assumez la responsabilité devant votre Père, c’est pourtant bien moi qui les ai commis. Vous qui me pardonnez, mon Dieu, puis-je consentir à ce que vous le fassiez gratuitement ? Non ! Je veux vous prouver que je désire ce pardon en réparant un peu moi-même les offenses qui vous viennent de mes péchés. Cette pénitence sacramentelle, cette pénitence de rien du tout que le prêtre m’impose avant de me donner l’absolution, n’est-elle pas seulement le rappel de la nécessité absolue de participer moi-même à mon propre rachat ?

Ma chair a péché, mon amour-propre a péché, ma sensualité a recherché toutes ces satisfactions. Ce corps, ces sens, ces yeux, que vous m’avez donnés pour vous servir, j’en ai fait, bien souvent, des instruments de jouissances coupables, j’en ai profité pour vous oublier, je les ai préférés à Vous. N’est-il pas juste que je « mortifie » ces sens qui me poussent si souvent à me préférer à Dieu ? Ne dois-je pas, en les mettant parfois sous le joug volontaire de la mortification, en leur refusant ici et là telle satisfaction légitime, leur faire sentir qu’ils ne sont pas des maîtres, mais des serviteurs.

Et après avoir fait pénitence pour moi ne me resterait-il pas à penser à tous les autres ? Ne vivons-nous pas dans ce grand et réconfortant mystère de la communion des saints où les efforts des uns servent aux autres ?

Suspendue à ma vie, il y a toutes mes tendresses humaines. Moi aussi, comme Jésus, en imitant son grand exemple, je veux essayer de réparer les défaillances des miens aux heures où la générosité leur manque. Ce petit homme né de moi et qui, dans l’ivresse de la découverte du monde, mord avec volupté dans tous les fruits défendus, je veux réparer pour lui. Mes petits ou mes grands renoncements travailleront à le purifier. Cet homme, mon compagnon, par mes humiliations je réparerai ses fautes. Ce frère, cette sœur, ces amis… et ceux qui ont passé avant moi la porte obscure de l’éternité et dont le visage me reste présent… Et au-delà de mes bien-aimés, les autres, tous les autres hommes, mes frères, qui vont sous le fardeau du péché… Comme à la messe quand le prêtre met dans le calice la petite goutte d’eau qui nous représente, il faut que nous soyons participants au rachat du monde.

« Pénitence ! Pénitence ! » Chaque fois que vous avez posé le pied sur la terre des hommes en ces dernières années, ô Marie, c’est pour redire ces mots avec une insistance impressionnante. O Vierge, ma Mère, ces larmes pures et brûlantes que vous cachiez dans vos mains, quand vous étiez assise sur les hauteurs de La Salette, et cet accent bouleversant de Fatima, n’est-ce pas pour nous rappeler cette terrible injonction de Jésus aux Juifs de son temps : «  Si vous ne faites pénitence, vous périrez tous ! » O Mère, le monde en ce moment n’est-il pas déjà sur les bords de l’abîme? Et pourtant, le grand torrent de jouissances continue d’emporter le monde affolé de sensualité et d’orgueil. Donnez-moi la grâce de ne pas me laisser entraîner par les remous de la contagion. Donnez-moi de résister grâce à la pénitence, de ne pas m’effrayer de ce mot de « mortification ».

Pénitence ! Pénitence ! C’est vrai, nous savons bien que dans les temps actuels la justice de Dieu demande des réparations.

Il ne s’agit pas pour moi de me retirer dans le désert comme saint Jérôme, de vivre de pommes de terre moisies comme le curé d’Ars, de porter un cilice et de me donner la discipline !… mais n’ai-je pas les mortifications et les pénitences à la mesure de cette vie si « quotidienne » qui se déroule dans le cadre de mon foyer ? Ma vie quotidienne ne surabonde-t-elle pas d’occasions de petites pénitences ?

Vais-je, comme tant d’autres, m’ingénier à esquiver toutes ces mortifications à ma portée, comme si l’essentiel était de vivre à l’aise ? Non ! Je veux les accepter généreusement, en souvenir de la flagellation douloureuse. Cette migraine qui me serre les tempes au soir d’une journée trop chargée, ce refus de chercher mes aises, ce souci de laisser aux autres la meilleure part, ce sera ma manière, ô mon Dieu de vous prouver que j’ai compris la grande leçon de la flagellation et que mon cœur ne veut pas vous laisser souffrir tout seul. Moi aussi je voudrais avoir le courage de dire avec sainte Thérèse :

« O mon Seigneur, quand je considère combien vous avez souffert sans l’avoir mérité en rien, je ne comprends plus, je ne sais plus où j’avais la tête quand je désirais ne pas souffrir… »

D’après Paula Hoesl