La révolution française crée un
bouleversement sans précédent et la vente des biens des émigrés profite à une
population nouvellement enrichie, tandis que ceux-ci, obligés de vivre
modestement du fait de tout ce renversement,
habitent en ville et de plus en plus dans des appartements. C’est
l’époque où les immeubles de rapport de plusieurs appartements répartis par
niveaux, avec des commodités à chaque étage, se multiplient.
Les meubles
vont être désormais fabriqués dans des ateliers où sont travaillés bois,
sculpture, dorure, bronzes. Cela résulte de l’abolition des corporations par la
loi Le Chapelier de 1791, qui permet donc à un même artisan de pratiquer
plusieurs activités. Le niveau de compétences reste le même car tous ont été
formés sous l’Ancien Régime. Par contre l’estampille n’est plus obligatoire.
Imiter
l’antique est le grand défi dans la fabrication des meubles, c’est ainsi que
l’on voit apparaître les sièges « curule » et des bronzes d’ornement
représentant des sphinx ou sphinges, des bustes coiffés à l’égyptienne, des
pattes, des têtes ou mufles de lions également, des masques ou des chimères
ailées.
L’acajou, récemment venu suivant la mode anglaise, va être
très utilisé, mais le plus souvent en placage, du fait de son coût très
important. C’est l’époque où apparaît le sciage mécanique, qui va permettre de
réduire son épaisseur et d’en tirer toutes les facettes.
Le blocus
continental de 1806 interdit d’importer des bois exotiques, mais il faudra
plusieurs années pour finir le stock très important qui en avait été fait.
Alors les bois produits en France retrouveront un intérêt : loupe d’orme,
frêne, platane, if réservé aux meubles de grand prix.
Le
Directoire (1795-1799):
Les meubles sont assez rares sous la
Révolution, du fait des évènements. Ils sont surtout remarquables par les
attributs révolutionnaires : pique, bonnet phrygien, leurs formes restent
celles du règne de Louis XVI.
Peu à peu les dossiers rectangulaires
des sièges s’enroulent vers l’arrière (en crosse), les pieds hauts et fins sont
différents à l’avant et l’arrière où ils sont courbés, « en sabre ».
La ceinture est peu décorée et le support d’accotoir est dans le prolongement
des pieds.
Ils sont en acajou, ou en bois peint
en couleur très claire, voire blanche.
Les lits de repos connaissent beaucoup de succès par leur
ressemblance avec les lits antiques. Certains lits sont démontables (campagnes
militaires) et pour cela sont en acier, mais d’autres dans cet alliage seront
très ornés et destinés aux chambres à coucher.
Les
commodes ou secrétaires sont dans la lignée du style précédent, souvent en
acajou, avec un décor rectiligne et sobre.
Les petits
meubles utilitaires que nous avions déjà rencontrés continuent à être très
demandés et le métal permet de créer de petits guéridons très fins, inspirés
des tripodes antiques.
La salle à
manger étant devenue une pièce permanente, divers meubles comme les consoles
dessertes, rafraichissoirs y prennent place. La table se dote de rallonges pour
accueillir de nombreux convives.
Le Consulat (1799-1804)
Les
dates retenues pour ce style ne sont pas strictes, empiétant un peu sur la
période précédente. Les bois clairs sont beaucoup utilisés comme le citronnier
ou l’amarante, même si la plupart des meubles sont en acajou. Des motifs en
ébène, étain, os, ivoire ou cuivre y sont incrustés. Les formes inspirées de
l’antique sont toujours présentes.
Le
dossier des sièges n’est pas toujours garni d’étoffe et le bois en est donc
ajouré, ou découpé à grille.
La
forme nouvelle qui se prolongera sous l’Empire est celle du pied avant et
support d’ accotoir ne formant qu’une seule ligne. Une figure égyptienne le
plus souvent terminée au sol par des
griffes de lion est très fréquente.
La forme gondole apparaît sur des
petites bergères.
Les tissus employés sont
unis avec des tons vifs et clairs inspirés des fresques romaines, et souvent
soulignés de broderies ou galons noirs.
Les lits sont toujours prévus pour être parallèles au mur
avec donc une seule face ornée.
dont le décor est en rapport avec les symboles de la nuit et
de l’amour. La table de nuit est faite pour être vue de face en forme d’autel
antique ou de piédestal.
Les portes des commodes dissimulent
les tiroirs, et les secrétaires tout comme elles, sont soutenus par des pieds
de fauve. Pieds de fauve que l’on retrouve en jarret, ou pieds tournés sur les
bureaux, simples plateaux recouverts de cuir vert.
Les petits guéridons toujours
inspirés de modèles antiques deviennent
aussi vide-poches, table à ouvrage, « lavabo » avec une cuvette en
porcelaine ou argent pour se laver les mains. Certains ébénistes réussissent à
faire des pieds très fins en bois ressemblant à du bronze.
Un ébéniste comme
Riesener avait sous Louis XVI fabriqué plusieurs meubles à secrets avec des
mécanismes très ingénieux. La vogue en sera encore plus grande sous le Consulat
(et l’Empire) en raison des secrets d’Etat à conserver. Ainsi, à son exemple,
Biennais et Mansion concevront des secrétaires, commodes ou malles de voyage avec
une multitude de cachettes, de tiroirs secrets, ou des malles de voyage pour
les campagnes militaires. La maison Hermès possède encore celle faite pour
Cambacérès avec coffre-fort intégré, image ci-dessous…
Ces
« artistes » seront toujours honorés par Napoléon sous l’Empire dont
le style sera plus lourd, magnifiant la puissance du régime.
Jeanne de Thuringe