Quand le juge fait la loi : vers un gouvernement des juges ?

La question peut sembler surprenante : les juges, à première vue, n’exercent aucun pouvoir de gouvernement. Leur rôle ne consiste pas à prendre, comme peuvent le faire un gouvernement ou un parlement, des mesures de portée générale, mais à appliquer la loi aux situations particulières dont ils sont saisis. Et pourtant les exemples abondent d’affaires où les juges prennent des décisions qui sortent de ce cadre : lorsque la Cour suprême de Roumanie invalide un candidat arrivé en tête du premier tour de l’élection présidentielle en décembre 2024 et annule le scrutin, lorsque le tribunal judiciaire de Paris condamne en mars 2025 une candidate déclarée à l’élection présidentielle française de 2027 à une peine d’inéligibilité avec application immédiate nonobstant appel, lorsque le Conseil constitutionnel censure en janvier 2024 les mesures les plus emblématiques d’une loi sur l’immigration votée par le Parlement français, lorsqu’un tribunal administratif annule la construction d’une autoroute au motif que celle-ci ne répondrait pas à un objectif d’intérêt général impérieux, il est difficile de ne pas y voir des décisions dont la portée politique est indéniable. 

La tentation du juge de sortir d’un cadre qu’il considère comme trop étroit a été longtemps illustrée par la harangue prononcée en 1968 par le magistrat Oswald Baudot à l’attention des jeunes juges : « Soyez partiaux. (…) Examinez toujours où sont le fort et le faible qui ne se confondent pas nécessairement avec le délinquant et sa victime. Ayez un préjugé favorable pour la femme contre le mari, pour l’enfant contre le père, pour le débiteur contre le créancier, pour l’ouvrier contre le patron, pour l’assuré contre la compagnie d’assurance, pour le malade contre la sécurité sociale, pour le voleur contre la police, pour le plaideur contre la justice. » Il s’agissait à cette époque de porter atteinte à l’impartialité des magistrats par la prise en compte de préjugés socio-culturels qui devait infléchir l’interprétation de la loi applicable.  Aujourd’hui, le gouvernement des juges concerne surtout les décisions des cours suprêmes qui ont plus de chances d’interférer dans le champ politique que les jugements des tribunaux et des cours d’appel.

L’apparition du gouvernement des juges peut être fixée à 1803 avec l’arrêt rendu par la Cour suprême des Etats-Unis dans une affaire Marbury contre Madison dans laquelle la Cour s’est proclamée compétente pour annuler les lois qu’elle considérait comme contraires à la Constitution alors que celle-ci ne lui conférait pas un tel pouvoir. Le président en exercice des Etats-Unis, Thomas Jefferson, a critiqué cette décision qui place l’Amérique « sous le despotisme d’une oligarchie ». Ce pouvoir de la Cour suprême américaine n’a pas été remis en cause et cette juridiction a montré l’usage qu’elle pouvait en faire pour limiter les pouvoirs du Président et du Congrès.

Une telle conception a longtemps heurté la conception française de la justice héritée de la Révolution. Dès avant celle-ci, Montesquieu affirmait que les juges ne sont que « la bouche de la loi » alors que les parlements de l’ancienne France voulaient s’ériger en cours souveraines empiétant sur le pouvoir législatif qui appartenait au roi. La Révolution et l’Empire ont limité les pouvoirs des juges en leur retirant dès 1790 la compétence de juger des litiges dans lesquels sont parties l’Etat et des personnes de droit public, et ont diminué leur statut en en faisant des fonctionnaires assez peu considérés et soumis pour leur avancement au pouvoir exécutif.

Cette position subordonnée des juges français a évolué sous l’influence de plusieurs facteurs au premier rang desquels figure l’influence anglo-saxonne. Dans le système juridique anglo-américain, la loi joue un rôle limité en tant que source du droit. Le fondement du droit anglais, et de façon dérivée du droit américain, est la coutume, interprétée par les tribunaux, sur laquelle ils vont bâtir leur jurisprudence. Avec la règle du « précédent », les juges anglais et américains sont liés par les décisions antérieures prises par les tribunaux sur le même sujet alors que l’article 5 du code civil, dans sa version de 1804 toujours en vigueur, interdit « aux juges de se prononcer par voie de décision générale ou règlementaire sur les causes qui leur sont soumises ». Parallèlement, le statut des juges anglo-américains est bien supérieur à celui des juges français : ce sont les meilleurs avocats qui deviennent magistrats au Royaume-Uni tandis qu’aux Etats-Unis, l’élection de nombre d’entre eux leur donne une légitimité qui fait défaut à leurs homologues français même si des modifications législatives ont renforcé l’indépendance des magistrats français à l’égard du pouvoir exécutif. 

Le second facteur ayant favorisé une telle évolution est la multiplication des normes auxquelles doit se référer le juge. Des lois et décrets de plus en plus nombreux entraînent des risques de contradiction qui donnent au juge une marge de manœuvre dans la détermination du texte applicable. Ce risque s’est trouvé accru avec l’internationalisation du droit, le développement considérable du droit européen et la jurisprudence abondante, voire discordante, des cours suprêmes internationales que sont la Cour de justice de l’Union européenne et la Cour européenne des droits de l’homme. Pour un litige donné, les tribunaux auront le choix entre des normes internes et des normes internationales et pourront ainsi tirer parti de cette complexité pour orienter leur décision dans le sens qu’ils tiendront pour équitable. En outre, la Cour de justice de l’Union européenne, et plus encore la Cour européenne des droits de l’homme, font prévaloir des thèses clairement favorables à l’immigration, à une certaine défense de l’environnement et aux minorités de tous genres.

Le troisième facteur est, bien sûr, le rôle joué en France par le Conseil constitutionnel. Cette institution de la Vème République avait été créée pour limiter les empiètements du Parlement sur les prérogatives de l’exécutif. Son rôle a complètement changé lorsqu’il s’est arrogé, dans une décision rendue le 16 juillet 1971 le pouvoir de juger de la conformité des lois non seulement à la Constitution elle-même mais au bloc de constitutionnalité constitué par la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, le préambule de la Constitution de 1946 qui y a ajouté des droits économiques et sociaux et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. Ces principes ont été « découverts » par le Conseil constitutionnel lui-même qui a inclus dans cette notion la liberté d’association, la liberté des cultes, la liberté d’enseignement, les droits de la défense, l’indépendance des juridictions administratives, la fraternité etc. A la suite de la révision constitutionnelle de 2005, ce bloc de constitutionnalité a été renforcé par la Charte de l’environnement que le Conseil constitutionnel a complétée en y rattachant la lutte contre le changement climatique. Ce pouvoir que s’est reconnu le juge de déterminer la loi qu’il a vocation à appliquer est à la fois critiquable et source d’abus.  Un ancien membre du Conseil constitutionnel, Georges Vedel, ne s’y est d’ailleurs pas trompé lorsqu’il a affirmé : « Le juge constitutionnel ne dit pas le droit, il fait la loi. » 

Cette intervention du juge dans des décisions politiques au nom de l’« Etat de droit » résulte d’un renoncement du gouvernement et du parlement à remettre en cause un tel empiètement. Elle traduit aussi la volonté de certains lobbies de faire prévaloir leur volonté en dehors du cadre électoral.  Elle pose de sérieuses questions sur les véritables titulaires du pouvoir. La démocratie apparente masquerait-elle une oligarchie qui dirige le peuple plus soumis que souverain ? Une modification de la Constitution ne devrait-elle pas limiter le pouvoir que les juges se sont octroyé ?

Thierry de la Rollandière

Mes plus belles pages pour les Mamans

Il me semble que notre vie devrait ressembler à un mélodieux morceau de musique qui laisse à ceux qui l’écoutent le désir de s’élever plus haut. Dans mes actes tout ne devrait être qu’harmonie. Oui malgré les difficultés de la vie, et Dieu sait si elles sont nombreuses, il faudrait éviter l’énervement et la mauvaise humeur qui détruisent ce charme que savent répandre celles qui gardent la sérénité de l’âme. Je sais bien que c’est très difficile, mais il ne faut pas dire impossible car Dieu ne nous donne pas de peines au-dessus de nos forces. Il nous les mesure aux grâces que nous avons reçues. Oh ! Sourire aux autres toujours, sourire à notre mari pour lui faire oublier ses soucis, sourire à ceux qui pénètrent dans notre maison afin qu’elle leur soit accueillante… Être épouse et mère, n’est-ce pas en effet être dispensatrice des biens de Dieu et de Dieu seul ? Nous recevons pour donner toujours, sans rien nous réserver : don du cœur, don de soi. Puiser auprès de Dieu lumière et bonté pour répandre l’une et l’autre.

Itinéraire spirituel d’une mère de famille 1886-1940

 

Rome éternelle

 

Nul n’a tenté comme elle de rassembler tous les hommes ; nul n’a mieux réussi à les rassembler sans les confondre, à les unir en un corps, au lieu de les abandonner en une masse si bien qu’en un temps où nous voyons le monde s’écrouler et s’abîmer, il suffit de revenir à Rome, pour retrouver les secrets qui permettent aux sociétés, quelles qu’elles soient, de vivre ou de revivre.

M-Madeleine Martin

 

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Quand j’ai vu Rome pour la première fois, quand j’ai vu cette Rome auguste et que j’en eus respiré l’indéfinissable parfum, alors j’ai su que je pouvais aimer et que j’aimerais. Qu’est-ce donc que le parfum de Rome ? Telle que le Christianisme l’a faite, Rome est la ville des âmes. Elle a une langue que toutes les âmes entendent. Pas une pierre dans Rome qui ne dise quelque chose et quelque chose de grand. Par l’inscription qu’elle porte, par la place qu’elle occupe, elle est une lumière, une poésie. 

Louis Veuillot – Parfums de Rome

 

Les combats de l’Eglise gagnés d’avance

Dans ses membres, qui sont humains, l’Église s’est souvent montrée fragile et vulnérable. Mais, toujours, elle manifesta la force divine qui l’habite et lui donna de résister aux assauts les plus terribles, de conquérir des continents entiers, d’enfanter des héros et des saints.

Jusqu’à la fin des temps, l’Eglise de la terre sera en guerre, sans cesse assaillie, toujours sur le qui-vive pour défendre l’honneur de Dieu, la vérité et les âmes. Il est bien juste qu’elle soit appelée l’Eglise militante. Cependant, en comparaison des combats de la terre, ceux de la sainte Eglise ont une particularité : ils sont gagnés d’avance.

La Résurrection de Notre-Seigneur fut bien le point de départ d’une croisade glorieuse. Or, précisément, la crise la plus terrible que l’Eglise eut à subir ne fut-elle pas celle du Vendredi Saint ? Y eut-il jamais un jour plus dramatique que celui où Dieu lui-même fut condamné à mort par ses pauvres créatures ? Y eut-il une heure plus tragique pour la vérité et pour le bien que celle de la nuit du Golgotha ? Néanmoins, de ce combat, le Christ et son Eglise sortirent victorieux. L’Eglise a déjà vécu et surmonté la plus terrible de ses tempêtes. Depuis lors, Jésus-Christ allait prolonger ses conquêtes sur le péché et sur le diable par le ministère de son Epouse. L’histoire de l’Eglise ne serait désormais que le rayonnement dans le temps du triomphe de Pâques.

Fort de cette certitude, le chrétien se bat avec ardeur, certes, mais avec une mentalité de vainqueur, avec la sérénité de celui qui sait la victoire assurée. 

  1. J-D Fabre

 

La langue de l’Eglise

Des éléments de la langue latine ancienne, façonnée et disciplinée par les mains de l’Église, sortit une langue nouvelle, belle des grâces de la jeunesse, brillante des ardeurs de la foi, douée des promesses de l’éternité et courant à la conquête du monde. Des martyrs lui donnèrent la fermeté, des docteurs inspirés lui donnèrent l’élévation, des orateurs y firent passer la foi qui brûlait leurs âmes. C’est ainsi que se forma cet idiome merveilleux qui a reçu et qui conserve tout ce qu’il y a de vérité sur la terre, qui est la langue même que l’Église parle à Dieu. 

Monseigneur Gaume, prélat du Nivernais