J’ai été enchantée de passer ces quelques heures avec toi dimanche dernier où tu montrais un enthousiasme débordant ; tu avais de grands désirs qui faisaient plaisir à voir et qui montraient combien se trompent les prophètes de malheur qui disent que notre jeunesse ne vaut plus rien !
Il me semble pourtant important de revenir sur la fin de notre conversation. En effet lorsque nous avons parlé du mariage de ta sœur, tu m’as dit avec un sourire : « C’est bien, elle épouse un garçon qui a le même idéal et les mêmes pratiques qu’elle ; mais je trouve que nous nous marions toutes dans notre petit vase clos ; c’est beau aussi de trouver quelqu’un en-dehors de nos chapelles et de le convertir. »
Je reconnais là ta fougue et ton désir d’apostolat mais quoi qu’il m’en coûte de te décevoir, il me semble capital de dissiper en quelques mots ces illusions… En effet, il est toujours beaucoup plus facile de parler de ces sujets avant que le cœur ne s’en mêle…
« Epouser un homme incroyant est le plus grave péril auquel une future épouse puisse exposer son salut éternel1 ». Tu me citeras bien vite Elisabeth Leseur, ou tante Gertrude qui convertit son mari, eut des enfants prêtres et mourut, ainsi que son mari, en odeur de sainteté… Bien sûr plusieurs exemples existent mais pour quelques cas magnifiques, combien de ménages brisés, et d’enfants éduqués sans foi ?
Tu me répondras alors que tu n’irais pas jusque-là mais que tu pourrais épouser un gentil garçon, n’ayant juste pas beaucoup de pratique religieuse et prêt à te suivre où tu veux…
Je veux donc simplement te mettre en face des réalités, car en l’épousant, outre les difficultés d’adaptation intrinsèques à tout foyer, il faudra que tu sois prête à surmonter -plus ou moins selon les cas- de nombreux soucis supplémentaires. Y as-tu déjà pensé ?
Voici quelques questions auxquelles il est important que tu puisses réfléchir avant de prendre une quelconque direction2 :
Es-tu prête à ne pas pouvoir échanger avec ton époux sur toutes les questions religieuses et à n’avoir qu’une intimité d’âme toute relative puisque toute référence à ta foi sera pour lui obscure ?
Te sens-tu capable de porter toi-même et seule la lourde responsabilité de la vie spirituelle cohérente de ta famille si -et cela arrive souvent- ton mari n’adhérait pas pleinement à tes convictions malgré ses promesses ?
As-tu conscience que la fonction de chef de la cellule familiale ne sera pas naturelle chez lui puisqu’il ne l’aura sans doute pas connue étant enfant ?
Aura-t-il assez d’humilité pour accepter que tu lui expliques régulièrement, au cours de votre vie commune, les pratiques et traditions chrétiennes ?
Parviendras-tu à lui faire confiance suffisamment pour te reposer sur ses décisions de chef de famille, alors que c’est toi qui seras obligée de tenir le rôle attribué ordinairement au père : être le chef de votre petite cellule religieuse ?
Pourras-tu protéger tes enfants des critiques, les soustraire à l’influence des cousins quand tu auras fait entrer tes enfants dans une famille qui n’aura sans doute pas les mêmes références religieuses que celles dans lesquelles tu veux élever tes enfants ?
Es-tu bien sûre que vous serez encore d’accord dans quelques années pour mettre vos enfants dans les écoles bien catholiques ?
Sans compter qu’il est essentiel de toujours avoir à l’idée que les conséquences de nos actes pourront avoir des répercussions sur plusieurs générations, dans le domaine de l’exemple en particulier.
Je sais qu’il existe de nombreux foyers aujourd’hui dans ce cas et que certains font un beau chemin, mais avaient-ils vraiment conscience de toutes ces difficultés avant de se marier ? C’est la raison pour laquelle je te conseille de vraiment réfléchir avant de t’engager sur cette voie. Prends conseil, assure-toi d’être assez forte pour surmonter ces difficultés et ne perds pas de vue qu’une des exigences du mariage catholique est de parvenir au Ciel ensemble et avec tous vos enfants ; est-ce le chemin le plus direct ?
Certes, malheureusement tous les garçons que tu vois le dimanche, ne sont pas des perles rares ; tous n’ont pas pris conscience de la mission à laquelle Dieu les appelait, ni choisi les meilleurs moyens pour s’y préparer ; je te l’accorde, mais sois confiante, si tu pries chaque jour pour ton futur mari, si tu te prépares avec générosité et prends les moyens de le rencontrer en participant activement aux activités qui te sont proposées, le Bon Dieu, s’il te destine à cette vocation, répondra à ton appel. Mais n’oublie pas aussi de faire une bonne retraite qui t’aidera à déterminer avec lucidité la voie que Dieu t’a préparée.
Je t’embrasse affectueusement et te confie au Saint-Esprit afin qu’Il t’envoie ses dons avec surabondance.
Bien affectueusement,
Anne
1 Abbé Charles Grimaud – Futures épouses
2 Se référer au FA N° 34 – Les fiançailles