Deus vult

Le petit garçon regarde son cahier d’analyse et lit pour la centième fois la phrase qui lui résiste : « Le chevalier vacilla et tomba par terre.» « terre » …  Quelle est la fonction de ce mot ? Hum … on dirait bien un complément, mais complément de quoi ? Il y a plein de compléments ! Si on lui demandait son avis, Paul dirait qu’il y a beaucoup trop de compléments… Alors, complément du nom ?  Complément d’objet ? Pas sûr, et puis, la terre, ce n’est pas un objet. Et puis pourquoi il tombe ce chevalier ? Le coup était-il si fort ? Il est vrai que son adversaire semble coriace. C’est certain, il va perdre le tournoi. L’exercice de la joute n’est pas aisé : tenir la lourde lance, droite, viser l’adversaire, diriger le cheval, à toute vitesse, affronter sa peur, ne pas détourner le regard … 

 

« Allons Paul, concentre-toi enfin ! On ne va pas y passer la nuit quand même !» La voix de maman le rappelle à l’ordre. Ah oui, c’est vrai ! Quelle est la fonction du nom « terre » ? Car c’est bien un nom n’est-ce pas ? « terre » … Comme la Terre Sainte. Paul pense à son cours sur les croisades. Tous ces chevaliers qui partirent en bateau, à l’autre bout du monde, pour combattre les Arabes et délivrer le Tombeau du Christ. Comme sur l’immense fresque de la Salle des Illustres au Capitole, à Toulouse. Son papa l’y avait emmené le mois dernier. Il avait beaucoup aimé la grande fresque :  Urbain II, sur son destrier, défile dans la ville, précédé par les saintes reliques de l’évêque Saturnin, portées en triomphe. Sur les murailles et dans les rues, toute la ville se tient debout, en fanfare, sous les bannières et les oriflammes. Les chevaliers en armes s’apprêtent à suivre la sainte procession : la ville se lève pour partir défendre Jérusalem. Le comte de Toulouse précède les hommes en armes, la foule crie d’une seule voix. « Paul, je monte habiller ta petite sœur. Quand je reviens, je veux que tu aies terminé tes devoirs. »

Mais Paul est déjà parti avec les Croisés. Il a embarqué dans les hautes nefs et navigue sur la mer, toutes voiles dehors. Il galope dans le désert au pied des murs de la Cité Sainte, le sable fouette son visage, le fracas du fer répond aux cris des ennemis dans la mêlée. Paul tient la ligne avec les Français, son écu et son épée à la main. Couvrant le tumulte de la bataille, Godefroy de Bouillon harangue ses chevaliers.

« Paul, de qui te moques-tu ? Ça fait trente minutes que tu es sur ton analyse. Eh bien tant pis pour toi, ferme ton cahier, tu expliqueras à la maîtresse que tu préfères rêvasser plutôt que faire tes devoirs. Si elle te met un 0, tu ne pourras t’en prendre qu’à toi-même ! »

 

Ne sommes-nous pas tous un peu comme Paul ? Parfois, nous rêvons de grandes et belles choses, mais nous négligeons notre devoir d’état. Il est tellement plus facile d’être un saint demain qu’un bon chrétien aujourd’hui, d’être le meilleur employé de l’entreprise l’année prochaine qu’un employé loyal maintenant, d’être l’entrepreneur à succès de la prochaine décennie que de s’acquitter d’abord des engagements déjà pris. Le Bon Dieu n’attend pas de nous que nous soyons des martyrs demain si des hordes païennes hostiles venaient à envahir nos églises un jour, Dieu veut que nous soyons des martyrs des petites choses du quotidien, des petits devoirs qui incombent à notre état, à notre situation actuelle.

 

Pourtant, nous le savons ! Les héros et les saints, grands dans les grandes choses, ont d’abord été grands dans les petites choses. Mieux que cela, nous savons que la Charité n’a pas de limite. Sa mesure est Dieu, sa mesure est l’infini. La Charité doit animer chacun de nos actes, plus notre Charité sera grande, plus nos actes seront grands, même les plus insignifiants, comme passer le balai, apprendre une leçon de grammaire, rédiger un rapport de vente ou enduire un mur de plâtre. Chacun selon sa place. Ainsi croissent les belles fleurs du jardin de Dieu. Parfois, Dieu en cueille une, lui demandant un acte héroïque. Mais cela, c’est la décision de Dieu et non la rêvasserie de l’homme.

 

Si nous sommes honnêtes avec nous-mêmes, nous savons ce que le Bon Dieu attend de nous. Cette résolution que nous avons lâchée, reprenons-la avec vigueur. Ce défaut qu’on traîne depuis des années et son cortège de péchés qu’il entraîne, quand nous attèlerons-nous à le combattre ? Ces tâches quotidiennes qui nous agacent et que nous cherchons à éviter ou à retarder, aimons-les ! Faisons-les avec courage. Elles sont le moyen que Dieu met à notre disposition pour nous sanctifier. Dieu, dans sa sagesse, nous demande d’accomplir ces tâches, quotidiennes, liées à notre profession, à notre place dans la famille, à notre âge, à notre vocation. Il ne nous demande pas d’être courageux dans une vie parallèle, il nous veut aimants et dociles dans cette vie-là, la vie réelle, et aucune autre.

 

Alors, Dieu veuille que Paul cesse de rêver et s’attache à son analyse grammaticale, voilà la Croisade voulue par Dieu pour Paul. Elle comporte aussi sa noblesse, sa sainteté dès lors qu’elle est faite avec Charité. Nous, si notre devoir d’état n’est plus scolaire, nous savons quels sont nos devoirs de père ou mère de famille, d’époux, d’employés, d’homme ou de femme, chacun selon son état, là où Dieu nous a placés. Mettons toute la Charité possible dans notre agir, même dans les choses les plus insignifiantes. Voilà notre Croisade ! Et si les fleurs de son jardin sont belles, Dieu veuille en faire un bouquet, de la manière qu’il Lui plaira et quand Il le voudra. Deus vult !

 Louis d’Henriques

 

Le petit cheval dans le mauvais temps

Georges Brassens (1921-1981)

Le petit cheval dans le mauvais temps,
Qu’il avait donc du courage !
C’était un petit cheval blanc,
Tous derrière, tous derrière,
C’était un petit cheval blanc,
Tous derrière et lui devant.

Il n’y avait jamais de beau temps
Dans ce pauvre paysage,
Il n’y avait jamais de printemps,
Ni derrière, ni derrière.
Il n’y avait jamais de printemps,
Ni derrière, ni devant.

Mais toujours, il était content,
Menant les gars du village,

A travers la pluie noire des champs,
Tous derrière, tous derrière,
A travers la pluie noire des champs,
Tous derrière et lui devant.

 

Sa voiture allait poursuivant
Sa belle petite queue sauvage.
C’est alors qu’il était content,
Tous derrière, tous derrière,
C’est alors qu’il était content,
Tous derrière et lui devant.
Mais un jour, dans le mauvais temps,
Un jour qu’il était si sage,
Il est mort par un éclair blanc,
Tous derrière, tous derrière,

Il est mort par un éclair blanc,
Tous derrière et lui devant.

Il est mort sans voir le beau temps,
Qu’il avait donc du courage !
Il est mort sans voir le printemps
Ni derrière, ni derrière
Il est mort sans voir le beau temps,
Ni derrière, ni devant.

Le petit cheval • Georges Brassens (spotify.com)

 

Choisir un tissu grâce à un détail : le grammage !

Chères couturières,

Choisir un tissu est tout un art. Choisir un tissu adapté à un patron ou un patron adapté à un tissu est une difficulté pour les débutantes comme pour les expérimentées, qui peut décourager les bonnes volontés ! Nous voulons vous présenter dans cet article un outil technique qui va vous permettre de choisir des tissus (souvent à distance), avec un petit peu plus d’assurance d’avoir choisi le bon coupon ! Une viscose un peu épaisse fera une belle jupe fluide non transparente, une viscose légère ne fera pas mieux qu’un foulard ou devra être doublé en toutes circonstances…

Vous y trouverez des ordres de grandeur et l’usage des différents tissus. Une bonne fiche de référence à imprimer et mettre en couverture de votre classeur à patrons, à ressortir avant tout achat compulsif de tissu !

Bonne lecture !

Atelier couture

 

Cliquer pour accéder à 2024_12_18_Grammage_fiche-site.pdf

 

Jour après jour

Jour après jour, ta vie s’écoule, monotone, cachée, sans action de grande envergure, la routine s’installe et tu as toujours la tentation de t’y soustraire, sous mille prétextes.

Pourtant, que de richesses dans ces petits moments besogneux sans éclat, qui, accomplis généreusement avec amour, consolent le Cœur divin et élèvent l’âme. Que de bien, dans la communion des saints, tu peux faire par cette offrande cachée, qui t’

Apprend à aimer ton devoir d’état.

Il est nécessaire de l’organiser pour bien le faire sans maugréer. Ton emploi du temps prévoit dans l’ordre, chaque tâche, et doit commencer par un moment de prière, même courte, pour mettre ta journée sous le regard divin, lui donnant ainsi toute sa valeur.

N’oublie pas aussi que nous sommes de pauvres êtres ayant besoin de détentes. Choisis-les en fonction de tes goûts et donne leur la place nécessaire pour œuvrer ensuite sans tension, ainsi tu

Apprends à aimer ton devoir d’état.

 

Que ta place dans le monde soit simple ou plus prestigieuse, là où Dieu t’a voulue avec tes responsabilités, tout est fait d’abord de petits riens qui s’enchaînent et souvent t’enchaînent.

Dans l’exercice du devoir d’état, la vraie charité veut que notre prochain soit le plus proche par le sang, ou la proximité.

Soudain, c’est un enfant malade, un parent à soulager, un dossier urgent à régler qui se met en travers de ce que tu avais prévu.

Il faut alors renoncer avec le sourire, en voyant la main divine qui t’

Apprend à aimer ton devoir d’état.

Celui-ci se conjugue avec celui de nos parents, de notre mari, de nos collègues de travail ou de ceux avec qui nous servons en association, ou par dévouement. Bien souvent, à notre insu, nous y mettons trop de nous-mêmes et une secrète complaisance se glisse dans nos meilleures intentions. Te voilà alors contrariée car même le bien que tu avais projeté, ne peut se faire.

Vois-y la main de Dieu qui purifie ton intention, et t’

Apprend à aimer accomplir ton devoir d’état.

 

Enfin, ne te laisse pas prendre au piège de le détourner au profit d’œuvres, apparemment plus nobles, même spirituelles. Une prière trop longue ou un service extérieur pouvant attendre, n’ont jamais tenu une maison, écouté un enfant et donc sanctifié une mère de famille.

Ce renoncement fréquent à ce qui nous attire, cette pénitence, est, selon le mot de saint François de Sales, le seul humus sur lequel grandira ta fleur, dont tu verras les fruits dans l’Eternité.

« Fleuris là où Dieu t’a plantée. » 

 

     Jeanne de Thuringe

 

Devoir de servir

Martial et Paul se retrouvent dans le bus après une journée de travail fatigante.

– Ce week-end, ce sera repos total, sans contrainte comme d’habitude ! J’espère que mon épouse aura fait travailler les enfants et que je pourrai regarder le match.

– Tu ne viens pas à la réunion mensuelle du cercle des familles ?

– J’ai déjà ma famille et mon travail, cela suffit.

– J’aimerais bien que tu m’aides pour le chapitre enfants du prochain pèlerinage, c’est à peine quelques heures de préparation, et trois jours ensemble, une fois par an.

– Tu n’y penses pas, je n’ai pas de temps. D’ailleurs c’est fatigant, d’autres seront meilleurs que moi pour cela…

La tentation de l’égoïsme nous guette et nous fait oublier que nous avons trois devoirs d’état principaux : devoir professionnel, devoir familial, devoir social.

Aucun ne peut être négligé sous prétexte qu’il faut réaliser les deux autres, bien que les proportions de temps et d’effort que nous allouons à l’un ou l’autre puissent varier en fonction des circonstances et des périodes de la vie.

« Il y a des familles en grand nombre où l’on est dévoués les uns à l’égard des autres, mais où l’on ne songe qu’au bien du petit groupe ainsi formé comme si les portes de la maison n’ouvraient pas sur des espaces plus larges, ainsi que ses fenêtres sur le ciel. On entend dire d’un homme « c’est un bon père de famille ». C’est bien, et il y a de la chance qu’il soit de ce fait même un bon citoyen, mais cela n’est pas certain. (…) Il y a un égoïsme à plusieurs, un égoïsme de groupe, et c’est un égoïsme quand même. On se croit généreux parce qu’on dépasse le bien de la personne ; mais en dressant l’intérêt de quelques-uns contre l’intérêt de tous, on peut nuire à la communauté plus que l’égoïsme individuel lui-même1. »

Parfois, nous nous plaignons, à juste titre, des maux de notre temps et attendons un temps meilleur. « Attendre ! Avez-vous remarqué qu’une foule de gens sont dans cette position et cet état d’esprit ? Et ils attendent quoi ? Que les évènements les délivrent ? Mais les évènements n’ont jamais délivré personne. Ce sont les gens de cœur qui délivrent les évènements et les inclinent dans le sens de leur volonté2. »

C’est aussi ce que rappelait Mgr Lefebvre en préfaçant le livre « Pour qu’Il règne3 » en 1959 : « Notre-Seigneur règnera dans la Cité, lorsque quelques milliers de disciples assidus de Notre-Seigneur et de l’Eglise seront convaincus par la grâce et par leur effort intellectuel de la Vérité qui leur est transmise, et que cette Vérité est une force divine capable de tout transformer. » Ne sommes-nous pas parmi ces quelques milliers ?

Ce devoir social est impératif d’une part parce que nous ne pouvons pas nous sauver seuls, d’autre part pour le salut des âmes, en particulier pour que nos enfants et petits-enfants bénéficient d’un monde meilleur que le nôtre. Plusieurs papes nous en rappellent le besoin, par exemple Pie XII : « De la forme donnée à la Société (je préciserais : et à toutes les associations humaines), conforme ou non aux lois divines, dépend et découle le bien ou le mal des âmes, c’est-à-dire le fait que les hommes, appelés tous à être vivifiés par la grâce du Christ, respirent, dans les contingences terrestres du cours de la vie, l’air sain et vivifiant de la vérité et des vertus morales ou, au contraire le microbe morbide et souvent mortel de l’erreur et de la dépravation4.» Pie XII dit aussi : « En conséquence, coopérer au rétablissement de l’ordre social, n’est-ce pas là, un DEVOIR SACRE pour TOUT chrétien ? » Alors que faire ?

Il nous indique les domaines où nous pouvons exercer notre action :                          « Le mot d’ordre doit être : pour la foi, pour le Christ, dans toute la mesure du possible, présence partout où sont en cause les intérêts vitaux, où sont en délibération les lois qui regardent le culte de Dieu, le mariage, la famille, l’école, l’ordre social, partout où se forge l’éducation, l’âme d’un peuple5. »

Alors à chacun de contribuer dans le domaine qu’il choisit, selon ses compétences et les circonstances.

Il est souvent bon de commencer dans le domaine du soutien aux familles par la formation et l’action6, par l’aide aux écoles catholiques libres, aux pèlerinages et processions pour aider nos prêtres.

De nombreuses opportunités supplémentaires s’ouvrent de plus en plus dans nos villes et villages, et dans les œuvres sociales des entreprises, car « la Révolution tend à réduire à néant, à atomiser les communautés naturelles. Elle dissocie, elle désagrège, elle fait éclater les liens familiaux, culturels, nationaux. Elle dépersonnalise pour n’avoir plus affaire qu’à des individus (…) divisés, séparés, opposés7. » Mais les hommes de bonne volonté ont soif d’autre chose : le catholique social aura donc à cœur de « renouer les liens sociaux, au lieu de les briser et exercer une action coordinatrice en sens inverse de l’action révolutionnaire8 » : formation des esprits, reconstitution des liens sociaux, adaptation des institutions (et associations) à l’ordre social chrétien. Ainsi la contribution à une bibliothèque d’entreprise ou de village, ou à l’organisation d’expositions ou de fêtes historiques locales contribuera à former et enraciner les esprits, à leur faire redécouvrir les racines chrétiennes de la France. L’implication dans une conférence Saint Vincent de Paul ou de visite des malades ou dans les commissions départementales de santé, permettra de réconforter les malades ou de les protéger des dérives sociétales actuelles. La participation aux associations de village ou de quartier (sport, histoire, jeunesse, patrimoine…) permettra d’exercer une bonne influence sur les adhérents, en les aidant à développer le sens de l’effort, de l’entraide, du Beau, du Vrai et du Bien.  Des élus locaux se plaignent souvent du manque de bénévoles et souhaitent recréer du lien social, face aux ravages de l’individualisme et du consumérisme : des places sont à prendre.

Que les paroles de Pie XII aux jeunes français résonnent dans nos cœurs : « Soyez fidèles à votre traditionnelle vocation. Jamais l’heure n’a été plus grave pour vous en imposer les devoirs. Jamais l’heure n’a été plus belle pour y répondre. Ne laissez pas passer l’heure, ne laissez pas s’étioler les dons que Dieu a adaptés à la mission qu’il vous confie ; ne les gaspillez pas, ne les profanez pas au service d’un autre idéal trompeur, inconsistant ou moins noble et moins digne de vous9 ! »

 

Hervé Lepère

1 La vie française, Père Sertillanges, O.P.

2 Idem.

3 Jean Ousset, fondateur de la Cité Catholique. Livre vivement recommandé.

4 50e anniversaire de Rerum Novarum, 1/6/1941.

5 Discours à l’Union Internationale des Ligues Féminines Catholiques, Pie XII, 1947.

6 Par exemple, le Mouvement Catholique des Familles-MCF avec 80 cercles de familles en France.

7 Doctrine d’Action Contre-Révolutionnaire ; P. Chateau-Jobert.

8 Joseph de Maistre

9 06/01/1945