Je ne suis pas venu pour être servi

Observez comment les parents annoncent une future naissance : « J’attends un bébé » dit la maman, « mon épouse attend un heureux évènement » dit le père. Parfois, il ose dire « nous attendons un enfant », mais jamais « j’attends ».

Comment le mari sait-il qu’il va être père ? Il faut que son épouse, s’observant quelque temps, finisse par le lui annoncer… A la naissance, la sage-femme attestera que le bébé est bien celui de la maman. Le père, lui, devra « reconnaître » son enfant et le déclarer pour être enregistré comme père. L’homme et la femme ne sont pas égaux devant le mystère de la vie.

Un mystère pour le père

Pendant sa grossesse, l’épouse va ressentir de profondes transformations physiques et psychologiques, le père ne sentira rien ! Les exemples un peu caricaturaux ne sont pas sans fondement : certaines épouses peuvent exprimer une légendaire envie de fraises en plein hiver, manquer de goût pour un plat ou une activité habituellement préférée, passer rapidement d’une bonne humeur communicative à un découragement ou un agacement pour un rien… Ne cherchez pas à comprendre, respectez le mystère féminin et adaptez-vous : écoutez beaucoup, soyez patient, communiquez votre sympathie même si vous êtes désarmé, l’amour doit être patient.

Avez-vous songé que le mystère va progressivement vous toucher aussi ? Par un simple acte d’amour, vous êtes devenu co-créateur d’une vie nouvelle. Vous le réaliserez lorsque vous sentirez les mouvements du bébé, ou parfois seulement après la naissance ! Quelle grandeur et quelle responsabilité que cet engendrement voulu par Dieu, et accompli par vous ! Méditez ce don de Dieu, rendez grâce et voyez ce qu’Il attend de vous maintenant : être un père à l’image et à la ressemblance de Notre Père du ciel, continuer à être un bon mari et un protecteur, servir le Bien Commun de votre famille.

Je ne suis pas venu pour être servi mais pour servir !

L’homme devra être particulièrement observateur et attentif vis-à-vis de son épouse, respecter son rythme pour être son protecteur et son soutien sans être pesant.

Si l’épouse est parfois impatiente ou cassante – cela arrive à tout le monde d’être maladroit, fatigué et d’avoir des paroles qui dépassent sa pensée- ce sera l’occasion de développer la vertu de patience, sans répondre ni ruminer sur les difficultés. Saint Paul nous dit que l’amour croit tout. Donnez donc à votre épouse le bénéfice du doute. « L’amour nous demande parfois de dire (ou plutôt de penser) : je te connais et je sais que tes paroles et tes gestes ne te ressemblent pas, toi, celle que j’aime. Je choisis donc d’être aveugle et sourd pendant un moment en attendant d’avoir la joie de retrouver le visage que je connais si bien et que j’aime si profondément1.» Cette attitude sera un véritable acte d’amour.  

Votre amour se traduira aussi par des services adaptés à ces circonstances de la vie. L’idée qu’il serait dégradant de servir est une des grandes erreurs de notre temps. Elle se déguise parfois, au travail comme à la maison, sous l’apparence du respect du domaine de chacun. Alors, l’égoïsme n’est pas loin et peut ronger la qualité de votre mariage. Le christianisme enseigne pourtant que « celui qui veut être le plus grand doit se faire le serviteur de tous » ; Notre-Seigneur nous en a donné l’exemple. Celui qui aime en vérité va s’adapter aux circonstances afin d’aider l’être aimé : faire les courses surtout si elles sont volumineuses, réaliser des bricolages trop longtemps attendus, prendre en charge certains travaux d’entretien pénibles, des conduites à l’école, le lever ou la toilette des enfants, être davantage présent pour jouer avec les enfants ou les promener le week-end et guider leurs devoirs…

Préparer l’avenir

Soyez réalistes à l’imitation de saint Thomas d’Aquin. Ne comptez pas sur des révélations spéciales du Saint-Esprit pour discerner votre vocation personnelle, mais « voyez dans votre tempérament, votre métier, les circonstances (ici, le nouvel enfant), des indications providentielles et comme des signes de piste pour la grâce2. » Cet enfant attendu est une occasion pour le père de grandir en maturité, d’approfondir sa vie spirituelle pour donner l’exemple, transmettre la Foi et être capable de conduire sa famille au ciel. C’est aussi l’occasion de repenser à l’avenir matériel de la famille, d’anticiper sans toutefois précéder la Providence qui pourvoira à vos besoins si vous prenez les bons moyens. Certaines croix ne pourront être évitées : une maison devenue trop petite, un déménagement, un ajustement de vos horaires, de votre confort ou de votre train de vie, un effort pour mieux gagner votre vie ou l’humilité pour demander de l’aide… Saint Joseph sera votre conseiller et votre modèle : vous n’aurez jamais autant d’imprévus que lui !

Ne soyez pas trop pressé de connaître l’avenir ou de vouloir tout maîtriser, pensez plutôt à passer régulièrement quelques moments « de qualité », au calme, avec votre épouse tout au long de sa grossesse, et continuez après la naissance !

Partagez votre fierté et vos appréhensions, vos expériences et vos espérances face à l’évènement qui transforme si profondément votre vie. Une certaine inquiétude devant les responsabilités peut vous toucher, elle ne disparaîtra totalement que lorsque vous ou votre enfant aurez atteint le Ciel ! Souvenez-vous toujours que le Maître de la vie qui vous a donné cet enfant veut son salut encore plus que vous ! Vous avez en quelque sorte un droit sur le Bon Dieu et Notre-Dame pour obtenir les grâces et la force d’être de bons époux, de bons parents et de bons éducateurs. A vous de faire de votre mieux !

« D’aucuns diront peut-être que les forces leur manquent. Et ils auront raison s’ils n’explorent que leurs propres ressources morales. Mais le mariage est un sacrement, et tout sacrement est une source d’énergies surnaturelles qui viennent au secours de celui qui l’a reçu pour l’aider à accomplir ses devoirs3. » Alors, la prière « est le grand moyen offert à notre faiblesse, et quand le devoir se dresse en face de nous comme une crête escarpée et infranchissable, quelques minutes d’une prière humble et confiante nous apportent le renfort divin grâce auquel nulle cime n’est inaccessible4. »

 

Hervé Lepère

1 Au creuset de l’amour, Alice von Hildebrand

2 Saint Thomas d’Aquin par P.A.-L. Serrand, o.p.

3 Mgr Chollet, archevêque de Cambrai, in La famille catholique,  Abbé Patrick Troadec

4 Idem

 

 

La femme de l’Apocalypse vue par Augustin Frison-Roche

L’Apocalypse est un livre mystérieux qu’il est souvent bien difficile de comprendre. Elle a de longue date inspiré des artistes, la représentation la plus connue étant bien évidemment la célèbre tapisserie de l’Apocalypse exposée au château d’Angers. La femme de l’Apocalypse notamment inspire les artistes et exégètes. Récemment, elle est réapparue sous le pinceau d’Augustin Frison-Roche sur un panneau peint de 6x2m réalisé pour la cathédrale de Saint-Malo. Un panneau plein de mystères à méditer à la gloire de Notre-Dame.

Le texte de l’Apocalypse 

Le chapitre 12 de l’Apocalypse relate le combat de la femme contre le dragon. Celle-ci apparaît dans le ciel, revêtue du soleil, la lune sous ses pieds, couronnée d’étoiles. Elle est enceinte, sur le point d’accoucher. Elle subit les assauts d’un dragon à sept têtes et dix cornes qui cherche à s’en prendre à elle et à son enfant. Mais un ange descend du Ciel, emporte l’enfant qui vient de naître dans les Cieux. Saint Michel et ses anges combattent le dragon qui tombe sur terre et crache un fleuve d’eau pour noyer la femme. Mais celle-ci reçoit des ailes qui lui permettent de se retirer au désert, à l’abri du dragon.

Dans l’exégèse cette femme fut d’abord l’image de l’Église, en proie aux assauts du démon, qui accouche ses enfants dans la douleur, mais les sauve grâce au baptême. Elle ne fut véritablement assimilée à la Vierge Marie que tardivement, même si Notre-Dame apparaît fréquemment en train de piétiner le serpent, en référence aux versets de la Genèse instituant l’antagonisme entre la femme et le serpent. Mais la femme de l’Apocalypse enfante dans la douleur. Les exégètes se refusaient donc à y voir la Vierge Marie qui, n’étant pas atteinte par la faute originelle, ne pouvait de toute évidence pas en subir la conséquence, celle d’enfanter dans la douleur. Comparer la Vierge à la Femme de l’Apocalypse, c’était donc courir le risque de laisser planer un doute sur le caractère immaculé de la Vierge Marie. C’est pourquoi il fallut attendre la proclamation officielle du dogme de l’Immaculée Conception pour que, tout doute étant écarté, la Vierge Marie pût être assimilée sans crainte à la femme de l’Apocalypse, et devenir ainsi la principale adversaire du Démon. La comparaison ne risquait plus d’induire en erreur les fidèles. A partir du XIXe siècle, l’image de la Femme victorieuse du dragon n’est plus seulement l’Église triomphant du mal, mais la Vierge Marie protégeant ses enfants.

 L’œuvre 

Dans la cathédrale de Saint-Malo, la Femme est très explicitement la Vierge Marie. Elle reprend les traits de la très célèbre Notre-Dame de Guadalupe, dont l’image est, comme le linceul de Turin, acheiropoïète c’est-à-dire non faite de main d’homme. C’est la Vierge qui imprime son image dans la tunique de Juan Diego. Ici les traits du visage sont bien ceux de Notre-Dame de Guadalupe, seule la tunique change et devient bleue, couleur mariale par excellence. La Vierge est placée au centre du tableau, lui-même divisé en trois parties. A droite l’armée céleste accourt, tandis qu’à gauche la Jérusalem Céleste est gardée par  un ange doré. Au niveau du sol un immense serpent doté de plusieurs têtes rampe, hissant sa gueule en direction de la Vierge. Sa queue est transpercée par la lance de saint Michel qui se tient en tête des armées célestes.

Afin de révéler au mieux le mystère de l’Apocalypse et plus précisément celui de la femme, le peintre a choisi la technique du pochoir combinée avec celle du glacis, utilisée notamment par les primitifs flamands. Les glacis permettent de superposer plusieurs couches transparentes, ce qui donne de la force aux couleurs, mais aussi facilite la superposition de plusieurs niveaux de lecture. On ne voit donc pas la même chose de près ou de loin. De loin, ce sont les principaux personnages qui apparaissent au milieu de masses de couleurs. De près, ce sont de nouveaux tableaux dans le tableau qui se dévoilent. Ainsi, dans le bouclier de saint Michel, on reconnaît ce même archange terrassant le démon. Le cheval blanc du cavalier justicier, l’épée dans la bouche en référence au chapitre 19 de l’Apocalypse, abrite lui aussi un combat, celui des anges du ciel contre les anges déchus qu’ils repoussent hors du tableau. De l’autre côté, au centre de la Jérusalem Céleste, pousse l’arbre de vie, aux branchages d’or.

 

Un tableau aux multiples secrets

Un tel tableau ne peut que cacher des secrets. Un œil expert reconnaîtra la présence du Chrisme sur la cuisse du cheval blanc, la Victoire de Samothrace vacillant parmi les anges déchus, eux-mêmes empruntés aux tableaux de Bosch et Bruegel (XVIe siècle), les ondulations de la queue du serpent formant le chiffre de la bête, ou encore le paon, symbole d’éternité déjà présent dans les catacombes, au milieu de la Jérusalem céleste. De même, d’après le peintre lui-même, le ciel étoilé entourant la Vierge reprend l’alignement des constellations observables le 15 août 2020 à 11h00, jour et heure de la messe de l’Assomption pour laquelle ce tableau devait être installé. N’oublions pas que Magnum signum apparuit in caelo, les premiers mots du chapitre 12 de l’Apocalypse, est le texte chanté lors de l’Introït de la messe du 15 août !  

Mais le véritable secret bien caché se trouve dans le sein de la Vierge. Notre-Dame de Guadalupe est connue au Mexique pour être la représentation d’une femme enceinte. C’est également le cas sur ce tableau. Cela est presqu’impossible à distinguer aujourd’hui mais dans 50 à 100 ans, un enfant apparaîtra clairement dans le sein de la Vierge. Pourquoi ? L’artiste a utilisé la technique du repentir pour cacher l’Enfant dans le sein de la Vierge. Le repentir est une première esquisse des traits d’un personnage qui finalement est recouvert par autre chose, le peintre ayant changé d’avis. Mais avec le temps, les couches supérieures, surtout lorsqu’elles sont réalisées à la peinture à l’huile, finissent par s’estomper, laissant apparaitre le repentir sous-jacent. Les couches supérieures recouvrant le repentir vont donc progressivement s’estomper pour révéler la présence de l’Enfant. Au fil des ans, la Vierge s’effacera pour révéler son Fils plus distinctement. Comme l’a dit Augustin Frison-Roche lui-même, le véritable secret de son tableau, c’est l’Incarnation.

 

Conclusion 

A notre époque où l’art, même religieux, est souvent de mauvais goût voire sacrilège, il est heureux de voir que le Beau n’est pas mort et qu’il mène toujours à Dieu. « Apocalypse » en grec signifie « Révélation ». Ici le pinceau révèle toute la beauté de la Vierge Marie, qui elle-même dévoilera un jour aux fidèles venus la prier dans la cathédrale de Saint-Malo, la naissance de son Fils Jésus.

 

Une médiéviste au XXIe siècle

 

Le range-couverts indispensable pour vos pique-niques ou pour préserver l’argenterie

Chères couturières,

Avec l’été, les pique-niques font leur grand retour.

Le pique-nique… Repas champêtre aimé des uns, rejeté avec force par les autres au souvenir de plats mal fermés ou de desserts pleins de sable. Alors nous vous proposons un atout rangement pour votre organisation ! Un range-couverts à adapter à l’étendue de votre tribu, l’élément phare de votre sac à pique-nique ! Avec ou sans rabat, ce patron vous permet également d’appliquer le même principe pour ranger votre argenterie par exemple… Et l’on pourrait finalement imaginer sur le même modèle un organiseur de pinceaux pour les artistes ?

Bonne couture !

Atelier couture

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L’amour maternel

La famille est l’image de la sainte Trinité ; la mère y représente l’amour, le père l’autorité ; et tous les deux participent à cette sagesse qui les éclaire sans cesse. Voilà pourquoi ils sont inséparables, et doivent présider ensemble à l’éducation de leurs enfants. Chacun des deux parents y a un rôle à jouer avec le caractère et la fonction particulière de l’un et de l’autre. Mais tous les efforts tentés pour le remplir doivent être harmonisés, conjugués, et tendre au même but : la formation de l’homme futur et de l’enfant de Dieu. C’est cependant à la mère que revient la majeure partie de la tâche, surtout dans la petite enfance, car elle vit davantage avec ses enfants, elle est plus clairvoyante, et aime avec plus de dévouement.

On peut dire de la mère qu’elle a l’instinct de l’éducation ; elle le doit à la mission même que Dieu lui a confiée. Comme la fille de Pharaon l’a dit autrefois à la mère de Moïse, Dieu dit à l’épouse : « Recevez cet enfant, élevez-le pour moi. » Et comme Dieu n’emploie pas ses créatures et n’agit pas par elles sans leur communiquer quelque chose de ses attributs divins, Il a su donner aux parents, et à la mère plus spécialement, une participation de sa sagesse, de son intelligence et de sa clairvoyance pour deux raisons principales :

  • Parce que « aimer l’enfant et se faire aimer de lui, sera toujours le grand secret de l’éducation » (F. Kieffer).
  • Parce que l’éducation, qui ne va pas sans de nombreux et pénibles sacrifices, suppose, chez l’éducateur, un amour profond, dévoué et désintéressé. Or, personne n’est capable, au même degré que la mère, des tendresses et des héroïsmes de cet amour. Personne, par conséquent, ne peut lui contester la place qu’elle occupe dans la hiérarchie des éducateurs.

En venant à la lumière du jour, sauf rares exceptions, l’enfant trouve en sa mère une tendresse dans la plénitude de son intensité. Le père est heureux de son nouveau titre, content d’avoir un héritier, mais le bébé, en lui-même, n’éveille pas les enthousiasmes généreux que ressent une femme dans sa maternité expansive et triomphante. 

L’amour de la mère est fait de dévouement et d’abnégation. La mère aime l’enfant à proportion des sacrifices qu’elle s’impose pour lui. Plus il est faible, chétif, plus la part qu’elle lui réserve est grande. Le père, lui, aime davantage l’enfant dans la mesure des satisfactions que celui-ci lui procure.

L’ordre, dans l’amour maternel, consiste à aimer chacun à sa place et à son rang, lui donnant toute la mesure d’affection qui lui est due, sans transporter à l’un le sentiment qui appartient à un autre. Quand l’Évangile nous commande d’aimer tout le monde, même nos ennemis, cela ne veut pas dire qu’on doive aimer tout le monde de la même manière. Notre cœur doit aimer avec discernement, avec intelligence. La mère chrétienne aime Dieu, et doit l’aimer par-dessus tout. Elle aime son mari, ses enfants, ses parents, ses amis, ses proches… Mais ces divers amours sont distincts, chacun a son caractère, sa nuance, son degré d’intensité et de profondeur. La mère aime son mari d’une autre manière qu’elle aime ses enfants. Elle aime ses enfants autrement que ses parents ; et ses amis autrement que ses père et mère. Elle doit se garder d’intervertir l’ordre délicat de cette hiérarchie. De cette concordance, naissent les joies, l’harmonie et la paix.

Certaines mères vouent hélas parfois une affection désordonnée à leurs enfants, (ou même à certains de leurs enfants) et ne savent plus aimer Dieu. À peine leur reste-t-il, parfois, quelque amour pour leur mari ! Au lieu d’aimer leurs enfants selon Dieu et pour Dieu, elles les aiment pour elles-mêmes, elles les regardent comme des propriétés qui leur sont acquises à jamais, elles en font des objets de jouissance et d’adoration. Elles sont comme ivres d’une tendresse naturelle qui les étourdit et les aveugle, mais qui provoque trop fréquemment des regrets et des larmes.

On voit aussi des mères qui ne se contentent pas d’idolâtrer leurs enfants ; elles veulent elles-mêmes être leurs idoles ! Alors une cruelle jalousie se joint à leurs exigences, elles se posent comme le but même de la vie de leurs enfants. Elles s’inquiètent et s’agitent, veulent tout ordonner, tout prévoir, comme si elles étaient seules chargées de fixer l’avenir ; et dans leur activité débordante, oubliant le rôle de la Providence, elles excluent la part de Dieu dans les destinées.

Qu’en résulte-t-il ? Dieu laisse faire. Les enfants eux-mêmes, étouffés sous les étreintes d’une affection égoïste, s’impatientent contre ces excès d’attachement ; et ils secouent le joug, au risque de déchirer le cœur de leur mère.

Notre-Seigneur nous offre, dans l’Évangile, de remarquables exemples de ces divers degrés d’amour. Il aime toute la multitude de ses disciples ; mais il aime de préférence les douze apôtres. Parmi ces douze, trois sont manifestement l’objet d’une distinction spéciale (saint Pierre, saint Jacques et saint Jean) : seuls ils assistent à la divine agonie ; seuls ils sont témoins de la scène du Thabor. Et enfin, parmi ces trois préférés, il en est un qui est l’objet d’une prédilection plus singulière ; c’est celui que l’Évangile désigne toujours sous le nom de bien-aimé (saint Jean).

Telle est la gradation des affections saintes. C’est ainsi que les sentiments s’harmonisent dans un ordre sacré, sans se confondre et sans s’exclure les uns les autres. Le cœur chrétiennement organisé aime tout le monde, et par-dessus tout, Celui qui est le foyer de l’éternel amour.

 

        Sophie de Lédinghen 

 

Porter deux âmes en son corps

Alice von Hildebrand est un écrivain contemporain, mort en 1922, auteur de nombreux livres dont The privilege of being a woman. Nous ne savons d’elle que ce que l’on nous a obligeamment montré sur Wikipedia (!) : c’était une femme catholique, jouissant d’un certain renom en philosophie. Nous avons recherché ces renseignements parce que notre avis nous avait été demandé sur un extrait de son livre Le privilège d’être femme dont nous ne croyons pas qu’il a été traduit en français. Nous ne pouvons pas nous prononcer sur la totalité du livre mais le passage que nous avons lu nous a paru constituer une pensée suffisamment intéressante et belle sur la maternité pour être mentionnée ici.

On peut en effet se dire que tout a été déjà dit et bien dit sur la maternité de la femme et que si l’on ne perd certes pas son temps à s’extasier sur ce qui est l’un des plus beaux mystères de l’ordre naturel, on ne peut plus guère espérer mentionner des idées vraiment inédites. Celle que nous empruntons à Alice von Hildebrand l’est-elle ? Il est bien possible que non. Mais c’est la première fois que nous l’avons rencontrée et elle est sans doute l’une de celles que légitime le titre que cet auteur a donné à son livre.

Alice von Hildebrand remarque d’abord que le don que le mari fait à sa femme dans l’acte conjugal est celui d’une semence vivante mais que, neuf mois plus tard, au terme de sa grossesse, c’est un être humain doté d’une âme immortelle faite à l’image de Dieu qu’elle présente à son mari. C’est que Dieu, quelques heures après l’étreinte des époux, au moment de la fécondation de l’ovule par le spermatozoïde, a créé l’âme de l’enfant.

Et elle admet ici ce « privilège » maternel qui est d’être touchée par Dieu, à l’instant de la création de cette âme, dans son habitacle intérieur. Peut-être, ailleurs dans son livre, admire-t-elle aussi la docilité divine qui ne manque jamais de répondre à la fécondation des gamètes par le bienfait de cette âme immortelle. De ce contact privilégié de Dieu avec la femme résulte un second privilège que la femme, pendant neuf mois, porte en elle deux âmes, la sienne et celle de son bébé.

Soyons reconnaissants à cet auteur d’avoir su mettre en valeur cette belle réalité qui manifeste, en demeurant encore sur le seul plan naturel, la dimension spirituelle de la maternité.

Que de pensées doivent alors surgir dans l’esprit de la mère chrétienne ! Une grande émotion à l’intervention de Dieu au plus profond d’elle-même, une reconnaissance pour son don, plus achevé encore que celui qu’elle a reçu de son mari, une attention à la seconde âme immortelle qu’elle porte en elle, mais une souffrance aussi car cette âme, lors de l’infusion dans la matière, n’a pas manqué de contracter la souillure originelle, une prière vers sainte Anne et sainte Marie, les deux seules femmes qui portèrent des enfants conçus sans aucune souillure, la première par un privilège unique fait à son enfant, et la seconde à cause de son union hypostatique, une autre prière d’espérance de baptême pour l’enfant à naître.

Il n’est pas trop de neuf mois pour mener un enfant à terme…  Mais sans doute les mères peuvent-elles dire aussi, il n’est pas trop de neuf mois pour méditer, pour savourer, pour admirer toutes les grandeurs et les beautés du mystère de la maternité.

Bien à vous dans le Cœur Douloureux et Immaculé de Marie,

R.P. Joseph