« S’il te plaît … »

  A moins d’être doté d’un caractère plutôt assuré, le fait de « demander » nous rebute… Il y a les demandes normales : « J’aimerais que tu aides à mettre le couvert », d’autres plus contraignantes : « Acceptes-tu me conduire à la gare ? »…plus désagréables : « Pourrais-tu rincer le lavabo après ton brossage de dents ? »…plus pénibles : « Tu voudras bien me rendre ce livre que tu m’as emprunté il y a presqu’un an ? », ou même délicates : «  Vous serait-il possible de me faire crédit… ? »…

Et pourtant, dans notre vie spirituelle, la prière de demande est un acte normal. Que de choses, en effet, nous pouvons solliciter auprès du bon Dieu ! Nous nous permettons même d’insister en renouvelant nos demandes …au point d’enchaîner des neuvaines et de paraître bien capricieux ! Or cette demande plaît à Dieu qui nous voit faire acte d’humilité devant Lui pour obtenir, s’Il le juge bon pour nous, ce que l’on souhaite.

C’est exactement de cette façon que nous devrions procéder entre nous : avec humilité.

« Rien ne plaît tant à Dieu et aux hommes que la véritable humilité » nous dit Saint Jérôme. Pour être véritable, cette humilité doit être simple, vraie. On reconnaît souvent la sainteté d’une personne à son humilité, à sa simplicité…et cela est si agréable qu’en sa compagnie nous devenons simples et naturels à notre tour. Cela nous met à l’aise, contrairement à une personne compliquée qui mettra cinq minutes interminables à formuler sa requête et finira par horriblement nous gêner ! Faisons donc preuve de simplicité : si notre demande est juste et nécessaire…nul besoin de nous trouver des excuses à la faire, et de tourner autour avant de nous « jeter à l’eau » ! « Rien n’est pénible pour les humbles » affirme Saint Léon. Humilité, simplicité…

Faite avec gentillesse, notre demande aura un meilleur effet sur notre interlocuteur : « Chérie, je t’ai déjà demandé cinquante fois de fermer cette porte ! » n’aura rien à voir avec un petit « hum, hum… » accompagné d’un aimable sourire, tandis que votre épouse pressée, traverse la pièce au petit trot… ! De même qu’une demande positive : «  Tu veux bien te recoiffer un peu ?» ne produit pas le même effet psychologique qu’une phrase négative : «Tu ne pourrais pas être un peu plus soignée !  ». Faites-en l’expérience avec vos enfants et vous verrez comme ils contesteront beaucoup moins lorsque vous leur demanderez un service ! Bien sûr, il faudra prendre ensuite un ton plus ferme avec eux si cela fait déjà plusieurs fois que vous leur demandez la même chose sans obéissance …mais que vos demandes restent positives. Cela est également valable dans un cadre professionnel ou scolaire…. cela change tout de demander gentiment !

La plupart du temps nos demandes ainsi formulées seront exaucées. Ne soyons pas ennuyé de demander quoi que ce soit. Souvent nous n’aurons pas le choix de faire autrement…d’autres fois ce sera même un service à rendre à l’autre que de lui demander un service! A nos enfants, par exemple, il est indispensable de demander une participation à la vie de famille.

Quand on appartient à une société, et la famille en est une, chaque membre doit contribuer à son bon fonctionnement ; cela ne revient pas aux parents seuls. Certaines mamans sont parfois « gênées » de demander assistance ou participation à la vie de la maison mais, dans la mesure où cela reste raisonnable et qu’elles n’en abusent pas en se reposant trop sur leurs enfants, cela est juste et même nécessaire.

Qui dit prière, dit action de grâce ! Recevoir les grâces du bon Dieu n’est pas un dû, nous ne devons pas oublier de Le remercier avec humilité, là encore. Lorsque nous aurons accepté un service proposé par notre entourage, c’est avec reconnaissance, chaleur même quand il s’agit d’une grande aide, que nous le remercierons.

Merci, ce tout petit mot joyeux qui coûte si peu à dire et fait tant de bien à entendre ! A lui seul ce simple mot récompense de toutes les peines ; il répare au besoin la phrase un peu vive qui vous a échappée auparavant ; il équivaut à un sourire…et souvent il le provoque ; il rend heureux celui qui le dit… et celui à qui on l’adresse.

N’est-ce pas le propre d’un cœur vraiment généreux que de se montrer reconnaissant envers les autres du peu qu’ils essayent de faire pour lui ? Les ingrats sont souvent le reflet des cœurs égoïstes, des caractères médiocres, alors que la vertu de gratitude est la preuve d’un grand cœur !

Chers amis lecteurs, mettons de côté notre maudit amour-propre et faisons preuve de simplicité tant pour demander quelque service que ce soit, que pour exprimer notre gratitude. Usons d’un ton aimable et respectueux… vous savez bien, celui que l’on aimerait que l’on nous adressât à nous-mêmes !

Sophie de Ledinghen

La jument de Michao

https://open.spotify.com/search/results/La%20jument%20de%20Michao

Un air ancestral, du terroir, que l’on chante « comme cela nous chante », en le faisant durer plus ou moins longtemps. Excellent pour alterner des chœurs d’enfants et/ou d’adultes, ou composer un canon. Très entraînant. Il faut commencer lentement et accélérer le rythme.

(1) C’est dans dix ans je m’en irai
J’entends le loup et le renard chanter (bis)

J’entends le loup, le renard et la belette
J’entends le loup et le renard chanter (bis)

 (2) C’est dans neuf ans je m’en irai
La jument de Michao et son petit poulain

A passé dans le pré et mangé tout le foin (bis)

L’hiver viendra les gars, l’hiver viendra
La jument de Michao, elle s’en repentira (bis)

C’est dans huit ans, comme au (1)
C’est dans sept ans , comme au (2)

C’est dans six ans, comme au (1)
C’est dans cinq ans, comme au (2)

C’est dans quatre ans
C’est dans trois ans,
etc …

Don Quichotte

« La montée dans la nuit est la plus sûre pour rejoindre le Ciel, et c’est même la seule qui soit sûre ; mais il faut la gravir en chantant. »              (Père Calmel)

Comédie héroïque 1910 – Jules Massenet – Acte III –  https://open.spotify.com/search/results/Seigneur%2C%20re%C3%A7ois

Jules Massenet, né en 1842. Ses parents, très exigeants lui donnent pour règle de vie l’acharnement au travail. Son œuvre très prolifique (opéras, ballets, œuvres symphoniques) est d’essence romantique. Son Don Quichotte connaît un grand succès dès sa création. Cette œuvre est jouée dans le monde entier depuis lors.

Don Quichotte monte la garde. Les bandits apparaissent soudainement, et après un bref combat, font prisonnier le chevalier, tandis que Sancho parvient à s’échapper. Surpris par le mépris du vieil homme, les bandits lui donnent une raclée, avec l’intention de le tuer, mais la prière de Don Quichotte inspire la pitié du chef des bandits.

Don Quichotte (les mains jointes, loin de tout)
Seigneur, reçois mon âme, elle n’est pas méchante,
Et mon coeur est le coeur d’un fidèle chrétien.
Que ton oeil me soit doux et ta face indulgente!
Etant le chevalier du droit, je suis le tien.

Le Chef des brigands
Vraiment je crois rêver, voyant ta face pâle,
Tes grands traits émouvants d’où le divin s’exhale
Et tes yeux fulgurants de sublimes clartés!
Où vas-tu? Que veux-tu?

Don Quichotte   (fièrement)
Je suis le chevalier errant… et qui redresse
Les torts; un vagabond inondé de tendresse
Pour les mères en deuil, les gueux, les opprimés,
Pour tous ceux qui du sort ne furent pas aimés.
Je suis fou de soleil ardent, d’air pur, d’espace!
J’adore les enfants qui rient lorsque je passe,
Et ne déteste point les bandits, quand ils ont
De la force au jarret et de l’orgueil au front.

   (d’un effort il brise ses liens, puis dresse sa grande taille)
Et me voici debout, jouant un nouveau rôle,
Libre dans mon effort comme dans ma parole ;
Et je vous dis ceci, moi, le haut chevalier :
C’est qu’il faut à l’instant me rendre le collier
Pris au cou délicat d’une femme adorée.
Le joyau, lui, n’est rien, mais la cause est sacrée … Etc …

La littérature, lieu de rencontre. Se construire par la fréquentation des auteurs

« La lecture de tous les bons livres est comme une conversation avec les plus honnêtes gens des siècles passés »

René Descartes, Le discours de la méthode (1637)

            Pourquoi la littérature ? Pourquoi, depuis l’aube de la civilisation, ce besoin, plaisir pour beaucoup, de se plonger dans la parole héritée du passé?

            Car la littérature est avant tout une parole : parole travaillée, polie par l’art, étudiée pour porter au mieux et jusqu’au cœur de l’homme l’idée qu’elle exprime. Mais de parole, notre époque n’en retient qu’une : celle qui produit. Efficace, elle ne fait son retour dans les pédagogies et les compétences à maîtriser en université que pour assurer à l’élève ou à l’étudiant un pouvoir de conviction ; autrement dit, on ne lui voit d’utilité qu’en tant qu’outil (en tant qu’arme ?) pour assurer sa domination. L’avocat parle pour utiliser le droit à l’avantage de son client : parole souvent creuse bien qu’habile, dénuée de morale, fruit d’une justice qui a perdu son sens. Le commercial parle pour enrichir son entreprise : parole intéressée, restreinte aux choses matérielles, ne voyant l’homme que comme un rouage au sein d’une industrie. Le politicien parle pour séduire : parole mensongère, souvent terre-à-terre, faite d’apparences, de mots qui sonnent, orpheline d’une vraie pensée et ennemie de la véritable intelligence. Que dire encore ? La seule parole appréciée pour elle-même serait-elle celle du rire et des comédiens ? Ou bien la vénalité et la soumission aux poncifs idéologiques sont-ils parvenus à museler ce dernier rempart de l’homme contre la loi du plus fort, l’humour qui touche juste ?

Étrange paradoxe ! Notre siècle est bavard, verbeux, insupportable dans ses insipides logorrhées ! On nous sert de belles paroles, des discours et des mots, quand nous avons soif de sens, de conversations et de paroles belles. Radio, télévision, Internet, journaux, répandent dans nos cerveaux mille mots mal choisis, pleins de vide, abordant pour thèmes les plus élevés les dernières manifestations, les scandales de la scène et je ne sais quelle crise géopolitique incompréhensible au profane, mais dont, rassurez-vous, on nous livre aussitôt l’interprétation orthodoxe. Violence tyrannique à nos intelligences, et pourtant, il faut l’admettre, à laquelle on s’accoutume bien trop facilement.

            Que faire alors ? Comment assainir nos esprits et leur redonner goût à la belle pensée ? Comment prémunir nos enfants contre la laideur confortable des mots creux qui s’enflent ? C’est bien évident, me dira-t-on. Il faut lire, faire lire, et bien choisir les livres. Il faut mettre nos enfants dans les bonnes écoles, chasser les moyens modernes qui déversent dans la maison, la voiture et ailleurs leurs inépuisables insanités. Il faut s’assurer que personne ne soit en anémie intellectuelle et lui fournir le livre qu’il faut, qui lui plaira et saura l’enrichir.

Je suis bien aise de vous l’entendre dire ! Toutes ces résolutions sont justes, nécessaires et salutaires, et je ne vous ferai pas l’injure de tenter de vous en convaincre à nouveau. Mais j’aimerais réfléchir un peu plus loin avec vous, afin de découvrir les causes profondes de l’amour des lettres et leur effet sur la formation de la personnalité.

            Pourquoi la littérature ? me suis-je demandé. Pourquoi cet instinct, auquel nos générations semblent se soustraire, de reprendre pour soi les mots du passé ? Pourquoi ce désir, moins général mais constant, d’écrire à son tour ?

            C’est, me semble-t-il, que notre nature humaine nous y pousse. Sous la motion d’un désir inhérent à ce que nous sommes, nous recherchons la compagnie de nos semblables. Or que fait-on, lorsqu’on ouvre un livre ? On s’ouvre à la pensée d’un homme. Ceci n’est qu’un constat : l’homme possède, radicalement, fondamentalement, ce besoin de communiquer avec les autres hommes. Oh, mais pas seulement pour s’assurer la survie, loin de là ! Non, avant tout, l’homme sait instinctivement qu’il doit aller vers son semblable pour devenir homme lui-même, et se connaître en connaissant l’autre. Il va vers l’autre parce que toute perfection, tout bonheur, toi achèvement se fait avec l’autre, à l’occasion de l’autre. Quelle vertu y aurait-il sur terre si l’homme naissait et vivait solitaire ? Quelles qualités développerions-nous ? Songez-y, non sans trembler : quelle humanité (au sens de capacité pour chacun d’être pleinement homme) sera la nôtre, lorsque notre monde aura atteint le but ultime de son prétendu progrès, faisant de chaque individu un atome isolé, sans parents, sans famille, sans aucun rapport naturel à l’autre, complètement restreint à son plaisir égoïste ?

            Bien comprise, la littérature est une échappatoire à l’individualisme et au cercle restreint de nos fréquentations, qui ne peuvent pas toujours suffire à nous parfaire en tant qu’homme. Qui peut prétendre avoir autour de lui suffisamment de maîtres pour se passer des leçons des anciens ? Et quel manuel de cours peut oser dire qu’il nous apprendra mieux à goûter le tragique de la condition humaine qu’une pièce de Sophocle ? Bien plus que le savoir théorique, la littérature apporte une manière d’être, face aux questions qui importent ; elle nous fait sentir, parfois à coup de contre-exemples, la juste attitude des meilleurs tempéraments face aux passions, aux joies, aux peines, à soi-même, à la mort, à Dieu…

            Dans un livre, ces petits caractères imprimés sur la page sont autant de clés discrètes qui autorisent le miracle : entrer dans une âme en action, en réflexion, vivante. Beaucoup de philosophes ont ressenti l’angoisse de l’infranchissable fossé qui sépare deux individus, deux altérités irréconciliables. Mais leurs esprits se seraient bien vite tranquillisés s’ils avaient vu dans la littérature l’ouverture d’un esprit et d’un cœur à un autre. Les mots sont maladroits lorsqu’ils sont parlés. On s’embarrasse de tout cet appareil corporel qui parasite l’essentiel de nos échanges, et c’est souvent la déception qui teinte l’arrière-goût des conversations que nous rêvions faciles, profondes et lumineuses. Mais la parole écrite est maîtrisée par l’art. Elle cultive le mot juste, la traduction exacte d’une personnalité.

            Il est beau de songer, après nos plus ou moins pénibles scolarités, que nous pouvons encore aujourd’hui nous faire une idée du caractère d’un Molière, d’un Corneille, d’un Racine, non pas tant par les éléments de biographie qu’on nous aura fournis à leur sujet que par la couleur de leurs mots, le contour de leurs personnages, le geste de leur plume. Même sans parler d’eux-mêmes, les auteurs disent dans leurs écrits quelque chose de leur âme. Pensons à la fine gaieté de La Fontaine, à cet esprit souple et joyeux qui, se riant des vices et des lourdeurs des hommes, nous rend plus moraux sans froideur et plus lucides sur nous-mêmes. Rien d’emprunté dans les fables, rien de comparable aux sermons bien-pensants de nos pieux journalistes ou à l’humour gras des chroniqueurs sans vergogne. Rencontrer La Fontaine dans ses poèmes est déjà une richesse humaine, car on s’y prend de sympathie pour un type d’homme où prédomine l’intelligence fine, la clairvoyance sans amertume et la joie sans illusion. N’avons-nous pas besoin de redevenir de tels hommes ?

            On fréquentera par ailleurs avec profit des auteurs comme Corneille et Racine, tempéraments forgés par la grandeur de sentiment et la compassion aux états d’âmes du prochain. Les classiques, en général, offrent ce type de caractère équilibré, salubre et fort, qui manque tant à notre siècle de névrosés sentimentaux et médiocres. Il faudra être plus prudent avec certains auteurs romantiques et modernes ; facilement déséquilibrés, ils ne sont pas de bonnes fréquentations si le sens critique n’est déjà solidement ancré. Combien de jeunes n’a-t-on pas vu s’enticher sans discernement d’un auteur torturé et ténébreux à souhait, où ils croyaient percevoir l’essence même du génie ?

            En un mot, les auteurs peuvent être les parents, les frères et sœurs qui manquaient à la personnalité pour atteindre la note juste de l’homme accompli. Il est très beau de voir cette influence qu’un bon livre peut avoir à travers les siècles. Il est beau également de cultiver la littérature comme l’activité désintéressée par excellence, et donc éminemment éducative ; car tout ce qu’il y a de grand, de beau et d’humain ne se fonde que sur un certain détachement, une quête gratuite de perfection. En cela, la littérature est et restera toujours une résistance à la corruption du monde, une proclamation de la spiritualité de l’homme au milieu des marées du matérialisme.

Bastien Précoeur