Réalité virtuelle et réalité du quotidien

Le pilote consulte rapidement ses instruments, tout semble en ordre, après trois heures de vol, il va entamer l’approche finale pour atterrir sur l’aéroport Charles de Gaulle.

Dans quelques instants, il va poser son A330neo sur le tarmac et conduire à bon port ses 250 passagers et sa dizaine de membres d’équipage. Après les échanges réglementaires avec le contrôleur aérien, il obtient les derniers paramètres météo et ses consignes d’approche pour garantir un atterrissage optimal.

Le capitaine annonce ensuite le début de la manœuvre à son personnel de cabine et invite les passagers à attacher leurs ceintures.

Il a répété ces gestes des dizaines et même des centaines de fois, la machine répond parfaitement à ses corrections précises sur le manche. Les trains d’atterrissage se sont déployés correctement, l’avion est aligné sur la piste, les yeux sont rivés sur le tracé géométrique des feux indiquant le début de la piste. L’altitude décroît avec régularité, la tension monte et le pilote redouble de concentration. La piste semble se précipiter vers le cockpit.

Au moment fatidique du premier contact des roues avec l’asphalte, un chat bondit soudain sur les genoux du pilote ! Surpris et déstabilisé, ce dernier donne un coup de manche brusque, entraînant l’avion sur l’aile et le précipitant en dehors de la piste dans un chaos de métal, de terre et d’herbe. Bientôt la carcasse de l’avion est engloutie dans une boule de feu provoquée par le carburant échappé des réservoirs éventrés.

« Minou, tu m’as saboté mon atterrissage, ne me saute pas sur les genoux comme ça, tu as tout fait rater, ça fait trois heures que je suis dessus ! » Le jeune quadra en t-shirt et short de pyjama, tenant encore le manche et la manette des gaz posés sur son bureau invective son animal de compagnie réfugié en haut d’une armoire alors que s’affiche sur son écran d’ordinateur un message laconique : « Votre avion s’est écrasé ! Recommencer le vol ? »

 

La thématique abordée ici est très vaste et nécessite de nombreux travaux bien plus poussés que l’article d’aujourd’hui pour en cerner tous les aspects. Nous y sommes cependant confrontés quotidiennement et vous trouverez peut-être ici quelques pistes de réflexions.

Cet essai ne se veut ni une étude morale, ni une analyse scientifique, mais une mise en garde pour les jeunes et les moins jeunes. Voici une brève plongée dans les arcanes de ce monde virtuel qui se développe tous les jours davantage.

 

Un nouveau monde aux multiples facettes

Le développement de l’informatique et des technologies qui y sont liées ont permis en quelques dizaines d’années de créer un gigantesque « monde » virtuel qui ne cesse de croître. Pour circonscrire un peu le propos d’aujourd’hui, concentrons-nous sur trois facettes de cet univers si vaste : la réalité virtuelle, les plateformes de partage de vidéos et les jeux vidéo.

 

La réalité virtuelle (expression antithétique s’il en est) tout d’abord, est un ensemble de technologies qui permet, grâce notamment à des casques munis d’écran recouvrant les yeux et divers accessoires, de tromper nos sens et d’immerger l’utilisateur dans un monde totalement créé par un ordinateur.

Les résultats du développement de cette technologie sont de plus en plus bluffant et les applications toujours plus variées. Il est ainsi possible de déambuler dans un Paris médiéval reconstitué avec ses bâtiments, sa population et les bruits du quotidien, de voler tel un oiseau au-dessus de somptueux paysages, mais également de piloter un avion dont le cockpit est reproduit au rivet près, ou d’effectuer une opération à cœur ouvert dans un bloc opératoire tout équipé.

La technologie évolue même maintenant vers la réalité augmentée, ajoutant (encore au moyen de lunettes) dans notre champ de vision réel, des éléments virtuels, ici encore avec des applications multiples. Vous souhaitez vous rendre chez votre médecin ? Vous n’avez qu’à suivre les flèches qui apparaissent devant vous sur le trottoir. Une recette à préparer ? La liste des ingrédients s’affiche devant vos yeux alors que vous fouillez dans votre frigo ou votre placard. Un panneau dans une langue étrangère ? Il se traduit instantanément dans votre langue.

 

En ce qui concerne les plateformes de partage de vidéos focalisons-nous sur deux des plus utilisées aujourd’hui : YouTube et TikTok.

Est-il encore besoin de présenter YouTube tellement cette plateforme est omniprésente dans notre quotidien…?

La volonté de ses créateurs était de permettre à tous de partager n’importe quelle vidéo au plus grand nombre. La première vidéo de YouTube est même celle d’un des fondateurs de la plateforme en visite au zoo. Et en effet l’on trouve de tout dans les milliards de vidéos disponibles librement, du tutoriel de montage d’un meuble au match de foot en passant par une vidéo de chatons en train de manger ou à un reportage au ton alarmiste. En bref, il est possible de trouver presque tout sur YouTube, et souvent n’importe quoi. Formidable place publique offrant à n’importe quel quidam plusieurs milliards de spectateurs potentiels !

TikTok quant à elle est, dans son état actuel, une plateforme chinoise qui permet de partager également au plus grand nombre de très courtes vidéos d’une dizaine de secondes, parfois un peu plus, accompagnées de musiques ou d’effets sonores et visuels. Cette application très égocentrique pousse à obtenir un maximum de visionnages de ses vidéos pour le « créateur de contenus ». Et pour ce faire, la meilleure recette est souvent de se conformer aux « tendances » (comprenez modes extrêmement passagères et superficielles), que ce soit de reproduire des mouvements de danses sur un morceau en vogue, de se filmer des dizaines de fois en train de mettre un plat au four pour obtenir la prise parfaite afin de créer un « TikTok » esthétique, ou encore de se filmer dans des destinations paradisiaques pour afficher une « vie parfaite ». Sur TikTok, tout est question de paraître. Peu importe les artifices, l’important est de plaire et de faire réagir.

Pour les jeux vidéo enfin, c’est encore un univers très vaste qui s’ouvre. Divertissements polymorphes et variés, il en existe une multitude aux caractéristiques extrêmement diverses.

Lorsqu’on parle d’un jeu vidéo, il peut tout autant s’agir d’une œuvre qui offrira la profondeur d’un roman historique, couplé à la réalisation d’un grand film et accompagné d’une musique de grands compositeurs, dont le fonctionnement demandera un véritable travail de réflexion, que d’une explosion de couleurs criardes et de sons débilitants dont le fonctionnement simpliste ne demandera qu’une activité cérébrale proche du néant. Au même titre que l’on trouve des livres ou des films de genres et de qualités très inégaux, il en est de même pour les jeux, d’un simulateur de chauffeur poids-lourd à un opus de stratégie médiéval en passant par un jeu de tir ultra-violent ou un jeu d’échec, les différences sont telles qu’il faudrait quelques pages pour en expliquer au moins les genres principaux.

Il est cependant une différence notable à prendre en compte, certains jeux peuvent se jouer seul et n’impliquent que la personne qui l’utilise, d’autres (et aujourd’hui une part très conséquente) se jouent en ligne et ne cessent jamais, le joueur ne fait que le rejoindre en cours. Nous allons voir par la suite en quoi cette nuance est de taille.

 

Une « réalité » souvent trompeuse et chronophage

Les anglo-saxons utilisent pour parler d’un réseau le mot « Web », qui se traduit « toile ». Cela représente bien les multiples ramifications et connexions qui se créent dans cet univers virtuel, mais dans une coïncidence surprenante, cela désigne également un piège particulièrement redoutable. Comme le moucheron dans la toile de l’araignée, il est très facile de s’engluer dans ce réseau à la toile si dense. Et comme les vibrations de l’insecte alertent l’araignée et la font accourir pour le paralyser et le piéger davantage, plus nous sommes actifs sur la toile et plus nous recevrons des sollicitations ciblées pour nous retenir et nous anesthésier dans cet espace déconnecté du réel.

Sans parler des dangers flagrants et directement nuisibles pour l’âme que sont les contenus contraires à la morale et aux lois de Dieu, le plus terrible et pernicieux danger de ce monde virtuel est sa propension à dévorer notre temps. En effet, sa dimension quasi infinie du point de vue de notre esprit humain va nous proposer sans cesse de nouvelles questions et de nouvelles réponses, et des réponses à des questions que nous ne nous sommes pas encore posées, et encore de nouveaux sujets à explorer ou de nouvelles activités à découvrir.

Sur le sujet de la réalité virtuelle, certes certaines applications peuvent faire progresser la médecine ou permettre un complément d’entraînement à des pilotes d’avion ou d’hélicoptère en réduisant les coûts et les risques, mais est-il vraiment nécessaire pour une étudiante en comptabilité de savoir apponter avec un chasseur sur un porte-avion ou à un cadre supérieur de s’entraîner à effectuer l’ablation d’un rein. Tester cette technologie pour découvrir la reconstitution d’une basilique détruite ou profiter d’un spectacle immersif peut être une expérience originale et enrichissante, le risque est ici de se laisser captiver par ces simulations qui isolent totalement du monde extérieur et de s’y réfugier au détriment de la réalité de son devoir d’état quotidien.

L’usage de YouTube nécessite un usage ciblé et maîtrisé. Quoi de plus frustrant et désolant que d’y venir chercher une vidéo explicative pour finaliser rapidement l’installation d’un radiateur et de se surprendre après une heure de papillonage à suivre un reportage sur la culture de la fraise à Plougastel-Daoulas. Désactiver les suggestions de vidéos et la lecture automatique de vidéo vient déjà limiter grandement cette spirale de consommation boulimique et non maîtrisée (encouragée volontairement par le mode de fonctionnement de ce système).

TikTok est à fuir absolument, il est gravement illusoire d’imaginer que se gaver d’une succession de mini-vidéos de 10 à 30 secondes, quand bien même il ne s’agirait que de sujets intéressants et enrichissants (ce qui est à n’en pas douter l’exception sur cette application), peut permettre de retenir quoi que se soit ou de favoriser une pensée construite et équilibrée. Ce phénomène TikTok affole les responsables à tous les niveaux de notre société au vu de son impact sur la jeunesse comme une fabrique à zombies, incapables de fixer leur attention plus de quelques secondes et constamment à la recherche du « Buzz » (comprendre célébrité passagère) et d’un affichage toujours plus désinhibé sur internet.

Les jeux vidéo nécessiteraient un sujet à eux seuls, ce qui est certain c’est que, quel que soit le genre ou le thème abordé, ils ont un pouvoir addictif très important par les stimulations sensorielles et intellectuelles qu’ils offrent. Le meilleur moyen de ne pas s’y laisser prendre est de ne pas en utiliser, car un usage raisonné et raisonnable demande une volonté forte et une discipline de fer dans le temps que l’on y consacre, sous peine de voir ses journées et ses nuits subitement disparaître dans une faille spatio-temporelle, sans aucun espoir de les retrouver un jour. La plupart des jeux récents, surtout lorsqu’ils se jouent en ligne, n’offrent quasiment pas de répit et le joueur n’ayant pas la maîtrise du rythme de jeux ne peut pas mettre fin à sa partie sans laisser l’action se dérouler sans lui. Ce mécanisme encourage à repousser sans cesse la fin de la session de jeux, et d’un divertissement ponctuel, on bascule rapidement dans un esclavage mental qui vient perturber tout le rythme de la vie quotidienne, en faisant sauter un repas, passer une nuit blanche ou manquer à ses obligations familiales ou professionnelles. Le temps perdu ne se rattrape jamais.

 

Après ce survol au pas de charge d’une thématique si vaste, s’il n’y avait qu’une idée à retenir c’est bien la suivante : tout ce monde virtuel, s’il offre quelques applications intéressantes et enrichissantes, est parsemé de pièges particulièrement attractifs qui risquent de causer un énorme gâchis de temps, voire purement et simplement une noyade dans la futilité pour qui s’y aventure sans plan bien établi, ni précautions d’usage.

N’oublions pas que nous devrons rendre des comptes de l’usage de notre temps lorsque celui-ci s’arrêtera.

 

François Lhoyer

 

Le pas de plus…

« Si quelqu’un te requiert pour une course de mille pas, fais-en deux autres mille avec lui1 Notre-Seigneur lance régulièrement un appel à la générosité de ceux qui l’écoutent sans pour autant imposer une action contraire au devoir d’état. Ce dernier, demandé à chacun selon ses fonctions et son rôle dans la société, implique une obligation morale : celle de bien faire ce que Dieu attend de nous dans notre agir quotidien. Qu’il soit chrétien ou non, l’homme ne peut trouver de satisfaction réelle que dans l’accomplissement de son rôle de parent, de travailleur, en bref de ce qui le définit dans la société. Il peut refuser ce rôle et en fuir les responsabilités et les charges, mais de cette fuite ne peut naître la paix de l’âme, malgré tous les subterfuges et distractions qu’il peut s’inventer. Il n’est cependant pas ici question de s’arrêter sur le seul devoir d’état, mais plutôt de considérer la question du « pas de plus », de ce que l’on peut faire en supplément de ce devoir propre à chacun. Quel est-il ? Comment l’accomplir, et est-il nécessaire ? Nous allons tâcher d’apporter ici quelques réponses.

 

La volonté de Dieu

L’homme vient de Dieu à la naissance et retourne à lui au moment de la mort. Entre les deux, il lui faut vivre conformément à la volonté de son créateur. Les pères spirituels distinguent deux aspects de cette volonté directrice de Dieu. Dans le premier, la volonté divine est clairement exposée, sans que nous ayons à nous demander si elle provient de Dieu ou non : c’est la volonté signifiée. Le second aspect est moins évident, moins précis de prime abord, et demande un certain discernement de notre part avant d’agir : c’est la volonté de bon plaisir. Passons d’abord sur la volonté signifiée. Elle nous est exposée, signifiée, de quatre façons : par les commandements de Dieu et de l’Eglise, par les conseils, les inspirations et enfin les règles. « [Elle] nous propose clairement les vérités que Dieu veut que nous croyions, les biens qu’il veut que nous espérions, les peines qu’il veut que nous craignions, ce qu’il veut que nous aimions, les commandements qu’il veut que nous observions et les conseils qu’il veut que nous suivions2

Les commandements de Dieu et de l’Eglise, et les règles3 constituent le devoir d’état de l’homme : état de créature soumise à un ordre divin, et état de membre de sociétés humaines (nation, commune, entreprise, association, etc.). Les conseils, indiqués par Dieu dans les Evangiles, se trouvent résumés dans les vœux religieux de pauvreté, chasteté et obéissance. Adaptés aux laïcs, il s’agit du détachement des biens du monde, qu’ils soient matériels (argent, possessions) ou spirituels (honneurs, science) ; de l’amour de Dieu au-dessus de toute autre chose, même si elle peut être bonne en soi ; de l’humilité voulue et recherchée dans tous les rapports avec le prochain. Enfin, les inspirations sont propres à chacun de nous, en fonction du plan particulier de Dieu sur les âmes : « Saint Antoine [fut inspiré] en entendant l’évangile qu’il lit à la messe, saint Augustin en écoutant la vie de saint Antoine, saint Ignace de Loyola en lisant la vie des saints4.» Leur forme varie extrêmement et ne nous appelle pas forcément à des actions extraordinaires, elles peuvent par exemple n’avoir pour but que de nous porter à mieux prier ou mieux pratiquer la vertu.

Pour ce qui est de la volonté de bon plaisir, celle-ci se lit dans les évènements imprévus de notre vie : maladies, succès, épreuves, etc. Dans certains cas, il peut être difficile de comprendre le dessein de Dieu. Il décide arbitrairement de nous mettre dans une situation souvent inconfortable, et nous laisse agir sans toujours nous indiquer ce qu’il désire. L’âme mesquine peut se révolter et manquer ainsi l’occasion de grandir dans la charité et l’union à Dieu, tandis que l’âme docile cherche patiemment et fidèlement à accomplir la volonté du maître. L’adage « les voies de Dieu sont impénétrables » exprime cette posture soumise de la créature imparfaite que nous sommes envers l’infinie bonté et sagesse de Dieu.

 

Agir face à la volonté de Dieu

La volonté signifiée et la volonté de bon >>>  >>> plaisir obligent l’homme à différents niveaux, et n’impliquent pas les mêmes conséquences.

La volonté signifiée est l’expression claire de ce que Dieu veut de nous. Les commandements et les règles qu’il nous a fixés ne peuvent être transgressés, sans faute parfois grave de notre part. Est-ce à dire qu’il nous suffit de ne pas voler, de ne pas mentir ou de ne pas manquer la messe dominicale pour accomplir la volonté de Dieu ? Certes non, car ce serait oublier les conseils qu’Il nous a donnés. Si leur nom n’indique pas d’obligation à proprement parler, Dieu a voulu en faire un moyen nécessaire pour notre salut : ne chercher qu’à respecter la limite fixée mène immanquablement à la transgression de cette loi. Blessée par le péché originel, la nature humaine penche irrésistiblement vers la chute morale si elle n’est soutenue par la vertu donnée par Dieu. Jésus-Christ nous l’affirme à diverses reprises, à travers la parabole des talents ou lorsqu’il menace les pusillanimes de la damnation : « Je vomirai les tièdes5.» Joseph de Maistre6 ajoute : « Celui qui veut faire tout ce qui est permis fera bientôt ce qui ne l’est pas ; celui qui ne fait que ce qui est justement obligatoire, ne le fera bientôt plus complètement.» Dieu veut donc que l’on s’applique nous seulement à respecter sa loi, mais également à suivre ses conseils, par lesquels l’observance de la loi est plus aisée et agréable.

Dans la volonté de bon plaisir, Dieu nous laisse libres d’agir. Allons-nous supporter patiemment la souffrance et la faire servir à notre salut ou à celui de notre prochain, ou allons-nous récriminer et nous révolter ? Si l’occasion se présente, allons-nous accepter d’œuvrer pour le bien commun ou plutôt préférer notre confort ? « Tout est Providence », dit-on, et Dieu ne cesse en effet de nous envoyer des occasions, principalement sous forme d’épreuves, pour faire un pas de plus dans la vertu. Afin de nous aider à bien réagir, Dom Vital expose trois degrés de générosité dans l’obéissance à la volonté de bon plaisir. Dans le premier degré, « on fuit [les contrariétés et les afflictions] autant que possible ; toutefois on aimerait mieux les souffrir que de commettre aucun péché pour les éviter ». On les supporte comme une sorte de fatalité. Dans le deuxième degré, « on les accepte et on les souffre volontiers, parce qu’on sait [qu’elles] sont dans l’ordre des desseins de Dieu ». L’âme est heureuse de ces occasions de prouver à Dieu son amour. Dans le troisième degré, « on va au-devant des peines, on se réjouit de leur arrivée », parce que l’on est heureux de cette marque d’amour que Dieu nous porte. Dieu affectionne tout particulièrement les âmes qui réagissent ainsi à ces « tests de charité », et sait les récompenser par d’innombrables grâces pour elles ou leur prochain. Il est impossible de compter tous les miracles de conversions ou de bienfaits causés par l’acceptation généreuse d’une épreuve, il faudra attendre le jugement général pour s’apercevoir à quel point Dieu apprécie ces petits témoignages de notre amour pour Lui.

 

« Le pas de plus » est rarement un geste grandiose ou éclatant. Aux yeux des hommes, il peut même passer inaperçu, mais aux yeux de Dieu, il revêt un éclat à nul autre pareil. Ce pas n’est pas fait pour l’homme, mais pour Dieu. Il est un fiat répété quotidiennement face à la volonté de Dieu. Rien ne nous arrive sans qu’il ne le permette et le veuille, et tout ce qui nous arrive est occasion à grandir dans son amour. La seule limite est celle que nous-mêmes nous mettons, car « la seule limite d’aimer Dieu est de l’aimer sans limite7

RJ

1 Mat.V, 41.

2 Dom Vital Lehodey, Le Saint Abandon

3 Règles de vie des religieux, et obligations professionnelles

4 Ibid. note 3

5 Apoc. : 3, 15

6 (1753-1821) un des philosophes de la Contre-révolution

7 Saint Augustin

 

 

Devoir et Joie

Trop d’entre nous dissocient le devoir de la grande joie qu’il renferme, ils n’en saisissent ou n’en présentent plus que l’impératif, l’absolu, l’obligation toute sèche et par là même rébarbative. Beaucoup gémissent ou geignent de la vie, parce qu’ils n’y voient que des difficultés et des peines. Souvent petites mais considérablement grossies par l’attention qu’ils y apportent quand ce ne sont pas des peines et des difficultés imaginées par eux comme par plaisir. Cette attention donnée aux seules peines ne permet pas de goûter les joies que la Providence répand sur chacun de nous. En premier lieu, cette joie foncière qu’est la vie même, le plus grand et le premier de tous les bienfaits. Et ensuite ces petites joies qui, – comme le dit si bien une chansonnette de mon enfance -, sont de tous les jours. Joies en nous dans nos familles, en nos foyers, chez tous ceux qui nous sont chers et joie par l’éducation, l’entraînement à la joie. Car elle s’acquiert et se perfectionne, elle est quelque chose d’intime, de lumineux, d’éclairé, d’éclairant. Par là même, elle est une grande force d’amour, de bonheur et de rayonnement. Une force qui chante en nous, accroît notre activité, nous donne une mystérieuse beauté et nous conduit à l’infini que nos pauvres cœurs appellent toujours.

Cécile Jéglot

 

Vive le pain ! Bien le consommer, bien le conserver.

 

Un petit conseil en préambule, évitez de consommer du pain lorsqu’il est encore chaud. Le pain chaud est délicieux, mais la fermentation du levain dans le pain se poursuit dans l’estomac et gêne la digestion.

Les pains qui se conservent le mieux sont les « gros pains ». Pour résister au temps, la meilleure des conservations reste la boîte à pain.

A défaut, placez le pain dans un torchon, ou dans un sac en tissu (coton ou lin), ce qui permettra de réguler l’humidité pour éviter la condensation de l’air et l’humidification du pain. Vous pouvez aussi utiliser un sac en papier qui rendra le pain plus croquant.

Pas de pain au réfrigérateur, c’est un milieu beaucoup trop humide. En revanche, la congélation est tout à fait possible en protégeant l’habitacle des miettes (sac en papier). Et pour la décongélation : un tour dans le four (15 minutes suffisent, four entre 150 et 180°C).

On ne jette jamais du pain rassis ! On l’utilise en tant que croûtons (pour la soupe), pain grillé, en chapelure ou en base pour les gratins de viande et/ou de légumes. Ou pour des pommes au four (tartines de pain rassis beurrées avec pommes évidées et sucrées posées sur le pain, 30 minutes de cuisson à 180°C : un vrai régal !).

 

N’hésitez surtout pas à partager vos astuces en écrivant au journal !

 

Le discernement

Faire son devoir d’état, la chose la plus banale mais la plus utile, la plus évidente mais la plus méritante, la plus simple mais la plus difficile, la plus facile à dire mais la plus dure à faire. Pour faire son devoir d’état, encore faut-il le connaître et là est la première et parfois la principale difficulté.

Identifier, choisir, discerner, telle est la première phase indispensable à la réalisation de notre devoir d’état. A tout instant de la journée, une multitude de choix, de possibilités s’offrent à moi et face à cela, je dois identifier laquelle est mon devoir. De la même façon, de grandes décisions ponctuent mon année et quelques très grandes décisions ponctuent ma vie. Et je n’ai le choix que de choisir et pour bien choisir, je dois discerner.

 

Qu’est-ce que discerner ?

Discerner, c’est distinguer, séparer, classer, évaluer le rapport entre les choses, entre l’accessoire et l’essentiel pour choisir la meilleure option qui s’offre à moi. Discerner, c’est, selon François Bert : « l’art de donner aux choses la portée qu’elles méritent ». Que cet art est utile de nos jours où nous sommes sur-sollicités par toutes sortes de distractions, d’informations, de communications, de sensations sur la base desquelles nous devons régler notre devoir et parfois celui de ceux dont on a la charge.

 

Alors comment parvenir à discerner ? Dans son livre Le discernement à l’usage de ceux qui croient qu’être intelligent suffit pour décider, François Bert nous donne quelques clefs :

Discerner ne peut se faire que dans le calme et même dans le silence. Le silence permet à l’intelligence d’écouter, d’observer et de capter les informations que lui livrent les sens et de prendre le temps de les classer et de les analyser. Ce silence intérieur, cette disposition d’esprit à l’observation et à l’écoute sont indispensables au discernement qui est de « l’écoute accumulée jusqu’à l’évidence ».

Une fois que je suis dans les dispositions d’analyse, sur quoi va porter mon analyse ? Sur mes plans théoriques, sur ce que me renvoie mon imagination ? Non, elle devra porter sur le contexte, sur l’ensemble des circonstances et des intentions qui accompagnent les faits. Cela seul est la matière de mon discernement, et sur cette base seulement, je serai capable de donner aux choses la portée qu’elles méritent et ainsi, de décider, de choisir en fonction. D’éviter l’écueil des fantasmes ou du raisonnement abstrait pour baser mon analyse sur l’observation du réel.

 

Cela peut et même doit parfois prendre du temps, pour arriver jusqu’à l’évidence. En particulier dans les situations complexes. Mais avec un peu d’habitude, pour la plupart des situations quotidiennes, cela deviendra un réflexe et permettra de discerner rapidement où est mon devoir d’état. Reste encore à accomplir ce devoir, mais cela est maintenant du ressort de la volonté qui peut s’entraîner elle aussi.

Et n’oublions jamais d’invoquer le Saint-Esprit qui, au point de vue surnaturel, sera d’une grande aide pour éclairer notre intelligence et atteindre cette évidence qui nous procurera la tranquillité de l’âme.

Antoine