La magnanimité

S’il est une vertu qui ne se rencontre plus beaucoup actuellement, c’est bien la magnanimité, c’est-à-dire l’âme grande.

 Elle évoque souvent l’attitude élevée des rois, mais nous est également nécessaire, afin de lutter contre la médiocrité de notre époque.

Aussi je voudrais, à l’image du Divin Maitre, et des siens, la contempler avec toi, afin qu’elle grandisse en nous.

La magnanimité, c’est la grandeur d’âme. Ame qui s’élève, sans orgueil, dans les petites choses du quotidien, pour les faire le mieux possible.

Sans rechigner, sans se plaindre, sans ménager sa peine, car le regard voit plus loin et plus haut que la triste besogne, agissant par amour de Dieu, atteignant ainsi un peu d’éternité.

C’est le sens de l’honneur qui nous pousse à tenir parole, à accomplir ce que l’on s’est promis ou que l’on a promis.

Si le découragement ou la fatigue nous assaille, la magnanimité nous aide à reprendre avec courage car fille de la vertu de force, elle entraîne à la persévérance.

C’est saint Joseph dans l’épreuve de la fuite en Egypte, partant sans murmure et supportant les adversités du voyage et de l’exil sans se plaindre.

La magnanimité, c’est la patience du Seigneur face au manque de compréhension de ses disciples et à leur vue trop terrestre.

Ce fut ne pas s’irriter et pardonner aux foules qu’Il avait enseignées, secourues, guéries, de Lui témoigner si peu de reconnaissance lors de sa Passion.

C’est savoir saluer avec le sourire celui qui nous a offensé, sans arrière-pensée, lui tendre la main pour repartir ensemble.

C’est pardonner vraiment, durablement sans avoir plus tard une parole blessante, ou entretenir des rancœurs familiales ou relationnelles.

C’est l’habitude de toujours rendre le bien pour le mal, ne pas avoir l’esprit de clan et ne mépriser personne.

Clémence des grandes âmes, souvent chez nos rois chrétiens, qui était l’honneur de la chevalerie et de ceux qui ont l’esprit.

C’est Notre-Dame au pied de la croix, priant pour l’humanité sans une plainte et relevant saint Pierre après sa chute.

La magnanimité, c’est l’humilité de ne pas se mettre en avant, ne pas se froisser d’être négligé, se taire sur nos peines, quand ce n’est pas utile d’en parler, c’est l’oubli de nous-mêmes face à une autre détresse.

C’est aussi humblement et simplement reconnaître ses torts, sans se trouver de mauvaises explications, et savoir se retirer si l’on n’est plus digne.

C’est celui qui, sachant qu’il n’est pas meilleur que les autres, ne s’étonne pas de ses faiblesses mais poursuit sa route paisiblement

C’est l’amour de la vérité sans faux-fuyants, le sens de l’honneur et de la loyauté.

La magnanimité, c’est la générosité de celui qui ne regarde pas au don, qu’il soit physique, moral ou financier, et ne le fait pas savoir.

C’est celui qui sait se sacrifier pour les autres, voir leur intérêt avant le sien et sortir de son confort. C’est celui qui accepte de tout perdre ou de voir échouer son projet, s’en remettant à Dieu, malgré la douleur et la déception.

C’est celui qui va rester constant, calme dans la tempête voyant plus haut, il rassure ainsi et entraîne au bien, au dépassement de soi.

La magnanimité, comme la charité, dont elle participe, ne pêche jamais par excès. Elle nous permet de laisser le monde un peu meilleur après nous, en lui donnant un sens divin.

 

          Jeanne de Thuringe

 

Sans la grâce, les talents ne sont rien !

 

 Les meilleurs dons de la nature, non seulement ne suffisent point, sans la grâce, à mener l’homme à sa fin dernière, à cette fin divine et unique, au-dessous de laquelle il n’y a d’avenir pour lui que l’enfer ; mais ces dons sont encore impuissants à sauver l’homme en ce bas monde : je veux dire à préserver notre esprit des erreurs les plus déplorables, non plus que notre cœur des plus honteux dérèglements. En réalité, sans le secours surnaturel de Dieu et l’action de sa grâce, ces dons se corrompent toujours plus ou moins et n’empêchent l’homme ni de se tromper, ni de se dégrader, ni de se perdre.

Quelle mère chrétienne, ne souhaiterait à ses enfants un cœur et un esprit semblables à ceux de saint Augustin ? Qui de vous, si elle reconnaissait des dons si rares en quelqu’un de ses fils, n’en ressentirait point une vive joie et ne rendrait point à Dieu d’immenses actions de grâce ? Vous auriez bien raison : ces dons naturels ont réellement un grand prix ! N’est-ce point assez qu’ils viennent de Dieu ? Outre que tous sont là pour conduire à lui, ils sont excellents en eux-mêmes. Toutefois, l’Eglise l’enseigne : si, pour favorisée que la nature puisse être, Dieu n’y ajoutait point un surcroît de grâce : grâce sanctifiante et grâce actuelle, nul de nous n’atteindrait le terme de sa route et risquant d’y tomber à chaque pas, nous y ferions inévitablement des chutes et souvent des chutes graves.

La nature ne nous suffit point sans la grâce car non seulement elle est impuissante à conduire l’âme en paradis mais elle ne peut même pas, toute seule, maintenir l’homme à son premier niveau, retenir son esprit dans l’ordre de vérité et son cœur dans la mesure d’honnêteté et de vertu.

La grâce, Ô Mère chrétienne, la grâce du Christ, estimez-la, demandez-la, faites-la valoir !

Estimez-la : rien ne la vaut. Elle est le trésor caché dans le champ évangélique, elle est la perle précieuse entre toutes. La grâce, c’est comme le cœur de Dieu écoulé sur la terre. C’est la force de son regard et >>> >>> l’attrait de sa voix. C’est un signe propice de sa main et un doux sourire de ses lèvres. C’est le don même de l’Esprit-Saint et son intronisation dans les âmes. C’est la vertu du sang répandu de Jésus et le prix de tout son sacrifice. C’est la moisson de sa vie, le salaire de ses sueurs, l’héritage que nous vaut sa mort. C’est la clé d’or du paradis ; c’est le mariage du ciel avec la terre. C’est la résurrection du monde et l’avènement du règne de Dieu ici-bas. C’est une lumière qui ne trompe point, un appui qui ne trahit personne, une source intarissable où toute soif légitime a de quoi s’épancher. C’est une sagesse, une science, une stratégie, un triomphe. C’est une arme qui peut tomber quand nos mains ne la tiennent plus, mais qui jamais ne se brise et rend invincible quiconque la garde et la manie. C’est la céleste aurore de nos intelligences, le soulèvement et la dilatation de nos cœurs, la guérison de tous nos maux, le remède toujours prêt contre toutes nos défaillances, un baume à fermer toutes blessures, une onction à laquelle ni amertume, ni chagrin ne résistent. C’est la rupture des liens qui nous oppriment et nous entravent, c’est notre vraie liberté intérieure ; ce sont des ailes ajoutées à nos pieds et des yeux divins ouverts au centre de notre cœur. C’est une justice, une beauté, une convenance, une harmonie qui font qu’en tous ceux qu’elle décore Dieu se mire et s’admire. C’est notre communion à Dieu, notre part de sa joie et de sa gloire ; c’est notre béatitude dans son germe et dans sa substance.

N’estimez rien tant que la grâce, et puisqu’elle s’offre, recevez-la, puisqu’elle se promet elle-même à vos prières, demandez-la. Ne demandez-vous pas votre pain ? Le désir traduit le besoin ; en toute âme éclairée et humble, la prière traduit le désir. Demandez-la donc souvent et instamment à plein cœur et à mains jointes. « La confiance, tout obtient » répétait sainte Thérèse. Demandez la grâce et quand vous l’aurez reçue, faites-la valoir et fructifier. Car sans la grâce, ni les arts ont définitivement de valeur, ni les richesses, ni la beauté, ni le courage, ni la vigueur, ni le génie, ni l’éloquence. Ces dons naturels, en effet, sont communs aux bons et aux méchants ; tandis que le don propre de vos élus, c’est la grâce et l’amour qui parce qu’ils en sont ornés les rendent dignes de la vie éternelle…

 

O bienheureuse grâce, qui rendez riche en vertu celui qui était pauvre d’esprit et qui donne l’humilité du cœur à celui qui possède déjà d’autres biens, viens, descends jusqu’à moi ; remplis-moi chaque matin de consolation, de peur qu’avant le soir mon âme ne tombe de défaillance, accablée qu’elle est si souvent par le poids de toute chose et par sa propre sécheresse.

Seigneur, je vous en conjure, que je trouve grâce devant vos yeux car quand bien même je n’aurai rien de ce que peut désirer ma nature, si j’ai votre grâce, je possède tout… Qu’elle me prévienne, qu’elle m’accompagne, qu’elle me suive, de telle sorte que je sois uniquement et constamment appliqué à bien faire par Jésus-Christ votre Fils. 

Conférence aux mères chrétiennes  – Monseigneur Charles Gay

 

Faire fructifier ses talents pour les autres et en vue du Ciel !

Quand on parle à des personnes âgées, ou même seulement à des personnes qui ont dépassé la cinquantaine, il est frappant de voir la différence entre celles qui se sont « laissé vivre », ont profité de l’existence en touriste et se sont aménagé une petite vie tranquille, où la préoccupation de leur propre personne tient beaucoup de place ; et celles dont la vie fourmille encore de mille curiosités, d’atomes crochus toujours renouvelés, qui les font se porter vers les autres et les aider, toujours en quête de petits services à rendre à droite et à gauche, toujours avec un ouvrage ou un bricolage en cours, toujours d’une activité d’abeille infatigable. Elles ont réussi à vaincre l’attrait des nouvelles technologies qui, à force d’envahir la vie quotidienne, freinent et même empêchent toute réalisation concrète, toute culture, tout progrès spirituel. Certaines ont cultivé leurs talents intellectuels, d’autres leurs aptitudes pratiques, toutes ont lutté contre la paresse et l’acédie, ce dégoût décourageant de l’existence qui devient un mal spirituel tout autant que psychologique ; la plupart ont compris qu’il ne fallait pas se préoccuper uniquement de leur bien-être personnel parce que ce temps leur était donné pour un bien supérieur. L’époque de l’activité intensive (travail professionnel ou occupations familiales) est passée, elles ont décidé de se consacrer davantage aux autres ; en pensant à l’au-delà qui approche, elles pensent à leur âme.

Nous n’avons qu’une vie, qu’une jeunesse, qu’un âge mûr, qu’une vieillesse, qu’une âme !

 

L’heure de Dieu sur le Nouveau Monde

La légende noire de la chrétienté regorge de mythes et d’histoires toutes plus horribles les unes que les autres, adaptées aux goûts du jour quand elles ne sont pas forgées de toutes pièces, dans le seul but de discréditer l’Eglise et de corrompre son image aux yeux des peuples modernes, crédules et ignorants. Dans ce cortège de mensonges, les Grandes Découvertes1 ont une place de choix. Les nations chrétiennes, et principalement la très catholique Espagne, y sont dépeintes comme assoiffées de richesses, dépourvues de tout sens moral et prêtes à tous les massacres pour arracher la plus petite once d’or aux populations indigènes. Dans le sillage des Conquistadors, les missionnaires dominicains et jésuites ne sont que de vulgaires sbires du Pape, envoyés pour assujettir les pauvres Indiens et les soumettre aux vice-rois et gouverneurs venus d’outre-atlantique. La vérité est bien différente, comme l’expose Jean Dumont dans son ouvrage L’Heure de Dieu sur le Nouveau Monde2. Il ne s’attache pas à contrebalancer une « légende noire » par une « légende rose », mais bien plutôt à remettre les faits dans leur contexte, à corriger les mensonges et demi-vérités communément admis, et surtout à nous faire découvrir le visage de ceux qui ont eu la charge de civiliser les terres du Nouveau Monde, et d’y répandre la Parole de Dieu.

La découverte

Lorsque Christophe Colomb atteint ce qu’il croit être l’Inde, en 1492, il ne s’agit en fait que des Antilles, archipel s’étendant entre l’Amérique du Nord et l’Amérique du Sud. Ce sera sept ans plus tard, en 1499, que l’Italien Amerigo Vespucci, lui aussi au service de l’Espagne, découvrira le Brésil, et comprendra qu’il s’agit d’un nouveau continent. Les premières volontés claires d’évangélisation sont exprimées dès le mois de mai 1493 dans l’Instruction envoyée par le roi Ferdinand et la reine Isabelle à Colomb, devançant la volonté du pape3 qui sera exprimée en juin de la même année par la bulle Piis fidelium. Les désirs des autorités politiques et religieuses sont louables, mais vont se heurter dans leur exercice à plusieurs obstacles.

Le premier provient de la mauvaise disposition de certains Européens, dont Christophe Colomb. Nommé gouverneur des Antilles, il réduit en esclavage les indigènes pour les faire travailler à son profit dans le comptoir commercial qu’il a créé. Il semble peu se soucier de leur évangélisation, n’ayant avec lui que trois ou quatre missionnaires : en 1500, huit ans après la découverte, on ne compte que deux mille baptêmes sur près d’un million d’Indiens. Il sera arrêté la même année, sur ordre d’un enquêteur mandaté par le roi et la reine.

Le second obstacle réside dans les Indiens eux-mêmes. Libérés de l’esclavage par ordonnance d’Isabelle la Catholique4, ils sont regroupés dans des communautés dirigées par des « hommes de bien », chargés de les protéger, d’améliorer leurs conditions de vie et de favoriser l’évangélisation : ces regroupements sont appelés les « Encomiendas ». Dans un souci de les faire parvenir le plus vite possible à l’autonomie, une première communauté libre exclusivement indienne est créée en 1503 afin de servir de test. D’autres suivent entre 1518 et 1520. Tous les membres sont sélectionnés parmi les sujets jugés les mieux préparés, mais dans chaque cas l’échec est sans appel. Des notes d’alors soulignent que les Indiens « ne travaillent pas assez pour se substanter », « oublient le christianisme qui leur a été enseigné », et retournent à leurs mœurs païennes d’avant la découverte5. En un mot, « ils ne donnent pas lieu au moindre espoir dans la civilisation6 », et ce même après plusieurs années d’essai. Ces communautés libres doivent donc être abandonnées pour revenir au régime de l’encomienda, qui durera jusqu’en 1748.

Le dernier obstacle majeur réside dans l’instabilité politique qui va suivre la mort d’Isabelle la Catholique, en 1504. Il faudra attendre vingt ans pour que, une fois l’ordre rétabli par Charles Quint, soit institué le Conseil des Indes. L’effort de civilisation et d’évangélisation des terres espagnoles d’Amérique va alors vraiment débuter, soutenu en Espagne par le Roi et mené en Amérique par des hommes d’un dévouement extrême, tel le premier archevêque de Lima, Jérôme de Loaisa.

L’essor de la civilisation

Le développement matériel des peuples d’Amérique7 va de pair avec le développement moral et spirituel, pour dépasser leurs limites énoncées plus haut. Des hommes comme les vice-rois, les gouverneurs, les titulaires d’encomienda, et bien évidemment les missionnaires et hauts responsables du clergé, vont être les bâtisseurs de ce Nouveau Monde. Il est sûr que certains d’eux ont démérité, mais les rapports et les enquêtes montrent que la majorité s’est consciencieusement livrée à sa belle et noble tâche. Jérôme de Loaisa se démarque parmi ces bâtisseurs de nations, par le zèle et le très grand amour des Indiens dont il a fait preuve. Né en 1498, il est nommé en 1537 pour être le premier évêque de Carthagène, capitale des Caraïbes espagnoles. Il y commence son apostolat amérindien pour être désigné comme archevêque de Lima en 1541. Son archevêché est immense, le plus vaste de la chrétienté : avec les diocèses qui lui sont rattachés, il s’étend du Nicaragua (Amérique centrale) jusqu’à la Terre de Feu (extrémité sud de l’Argentine), pour englober plus de la moitié du continent sud-américain. Le terrain de mission est colossal, mais rien n’arrête le nouvel archevêque.

La tâche de missionnaire est bien souvent triple : le religieux se fait tour à tour bâtisseur, prêcheur et politique, confronté à un climat auquel il n’est pas habitué, à une culture nouvelle et bien souvent barbare, à des carences matérielles omniprésentes. Mais il n’est rien que l’amour des âmes et de la Croix ne rende possible, soutenu par la grâce de Dieu. De tout cela, Jérôme n’en manquera pas. Ce que lui doit l’Amérique est impressionnant. « Protecteur général des Indiens du Pérou8 », il défend contre Las Casas9 les encomiendas, base de la civilisation et de l’évangélisation. Ces communautés d’Indiens, régies par un Espagnol « homme de bien », permettent d’améliorer les conditions de vie des populations, de les protéger et de les convertir. Il punit ceux des Conquistadors qui abusent de leur pouvoir et exploitent les Indiens, et fait restituer aux Indiens les biens et trésors injustement saisis. Ses tournées pastorales lui font visiter chaque village, presque chaque maison où se trouvent des Indiens convertis ; son plus long voyage apostolique l’emmène jusqu’au Panama à trois mille kilomètres de Lima ! Le premier et le second conciles de Lima, qu’il convoque en 1552 et 1567, fixent les règles de l’évangélisation et la formation d’une Eglise autochtone : obligation est faite aux prêtres d’apprendre les langues locales, pour prêcher, administrer les sacrements et catéchiser.

Il fait construire à ses frais écoles et hôpitaux, s’endettant même lorsque ses revenus ou l’argent donnés par le Roi ne suffisent pas. Il érige ainsi l’hôpital Santa Anna, réservé aux Indiens, et pour lequel il réunit plus de quarante mille pesos d’or. Il le confie aux Jésuites, et y fait soigner chrétiens et païens. En moins d’un siècle, près de cinquante mille Indiens y reçoivent les derniers sacrements. Jérôme lui-même y mourra en 1575, parmi les Indiens qu’il a tant aimés, couché sur le « dernier lit », après avoir passé ses dix dernières années à servir les malades. L’hôpital Santa Anna subsiste encore aujourd’hui, près de cinq siècles après sa fondation, même s’il a changé de place puis de nom : on l’appelle aujourd’hui « Hôpital archevêque de Loaisa ».

  Il faudrait, pour rendre à la Découverte espagnole les honneurs qui lui sont dus, s’attarder sur d’autres figures emblématiques telles que le vice-roi Toledo ou encore saint Turibe, successeur de Jérôme de Loaisa. Chacune d’elles suffit pour mettre à bas les accusations injustes portées sur l’action des Espagnols et de l’Eglise au Nouveau Monde, mais il y aurait tellement à en dire que ces quelques lignes ne pourraient suffire10. Quoi qu’il en soit, l’Espagne peut être fière de ce temps où elle a porté à bout de bras la lumière de la Foi et de la civilisation sur ces terres d’Amérique, les arrachant au démon et donnant à l’Eglise l’un de ses plus beaux joyaux : un continent où les conversions se compteront par centaines de milliers et où Dieu et sa Mère seront, pendant près de cinq siècles, honorés et servis.

 

RJ

 

1 Terme désignant la découverte et la conquête des Amériques, entre la fin des XVème et XVIème siècles.

2 Ed. FLEURUS

3 Alexandre VI

4 Ordonnance de 1499 punissant de mort tout esclavagiste et complice d’esclavagiste

5 Orgies rituelles, sacrifices humains, réduction de têtes d’enfants, drogueries …

6 J. DUMONT, L’Heure de Dieu sur le Nouveau Monde, p.13

7 Nous utiliserons ce raccourci pour désigner les terres d’Amérique du Sud sous tutelle espagnole.

8 Titre donné par Charles Quint

9 Bartlomeo de las Casas (1484-1566) est connu pour ses attaques contre les colons espagnols et le régime pourtant si bénéfique des encomiendas

 10 Nous recommandons vivement la lecture de l’ouvrage de Jean DUMONT pour découvrir ou approfondir ce sujet passionnant.

 

Comme le Christ a aimé l’Eglise

Le mariage est le sacrement qui tend à rendre un amour humain parfait comme celui du Christ et de l’Église. À travers cette image, nous observons que dans l’amour des époux, Dieu a non seulement donné deux rôles différents et complémentaires à l’homme et à la femme ; mais Il offre aussi un rôle commun aux deux époux dans leur collaboration à l’édification du temple de l’Église composé de nouvelles âmes baptisées, reçues de Dieu par leur naissance au foyer, pour les lui consacrer.

Quand l’amour de l’époux doit avoir la caractéristique d’être chef (comme le Christ est chef de l’Église), d’aimer et sanctifier (comme le Christ a aimé l’Église et s’est livré pour elle, afin de la sanctifier en la purifiant), et de nourrir l’âme de sa femme (« Nul n’a jamais haï sa propre chair ; il la nourrit au contraire et il en prend soin. » Saint Paul) ; l’idéal de l’amour de l’épouse prend modèle sur l’Église à travers l’exemple de NotreDame, son modèle le plus parfait. Or la Vierge Marie a été à la fois Mère de Jésus, sa collaboratrice et sa créature (c’est-à-dire celle qui a tout reçu, tout appris de Lui.)

L’exemple du Christ rappelle au mari qu’être le chef, c’est se dévouer pour le salut de son épouse (et celui de sa famille), par exemple en la soutenant dans l’effort qu’elle fait pour devenir meilleure, en l’encourageant et l’épaulant dans son rôle d’épouse et de mère. L’amour des époux catholiques est un don total, qui n’est pas une alliance purement humaine, mais « un contrat où Dieu a sa place, la seule qui lui convienne, c’est-à-dire la première* ». Dans une volonté de sanctification mutuelle et de collaboration avec Dieu lui-même à la continuation de son œuvre « créatrice, conservatrice et rédemptrice ». Ainsi le Christ voulut-il que l’Église, sa mystique épouse, « fût sans tache, sans ride, mais sainte et immaculée » (Saint Paul, Eph.). Est sans tache devant Dieu « quiconque accomplit, avec fidélité et sans faiblesse, les obligations de son état* ». Dieu n’appelle pas tous ses enfants à l’état de perfection, mais Il invite chacun d’eux à la perfection de son état.

 Telle est l’union des époux chrétiens, et celle du Christ et de son Église, selon la célèbre expression de saint Paul. « Dans l’une comme  >>> >>> dans l’autre, le don de soi est total, exclusif, irrévocable ; dans l’une et dans l’autre, l’époux est le chef de l’épouse, qui lui est soumise comme au Seigneur ; dans l’une et dans l’autre, le don mutuel devient principe d’expansion et source de vie*. »

En s’incarnant, le Fils de Dieu, sauveur du genre humain, éleva le lien conjugal de l’homme et de la femme à la dignité de sacrement. La mission des époux chrétiens dans l’Église n’est pas seulement d’engendrer des enfants pour les offrir, pierres vivantes, au travail des prêtres, ministres plus élevés de Dieu. Les grâces, si abondantes, que le mariage a communiquées aux époux par le sacrement de mariage, leur ont été données également pour se sanctifier, s’éclairer et se fortifier mutuellement dans leur ministère corporel et spirituel, pour mener toute leur famille au bonheur du ciel voulu par Dieu.

Notre mariage est un travail quotidien d’abnégation, de dépouillement de nous-mêmes pour l’amour de l’autre, pour son bien supérieur. Le considérons-nous avec les yeux de Dieu, ou ceux du monde ? Ce qu’une épouse fait à son mari, elle le fait au Christ lui-même. L’amour de l’époux pour sa femme doit être celui du Christ pour son Église. Comme dit si bien l’abbé Ludger Grün (Le vin de Cana) « l’amour dans le mariage devient le thermomètre de l’amour pour Dieu ».

N’oublions pas que les grâces de notre mariage nous aident à nous rapprocher du Christ-Église. La branche doit s’accorder à l’arbre. Plus nous sommes fidèles aux grâces, plus la vie du Christ et de l’Église apparaît dans la vie des époux. Le Christ attend de sa vigne les fruits correspondants. Alors ne laissons pas perdre, ne gaspillons pas les fruits de la grâce de notre mariage.

Sophie de Lédinghen

 

* Pie XII, Allocution aux jeunes époux (8 nov. 1939)