La famille, école de chrétienté

Chers grands-parents,

Il n’est pas de journée sans que nos journaux ne traitent des « scandales », vrais ou supposés qui frappent notre Eglise. Or nous le savons, seul le Christ est la voie du salut et c’est à Pierre qu’il a confié les clés du royaume. «  Ce que tu lieras sur la terre sera lié dans le ciel et ce que tu délieras sur la terre sera délié dans le ciel ». Les pères de l’Eglise et les conciles[1] ont défini quelles étaient les conditions de cette autorité. Nous sommes catholiques et romains et nous devons transmettre cette certitude à notre famille ! Dans la crise étonnante que nous traversons, comment transmettre notre amour de l’Eglise à nos enfants et petits-enfants ?

Nous avons retenu trois pistes principales permettant de maintenir cet amour.

  • Enraciner la foi de nos enfants dans une profonde culture catholique,
  • Expliquer clairement ce qu’est l’Eglise
  • Donner l’exemple.

Enraciner la foi.

Les catéchistes, prêtres ou laïcs sont toujours impressionnés par l’absence de culture catholique qui sévit dans nos familles. En dehors de quelques lectures de vies de saints et d’une connaissance superficielle du catéchisme, nos enfants savent peu ! Parfois très peu !

Mes propres enfants ont eu la chance d’avoir une grand-mère qui leur lisait la bible dans des ouvrages adaptés [2] tentant – car ça n’est pas toujours facile – de leur expliquer comment notre religion s’enracinait dans les prophètes qui ont annoncé la naissance du Christ et ainsi prouvé son origine divine. Certes nous sommes du nouveau testament mais le Christ n’est pas soudain apparu sans aucune annonce préalable !

En plus de ces récits de la bible, il faut encourager chez nos enfants et petits-enfants l’apprentissage du catéchisme. Pour être catholique, il est nécessaire de savoir ce à quoi on croit de manière certaine ! C’est ce qui donnera à nos petits des « réflexes » chrétiens. Dans bien des familles, l’efficacité des sacrements est méconnue, de même que les conditions nécessaires pour les recevoir [3] !

Il est vrai que la pratique de notre sainte religion consiste d’abord à bénéficier des mérites acquis par Notre Seigneur sur la Croix mais il est aussi vrai que l’acquisition de ces mérites nécessite l’acceptation de certaines règles. Il ne suffit pas d’être de bonne volonté – je devrais dire velléité –  pour être sauvé. Il faut travailler à son salut.

Expliquer ce qu’est l’Eglise.

« L’Église catholique est la société ou la réunion de tous les baptisés qui, vivant sur la terre, professent la même foi et la même loi de Jésus-Christ, participent aux mêmes sacrements et obéissent aux pasteurs légitimes, principalement au Pontife Romain [4]. » Nos petits-enfants savent-ils cela ? Même foi et même loi, fidélité à Rome. Tout ce qui n’est pas dans cette définition n’est pas catholique et ne suit pas le Christ !

Que nos familles soient des lieux de fidélité à l’Eglise [5], c’est-à-dire à sa foi, sa loi et au pontife romain.

Cela n’empêche pas d’expliquer à nos enfants que tout prêtre n’est pas forcément un saint et que l’autorité, même romaine, doit obéir elle-même à la loi de Dieu et à la foi en conformité avec la Tradition.

Donner l’exemple.

Nous sommes tous – j’espère –  des passionnés. Peut-être avons-nous tendance à juger vite et à parler trop. S’il est un domaine dans lequel nous devons méditer avant de parler, c’est bien celui de l’Eglise et des hommes d’Eglise. Il me paraît important d’éviter certains sujets causes de scandale devant les enfants.

Nos prêtres, en plus d’être « « d’autres Christs » célébrant la messe, sont nos prédicateurs habituels. Ce sont eux qui nous transmettent la foi et, même s’ils ne sont pas infaillibles, nous devons toujours les traiter avec respect, les honorer et les recevoir. Hors cas de nécessité, il devrait être interdit de critiquer le sermon du dimanche ! S’il nous paraît maladroit, peut-être a-t-il convaincu d’autres cheminant différemment.

Donnons l’exemple, assistons pieusement à la messe et soyons sourds aux motifs d’agacement. Aimons raconter des histoires qui valorisent nos autorités religieuses ! Aimons montrer que nous avons du respect et de l’amitié pour nos prêtres ! Prions tous les jours en famille pour le Pape et l’Eglise !

Daigne Sainte Anne nous donner la foi, l’intelligence et la finesse pour transmettre à nos petits notre amour de l’Eglise.

Des grands-parents

[1] En particulier le concile Vatican I.

2 Nous recommandons la Bible d’une Grand-mère de la Comtesse de Ségur

3 C’est ainsi que la communion du dimanche est généralisée – ce qui est bon – alors que les confessionnaux sont vides. Aurions-nous affaire à une génération qui ne pèche plus ?

4 Catéchisme de St Pie X

5 Il va de soi qu’il s’agit d’une obéissance conforme aux enseignements des pères de l’Eglise et des conciles conformément entre autre à la doctrine de ST Thomas d’Aquin et que les dérives de certaines autorités doivent être respectueusement mais fermement condamnées !

Faire aimer l’Eglise à nos enfants

« Aimer le Christ ou aimer l’Église, c’est tout un ». Nous avons à cœur de faire aimer Notre Seigneur à nos enfants, pensons-nous seulement à leur faire aimer son Église ? Certes, en ces temps d’épreuve et de crise, la chose paraît plus délicate qu’à l’ordinaire[1] ; elle n’en est pas moins nécessaire, tout au contraire. Pour être malade, l’Église n’en demeure pas moins notre mère et, d’un point de vue humain, une mère que l’on sait menacée n’en est que plus aimée. Il devrait en être ainsi de notre amour pour l’Église, même si nous la savons indéfectible. A cet amour d’ailleurs se mesure la vérité de notre amour pour Notre Seigneur. Ce qui est vrai de Pierre en ce domaine l’est aussi de nous : son amour pour le Christ se vérifie dans son amour pour l’Église, pour les brebis du Christ[2].

A n’en pas douter, là comme ailleurs s’applique à l’endroit des plus jeunes la méthode préventive de saint Jean Bosco. Jusqu’à l’âge des dix – onze ans, ce grand éducateur voulait prévenir le mal, faire en sorte qu’il croise le moins possible l’âme des petits. Il aurait aimé que l’enfant ne voie que le bien autour de lui pour mieux l’imiter, pour mieux combattre aussi les germes de mal qui sont en lui. Ainsi, des difficultés de l’Église comme des défaillances de ses ministres, on ne parlera pas devant les petits. Autant que possible, on évitera également les circonstances où le mauvais exemple de certains pourrait hélas choquer leur sens de Dieu et du sacré.

De l’Église et de ses ministres, il importe de leur donner initialement une vision toute positive. A l’instar du Bon samaritain[3], Jésus nous a confié à son Église, pour qu’elle prenne soin de nous. Elle est pour nous une mère qui panse nos plaies et nous nourrit, elle est la vigne du Christ qui, par ses ministres, nous vivifie de la divine sève. Hors d’elle, c’est-à-dire sans cette dépendance vitale à l’Église et à ses ministres, nous serions comme ces sarments morts qui ne sont bons qu’à être jetés au feu[4]. N’hésitons pas, auprès de ces petits, à reprendre ces paraboles et images de l’Évangile, pour les initier à l’amour de l’Église. On pourra encore profiter d’un baptême pour expliquer discrètement à l’enfant, pendant la cérémonie même, combien lui-même a tout reçu de l’Église, par la médiation du prêtre. Il saisira ainsi combien sa vie quotidienne de prière et de sacrifice s’enracine dans son appartenance à l’Église, et ne la reliera que mieux au mystère de la Messe lors de ses communions.

Lui enseignant la hiérarchie de l’Église à l’aide de belles et dignes photos, on apprendra encore à l’enfant à prier pour le pape, les évêques, les prêtres. L’offrande de la journée[5], récitée chaque matin au pied du lit, en sera l’occasion : quand il n’y a pas d’intention particulière, on proposera à l’enfant de toujours prier « aux intentions du pape[6] et pour les besoins de sa sainte Église ». Devenu plus grand, on le fera participer, à chaque fois que cela sera possible, aux adorations perpétuelles organisées régulièrement dans chaque Prieuré aux grandes intentions ecclésiales. L’heure sainte au foyer, dans le cadre des Foyers Adorateurs, pourra encore être un moment privilégié.

Grandissant, l’enfant découvre bien vite l’existence du mal autour de lui. Dieu l’a voulu ainsi : faire le bien réclame de découvrir préalablement là où il n’est pas. Ainsi, oui, le pré-adolescent puis l’adolescent vont toujours plus découvrir tant les limites des hommes d’Église que la crise qui secoue celle-ci de l’intérieur. L’heure des grandes discussions arrive, et avec elles celles des premières distinctions. Pour mieux leur faire connaître et aimer l’Église, il importe qu’ils saisissent que, jusqu’à la fin des temps, celle-ci sera ici-bas composée de bon grain et d’ivraie[7], de bons et de mauvais poissons[8], et ce jusque dans ses ministres ; que l’Église elle-même sera toujours comparable à cette barque battue par les flots où, à vue humaine, Jésus semble dormir[9] ; mais que si Dieu permet cela, ce n’est que pour mieux manifester la puissance de sa grâce, pour faire triompher l’action secrète du Christ qui jamais n’abandonne son Église[10]. En un mot, le jeune adolescent, à l’âge où il se forme un idéal, doit saisir que l’Église sera militante jusqu’à la fin des temps, que les armes de Dieu ne sont pas celles du monde, que la victoire du Christ et le triomphe de l’Église sont assurés.

Des mauvais pasteurs, il faudra lui apprendre à se préserver. Car il faut que l’adolescent saisisse le mal et la destruction qu’engendre l’hérésie diffuse dans le Corps même de l’Église, tel un cancer. Oui, l’Église sa mère est une mère malade, malade en sa partie humaine. Aussi, précisément parce qu’il aime l’Église, parce que le mal et l’erreur s’en prennent à elle et ruinent les âmes, il doit haïr cette maladie ; s’en préserver, la soulager, la combattre autant qu’il est en lui. A cette fin, que toujours il reste lumière au milieu des ténèbres, en laissant bien vivants en lui ces trésors de foi et de vie aujourd’hui reniés de fait. Et quand bien même de mauvais pasteurs voudraient les lui faire abandonner au profit de la maladie, il ne devra pas les écouter[11] ; ce ne sera là désobéir qu’en apparence, car un tel discours n’est plus celui de l’Église – une mère ne peut vouloir la mort de son enfant – mais émane d’un membre comme saisi par le délire de la maladie. Loin de céder à ces enseignements tronqués, qu’il s’en tienne à ce que l’Église a toujours enseigné, là il trouvera les voies du salut[12].

Malgré ces mauvais pasteurs, Dieu toujours vivifie son Église, laquelle continue à nous enseigner et à nous nourrir. A cette fin, Dieu n’omettra jamais d’envoyer de bons pasteurs[13].

Quels que soient les défauts de ces derniers, qu’ils soient présentés au pré-adolescent tels des héros, dignes de respect et d’obéissance : on ne tire pas sur un capitaine qui au milieu des périls mène à bien la barque en laquelle nous sommes, sous prétexte qu’un bouton de sa vareuse serait mal attaché ! On lui est au contraire reconnaissant de son dévouement, et on l’y seconde. Et qu’on se rappelle surtout qu’à travers et par cet homme, c’est Dieu qui se donne.

L’enfant, devenu adolescent et bientôt jeune adulte, saisira à cette école combien, en ces temps si troublés, l’Église reste la fidèle épouse du Christ qui, en son amour, le suit partout où il va[14]; aujourd’hui unie à la Passion et comme défigurée de par la fuite des Apôtres eux-mêmes, demain partageant sa gloire.

Il saisira qu’aimer en vérité le Christ et l’Église aujourd’hui, consiste à rester dans cette dépendance profonde de l’Église de toujours, sans relativiser nullement le mal qui présentement la ronge. Seul cet amour sera fécond, parce qu’il sera vrai. Puisse-t-il engendrer de nombreuses vocations. 

Abbé  P. de LA ROCQUE


[1] Cf. Plus loin, article : Aimer l’Église en vérité

[2] Jn 21, 17

[3] Lc 10, 30-37

[4] Jn 15, 6

[5] « Divin Cœur de Jésus, je vous offre, par le Cœur Immaculé de Marie, mes prières, mes œuvres et mes souffrances de cette journée en réparation de toutes mes offenses, et à toutes les intentions pour lesquelles vous vous immolez continuellement sur l’autel. Je vous les offre en particulier pour… »

[6] Cf. notre rubrique : Le saviez-vous ? p. 21

[7] Mt 13, 24-30

[8] Mt 13, 47-50

[9] Mt 8, 23-27

[10] Mt 28, 20

[11] Jr 23, 16

[12] Jr 6, 16

[13] Jr 23, 1-4

[14] Ap 14, 4

ACTUALITÉS CULTURELLES

  • Meximieux (01) :

Le 31 mars, deuxième édition du «  Printemps des jardins » dans le parc du château. Ville-meximieux.net

  • Aix en Provence (13) :

Festival de Pâques, du 13 au 28 avril, la musique à l’honneur au grand théâtre de Provence et au Théâtre du jeu de Paume. Festivalpaques.com

  • Arc- et –Senans (25) :

Jusqu’au 24 mars, « Froid ». Venez découvrir tous les mystères du froid avec ses effets sur les organismes vivants, un voyage au cœur des températures négatives. Salineroyale.com

  • Angers (49) :

« Les chambres des merveilles » jusqu’au 31 mars…quand l’insolite et le prodigieux des objets accumulés révèlent des mondes cachés…Un parcours sympathique dans une ambiance visuelle et sonore. Château-angers.fr

  • Mulhouse (68) :

« Quand les fleurs font l’étoffe » jusqu’au 29 septembre…les fleurs et la mode. Au très beau musée de l’impression sur étoffe, 14 rue Jean-Jacques Henner.

  • Paris (XIe) :

« Les lumières de Van Gogh », du 22 février au 31 décembre à l’Atelier des Lumières (38 rue Saint Maur) offre un voyage visuel et sonore qui plonge le visiteur au cœur de l’œuvre du peintre, de ses paysages ensoleillés ou scènes nocturnes, à ses portraits et natures mortes. Qui n’a jamais vu de près une toile de ce peintre talentueux, n’est pas en mesure d’apprécier son grand art !

  • Paris (XIXe) :

Ne manquez pas la dernière tournée mondiale du pharaon Toutankhamon et de son trésor à l’occasion du centenaire de la découverte de son tombeau royal, du 24 mars au 15 septembre à la Grande Halle de la Villette (211 Avenue Jean Jaurès 75019 Paris).

  • Bruxelles (Belgique) :

 20 février au 26 mai, « Bernard van Orley, Bruxelles et la Renaissance » au Palais des Beaux-Arts. Ce peintre, une des figures clés de la Renaissance du Nord, très tôt nommé peintre de la Cour par Marguerite d’Autriche, régente des Pays-Bas, alors que Bruxelles est le centre du pouvoir en Europe.

Bibliographie politique pratico-pratique dans le domaine de la science politique

Dans le désordre politique actuel, des citoyens se demandent parfois s’il ne conviendrait pas de revenir aux principes fondamentaux de la science politique, en préalable à une restauration de la poursuite du bien commun temporel.

En vue de faciliter ce travail forcément studieux, nous proposons ci-dessous les références de cinq ouvrages de Saint Thomas d’Aquin. Ces documents que l’on peut se procurer aisément et sans investissement exagéré devraient permettre au débutant d’assimiler les jugements universels et permanents que le Docteur réaliste nous propose sur le politique, par-delà les siècles. Cette doctrine qui reste très actuelle permet de se dégager rapidement de l’interprétation journalistique des évènements politiques pour développer sa propre analyse politique ; dans un deuxième temps elle autorisera une renaissance de l’authentique action politique. Sauf mention contraire, tous ces ouvrages sont disponibles dans les librairies dont les adresses suivent (liste non exhaustive) :

DPF, BP 1, 86190 Chiré-en-Montreuil.

Tél: 05 49 51 83 04.

Librairie Duquesne, 27 avenue Duquesne, 75007 Paris.

Librairie Notre Dame de France, 33 rue Galande, 75005 Paris.

Librairie Dobrée, 14 rue Voltaire, 44000 Nantes

Des éditions numériques de certains textes proposés dans cet article sont disponibles par le canal de la Revue Foyers Ardents.

  1. Les textes fondateurs de la science politique traditionnelle
  2. De Regno, traduction, notes et annexes par le R.P. Bernard Rulleau. édition Civitas 2010.
  3. Les principes de la réalité naturelle, Nouvelles éditions latines, collection Docteur Commun, 1963.
  4. Commentaire du traité de la politique d’Aristote, traduction de Serge Pronovost, éditions Docteur Angélique, 2017.
  5. Commentaire de l’Éthique à Nicomaque d’Aristote, traduction d’Yvan Pelletier, 1999 [accessible sur le site docteurangelique.free.fr].
  6. Les lois[1], traduction et notes du père Jean de la Croix Kaelin, édition Téqui, 2003

Nous préconisons la lecture des ouvrages dans l’ordre où ils se trouvent cités ci-dessus.

II Les commentaires des ouvrages de Saint Thomas d’Aquin cités

Le professeur Jean-Marie Vernier[2] introduisait fréquemment ses cours par le conseil suivant, qui s’est avéré singulièrement fondé par la suite : « Méfiez-vous des commentateurs, lisez saint Thomas dans le texte ». Néanmoins il ne peut être question de lire seul, sans aucun guide, les traités de l’aquinate. « Méfiez-vous des commentateurs » ne signifie pas « Débrouillez-vous tout seul ». Examinons préalablement ce qui justifie la recommandation de J-M Vernier :

Premier motif de suspicion légitime des commentateurs : les disciples de saint Thomas, que l’on appelle les thomistes, sont majoritairement des thomistes démocrates : ceux-ci sont d’abord démocrates et ensuite, thomistes. Les « thomistes démocrates qui formeront le contingent le plus écouté des thomistes français dans les années 1930 et jusqu’à la disparition quasi complète du thomisme de la vie intellectuelle française[3] » sont finalement tous des disciples de Jacques Maritain. Or celui-ci est partisan d’un « humanisme théocentrique[4] ». Certes la Somme de saint Thomas est un traité éminemment théologique et l’ordre théologique comprend la totalité de l’ordre naturel. Mais pour autant la Somme n’est pas un cursus de science politique[5]. Un critère significatif qui permet de reconnaître facilement un thomiste démocrate, c’est sa ferveur pour la question 105 de la Somme Théologique : par des « artifices parfois divertissants, parfois agaçants[6] » il va s’appliquer à faire de saint Thomas un « génial précurseur de la démocratie moderne[7] ».

Deuxième motif : les thomistes… sont rarement d’authentiques disciples de saint Thomas. Comme l’explique Étienne Gilson, celui qui s’efforce de retrouver la vraie pensée du Docteur Commun se trouve appartenir à une minorité dans une minorité :

« Et je crois pouvoir assurer qu’il ne suffit pas qu’un maître se dise thomiste, ou même qu’il pense l’être, pour qu’on soit sûr d’avoir affaire avec un fidèle disciple de saint Thomas.[8] »

Combien de thomistes qui ne sont que disciples de François Suarez ou de Jacques Maritain. Or, pour se limiter à une seule illustration, Thomas d’Aquin et F. Suarez[9] n’ont pas la même définition de la loi civile.

« La loi n’est rien d’autre qu’une ordination de la raison en vue du bien commun, établie par celui qui a la charge de la communauté, et promulguée. » (Thomas d’Aquin, Somme théologique, q. 90 a. 4)[10]   La loi est un précepte commun, juste et stable, suffisamment promulgué. (Francisco Suarez, Des lois, De legibus).[11]

On imagine les conséquences politiques d’un tel désaccord principiel. Une fois supprimé le bien commun dans la définition de la loi, on aboutit inéluctablement à la conception moderne de la loi. D’où le volontarisme politique et l’impossibilité de fonder la légitimité d’exercice[12].

Considérons à présent les commentaires susceptibles de faciliter la compréhension des ouvrages de saint Thomas cités supra. Le plus simple étant de reprendre un à un les cinq titres d’ouvrages :

  1. : Du gouvernement royal (De regno)

La traduction conseillée du De Regno par le R.P. Bernard Rulleau comporte un commentaire détaillé de chaque chapitre avec une application proposée pour des questions actuelles de politique (dans la France d’aujourd’hui).

  • Les principes de la réalité naturelle

L’application des principes de cet opuscule à la politique – qui reste notre préoccupation dans cet article – est opérée dans la brochure de Midelt Bernard, Nature de la société politique, diffusion AFS ou DPF, 2003.

  • Commentaire de la Politique d’Aristote:

La traduction de Pronovost peut être accompagnée de la lecture du livre d’Hugues Kéraly, Préface à la politique, éd. Nouvelles éditions latines 1974 (réédité en 2018) qui propose un commentaire du proème de Saint Thomas. Mais celui-ci est insuffisant et il doit être absolument complété par l’article de Marcel De Corte, « Réflexions sur la nature de la Politique », revue L’Ordre Français, n° de mai 1975.

  • Commentaire de l’Ethique à Nicomaque d’Aristote

Malgré son titre, cet ouvrage est un traité de Politique. Le Professeur Marcel De Corte a longuement commenté cet ouvrage de Saint Thomas d’Aquin dans le chapitre « L’Éthique à Nicomaque: Introduction à la politique », publié dans l’ouvrage Permanence de la philosophie : mélanges offerts à Joseph Moreau, édition La Baconnière, Neuchatel, 1977, à partir de la p.69.

  • Les lois

Il existe un commentaire exhaustif et technique de Laversin M-J dans le volume de la Somme Théologique intitulé « La Justice » de La Revue des Jeunes.

Bernard de Midelt  et Louis Lafargue


[1] Traité issu de la Somme Théologique, la Ilae, questions 90 à 97.

[2] Jean-Marie Vernier est l’auteur du texte français du Commentaire du Traité de l’âme d’Aristote par Thomas d’Aquin, Vrin, 2000.

[3] De Thieulloy Guillaume, Antihumanisme intégral. L’augustinisme de Jacques Maritain, édition Téqui 2006, p. 121.

[4] Maritain Jacques, dans Humanisme intégral. Un « Humanisme théocentrique » est un oxymore (figure de rhétorique caractérisée par un assemblage de mots apparemment contradictoires) qui a conduit Marcel de Corte à taxer Maritain d’angélisme.

[5] Meinvielle Julio, Critique de la conception de Maritain sur la personne humaine, édition Iris, 2011, pp. 54, 79 et 241.

[6] Jugnet Louis, Pour connaître la pensée de saint Thomas d’Aquin, Nouvelles Éditions Latines, 1999, chapitre « Le régime politique ».

[7] De Thieulloy Guillaume, op cit, p 121.

[8]  Gilson Etienne, Les tribulations de Sophie, éd Vrin 1967, pp 22 et 24.

[9] Ne pas s’imaginer un malentendu. F. Suarez s’inscrit ici ouvertement dans une critique de la conception de la loi de l’aquinate.

[10]  Bastit Michel, Naissance de la loi moderne, éd. Puf, col Léviathan 1990, p. 66

[11] Bastit Michel, Naissance de la loi moderne, éd. Puf, col Léviathan 1990, p. 312.

[12] Ne pas s’imaginer un malentendu. F. Suarez s’inscrit ici ouvertement dans une critique de la conception de la loi de l’aquinate.

Dans la joie et la bonne humeur !

« Quand il vous arrive de jeûner, ne prenez pas des airs tristes, sombres, renfrognés » nous dit Notre Seigneur qui connaît pourtant les duretés de la vie et les épreuves qui peuvent broyer le cœur de l’homme. N’avons-nous pas, en effet, assez de douleurs inévitables pour nous y complaire et nous rendre malheureux comme à plaisir ?!

Et si nous profitions de ce Carême pour éveiller en nous « le ravi de la Crèche »dont l’âme si pure et toute en Dieu, ne cesse de Le louer d’une joie spirituelle qui  rejaillit sur tout lui-même … ?  « Dieu aime les louanges de ceux qui sont humblement, doucement heureux…la joie est une caractéristique de la sainteté. » (P Gaston Courtois)

Dieu est joie, joie infinie. Il veut nous communiquer sa joie en nous communiquant sa vie. Si nous lui donnons notre confiance, notre reconnaissance, en Le mettant au cœur de nos pensées, de nos actions, dans un bel esprit d’abandon à sa volonté sur nous, alors Il infusera Sa joie à notre âme comme le soleil réchauffe la terre.

La joie est une vertu essentiellement chrétienne, elle est ce qui fait dire à ceux que l’on croise : « mais vous, vous avez quelque chose en plus ! » Oui, j’ai la foi, ce trésor qui brûle en mon âme, qui me fait aimer, sourire, et même parfois chanter !

Dans la vie quotidienne, la joie chrétienne se transforme en bonne humeur, un des meilleurs remparts contre la tentation. Car vous vous doutez bien que le démon attaque en nous cette joie que nous devons défendre avec acharnement ! Une âme joyeuse est plus disposée à la pratique de la générosité, du sacrifice, de la charité. La bonne humeur est un élan irrésistible à l’âme et devient une force dans nos affaires temporelles : elle apporte succès dans le travail, atténue la fatigue, supporte les contradictions, les imprévus, les contrariétés…L’âme joyeuse est plus sereine, plus lucide, elle attire les sympathies, inspire confiance,…la joie est même utile à la santé.

« Modération, calme et bonne humeur

Ferment la porte au nez du docteur ! »

Lorsque la fatigue prend le dessus sur le moral d’un des époux, le meilleur remède n’est-il pas la bonne humeur réconfortante de son conjoint qui vient alléger joyeusement l’atmosphère? Nous savons combien le pessimisme, la déprime peuvent avoir une mauvaise répercussion sur la santé…et je dirais même sur la santé du fonctionnement de notre ménage !

Une ambiance paisible et joyeuse (vous avez compris qu’il ne s’agit pas de ces joies superficielles faites d’excitations, mais de celle qui vient de l’âme proche de Dieu !) est aussi une condition de succès dans l’éducation car elle facilite l’effort généreux et fait accepter le mal qu’il faut se donner pour vaincre. « Ce qui rentre dans le cœur à la faveur d’un rayon de joie s’y grave bien mieux. » (P. Gaston Courtois) Une éducation qui sait encourager, aidera les visages à s’épanouir, admirera les actes de bonnes volonté, poussera à acquérir des qualités, contrairement à un commandement découragé et plein de reproches.

Aidez-vous votre mari ou épouse en arborant un air revêche sous prétexte de soucis ou de fatigue ?! Non, soyons « semeurs de joie », un « alléluia » de la tête aux pieds comme dit si allègrement Dom Guéranger ! Imitons cette sainte épouse (Elisabeth Leseur) qui cherchait à convertir son mari en veillant sur son attitude, sur sa toilette, se faisant « séduisante » pour le bon Dieu, rendant son foyer attrayant en vue d’un bien plus grand, d’une fin plus haute pour son époux.


La bonne humeur constante n’est pas chose facile…C’est une grâce que Dieu nous accordera seulement si nous la Lui demandons avec persévérance : « Seigneur, faites grandir Votre joie en mon âme ! »Cela viendra si nous faisons un effort personnel, celui de chasser de notre esprit tout nuage de tristesse, Dieu nous le demande. Etre bien décidé à ne pas se laisser envahir par des idées déprimantes (qui ne sont rien d’autre que des tentations du démon), avoir la volonté d’y résister en réagissant immédiatement : les mettre à la porte ! Ne pas ruminer nos ennuis, ce qui ne fait que les aggraver. Compenser une pensée négative par une idée optimiste : « je suis triste » deviendra « je suis joyeux », « je n’ai pas de chance »se transformera en « tout va bien ». Si je suis contrarié : « rien ne me vexe, rien ne me décourage, mon Dieu je Vous donne tout ».

Et si cela devient obsédant, prenez un papier et un crayon pour écrire tous vos points noirs, les analyser un par un, et chercher le meilleur remède pour les effacer. Pris séparément, ils seront plus faciles à éradiquer. Ou encore, mettez par écrit vos propres litanies de la joie !

La bonne méthode est vraiment celle de toujours voir le bon côté des choses, l’avantage à en tirer…  « Vous pouvez à votre choix voir dans une flaque d’eau ou la boue gisant au fond, ou l’image du ciel qui est au-dessus » le bien et le mal sont mêlés partout ! Prenons donc du recul en dominant la situation, ne nous laissons pas troubler par ce qui est en réalité une peccadille. Tant que nous ne sommes pas au Ciel, il est normal que notre vie de la terre ne soit pas parfaitement heureuse, transformons  les épreuves en grâces en attendant le bonheur infini qui nous est destiné. Le Ciel se  mérite !

Si nous faisons notre devoir de notre mieux, sans nous préoccuper de façon exagérée de ce que l’on peut penser de nous mais pour Dieu qui connaît nos pensées et notre bonne volonté, nous serons en paix. Organisons notre vie, assurons-nous de repas et d’un sommeil suffisants pour éviter de « vivre sur les nerfs ». Dès que l’énervement gagne…arrêtons-nous quelques minutes pour retrouver une maîtrise intérieure. Si des choses agacent l’autre (désordre, imprévoyance, retard…) il vaut mieux les anticiper pour éviter tout frottement et perte de calme. Faisons de temps en temps l’inventaire des bienfaits dont on bénéficie et gardons le sourire (« avoir un visage souriant, n’est-ce point comme si l’on avait mis des fleurs à la fenêtre ? »), travaillons à rendre les autres heureux : nous oublier et soulager notre prochain est une recette infaillible ! Ne voyons que le bon côté des choses…et le beau côté des gens !

Voici donc un joli programme pour nous plonger joyeusement dans ce Carême ! Nos âmes, si elles sont en état de grâce, portent Dieu en elles. Abandonnons-Lui nos causes de tristesse et oublions-les pour ne penser qu’à Lui. Terminons avec le bon Père Courtois : 

« La joie est fruit de l’amour. Elle ne supprime pas le sacrifice, elle le transfigure en lui donnant la plénitude de sa valeur et de sa fécondité ».

De grand cœur, saint et joyeux Carême à tous !

Sophie de Lédinghen

  PS : Vous trouverez un autre article pour vous aider à faire un bon  Carême dans notre FA 2 ou sur le  site : https://foyers-ardents.org/2017/03/24/comment-faire-un-bon-careme-en-famille/