La Croix

Chère Bertille,

 Dans ta dernière lettre, tu me fais part de toutes les souffrances que tu peux avoir. Et ce n’est que le début d’une vie de femme. Pour t’aider à bien comprendre la souffrance, je te fais part aujourd’hui d’un texte que j’ai lu récemment et qui m’a rappelé les confidences que tu m’avais faites.

« Jeune, et pourtant si douloureuse déjà, te voici, à ton tour aux prises avec la souffrance humaine. Par la porte et par les fenêtres, sournoise ou en bourrasque, elle est entrée chez toi ; elle s’y est installée, locataire indiscrète et tenace.

  Tu souffres dans ton âme soucieuse, dans ton cœur meurtri, dans ton corps malade ! Tu souffres par les choses, par les gens, par la vie, par toi-même. Il y a tant de manières de souffrir et tant de raisons pour lesquelles on souffre !… Inutile de détailler. Pour le moment, ce qui importe, c’est ta souffrance à toi, très personnelle, qu’on devine ou non, mais que tu expérimentes avec une étrange acuité.

  Devant elle, aux prises avec elle, qu’es-tu ? Que penses-tu ? Comment réagis-tu ? Fais-tu de la résignation ? de l’amertume ? de la révolte ? de l’amour ? du blasphème ? de la mélancolie ? du doute ? du désespoir ? Tout est possible. Autant de souffrances, autant d’attitudes devant la souffrance. Seulement certaines attitudes sont mauvaises, laides, malfaisantes ; certaines autres sont bienfaisantes, glorieuses et belles.

  Quoi qu’il en soit, écoute !

  Dieu domine ce problème et l’éclaire. Avant de penser à ta souffrance ou pendant que tu y penses, nomme Dieu. Sans Lui rien ne vaut et ne signifie, la souffrance peut-être encore moins du reste. Dieu est, et tu souffres. Ce sont là les deux données : la première, donnée de la foi ; la deuxième, donnée de ton expérience.

  Dieu est. Oui Il est…. Et toi, tu souffres… Que veut-il donc ce Dieu qui t’aime et que tu aimes et qui te fait ou te laisse souffrir ?

 Peut-être veut-Il que tu expies. Car tu as péché. En quelle proportion, ta conscience peut te le dire. Où il y a péché, il doit y avoir expiation proportionnée. La souffrance acceptée paie pour la jouissance recherchée. Si ce n’est pas en ce monde, ce sera en l’autre. Mais ce sera. Mieux vaut que ce soit en celui-ci parce que l’expiation volontaire devient méritoire. Aussi toute chrétienne vraie, qui connaît ses fautes, et connaît en même temps le devoir d’expiation, se souvient, dès qu’elle est douloureuse, qu’elle fut coupable. Généreusement, elle consent à boire à la coupe amère pour se punir d’avoir bu à la coupe délicieuse.

 Peut-être veut-il que tu répares. Car il se peut que tu aies plus de souffrance à porter que de péchés commis. Alors tes peines signifient autre chose qu’une expiation toute personnelle….. Mais d’autres ont péché qui s’en moquent, ne se soucient nullement d’expier, méconnaissent leur dette de châtiment et ajoutent à leur faute celle de ne pas réparer. Dieu pense à toi pour cette dure et sainte besogne. Il t’associe à Jésus-Christ. Qu’est ce, pour une part, la Rédemption, sinon la substitution volontaire de l’Innocent aux coupables si bien que sur sa chair déchirée le Fils immaculé expie la multitude volupté des hommes ? Il y a là un  mystère profond. Seules les âmes profondes aussi, sont en mesure d’y comprendre quelque chose. Mais quand elles ont compris, par une grâce de choix, leur souffrance s’éclaire splendidement. Quelle émouvante majesté chez elles ! Quelle révélation de leur intime valeur !

Tantôt c’est la maman qui répare pour sa fille ; tantôt c’est la jeune fille qui répare pour ses parents ; tantôt c’est l’amie qui répare pour son amie ; tantôt c’est la chrétienne qui répare pour n’importe quel pécheur inconnu ; tantôt c’est la jeune apôtre qui répare pour les âmes qu’elle aime et voudrait sauver….. Tous les saints, sans exception, subirent ce traitement de faveur. Dieu agit avec toi comme avec eux.

 Peut-être veut-Il t’attacher à Lui. Comprends sa méthode. Les âmes qu’Il aime, celles auxquelles, plus qu’à d’autres, Il tient, Il les tire à Lui ; Il fait tout pour les rapprocher de Lui et réaliser avec elles une spéciale intimité. Or souvent, ici, quel est l’obstacle ? Un amour, une passion, un quelqu’un ou quelque chose qui vous charme et vous asservit, vous absorbe et vous immobilise, et appuyant sur vous de tout son poids vous empêche, ailes étendues, de vous élever à Dieu.

Dieu te tendait amoureusement la main et toi, c’est d’un geste si languissant que tu lui offres la tienne ! Et  même la lui offres-tu ? Il faut l’épreuve qui passe, déchire, secoue, renverse et libère. Tu sens que tout t’échappe. Et c’est vrai, tout t’échappe…. Mais Dieu arrive.

Peut-être veut-Il te former. Dieu, dit l’Evangile, est un vigneron qui taille sa vigne pour qu’elle produise : et la fait pleurer pour qu’elle rende… Dieu, dit le poète est un sculpteur qui cogne dans le marbre à grands coups de marteau pour que, parmi les éclats de pierre tombés à ses pieds, la statue se dresse, expressive et vivante… Par la souffrance, la vigne est fécondée ; par la souffrance, le marbre devient chef d’œuvre. Le vigneron est cruel et doit l’être ; l’artiste est dur et doit l’être. L’art détruit pour construire ; il supprime pour achever ; il corrige pour embellir.

Dieu se fait un idéal de toi et tend, si tu ne refuses pas, à le réaliser en toi. S’il te laissait tranquille, ce serait l’aveu du peu de valeur qu’il te reconnaît, la proclamation officielle de ton inaptitude à devenir de la beauté. Ton goût du repos peut y trouver son compte : mais, pour toi, quel échec ! En définitive, quelle vie manquée !

Depuis que les hommes sont des hommes et que parmi eux naissent des saints, nulle méthode n’a réussi sauf la méthode coûteuse de la formation par la souffrance…. Vertus à acquérir, défauts à corriger, vices à tuer, ressources à développer, tout demande effort. Et tout effort fatigue.

Le bon sens te dit «Tant qu’à faire de souffrir, souffre avec profit ». Le sens chrétien te dit « Aie confiance dans le procédé de Dieu ». Les deux te disent : « sache souffrir, et en souffrant, sache grandir ».

 Voilà ma chère Bertille ce beau texte sur la souffrance dont je voulais te faire part. Médite ces mots et accepte généreusement les souffrances que le Bon Dieu t’enverra.

Je suis de tout cœur avec toi.

Bien chaleureusement

                               Maïwenn

 

Le deuil

     

       Le terme de Deuil désigne la perte liée au décès d’un être proche, d’un parent ou d’une personne chère. Il désigne également la réaction psychologique consécutive à cette perte, qu’il s’agisse des différents états traversés par l’endeuillé (notamment la tristesse propre au deuil) ou du processus psychologique évolutif et prolongé (« travail du deuil ») conduisant naturellement à la fin de cette expérience. Quand Dieu a laissé au défunt le temps de se préparer pieusement à la mort, qu’il a pu rencontrer un prêtre, se confesser, recevoir les derniers sacrements et la bénédiction « in articulo mortis», le deuil est en général facilité. En effet, malgré la douleur de la disparition, on est soulagé de savoir qu’il a accompli son passage dans l’autre vie dans les meilleures conditions possibles. Le prêtre saura aussi répondre aux questions que tout un chacun peut se demander vis-à-vis des problèmes que posent l’acharnement thérapeutique, la prise de morphine et de certains médicaments. Il aura la bonne réponse et de ce fait même apaisera les inquiétudes de l’entourage. De plus les prières de l’Eglise qui accompagnent les mourants « à l’heure de la mort » mais aussi pendant les jours qui suivent, et ce jusqu’à la mise en terre sont très consolantes. Mais quand malgré la supplication que nous font réciter les litanies2 : « de la mort subite, délivrez-nous, Seigneur », le défunt a été rappelé à Dieu sans les secours de l’Eglise, le deuil est toujours plus douloureux.

C’est une expérience quasi universelle, à laquelle sont confrontés un jour ou l’autre la plupart des individus, souvent même à plusieurs reprises. Les statistiques témoignent ainsi de la grande fréquence du veuvage : on estime qu’il existe environ 4 millions de veufs en France. Il s’agit d’une population âgée (plus de 85% ont plus de 60 ans).

 Il existe trois phases dans le deuil :

La phase initiale (phase de détresse, phase d’impact, phase d’hébétude) est caractérisée par un état de choc : stupéfaction, incrédulité qui traduisent le déni défensif : la personne se trouve plongée brutalement dans un état de torpeur, d’engourdissement, dans lequel elle continue à vivre et à agir, mais de façon automatique. Cette période est inconstante, de quelques heures à quelques jours, exceptionnellement plus d’une semaine. Peu de souvenirs restent d’une telle période.

La phase centrale dite de dépression ou de repli, représente la période aigüe du deuil. Elle est caractérisée par un état émotionnel intense d’allure dépressive : tristesse, pleurs, culpabilité, honte, irritabilité, anorexie, insomnie, sentiment de vide, fatigue. Un sentiment de colère vis-à-vis du mort n’est pas rare. Colère et culpabilité traduisent l’ambivalence de l’endeuillé, qui est pris entre le sentiment de n’avoir pas fait tout ce qui était en son pouvoir à l’égard du décédé et celui d’avoir été injustement abandonné par lui.

Cette phase se traduit aussi par un retrait social avec une incapacité à maintenir les habitudes du travail.

Il y a également une identification inconsciente au défunt avec des préoccupations de santé similaires, parfois suscitées par des symptômes somatiques d’emprunt, une imitation temporaire de ses manières d’être, de comportement et des habitudes du défunt.

Au cours de cette période, des perceptions sensorielles d’allures hallucinatoires (impression d’entendre la voix du défunt, de sentir son contact, de l’entrapercevoir, etc..) peuvent survenir mais l’endeuillé est conscient de l’absence de support réel…

     La difficulté de cette période est celle du diagnostic différentiel entre deuil normal et dépression. Sa durée varie de plusieurs semaines à un an, mais elle est inférieure à 6 mois pour la plupart des sujets.

 La troisième phase marque la fin du deuil : c’est une phase de résolution caractérisée par :

– l’acceptation de la perte et la personne peut alors se souvenir du défunt sans douleur excessive ;

– le rétablissement des points d’intérêts habituels, parfois un désir de s’engager dans de nouvelles relations et de nouveaux projets ;

– le retour à un mieux-être psychique et somatique.

  Les conséquences psychologiques du deuil varient beaucoup d’un sujet à l’autre : elles dépendent des conditions de décès et des liens affectifs qui unissaient les personnes. On considère ainsi que la perte du conjoint et le décès d’un enfant font  partie des évènements ayant le plus fort retentissement psychologique.

Bien que douloureuse et prolongée, cette expérience s’inscrit habituellement dans un processus psychologique normal, mais il est des deuils pathologiques ou compliqués qui sont source de souffrance et de désadaptation marquées, en raison d’une perturbation du processus de deuil, ou de la survenue d’un trouble psychiatrique : épisode dépressif majeur, surtout, mais aussi, parfois, trouble anxieux. Ces complications justifient la mise en œuvre précoce d’un soutien psychologique pour les plus vulnérables des endeuillés et d’un traitement adapté en cas de trouble psychiatrique.

 

Mais au-delà, des étapes psychologiques par lesquelles passent tous les êtres humains, il faut se souvenir que le travail du deuil est grandement facilité par la vie spirituelle et par l’aide que peut apporter un prêtre qui saura guider une âme dans ces circonstances douloureuses.

 

Dr. N. Rémy

 

1 Bénédiction à l’article de la mort, donnée en général après le Sacrement de l’Extrême-Onction et qui sera effective à l’instant de la mort.

2 Litanies des saints

 

 

Le culte de l’apparence

Un peu de douceur….

Si nous n’avons plus l’occasion de nous retrouver face à face, au détour d’une rue, avec une « gueule cassée » d’après-guerre, dont la seule vue nous fait frémir ou pleurer de compassion, il est des situations où nos regards peuvent, maintenant encore, blesser davantage qu’une parole méprisante. Nous vivons dans un monde où l’apparence revêt une importance telle, que beaucoup en arriveraient presque à ne pas supporter chez autrui le moindre petit bouton sur le nez, la calvitie naissante, ou le gabarit hors norme. Tout doit paraître parfait, jeune, en pleine santé. A contrario, celui qui a la faiblesse d’endurer quelque malformation ou imperfection physique, celui-là est raillé sans pitié, et observé sans charité. Ce culte de l’apparence est une tyrannie, à laquelle contribue largement la passion pour les selfies et photos en tous genres, et dans toutes les situations. On finit par ne vivre que pour l’objectif, que pour le Paraître, que pour le rêve de vie filmée que l’on se fabrique, en oubliant l’essentiel : l’Être. Nul n’est besoin de paraître si l’on Est. En terre chrétienne, nul n’est besoin de se moquer pour se prouver que l’on Est un Homme.

 

Le concept d’ordre naturel chez Saint Thomas d’Aquin (suite et fin)

          De nos jours, certains catholiques, parfois même dans notre famille de pensée, tiennent qu’il n’a jamais existé d’ordre naturel ou qu’il n’en existe plus à cause de la Révolution et de la prise de pouvoir effective des nouveaux maîtres qui sont à la solde du pouvoir mondialiste. Certains soutiennent ainsi que notre régime politique, la démocratie (moderne), est un « ordre non-naturel » qui ne peut cohabiter avec l’ordre surnaturel et qu’il n’est pas possible dans ce nouvel ordre démocratique dans lequel nous vivons malgré nous, de poursuivre un quelconque bien. Saint Pie X écrivait pourtant dans sa Lettre sur le Sillon1 qu’« On ne bâtira pas la cité autrement que Dieu ne l’a bâtie : on n’édifiera pas la société, si l’Église n’en jette les bases et ne dirige les travaux ; non, la civilisation n’est plus à inventer ni la cité nouvelle à bâtir dans les nuées. Elle a été, elle est ; c’est la civilisation chrétienne, c’est la cité catholique. Il ne s’agit que de l’instaurer et la restaurer sans cesse sur ses fondements naturels et divins contre les attaques toujours renaissantes de l’utopie malsaine, de la révolte et de l’impiété : omnia instaurare in Christo2 ». Or ces fondements naturels et divins que rappelle Saint Pie X ne sont rien d’autre que l’ordre naturel3 qui n’a ni disparu ni changé et qui est bien le nôtre. Sans cet ordre qui est au principe de toute action politique, nous ne pourrions ni concevoir ni produire l’ordre politique voulu par Dieu.

La finalité voulue par Dieu dans l’ordre naturel d’une communauté comme la famille est par exemple d’assurer la conservation et la propagation du genre humain. Cette vérité n’est pas seulement connue du chrétien par la doctrine catholique traditionnelle du mariage – qui enseigne que sa fin première est la procréation4 – elle est aussi évidente pour le païen. Tout homme, qu’il soit chrétien ou non, peut en effet connaître la fin bonne qu’il doit chercher à atteindre en famille parce qu’il a inscrit en lui les lois de l’ordre naturel fixées par Dieu lors de la Création et qui lui sont accessibles par la raison.

Un autre exemple très significatif est pris par Saint Thomas dans la Somme Théologique: il s’agit de savoir si l’on peut baptiser malgré leurs parents les petits enfants des infidèles (c’est-à-dire de tous ceux qui ne sont pas catholiques : les juifs, les païens, etc.). Un avertissement important est soulevé : « on doit subvenir à l’homme bien plus s’il est en péril de mort éternelle que s’il est en péril de mort temporelle ». Or un petit enfant qui n’est pas baptisé par la faute de ses parents est en péril de mort éternelle et il semble justifié de l’enlever à ses parents pour le baptiser et l’instruire dans la foi catholique. Pourtant Saint Thomas explique que ce serait faire une grave injustice aux infidèles dans l’ordre naturel que de baptiser malgré eux leurs enfants.

Voici pourquoi : « Il est de droit naturel que le fils avant d’avoir l’usage de la raison demeure sous la tutelle du père. D’où il serait contre la justice naturelle que l’enfant, avant d’avoir l’usage de la raison, fût soustrait à la tutelle de ses parents ou qu’une disposition fût prise à son sujet malgré les parents. […] On ne doit donc pas, pour délivrer un enfant du péril de la mort éternelle, faire irruption dans l’ordre du droit naturel qui fait que le fils est sous la tutelle de son père. »

Saint Thomas nous montre que si la famille dépend de l’ordre naturel, il en est de même pour la politique. Parce que l’homme est naturellement sociable, l’ordre de la politique est une réalité  qui dépend de l’ordre naturel comme le souligne Thomas d’Aquin dans sa Somme contre les Gentils : « Ainsi deux ordres sont à considérer : l’un [l’ordre naturel] en dépendance de la cause première [Dieu] de toutes choses et de ce fait embrassant l’univers ; un autre, particulier, en dépendance d’une cause créée particulière, et s’étendant à tout ce qui ressortit à elle. La politique nous en offre un exemple. Tous les membres d’une famille sont unis entre eux dans cet ordre qui naît de leur sujétion au même père ; à son tour, tant le père de famille que ses concitoyens sont partie d’un ordre qui les unit entre eux et avec le chef de la cité ; celui-ci à son tour, avec tous ses compatriotes, est partie de l’ordre que préside le roi6. »

D’où l’importance capitale de ceux qui ont la charge de gouverner la Cité. Ils doivent en effet ordonner à sa fin fixée par Dieu, le bien commun dans l’ordre naturel, les communautés qui la composent. La liberté d’action de l’homme politique n’est donc pas pour lui le droit de choisir n’importe quelle fin (par exemple son intérêt particulier ou celui d’un petit groupe) selon son bon désir. La politique est en effet « la science qui traite de l’objet le plus noble et le plus parfait » que puisse atteindre l’homme en cette vie, « science principale et architectonique à l’égard de toutes les autres sciences pratiques », et qui nous permet d’accéder « au bien ultime et parfait dans les choses humaines », comme l’écrit saint Thomas à la suite d’Aristote7. De même que l’ordre naturel créé par Dieu est la cause de l’ordre politique, celui-ci est la cause des autres communautés humaines. Ainsi, de même que le péché originel n’a pas détruit la nature humaine, ni le mondialisme ni les lois iniques contre le mariage de notre société déchristianisée n’ont détruit l’ordre naturel. Une politique conforme à la nature humaine sera toujours non seulement possible tant que l’homme existera sur terre, mais nécessaire.

Louis Lafargue

1 C’est le 25 août 1910 que paraît la lettre Notre charge apostolique (appelée aussi Lettre sur le Sillon) adressée à l’épiscopat français. Le Pape Saint Pie X condamnait dans cette lettre l’intention des démocrates-chrétiens d’inféoder la religion catholique à la démocratie universelle qu’ils projetaient de construire.

2 Tout instaurer dans le Christ.

3 Comme le souligne l’abbé Julio Meinvielle, « Il y a un ordre divin naturel et un autre surnaturel. » (Meinvielle, Conception catholique de la politique, 1932, éditions Iris pour le texte français, 2009, p. 25 en note).

4 « Soyez féconds et multipliez … » sont les tous premiers mots que Dieu dit à l’homme après l’avoir créé (Genèse, I, 28).

5 Thomas d’Aquin, Somme Théologique, IIa IIae, qestion 10, article 12.

Thomas d’Aquin, Somme contre les Gentils, livre III, c 98.

98.

7 Marcel De Corte, « Réflexions sur la nature de la Politique », revue L’Ordre Français, mai 1975.

 

 

Avis de tempête!

          Gros nuages noirs à l’horizon, la surface sombre de l’eau se ride et les vagues s’ourlent d’un liseré argenté qui court de plus en plus rapidement, grossit et gronde jusqu’à devenir semblable au bouillonnement d’un torrent, le vent s’est levé et fait claquer les cordages, le bateau gîte et la mer se creuse, la pluie arrive : Avis de tempête accrochez-vous !

Telle pourrait être la description imagée des quelques heures qui précèdent l’annonce d’une rude épreuve dans notre vie, perte d’un proche, déchirement familial, rupture amoureuse, découverte d’une maladie, tous nous avons déjà ou nous aurons à traverser les tempêtes de la vie que le ciel nous envoie pour nous sanctifier.

Mais toute tempête est dangereuse et peut être meurtrière. Les repères habituels disparaissent du paysage familier, nous sommes parfois désorientés. Des vagues de douleur trop importantes nous font perdre pied et nous donnent l’impression de couler littéralement, les dégâts psychologiques peuvent parfois être graves et il peut y avoir de la casse. Tout un pan de nos convictions peut céder sous la charge, quand ce n’est pas une remise en question totale de ce à quoi nous croyons …

Très gros temps ! A l’aide !

Il est parfois inévitable de boire la tasse, mais il faut tenter de ne pas couler et de reprendre la route une fois l’orage passé.

Dans la mesure du possible, essayons de garder quelques repères en levant les yeux vers le ciel et en implorant l’Etoile de la mer qui se laisse toucher par nos supplications ; même si un sentiment de dégoût et d’inutile peut nous envahir. Le Bon Dieu permet les épreuves mais il envoie toujours les grâces pour les surmonter. Tout l’enjeu est de les utiliser pour réussir à sortir grandi et meilleur de l’épreuve.

Ensuite, il faut évacuer l’eau de la cale en parlant à nos proches, non pas pour qu’ils nous apportent la solution, ils ne l’ont pas, mais pour ne pas exploser en gardant tout pour nous. N’ayez jamais peur de déranger un vrai ami avec vos souffrances, ne seriez-vous pas heureux de soulager un des vôtres en l’écoutant ? Ils sont comme les sauveteurs en mer et vous jettent une bouée, saisissez-la ! Evacuez aussi en faisant du sport, ou en pratiquant vos loisirs préférés, ne restez pas prostré et replié sur vous-même.

Dans la tourmente, lorsque le bateau prend l’eau de toutes parts, commençons par lâcher du lest et réparer les brèches psychologiques avant de changer le cap de nos vies. Nous risquons dans l’agitation de nous tromper, de prendre des mauvaises orientations, voire de couler définitivement. Le mieux est d’attendre : la tempête se calme toujours même si cela peut être très long, et Dieu ne nous éprouve pas au-dessus de nos forces.

Une fois passée la tourmente, et revenu le calme, il est temps de ramasser les débris, et de se reconstruire doucement. Les épreuves nous permettent souvent de relativiser et de remettre les choses en perspective, de savoir ce qui compte vraiment dans notre vie, d’écarter les futilités. Il est temps alors de faire le point, de tirer les enseignements de ce qui nous est arrivé. Il y aura toujours des questions auxquelles nous ne pourrons pas répondre : pourquoi ? Ne perdons pas de temps à les chercher. Attachons-nous plutôt à consolider nos faiblesses qui sont apparues pendant l’épreuve, car celle-ci agit souvent comme un révélateur. Faisons les ajustements de cap, de priorité et de direction qui s’imposent si nous nous sommes aperçus, grâce à la tempête, que nous faisions fausse route. Mais pas de précipitation, et surtout écoutons les conseils de ceux qui nous entourent et qui nous connaissent bien. Et prions le Saint-Esprit qu’il nous éclaire sur ce qu’il a voulu nous faire comprendre au travers de cette épreuve. Alors courage, vous n’êtes pas seul dans cette galère et après la pluie le beau temps !

Charles