Fondements religieux de l’écologie actuelle

 Parce que nous sommes reconnaissants à Dieu de cette magnifique nature qu’Il a créée, ne devrions-nous pas emboîter le pas au mouvement écologique et considérer que le « respect de la nature forme un socle intellectuel et émotionnel sur lequel tous peuvent s’accorder : autant le croyant, respectueux de l’œuvre divine, que l’incroyant, saisi par la majesté et la beauté de la nature » ? N’est-ce pas d’ailleurs la caution que lui accorde le pape François à travers son encyclique « Laudato Si » ou son synode sur l’Amazonie ?

Derrière le rideau de verdure attirant de l’écologie, il nous faut en réalité manifester que se dissimule une idéologie hostile au dessein de Dieu sur la place qu’Il a réservée à l’homme dans sa création et à Dieu Lui-même. Elle s’en prend d’abord aux deux commandements faits à l’homme de se multiplier et de dominer la nature et elle s’insurge plus profondément encore en refusant la conception de l’homme comme image de Dieu et en militant pour son option panthéistique. C’est ce que nous souhaitons brièvement exposer en montrant, à chaque fois, l’appui qu’elle reçoit de François.

I – Le rejet des injonctions divines de se multiplier et de dominer la nature

A) Ecologie et malthusianisme

Les mises en garde se sont multipliées : « Dans le monde entier, nombre des ressources indispensables à la survie et au bien-être des générations futures s’amenuisent et la dégradation de l’environnement s’intensifie, sous l’effet des modes de production et de consommation non viables, d’une croissance démographique sans précédent et d’une pauvreté généralisée et persistante et de l’inégalité sociale et économique1 » En présence de cette situation, l’écologie affirme son malthusianisme et tire toutes ses ficelles de mort à l’échelle planétaire : contraception, avortement, euthanasie, stérilisation, planification des naissances, etc.

Le surpeuplement de la planète doit être conjuré par une fermeture drastique à la vie qui s’oppose frontalement à la grande invitation divine que Dieu fait à Adam et Eve d’être féconds et de se multiplier : « Soyez féconds, multipliez-vous et remplissez la terre2. »

Une telle incitation à la procréation est jugée avec une extrême sévérité par le sanhédrin verdâtre qui y voit l’origine de l’irresponsabilité avec laquelle les générations qui se sont succédé sur la terre ont augmenté le nombre des rejetons de la race humaine sans se préoccuper des ressources de la planète. Le Dieu de la Genèse se trouve explicitement mis en accusation par plusieurs conférences internationales des grands organismes mondialistes.

Comme on l’a vu dès le synode sur la famille, le pape François est entré lui-même dans cette sérénade. En particulier, il a compromis l’enseignement de l’Église à propos du contrôle artificiel des naissances dans l’« Instrumentum Laboris3 » et a proposé une approche erronée de la relation entre la conscience et la loi morale.

B) Ecologie et domination de la terre par l’homme 

La vindicte des écologistes ne rend pas seulement la Genèse responsable de la surpopulation mais également de la mise à sac de la nature par l’homme. Le parterre des verts stigmatise cette fois-ci le deuxième grand commandement de Dieu à nos premiers parents : « Soumettez la terre et dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel et sur tous les animaux qui rampent sur la terre4. » L’inconscience de Dieu n’a pas su prévoir les conséquences déplorables de cette autorité qu’Il conférait aux hommes. Cette rhétorique trouve également place depuis des décennies dans les textes les plus officiels et les plus solennels.                                                   Voilà, par exemple, ce que l’on peut lire dans la conférence sur l’environnement de Stockholm organisée par l’ONU, en 1972 : « La science et ses applications techniques qui feraient de l’homme le maître de l’univers, usant et abusant à sa guise des ressources naturelles, deviennent souvent valeur en elles-mêmes. (…) Ces conceptions puisent leur meilleure justification dans les convictions religieuses judéo-chrétiennes, selon lesquelles Dieu aurait créé l’homme à son image et lui aurait donné la terre pour qu’il la soumette à sa loi5. » Dans cette citation, la critique va au-delà de l’imprudence avec laquelle Dieu aurait concédé à l’homme ce gouvernement sur la Création. Elle s’en prend, plus profondément, à la conception de l’homme qui aurait été créé à l’image de Dieu.

Notons que, de nouveau, François fait chorus dans son encyclique « Laudato Si ». Les chrétiens auraient tiré de la Genèse la pensée qu’ils peuvent tout se permettre avec les créatures : « S’il est vrai que, parfois, nous les chrétiens, avons mal interprété les Ecritures, nous devons rejeter aujourd’hui avec force que, du fait d’avoir été créés à l’image de Dieu et de la mission de dominer la terre, découle pour nous une domination absolue sur les autres créatures6. »

II – Le rejet d’un Dieu spéciste et l’option panthéistique

A) Ecologie et spécisme 

Le terme « spécisme » est péjoratif. Il a été élaboré pour dénoncer la valorisation et la précellence d’une espèce sur les autres. Il sert à condamner tous ceux qui ont jusqu’ici pensé que l’espèce humaine se trouverait au sommet de la hiérarchie de toutes les espèces animales et à intimider ceux qui conserveraient encore une telle conception de l’univers. La transformation des mentalités est très largement due à l’imposition de la théorie de Darwin car « l’existence de l’âme ne saurait être compatible avec la théorie de l’évolution. L’évolution est synonyme de changement et ne saurait produire des entités éternelles7». Rien ne distingue donc essentiellement l’être humain de tout organisme vivant et ne saurait lui conférer des droits qui ne seraient pas ceux de tous.

Mais, à qui la faute si l’homme s’est estimé non point partie intégrante de l’écosystème mais supérieur à lui ? Au Dieu de la Genèse évidemment comme le rapporte l’UNESCO : « Les écologistes critiquant la Genèse ont soutenu que, puisque selon ce livre, l’homme est créé à l’image de Dieu, qui lui a donné de dominer sur la nature et lui a ordonné d’assujettir la terre, la Genèse confère manifestement à l’Homme un droit venant de Dieu d’exploiter la Terre sans restriction morale (sauf quand l’exploitation de l’environnement peut affecter l’homme lui-même). L’essence de l’homme, unique parmi les créatures, et faite à l’image de Dieu, confère à l’homme des droits uniques et des privilèges parmi les créatures8. »

On le voit, ce qui est en cause, c’est bien l’homme, image de Dieu, l’homme, distingué parmi les autres vivants, l’homme qui devient ainsi le dieu de la Création. Le haro est prononcé contre cette théologie monothéiste qui a placé l’homme sur un piédestal, piédestal du haut duquel, il a piétiné les espèces qu’il estimait inférieures à la sienne.

La théologie de François ne dénie pas à l’homme d’être « image de Dieu » mais accorde à tous les êtres d’être habités par le Christ : « Le Christ a assumé en Lui-même ce monde matériel et à présent, ressuscité, Il habite au fond de chaque être, en l’entourant de son affection comme en le pénétrant de sa lumière9. »  En cette grave confusion entre le monde naturel et le monde surnaturel, François hisse les créatures non-humaines au niveau des créatures humaines en état de grâce :elles seraient habitées par le Christ et se trouveraient ainsi sur pied d’égalité avec elles.

B) Ecologie et panthéisme

On ne s’en étonnera pas : ce Dieu est rejeté comme criminel et les écologistes couvrent au contraire de louanges le panthéisme.

Voilà par exemple, la comparaison esquissée par Harari – considéré comme premier intellectuel de la planète – entre le « cosmos animiste » et le « cosmos théiste  » : « Dans le cosmos animiste, tout le monde dialoguait avec tout le monde. Si l’on avait besoin de quelque chose de la part du caribou, des figuiers, des nuages ou des rochers, on s’adressait directement à eux. Dans le cosmos théiste, toutes les entités non humaines ont été réduites au silence10. » Pour quel motif ont-elles été réduites au silence ? Parce que Dieu ou les dieux en ont fait « le héros central autour duquel tourne tout l’univers11 ». Et c’est à cause de cette conception véhiculée par le « cosmos théiste » que l’homme s’est cru tout permis et a saccagé la terre.

Aussi le changement de paradigme des Verts exige-t-il l’éradication de cette vision religieuse qui passe de l’Ancien au Nouveau Testament et fait de l’homme le roi de la création sur terre. L’antispécisme des Verts, très largement tributaire de la thèse darwinienne, considère l’espèce humaine comme une parmi les autres, n’ayant que le droit de s’intégrer dans la nature sans avoir la prétention de la dominer. Il s’accommode parfaitement avec le panthéisme qui attribue à chaque être vivant une part de divinité.

Parce que tout est sacré autour de lui, l’homme doit changer son regard sur son environnement : « Il y a une correspondance entre la vision du monde écologique et la vision du monde de la pensée hindoue. L’écologie se représente également le monde comme une unité, c’est-à-dire holistiquement – considérant l’unité existant entre un individu et son environnement. Ainsi deux éléments majeurs de l’hindouisme contribuent au développement d’une éthique universelle de l’environnement : l’empathie et la compassion envers toutes les formes de vie et un sentiment d’harmonie avec l’environnement conduisant à le protéger et à l’améliorer12. »

Là encore, François n’est pas en reste avec son « éco-théologie ». Il instrumentalise le vocabulaire chrétien au service de l’écologie en invitant les hommes à une « conversion écologique13 » et favorise le panthéisme par son mélange de l’ordre surnaturel avec l’ordre naturel : « L’Eucharistie unit le ciel et la terre, elle embrasse et pénètre toute la Création. Le monde qui est issu des mains de Dieu, retourne à Lui dans une joyeuse et pleine adoration dans le pain eucharistique, la Création est tendue vers la divinisation, vers les saintes noces, vers l’unification avec le Créateur Lui-même14. »

Entre l’amour de saint François d’Assise pour la nature et celui des écologistes et du Pape François, il y a un monde. Au lieu de considérer les êtres qui nous entourent avec respect parce qu’ils ont été créés par Dieu et qu’ils nous parlent de Lui, on supprime l’existence du Dieu Créateur pour diviniser et absolutiser la nature.

R.P. Joseph

1 « ONU, conférence internationale sur la population et le développement, Le Caire » cité par Pascal Bernardin dans « L’Empire écologique » Ed. ND des Grâces 1998, p. 548

2 Gen. I, 28

3 Instrumentum Laboris, n° 137

4 Gen I, 28

5 Conférence de Stockholm (1972) organisée par l’ONU, citée par Pascal Bernardin dans « L’empire écologique » Ed. ND des grâces 1998, p. 417

6 « Laudato Si » N° 67

7 Huval Noah Harari dans « Homo Deus, une brève histoire de l’avenir » Albin Michel 2017, p. 122

8 UNESCO, Unep « Changing minds – Earthwise, Paris, 1991, p. 19, cité par Bernardin, op. Cité p. 419

9 Laudato Si n°221

10 Harari, opus cité p.107

11 Ibidem p. 106

12 Unep cité par Bernardin, opuscule cité p 424

13 Laudato Si n°217

14 Laudato Si n°236

 

Ecologie et respect de la création

Chers amis,

« Ecologie intégrale », « conversion écologique », « écologie scientifique », « protéger l’environnement », « sauver ma planète », on ne compte plus les expressions qui envahissent notre vocabulaire depuis une décennie !

Le chrétien, dévot de saint François d’Assise, s’étonne de voir le monde découvrir une notion qu’il connaît déjà : le Christ lui-même n’a-t-il pas fait ramasser le reste de pains et de poissons lors d’un de ses éclatants miracles ?

L’expression « gérer ses biens en bon père de famille », héritée du « paterfamilias » romain avait même été introduite en 1804 dans notre Code civil1. Une éducation digne de ce nom donnait aux enfants l’habitude du respect de la nature et des animaux. Rien de bien nouveau ! N’était-ce pas là ce qu’on appelle « économie » (oikonomía, administration de la maison) ?

Mais est-ce vraiment le respect de la Création qui motive ces campagnes massives ? N’est-il pas surprenant que l’écologie soit devenue en si peu de temps le « combat du siècle  » ?

Les adeptes du néologisme « écologie » seraient curieux de découvrir la biographie de son inventeur ! En effet, plutôt que de parler d’économie – terme qui convenait parfaitement à la gestion de la terre – Ernst Haeckel préféra le mot « écologie » (Oikos = maison ; logos = l’art de la pensée verbale), afin de lui donner une connotation nouvelle qui corresponde à ses convictions monistes2. Grand ami de Darwin et de Thomas Huxley (surnommé le « bouledogue de Darwin » et grand-père d’Aldous), Haeckel est considéré comme le créateur du terme « écologie » qu’il définit en 1866. Ce médecin allemand « prit part en 1904 à Rome à un congrès international de libres penseurs qui réunit près de 2 000 personnes. Là-bas,

il fut nommé cérémonieusement « antipape3 ». Il est dit aussi que ses idées furent reprises par l’idéologie nazie3

Liée en sa racine avec la théorie de l’évolution, la notion d’écologie prit alors toute son ampleur en Allemagne et en Angleterre. On comprend mieux comment les deux amis, Haeckel et Darwin, se plurent à faire triompher leurs théories qui n’avaient en réalité pour unique but que de détruire dans son origine le récit de la Création tel qu’il nous est lu chaque nuit pascale.

Je vous laisse découvrir dans ce numéro ces théories destructrices qui pénètrent dans nos foyers : des livres de nos tout-petits jusqu’aux racines de notre foi ! Que l’approfondissement de cette thèse nous permette de mieux connaître le mal à combattre, nous aide à garder un équilibre serein sans vaciller et sans nous laisser ébranler par les sirènes écologiques, et qu’au milieu de tant de périls, nos cœurs chantent en ces mois de mai et de juin, la gloire de Notre-Dame et du Sacré-Cœur !

Marie du Tertre

1 Dans le Code civil, de la consommation, rural, de la pêche maritime, de l’urbanisme et enfin dans celui de la construction et de l’habitation. Supprimée en 1984 dans certains codes et dans les derniers par la loi n° 2014-873 du 4 août 2014, publiée au journal officiel du 5 août 2014.

2 Philosophie qui enseigne l’abolition des frontières traditionnellement installées entre le végétal et l’animal, ou encore entre l’animal et l’humain.

3 https://www.techno-science.net/glossaire-definition/Ernst-Haeckel.html

 

 

Respect humain ou apostolat ?

Les saints, les grands hommes d’état, ou les chefs de valeur, ont souvent commencé par témoigner de leur Foi et de leur courage dans de petites choses. Ils y ont acquis un entraînement de la volonté, une sorte de baptême du feu, qui leur a permis plus tard d’avoir « l’habitus » de la vertu et du courage. C’est le cas de nombreux martyrs, qui s’exerçaient à une multitude de petites privations au quotidien, afin de ne pas faillir si le jour venait où des douleurs plus grandes se présenteraient.

C’est, dans un moindre cas, l’exemple fameux dont témoigna le Maréchal Leclerc. Une des premières batailles qu’il eut à mener, et une des plus redoutables selon ses dires, fut une bataille contre lui-même, et contre le respect humain. Durant ses études, il était le seul dans son dortoir à dire sa prière à genoux au pied de son lit, malgré les quolibets et les projectiles qu’il recevait pour le distraire de ses oraisons. A force de maintenir fermement sa position, il s’attira le respect de ses camarades, mais surtout, des grâces divines et une force de caractère et une rectitude qui lui servirent tout au long de sa carrière.

Nous ne devons pas avoir peur d’être fiers d’être catholiques. Cacher ses convictions, c’est ignorer la chance extrême que nous avons d’avoir la Foi. C’est être ingrats envers Celui qui nous a fait la grâce de nous la donner. C’est laisser le terrain à ceux qui ont le malheur de ne pas croire. C’est reprendre à notre compte les arguments des ennemis de l’Eglise, qui veulent imposer que la Foi soit cachée. C’est surtout priver les incroyants d’un témoignage qui pourrait les faire réfléchir et les convertir.

Cette théorie de l’enfouissement, nous la subissons maintenant depuis 60 ans, et elle porte ses fruits frelatés de déchristianisation, faute de catholiques qui témoignent de la vraie Foi, au jour le jour.  Alors, notre lampe merveilleuse, la lumière de notre foi, ne nous a pas été donnée pour que nous la cachions sous le boisseau. Nous savons très bien que la conversion de nos contemporains dépendra du courage de notre témoignage et de la grâce surabondante que le Bon Dieu voudra bien y ajouter.

 

Le témoignage du catholique

C’est un porteur de poussière que le diable, et toutes les fois qu’il le peut, il jette cette poussière par les ouvertures de l’âme, afin de troubler la limpidité de ses pensées et la pureté de ses actions. Si la joie sait se défendre et subsister, le « malin » en est pour son « venin », mais si le serviteur du Christ devient chagrin, le diable est sûr de triompher. Tôt ou tard, cette âme désarmée sera déprimée et anéantie dans sa tristesse, ou bien alors elle cherchera de fausses consolations. »

Saint François d’Assise

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La trame de notre vie est tissue à la fois de bien et de mal. Nos vertus seraient fières si nos fautes ne les flagellaient pas ; et nos vices désespéreraient s’ils n’étaient pas relevés par nos vertus. 

Shakespeare

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Par la sérénité que je veux acquérir, je prouverai que la vie chrétienne est belle, et qu’elle apporte la joie avec elle. En vue d’un bien plus grand, d’une fin plus haute, veiller même sur mon attitude, sur ma toilette ; me faire « séduisante » pour le Bon Dieu. Rendre mon foyer attrayant en faire un centre d’influences bonnes et salutaires. Que jamais une âme ne s’éloigne découragée de la mienne parce que les agitations et les complications humaines lui en auraient caché les abords. Que mon âme se fasse souriante à tous, ainsi que mes lèvres ; et que votre Verbe, mon Dieu inspire mon humble verbe et lui donne la fécondité.

Elisabeth Leseur – Journal et pensées.

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Dieu reprochera à beaucoup de chrétiens leur tristesse parce que cette tristesse donne une fausse idée de la religion.

Monseigneur Gay

 

Réparation

Christianisme secondaire

 La récente affirmation de Roselyne Bachelot qu’il serait « impossible de conserver toutes les églises de France en raison du budget que leur entretien nécessite » découle de fait de la séparation de l’Église et de l’État, qui fit des édifices religieux la propriété de communes aujourd’hui chargées d’entretenir ce qui ne serait plus, aux yeux de l’ex-ministre de la culture, qu’un encombrant patrimoine religieux. Mais son constat témoigne surtout de ce « christianisme secondaire », subtilement analysé par Romano Amerio dans un ouvrage déjà ancien, Iota Unum, et qui est une des conséquences d’une philosophie humaniste à la manœuvre lors du concile Vatican II. L’Église post conciliaire, écrit le philosophe italien1, ne considère plus le christianisme que sous un aspect uniquement terrestre, comme un modèle de perfection civilisationnelle. On identifie le christianisme à ses effets, qui furent bien d’apporter l’ordre, la culture, la civilisation, tout en négligeant son essence, son action et ses fins surnaturelles. C’est une erreur, car le culte dû à Dieu devient secondaire par rapport à la notion moderne de patrimoine humain, qui, en traitant le catholicisme comme un fait historique, certes fondateur, paraissent le défendre, mais le font passer en réalité au second plan par rapport à ses fruits civilisationnels. Dès lors, peuvent dire certains, à quoi bon conserver toutes ces églises ? D’autant plus que ce fut la conséquence de Vatican II, de promptement les vider de la plus grande partie de leurs fidèles… Si les français réduisent le catholicisme à un héritage patrimonial, ils trahissent le culte qu’ils doivent rendre à Dieu. Jérusalem n’a-t-elle pas perdu son Temple pour n’avoir pas accepté son Messie en son sein ?

 

Eglises vandalisées

Dans le froid mordant de cet après-midi du 21 janvier 2023, jour anniversaire de l’assassinat de Louis XVI, un petit groupe de catholiques emmenés par leur abbé se rassembla devant l’église Saint-Louis-Roi de Champagne au Mont-d’or, qui venait d’être vandalisée onze jours plus tôt. L’église étant close, le chapelet de réparation fut donc récité à genoux à même les marches. La semaine précédente, l’archevêque de Lyon s’était lui-même déplacé pour célébrer un rite pénitentiel. Interrogé par la presse locale, le curé de l’église, parlant d’une « volonté manifeste d’attenter à la sainteté du lieu », avait alors donné le détail de la profanation : chemin de croix et tableaux du chœur détruits, ambon renversé, deux crucifix brisés en morceaux, des livres, des cierges, des vases jetés sur le sol, la crèche retournée et endommagée, trois vitraux significativement abîmés… L’inénarrable ministre des cultes s’était empressé de twitter son « soutien aux catholiques du Rhône ». Peu après, identifié par la vidéo-surveillance, on plaça en garde à vue un individu avant qu’un expert psychiatrique ne conclût à des « troubles du comportement » …

 

Statues indésirables

Une autre affaire concernant une statue de la Très Sainte Vierge fit parler d’elle à l’autre bout du pays. D’abord placée dans un jardin privé, elle avait été en 1983 offerte à la commune de La Flotte-en-Ré, qui l’installa à un carrefour. En 2020, une association de laïcards, La Libre  pensée 17, a saisi la justice au nom de la loi >>>  >>> interdisant l’installation de monuments à caractère religieux sur le domaine public. Le maire allégua naïvement qu’une statue de la Sainte Vierge relève de la civilisation française, au même titre que celle d’un roi ou de Napoléon, ce que le tribunal contesta en soulignant à raison la dimension éminemment religieuse de l’œuvre incriminée, dimension que l’élu faisait mine de ne plus percevoir : à trop jouer avec le feu en limitant le christianisme à une simple valeur culturelle ou nationale, voilà le résultat ! Le « christianisme secondaire » avait encore frappé, et par lui, cette idée que la pensée postconciliaire a élevé au rang d’opinion commune, « que la participation de tous les individus au gouvernement de la communauté politique serait affaire de justice naturelle ».

 

Dans le tourment de la souveraineté populaire

Pour ses adeptes, en effet, le « christianisme secondaire » serait une doctrine essentiellement démocratique ; et les principes révolutionnaires de liberté, égalité, fraternité dériveraient naturellement de cette charité chrétienne introduite dans le monde par l’Évangile de Notre Seigneur Jésus-Christ. Romano Amerio cite un document de l’épiscopat français de 1981 qui prétend même que « les principes de 1789 sont la substance du christianisme et que l’Église s’est tardivement mise à la défendre ». Donc, poursuit ironiquement Amerio, « à reconnaître sa propre substance » … On voit combien de telles allégations conduisent la raison dans les voies tortueuses du paradoxe. Car jamais l’Église de Jésus-Christ n’a supposé que l’autorité pût venir de la souveraineté populaire, ni même d’un quelconque droit humain : l’Église, au contraire, a toujours affirmé que toute autorité provient de Dieu. Mais ce concept de souveraineté populaire, à laquelle le concile a délibérément soumis l’Église contemporaine, règne dorénavant en dogme dans les esprits. Faut-il s’y accorder, lorsque le gouvernement vote des lois iniques allant contre Dieu, ou que l’épiscopat le soutient implicitement par des propos laxistes ? Peut-on encore se soumettre à ce type d’autorité sans en établir une critique intellectuelle, au risque de sombrer dans une tentation d’orgueil ou une indignation morale stérile ? La bonne posture est, me semble-t-il, de remettre le christianisme à sa place, de secondaire à « Dieu premier servi » !

 

Un combat pour le salut des âmes

La France est de Dieu ou elle n’est pas, point final ! Non, le christianisme n’est pas seulement une affaire civilisationnelle, c’est un combat pour le salut de la multitude ! Non, les principes de 89 ont été pensés en loges, jamais ex cathedra !  C’est ce qu’ont compris ces milliers d’anonymes de « La France qui prie » qui, par poignées de trois à vingt personnes, se retrouvent chaque mercredi devant un calvaire, une statue, le perron d’une église fermée, pour prier un chapelet dans l’espace public. C’est ce qu’ont compris ces autres catholiques qui, çà et là, se réunissent pour des prières de réparation à chaque fois qu’un acte christianophobe est commis quelque part. Ils tournent leur espérance vers l’Église triomphante ; l’Église triomphante ne peut se réjouir de la faiblesse de l’Église militante, mais elle est toujours prête à répandre ses grâces sur les quelques-uns déterminés à servir Dieu, qui ont compris que même si la sauvegarde des pierres compte, cette sauvegarde n’aura de sens, de mérites et d’effets que si l’on mène le combat pour le véritable enjeu apostolique : celui du salut des âmes dans le respect du magistère inaltérable de l’Église.

G. Guindon

 

1 Romano Amerio, Iota Unum, chapitre XXII, « Civilisation et christianisme secondaire », pp 412-421, NEL, 1987

2 Romano Amerio, Iota Unum, chapitre XIII, « La démocratie dans l’Eglise », pp 412-421, NEL, 1987