Honneur à nos parents

Toute la famille est agenouillée devant la statue de la Vierge qui occupe la place d’honneur sur le buffet. Le petit dernier joue dans un coin avec quelques cubes de bois qui traînaient là. Les plus grands récitent le chapelet avec les parents. Les « je vous salue Marie » s’égrènent lentement. Pendant un court quart d’heure, l’agitation quotidienne cesse et vient s’échouer aux pieds de la Vierge. Avec plus ou moins de ferveur, se tenant plus ou moins droit, articulant plus ou moins bien, la famille récite le chapelet. Le temps semble se mettre en pause quelques instants. Les cahiers d’école sont laissés sur la table, le dîner mijote dans la casserole, le téléphone est silencieux… Seuls les ave rythment le temps. Les mystères divins, comme des bannières familières, processionnent dans notre âme. Avant chaque dizaine, les enfants donnent parfois une intention de prière qui leur tient à cœur. C’est la Communion des Saints. On prie pour le voisin, la maîtresse, la mère titulaire, la nouvelle élève, la famille de convertis, l’abbé, les cousins, les amis, pour papa et maman, pour le pape, l’Eglise, la France. Pour les défunts aussi. Nos chères âmes du Purgatoire… Près de la statue de la Vierge, les visages souriants des images « in memoriam » nous regardent. Les petites images sont des fenêtres sur mille souvenirs qui animent les visages figés sur le papier. On entend le rire de bonne-maman, son doux regard, ses petites attentions. Ses précieux conseils aussi. On revoit sa silhouette, mantille sur ses cheveux blancs comme neige, pieusement recueillie à la messe. Et le chapelet qui, souvent, coulait entre ses doigts fatigués. Une petite voix ouvre la cinquième dizaine. « Nous dirons cette dizaine pour bonne-Maman.»

La petite, malgré ses sept ans, conserve jalousement le souvenir précieux de son arrière grand-mère, sa bonne-maman, partie vers le Père, il y a deux ans déjà. Après tout, n’est-ce pas un de nos premiers devoirs que d’honorer nos parents ? Sous le regard de la Providence, ils nous ont donné la vie, en s’engageant dans le mariage, en nous donnant naissance, en nous portant sur les fonds baptismaux. Et bonne-maman, si elle n’avait pas dit « oui » à bon-papa, où serions-nous ? Et bon-papa, s’il ne nous avait donné l’exemple du travail, de l’étude et de la formation, qu’aurions-nous aujourd’hui ? Si tous les deux n’avaient pas fait de Dieu le centre de leur vie, de leur choix, de leurs préoccupations, que ferions-nous aujourd’hui ? S’ils n’avaient pas fait de la Tradition et de la Vérité les piliers de l’éducation de leurs enfants, que penserions-nous aujourd’hui ? S’ils n’avaient pas suivi Monseigneur Lefebvre malgré les sacrifices, à quelle messe assisterions-nous aujourd’hui ? Quel catéchisme professerions-nous ?

Honorer son père et sa mère… Honorer ceux qui exercent une autorité sur nous… Ce commandement vient percuter notre époque moderne. De plus en plus, les générations se détestent. On rejette l’autorité. On méprise l’héritage civilisationnel et chrétien de nos aïeux tout en dilapidant l’héritage matériel qu’ils nous ont laissé. On dit souvent qu’il faut trois générations pour détruire une famille. La première construit, la deuxième profite, la troisième dilapide, ayant perdu le sens de l’effort, du sacrifice et de l’honneur. Combien de générations faudra-t-il pour détruire la Chrétienté et la France ? Cinq ou six, depuis 1918, point de bascule de l’Europe dans la décadence après avoir sacrifié sa courageuse jeunesse ? Il n’est pas certain que beaucoup de générations suivront l’actuelle avant que la France ne change de visage. Peut-être est-elle la dernière… La natalité s’effondre, le pays sombre dans le déclassement sur tous les plans, économique, culturel, diplomatique, la guerre civile guette notre avenir, les églises sont vides quand elles ne sont pas détruites par les pelles mécaniques ou les pyromanes.

Mais Dieu est bon ! Haut les cœurs, car au milieu des ruines, des îlots de chrétienté se dressent, comme les clochers de nos campagnes qui sonnent l’angélus pour continuer d’annoncer à contretemps la Bonne Nouvelle du salut. Des familles portent encore la croix, autour du cou, mais surtout dans leur cœur. Leurs membres sont fiers de porter la croix, leur étendard, ce signe de contradiction face au monde. C’est dans leur sein que Dieu trouve ses derniers amis privilégiés, les dernières vocations, si peu nombreuses, mais si précieuses, pour continuer de donner le Bon  Dieu aux hommes. Ces îlots de chrétienté n’existeraient pas sans le courage de certains pères et mères de famille, qui après 1962, firent le choix de la Tradition, qui malgré le monde moderne, décidèrent de rester fidèles au Christ et à ses commandements, quoiqu’il en coûte. Ils sont nos parents. Honneur à eux ! Honneur selon les hommes, mais surtout, honneur selon Dieu.

Certains ont déjà quitté ce monde pour l’Au-delà. Leurs visages se découvrent entre les pages de nos missels ou sur le buffet, à côté de la statue de la Vierge. Leur souvenir vit dans nos cœurs et dans nos intentions de prières. Car nous connaissons notre catéchisme, nous ne canonisons pas nos parents en les mettant au Ciel trop vite, souvent d’abord pour soulager notre sensibilité. Non, nous prions pour eux, pour que Dieu leur pardonne leurs péchés, qu’Il purifie leurs âmes comme l’or dans le creuset de l’orfèvre pour être lavé de toute impureté, puis, qu’Il les libère du Purgatoire et les emmène au Ciel. Jusqu’au bout, jusqu’à notre propre mort, nous les honorerons, par nos prières, par leur souvenir que nous entretiendrons, par leurs images que nous garderons précieusement.

Honneur à nos parents ! A nos grands-parents !  A nos ancêtres ! A nos prélats, nos prêtres, nos pères, nos saints !

 

Louis d’Henriques

 

Tes père et mère honoreras, afin de vivre longuement

Chers grands-parents,

« Les peuples ne perdent la vie que lorsqu’ils ont perdu la mémoire. » Foch

 « Tes père et mère honoreras, afin de vivre longuement. »

Ce 4ème commandement de Dieu est le 1er qui ne se rapporte pas directement à Dieu. Quand on sait que les commandements sont placés dans leur ordre d’importance, c’est dire la place qu’il tient dans le cœur de Dieu.

« Et il leur était soumis » nous dit l’Evangile parlant de Jésus retrouvé au temple. Ainsi, Dieu lui-même, notre divin exemple, nous donne l’exemple de la soumission à ses parents terrestres. Saint Joseph et la Sainte Vierge avaient autorité sur leur Divin Fils ! Quelle leçon merveilleuse !

Eux-mêmes, remplissaient leur devoir en obéissant aux autorités religieuses et civiles. Ainsi les voyons-nous, sur l’injonction orgueilleuse du César, se rendre à Bethléhem au moment où il nous semblerait utile que la Sainte Vierge se reposât. Et c’est par cette obéissance que se réalise la prophétie de Michée et que la naissance de notre Sauveur se déroule là où elle avait été annoncée… Quelle leçon !

Ce commandement s’impose à tous :

Aux parents :

– qui doivent eux-mêmes fidélité aux bons exemples et usages que leur ont laissé leurs propres parents.

– qui doivent éloigner les occasions de péché de leurs enfants et donc leur imposer une juste obéissance.

– qui doivent obéissance aux autorités civiles, sauf pour le péché1.

 

Aux enfants, bien sûr :

– qui doivent honneur – obéissance, respect et assistance – à leurs parents.

– qui doivent honorer leurs parents par leur obéissance et leur comportement conforme à ce qui leur a été enseigné.

 

Les travers de l’époque peuvent nous conduire à traiter avec mépris toute autorité non familiale ou religieuse, considérant que « dans notre société opposée au Christ », tout est mauvais… On peut donc gruger les impôts, tricher dans les transports en commun, ne pas respecter toutes ces lois agaçantes souvent guidées par l’idéologie du moment. Eh bien non ! Hors le péché, nous devons être soumis à nos supérieurs.

Souvenons-nous de l’exemple donné par David, combattant l’infâme roi d’Israël Saül, pour ses actions contre son propre peuple, mais le traitant avec un grand respect quand il l’a à sa merci, car c’est le roi choisi par Dieu.

Nous devons respect à nos parents, même pécheurs, à nos autorités religieuses, même quand elles nous persécutent, aux autorités publiques, même dévoyées.

Nous n’avons le droit de désobéir que lorsque nous en avons le devoir.

Nous ne pouvons évidemment obéir aux lois iniques et antichrétiennes car nous devons nous battre pour le règne du Christ ! Les lois diaboliques sur l’identité humaine, le mariage, la vie doivent être combattues – bien entendu >>> >>> par la prière – mais aussi par tous les moyens légitimes et efficaces.

Prions pour nos parents, pour nos dirigeants, combattons leurs actions infâmes, mais sachons qu’à l’instar du roi Saül, ils ont été choisis par Dieu – sans doute parce que nous ne méritions pas mieux.

Que nos maisons soient des lieux où l’on combat le mal par la prière et par l’action, mais aussi où l’on donne l’exemple du respect aux traditions, de l’obéissance aux autorités et de la prière pour tous ceux qui ont la charge de nous guider.

 

Prions sainte Anne de nous donner le courage de suivre cette délicate ligne de crête située entre le combat contre l’erreur et le respect dû aux chefs que Dieu nous a donnés !

 

Des grands-parents

 

1 Le catéchisme de Saint Pie X précise que dans père et mère sont compris « tous nos supérieurs tant ecclésiastiques que laïques, auxquels nous devons donc obéissance et respect ».

 

Ma Bibliothèque

Vous trouverez ici des titres que nous conseillons sans aucune réserve (avec les remarques nécessaires si besoin) pour chaque âge de la famille.

En effet, ne perdons pas de vue combien la lecture d’un bon livre est un aliment complet ! Elle augmente la puissance de notre cerveau, développe la créativité, participe à notre développement personnel, nous distrait, nous détend et enfin elle enrichit notre vocabulaire.

Dès l’enfance, habituons nos enfants à aimer les livres ! Mais, quel que soit l’âge, le choix est délicat tant l’on trouve des genres variés… N’oublions jamais qu’un mauvais livre peut faire autant de mal qu’un mauvais ami !

ATTENTION : Quand nous conseillons un titre, cela ne signifie pas que tous les ouvrages du même auteur sont recommandables.

SACERDOCE ET CELIBAT – Abbé B. de Lacoste – Iris – 2024

En ce temps où le célibat des prêtres est attaqué de toute part, ce livre est d’une grande actualité, répondant aux vingt objections courantes sur le sujet. L’auteur donne les raisons profondes pour lesquelles « le prêtre aimera son vœu de chasteté et s’efforcera, sous le regard de la Sainte Vierge, de progresser dans cette vertu. » Pour tous, pour ceux qui veulent savoir répondre aux questions avec des arguments de valeur et particulièrement pour les jeunes gens.

L’ART D’ÊTRE HEUREUSE – C. Jéglot – Éditions Saint-Remi, réimp. 2024

Ces petits chapitres toujours d’actualité seront facilement utilisés à notre époque. Chacune saura y trouver les réponses à ses questions et les conseils appropriés. Savoir être heureuse, voici un art qui se découvre, se cultive et s’entretient ! A offrir à toutes les jeunes filles à partir de 18 ans. Elles sauront en extraire les mots-clés dont elles ont besoin.

CEUX QUI DEVRAIENT DEMANDER PARDON – La légende noire espagnole et l’hégémonie anglo-saxonne – M. Gullo Omodeo – ed. de l’Artilleur – 2024

Remettre l’histoire à l’endroit, voilà le but de ce livre très approfondi et enrichi de nombreuses références. L’auteur fait redécouvrir une très belle page de l’Histoire, méconnue aujourd’hui des Espagnols eux-mêmes et que le travail des historiens dignes de ce nom extirpe petit à petit de l’oubli… L’Espagne catholique peut être fière et n’a pas à rougir de l’œuvre de civilisation qu’elle a accompli.

PRINTEMPS ou ETE – Mizuho Fujisawa – Nathan – 2025

Ces petits livres aux phrases très courtes font admirer au fil des pages, le même paysage étudié selon les saisons. Les dessins aux mille détails, très fins et réalistes, raviront les enfants et leur apprendront ainsi à voir comment la nature évolue selon les saisons. Quelques pages en fin de volume reprennent animaux et plantes pour en donner le nom. D’excellents livres pour développer les dons d’imagination et d’observation de la nature. Pour l’instant, seules deux saisons sont disponibles. Nous attendons l’automne et l’hiver !

 

Les oligo-éléments (suite) L’hypertension artérielle

L’hypertension artérielle se traduit par une hausse de la pression du sang dans les artères au-dessus des chiffres habituellement normaux. La pression artérielle est considérée comme normale à 120/80, mais les chiffres varient en fonction d’une même personne et de situations différentes. Il existe cependant des marges acceptables, c’est à dire qu’une TA est considérée comme normale à 140/90 au cabinet médical et 135/85 en auto-mesure. 

Elle est mesurée en millimètres de mercure. Le premier chiffre appelé systolique correspond à la pression sanguine dans les vaisseaux du corps lorsque le muscle cardiaque se contracte et le second chiffre, appelé diastolique, correspond à la pression sanguine lorsque le muscle cardiaque se détend et se relâche.

Ce qui nous intéresse, ce sont les hausses de la pression artérielle parce que le danger vient de là.

 

On peut retrouver :

– Des maux de tête,

– Des vertiges,

– Des éblouissements,

– Des mouches volantes dans le champ visuel,

– Des sifflements ou bourdonnements dans les oreilles,

– Des tremblements,

– Une hyperexcitabilité neuro-musculaire,

– Mais aussi des symptômes psychiques : agitation, nervosisme, hyperactivité, anxiété, insomnie, aboulie, syndrome anxio-dépressif…

 

Le traitement par oligo-éléments est simple. Il existe des OE prépondérants et d’autres plus secondaires.

 

1) Les oligo-éléments prépondérants :

 

Le MANGANESE :  il est à donner en première intention.

Il peut en évitant les oscillations tensionnelles ramener les chiffres tensionnels à la normale dans 50% des cas.  Il est à utiliser à raison de 3 prises par semaine pendant 2 mois. Sur un terrain allergique, le manganèse est à utiliser une fois par semaine seulement.

 

Le MANGANESE COBALT : il est à associer au Manganèse dans les hypertensions de la ménopause, dans les états spasmophiles, à raison d’une prise tous les deux jours.

 

Le PHOSPHORE : on peut l’utiliser dans toutes les formes cliniques et en particulier en cas de dysthyroïdie ou de spasmophilie.

 

Le COBALT :  il est intéressant dans les formes d’hypertension accompagnées de vertiges, acouphènes, paresthésies…

 

2) Les oligo-éléments secondaires :

 

Cuivre Or Argent : indispensables dans les états anxio-dépressifs

Lithium : dans les états de nervosisme, anxiété, syndromes anxio-dépressifs

Magnésium : en cas de spasmophilie

Zinc : en cas de dysthyroïdie

Zinc/Nickel/Cobalt et/ou Zinc/Cuivre dans toutes les formes liées au stress.

 

Pour conclure, si après le traitement par oligo- éléments, les résultats tensionnels ne sont pas satisfaisants, c’est-à-dire si les chiffres tensionnels restent toujours élevés, mieux vaut consulter son médecin traitant car un traitement par Béta Bloquants s’imposera alors.

 

Dr Rémy

Noé ivre ou l’humiliation d’un patriarche

Tous nous connaissons Noé, patriarche incontournable de la Genèse, qui reçut de Dieu la mission de sauver toutes les créatures du Déluge. Beaucoup oublient en revanche ce qu’il devient après la sortie de l’arche. D’abord reconnaissant envers Dieu, Noé offre un sacrifice en action de grâce. Puis obéissant à l’ordre divin, réitéré, de cultiver la terre, il plante une vigne et produit du vin. Comme tout vigneron, il boit son vin, mais il en boit trop et finit par s’enivrer. S’allongeant sous sa tente, il dévoile alors sa nudité. C’est l’épisode de son ivresse, épisode qui est notamment représenté à la voûte de l’abbatiale de Saint-Savin-sur-Gartempe (XIe siècle, Vienne, Nouvelle Aquitaine).

Noé à Saint-Savin

A Saint-Savin, le cycle de Noé est divisé en deux parties presqu’égales. La première, relatée sur le versant nord de la voûte, retrace le Déluge et s’achève, à l’est, sur la plantation de la vigne de Noé. La seconde, dont le sens de lecture s’inverse et part en direction de l’ouest, traite des évènements qui suivent : Noé boit son vin, puis ivre il est découvert par ses fils, enfin il maudit Cham. Le cycle s’achève par la représentation de la Tour de Babel qui clôt le récit du Déluge.

En raison de l’ivresse, l’inversion du sens de lecture du cycle de Noé à Saint-Savin est souvent comprise comme un signe de la déchéance du patriarche et de l’échec de son alliance avec Dieu. En effet, côté nord le récit du Salut de l’homme dans l’arche de Noé se dirige vers l’est, en direction de l’autel majeur, tandis qu’au sud le sens de lecture repart vers l’ouest pour raconter l’ivresse. Il semblerait donc bien que d’un côté les hommes se rapprochent de l’autel, et donc de Dieu, tandis que de l’autre ils s’en éloignent. Mais en réalité, l’inversion du sens de lecture est plus complexe.

L’exégèse de l’ivresse

Aux yeux de beaucoup, l’épisode marque la déchéance de Noé, signe que l’homme même sauvé par le baptême est toujours pécheur. D’autres exégètes, dont saint Augustin, s’interrogent toutefois sur les raisons de cette ivresse. Sans pour autant justifier l’excès de vin qui conduit Noé à ne plus se maîtriser, certains avancent que Noé est le premier à produire du vin. Il ne pouvait donc pas en connaître les effets. Il découvre l’effet du vin et subit son ivresse plus qu’il ne la recherche. Cette interprétation clémente de l’attitude de Noé tire son origine du texte même de la Vulgate : nudatus est in tabernaculo suo, littéralement « Noé est nu sous sa tente ». La voix passive utilisée pour désigner sa nudité est très claire et ne laisse place à aucun doute. Noé subit une humiliation, il ne s’adonne pas à la débauche.

Ce verset invite également à considérer Noé comme l’image du Christ. La tente, tabernaculum, sous laquelle se repose Noé évoque une autre tente, celle qui, placée sur l’autel, abrite les saintes espèces, et qu’on appelle aujourd’hui le tabernacle. L’ivresse de Noé est de nature sacrificielle, elle préfigure le sacrifice du Christ : Noé, ivre, nu sous sa tente et moqué par son propre fils, est l’image par anticipation du Christ, nu sur la Croix, ivre d’amour pour le genre humain et moqué par son propre peuple.

Suivant cette logique christique, à Saint-Savin, Noé est allongé sur une couche dont les motifs rappellent ceux du marbre, et sous une construction qui, loin de ressembler à une tente de toile, est un édifice comparable à une église. Enfin, le linge que présentent Sem et Japhet pour le recouvrir, particulièrement ouvragé, s’apparente aux linges d’autel. L’ivresse de Noé est ici sacrificielle et son vêtement lui-même établit un parallèle avec le Christ en Croix : Noé à demi-nu, subit l’humiliation de découvrir à son insu la partie la plus intime de son corps, qui est aussi celle par laquelle il a engendré ses fils. Ce faisant il est le reflet inversé du Christ en Croix, uniquement vêtu d’un périzonium par pudeur. L’ivresse de Noé est ici préfiguration de l’humiliation du Christ sur la Croix.

 

L’irrespect de Cham

Même si tous les exégètes rappellent que la vertu de tempérance est de rigueur et qu’en cette posture Noé n’est pas imitable, un autre fautif est désigné dans l’histoire : il s’agit de son fils Cham. Cham, voyant son père ivre et nu, s’en moque et avertit ses frères. Sem et Japhet, au contraire de Cham, adoptent une attitude de respect vis-à-vis de leur père : ils pénètrent sous sa tente à reculons, pour ne pas le voir nu, et le recouvrent d’un linge par respect pour sa pudeur. C’est ce qui est fidèlement représenté à Saint-Savin : tandis que Sem et Japhet s’apprêtent à recouvrir leur père, Cham pointe un index moqueur dans sa direction. Il désigne irrespectueusement la nudité de son père, qui est pourtant la partie de son corps par laquelle il a été engendré.

En apprenant son geste, Noé maudit Cham et sa descendance. Il condamne Canaan, le fils de Cham, à être l’esclave de la descendance de Sem et Japhet. Cham est puni par où il a péché. Son fils est châtié car lui-même a péché par impiété filiale. Il attire la colère de son père, et par là également la colère divine, pour avoir livré au mépris son père humilié.

Le demi-tour narratif du cycle de Noé à Saint-Savin ne s’explique donc pas par l’attitude de Noé. Au contraire, l’inversion du sens de lecture s’opère sur la question du vin au plus près de l’autel, en écho au vin, consacré avec le pain, lors de la messe. La faute est reportée sur Cham qui, se moquant de son père, provoque sa chute. Le cycle du Déluge s’achève avec l’épisode de la Tour de Babel. Lors de cet épisode s’illustre le géant Nemrod, image de l’orgueil humain, que des traditions apocryphes désignent comme étant non seulement le commanditaire de la Tour de Babel mais aussi le petit-fils de Cham. C’est donc Cham par son geste qui cause ce retour en arrière et l’éloignement de Dieu qu’il signifie. Le respect dû à ses parents prime sur la condamnation de l’ivresse.

Conclusion 

La mémoire de l’épisode est restée dans le langage puisque le plus vieux cépage connu, le « Noah » est nommé précisément en référence à Noé, mais aujourd’hui l’ivresse de Noé est tombée dans l’oubli, non sans raison : la tempérance est vertu de rigueur. Au-delà des considérations exégétiques sur les torts de Noé ou de son fils, cet épisode d’ébriété de la part d’un patriarche de la Genèse nous rappelle avant tout que la piété filiale n’est pas une option. Même un père déchu a droit au respect de ses fils. On pourrait même dire : un père déchu a plus que tout autre besoin du respect et du soutien de ses fils.

 Une médiéviste