Le bonheur, c’est d’en donner

Chère Bertille

            Le monde n’est pas glorieux, mais ce n’est pas pour autant qu’il faut s’enfermer dans la tristesse. C’est tout l’objectif du monde et du Grappin, de nous faire chuter par ce biais là. Alors, nous, jeunes filles prenons le contre-pied, en nous efforçant d’être la joie de tous.

   La joie chrétienne, c’est donner du bonheur aux autres. Le bonheur parfait n’existe pas sur cette terre. Il y a toujours une difficulté, une petite croix. Si on se regarde soi-même, jamais rien n’ira. Mais si notre objectif c’est d’apporter du bonheur aux autres, voilà un but à notre vie. Et tu verras Bertille que faire des heureux, c’est l’admirable moyen d’assurer ton propre bonheur.

Cette façon d’agir t’élève au niveau de Dieu même. L’unique but de Dieu, en nous créant, c’est de nous rendre heureux. Il nous accorde tous les moyens pour l’être : la grâce sanctifiante qui nous fait enfant de Dieu, les sacrements qui nous font participer à sa vie divine, la communion qui permet de vivre en sa présence… Il nous suffit de venir puiser à la source. Cette joie, toute jeune fille peut la donner, car elle est toute spirituelle. Même si tu as un tempérament flegmatique, tu peux procurer de la joie dans ton entourage. Imitons la vie de Notre-Seigneur sur terre. Comment a-t-il fait pour apporter la paix et la joie, partout où il passait durant sa vie publique ? Il ne cessait de faire du bien. Il guérissait les malades, consolait ceux qui étaient dans la peine, convertissait les âmes juste par sa présence. Sa personne toute entière diffusait le bien. Et c’est cela qu’il faut imiter. Pas besoin de grand discours. Juste une présence qui fait penser qu’un être supérieur existe.

  La sensibilité de la jeune fille est très variable, nous le savons, et soumise aux émotions. Pour rayonner cette joie, la jeune fille doit paraître toujours contente et l’être vraiment. Ne soyons pas de ces jeunes filles variables à l’excès, capricieuses qui vingt fois le jour, changent d’humeur, d’extérieur, de manières. Vrais baromètres ambulants qu’il faut consulter du regard avant de les aborder.

  Paraissons toujours contentes, à moins qu’il ne s’agisse de choses où Dieu est offensé, ce qui serait donner une sorte d’approbation. Dans ce cas, il suffit de rester froide et distante. Le secret d’être toujours contente, c’est de prendre tout comme venant de la main de Dieu qui saura son heure venue disperser les nuages et souvent même tirer le bien du mal.

  Être toujours contente, c’est le signe certain de beaucoup d’efforts, de luttes intérieures, d’actes répétés pour pratiquer les vertus d’humilité, de charité, de patience et de douceur. Il faut un certain temps pour en arriver là. C’est un travail de tous les jours avec des chutes mais aussi de glorieuses conquêtes, que Dieu et ses anges admirent et devant lequel le monde lui-même s’incline. C’est l’apostolat de la jeune fille. Que de pécheurs endurcis ont cédé devant le bon visage, devant l’air souriant, devant l’empressement toujours joyeux d’une jeune fille.

   Voilà ma chère Bertille, mes encouragements à pratiquer la joie chrétienne. Tu procureras du bien aux autres mais tu seras aussi récompensée par cette paix intérieure qu’elle te procurera à toi-même.

 Anne

 

« Ne craignez point, petit troupeau »

           Le monde craque de toutes parts, les pères et les repères sont perdus, nul ne sait où donner de la tête ni à quel saint se vouer. L’inquiétude nous hante et alimente notre quotidien d’homme à courte vue et réaction instantanée via les ondes 3, 4 et 5G. Il semblerait que notre profondeur de champ très vaste dans l’espace se soit fortement réduite dans le temps. Nous nous considérons presque comme les premiers habitants de cette terre ayant oublié les générations qui nous ont précédés. Nous sommes malheureux et nous avons parfois l’impression de vivre les pires moments de l’histoire de l’humanité, certainement la fin du monde est arrivée, c’est pour bientôt car les choses n’ont jamais été aussi mal.

 

  Certes la vie n’est pas toute rose et de nombreuses interrogations subsistent. Mais jetons un œil par-dessus l’épaule de nos parents et regardons les tempêtes que nos pères ont eu à traverser : Mai 68 et la révolution sexuelle, la débâcle et l’exode de juin 1940, l’occupation et le STO, les déportations dans les camps nazis ou soviétiques, l’épidémie de grippe espagnole, 14-18 et la grande boucherie anonyme, 1870 et l’invasion prussienne, les guerres Napoléoniennes et la Bérézina, la Révolution française, la mort du Roi et la guillotine et le génocide vendéen, les guerres de religion et la lèpre du protestantisme, les Invasions des maures, la Guerre de cent ans et l’anarchie au royaume de France, les luttes incessantes du moyen-âge, les invasions Viking, la chute de l’empire romain… Et encore ce n’est qu’un très rapide balayage. Mettons-nous maintenant à la place de nos ancêtres qui ont vécu durant ces évènements et essayons d’imaginer leur vie, leurs angoisses, leurs inquiétudes ! Elles ressemblaient très certainement aux nôtres. Et malgré tout, ils ont vécu et ils sont morts comme nous mourrons, mais surtout ils ont transmis et ils ont réussi à transmettre contre vents et marées, contre assauts et attaques, contre tortures et massacres puisque nous sommes là grâce à eux pour transmettre à notre tour le dépôt de la Foi et de l’amour de Dieu. Et eux sont là-haut pour nous encourager et pour intercéder pour nous. Alors à quoi bon s’inquiéter, pourquoi se ternir la vie ? Parce que nous sommes déçus, parce-que nous commencions à croire aux sirènes consuméristes des lendemains qui chantent. Une vie tranquille et confortable serait notre droit alors qu’eux ont tous souffert et combattu. Et nous ne sommes pas prêt à y renoncer, nous sommes accrochés à notre confort et nous ne voulons pas croire que le bonheur de l’homme n’est pas de ce monde !

 

  Devons-nous pour autant vivre prostrés, vivre cachés, nous résigner dans la crainte et la torpeur en attendant la mort et le paradis puisque le bonheur n’est pas de ce monde ?

  Allons plutôt puiser la joie et l’Espérance à sa source, au sacrifice de la croix, imbibons-nous de l’amour de Notre Seigneur Jésus-Christ, cela commencera déjà à nous rassurer, à nous rasséréner. Que peuvent contre nous les persécutions de nos ennemis puisque Dieu est avec nous ?

 

  Puis cherchons dans l’étude, dans l’histoire et dans la réflexion la conduite à tenir. Les temps nous sont hostiles et les repères habituels se sont évanouis. Et de nombreuses nouvelles questions se posent à nous pour lesquelles il n’existe pas de réponse toute faite. Prenons le temps d’y réfléchir, fuyons les réactions instantanées et à fleur de peau en prenant du recul autant que possible en nous posant la question des conséquences de nos décisions pour notre futur et celui de nos enfants.

  Essayons d’affronter les problèmes en face et au bon moment, sans anticiper des problèmes qui ne se poseront peut-être jamais étant donné la vitesse à laquelle les décisions politiques, les ordres et les contre ordres pleuvent. Mais aussi sans repousser indéfiniment la prise de décision quand celle-ci est nécessaire, car les problèmes non résolus sont source d’inquiétude latente.

 

  Enfin gardons à l’esprit que nous sommes sur la terre pour « louer, honorer et servir Dieu et, par ce moyen, sauver notre âme ». Une bonne retraite peut nous aider à nous en souvenir et à remettre ce but devant nos yeux. Une fois le but en tête, les décisions s’ordonnent naturellement et souvent avec la grâce de Dieu, tout s’éclaire. Enfin, cultivons notre abandon en la Providence, si le Bon Dieu permet que nous soyons dans des situations difficiles et compliquées, il nous envoie aussi les grâces pour en sortir, il nous suffit de les lui demander pour les obtenir !

 

  Alors haut les cœurs, la vie est belle et surtout celle d’un jeune homme chrétien qui a Dieu avec lui.

 

Antoine

 

Jésus, que ma joie demeure

Notre citation pour septembre et octobre :  

« La joie de la conscience n’est jamais bruyante, elle est discrète, c’est un chant en mineur. »

Anne Barratin (1832-1915)

 

Jésus, que ma joie demeure

Cantate BWV 147 (a) Herz und Mund und Tat und Leben

(Le cœur et la bouche, et l’action et la vie)

   Ultime choral de la Cantate, (la cantate entière forme deux parties de six et quatre partitions), composée à Weimar en 1716 pour le quatrième dimanche de l’Avent et jouée pour la première fois le 20 décembre en la chapelle ducale pour la fête de la Visitation. Le texte est du librettiste Salomon Franck (1659-1725).

 

  Bach est le grand maître de la cantate religieuse qui, pour les offices luthériens, prend place entre la lecture de l’Évangile et la prédication. Très grand travailleur, Bach a écrit, entre autres œuvres, plus de trois cent cantates. Bach est un compositeur de conviction luthérienne. Il faut noter, pour comprendre mieux son œuvre qu’il recherche d’abord la gloire de Dieu, ses manuscrits se terminent par l’annotation « SDG » signifiant « Soli Deo Gloria ».

  Le titre du choral de cette cantate a donné lieu assez récemment à une correction de traduction : « Jésus demeure ma joie » (et non pas « Jésus, que ma joie demeure » qui reste le titre officiel de la cantate, exprimé dans une forme plus poétique qu’exacte).

Jesus bleibet meine Freude,

Meines Herzens Trost und Saft,

Jesus wehret allem Leide,

Er ist meines Lebens Kraft,

Meiner Augen Lust und Sonne,

Meiner Seele Schatz und Wonne;

Darum lass’ ich Jesum nicht,

Aus dem Herzen und Gesicht.

Jésus demeure ma joie,

la consolation et la sève de mon cœur ;

Jésus me préserve de toute souffrance

Il est la force de ma vie,

le plaisir et le soleil de mes yeux,

le trésor et le délice de mon âme.

Voilà pourquoi je ne laisse pas Jésus

Hors de mon cœur et de ma vue.

Herz Und Mund Und Tat Und Leben, Cantata BWV 147: No. 10 « Jésus Que Ma Joie Demeure » · Helmuth Rilling, The Bach-Ensemble (spotify.com)

 

Un avant goût de paradis au foyer

                      Il arrive que l’on ait des soucis si préoccupants que l’humeur générale des habitants du foyer s’en ressente ! Habituellement cela est passager et les quelques nuages laissent place au soleil aussitôt que l’on a surmonté le désagrément. Seulement, il existe aussi des personnes qui entretiennent une humeur morose en famille, qui ne voient que les inconvénients aux événements et se lamentent constamment, quoi qu’il arrive !

« Et voilà, il pleut, c’est toujours comme ça quand j’ai davantage de lessive à faire sécher ! C’est vraiment pénible ! », puis, « Et voilà, il fait beaucoup trop chaud avec ce soleil, il va falloir encore arroser le jardin ! Je n’avais pas du tout prévu ça ! »

Cela devient si pesant qu’il arrive, à la longue, que cela puisse avoir une mauvaise répercussion sur la santé physique, voire mentale, des membres de la maisonnée. En attendant, les enfants prennent l’habitude de grogner pour tout, le mari rentre de plus en plus tard le soir pour fuir cette ambiance qui devient si lourde. Le désordre s’installe, les époux se disputent, les enfants font de même…plus rien ne va jamais puisqu’il en a été décidé ainsi !

  Sursum corda ! Luttons contre ce mauvais penchant si telle est notre nature, élevons notre cœur vers le bon Dieu qui n’est que lumière, joie et paix ! Regardons le ciel se refléter dans la flaque d’eau au lieu de se contenter d’y voir la boue qui y traîne au fond ! La seule pensée que Dieu est toujours là pour nous, dans notre âme de baptisé, devrait nous rendre le sourire et la joie au cœur ! Cette joie est un don de Dieu, il faut non seulement la vouloir et la demander, mais aussi travailler à l’établir en nous. Elle nous apportera la paix, la bonne conscience de ceux qui obéissent à Dieu dans ses commandements, qui font leur devoir d’état pour lui plaire et le servir dans chacun de leurs travaux. Il faut de la volonté pour trouver cette joie, cela se travaille car Dieu nous a créés libres, il ne nous impose pas de l’aimer, libre à nous de le suivre ou non. Tout va ensuite tellement mieux car alors Dieu voit le règne de la raison sur nos sens et répond à nos efforts par la communication de ses biens et de ses faveurs. Elles nous font ainsi goûter quelque chose de la paix céleste qui nous rend semblables à Lui, doux et humbles de cœur. Nous n’en connaîtrons la plénitude que dans la Jérusalem céleste, mais on peut, dès ici-bas, en obtenir quelque avant-goût.

Vous voulez garder cette paix de l’âme ? cette joie pure et simple ? Tournez-vous vers votre Créateur, apprenez à l’aimer davantage par des lectures profondes qui n’ont pas besoin d’être ardues ou difficiles. Vous verrez comme cette soif de Dieu grandira, et comme votre âme se dilatera progressivement dans un plus grand amour pour Lui. Habituez-vous à vivre en sa sainte présence quoi que vous fassiez.

Peu à peu vous vous surprendrez à entretenir dans vos pensées et vos actions les vertus chrétiennes, à la maison d’abord, entre époux…ce qui n’est pas vraiment difficile quand on s’aime, mais en faire l’effort entretient les habitudes : la patience, la douceur, la simplicité, la tempérance de la langue… Cette langue si prompte à rouspéter, se plaindre, exagérer, colporter, murmurer… ! Oh le murmure ! Qui ne murmure pas de temps à autre… et même souvent ?! « Il a encore arraché sa poche de veste ! », « Elle n’a toujours pas aspiré sous le lit ! », « Et qui doit, une fois de plus, descendre la poubelle ?! »

 

  Peut-être que cette véritable histoire d’un prêtre exorciste vous aidera à ne plus murmurer, car le murmure ne vient pas de Dieu et assombrit l’âme :

 Pour chasser le démon d’un possédé, l’exorciste procède par étapes précises afin de reconnaître s’il s’agit vraiment du démon avec prudence, car l’exercice est vraiment dangereux pour qui approche le diable. Après différentes questions très progressives, le prêtre en vient à parler de la Sainte Vierge dont le démon a tant horreur. Un jour, alors que l’exorciste vient de prononcer le nom de Marie, le possédé se met soudain à hurler : « Ah non, ne me parlez pas de celle-là ! Ne m’en parlez pas ! … Devant la Croix, elle n’a même pas murmuré !!! Vous m’entendez ? Même pas murmuré !!! » Oui, Notre Dame si pure, si vertueuse, cette Mater Dolorosa au cœur sept fois transpercé d’un glaive de douleur… n’a pas prononcé un son, elle ne s’est pas abaissée au moindre murmure. Elle a tout accepté et offert sans un seul mot. Réfléchissons à ce silence de Marie, le cœur pourtant insoutenablement broyé.

Vous verrez comme l’on reste plus digne et dans l’offrande lorsque l’on ne murmure plus. On croit que murmurer soulage, mais c’est d’arrêter de murmurer qui apaise !

 

  Peu à peu ce plus grand amour de Dieu, ce travail des vertus chrétiennes, cette joie de l’âme, nous deviennent comme une deuxième nature. Et l’on se sent si « riche de Dieu » qu’on voudrait le donner aux âmes partout autour de nous ! Cet élan nous pousse à rayonner notre foi, à être apôtre !

« Un apôtre, c’est un calice plein de Jésus, et débordant sur les âmes » explique-t-on aux enfants de la Croisade Eucharistique. Tout est dit !

 

  Que nos âmes soient donc débordantes de cet amour de Dieu qui nous pousse joyeusement à Le donner par l’exemple, l’attitude extérieure, le sourire, le regard mais aussi par une parole bienveillante, réconfortante, encourageante. Chers époux, vous ne vous sanctifierez mutuellement, vous ne donnerez de bons fruits que dans une vraie joie chrétienne débordant sur toutes les âmes de votre foyer, puis hors de chez vous. « Dieu le veult ! »

               S de Lédinghen