Quelle fête!

           Il semblerait parfois que la morosité nous guette, ce printemps tarde un peu à venir et nous nous surprenons à déambuler la mine défaite, le visage triste et sombre, de lourds nuages obscurcissent nos yeux, à moins qu’ils n’aillent jusqu’à embrumer notre cerveau.

           Mais que se passe-t-il ? Celui-là doit certainement supporter une rude épreuve, doit se dire la boulangère qui n’arrive même pas à nous faire esquisser un sourire ! Est-ce cela ? Non, même pas, nous serions bien en peine de dire la raison de cette mine d’enterrement. Rien de précis, peut-être une inquiétude diffuse sur l’état de la société et notre avenir à l’intérieur de celle-ci. Le virus, la vaccination… Nul ne sait ce que l’avenir nous prépare alors on en parle à la radio, on en parle aux amis, on en parle en famille, on nous inquiète, on s’inquiète, on inquiète les autres, on entretient cette inquiétude permanente au fond de notre cœur. Mais qui est « on » ? N’est-ce pas l’éternel rabat-joie, qui ne supporte pas de voir le visage rayonnant des disciples de Celui qui a vaincu la mort ?

  N’y en a-t-il pas un qui a intérêt à ce que le monde tremble devant l’inconnu de l’avenir et soit paralysé par la peur ? N’a-t-il pas intérêt à ce que paralysés, les hommes et surtout les catholiques arrêtent leurs entreprises de restauration ou de maintien du bien commun ?

  Alors quoi ! Sommes-nous de ces trembleurs, de ces pleurnichards qui s’arrêtent sur le bord du chemin par crainte de découvrir où il mène ? Sommes-nous de ces fins de race dégénérés qui ont peur de leur ombre et se demandent s’ils sont bien des hommes ? Sommes-nous de ces craintifs qui n’osent pas paraître différents par peur des moqueries voire de l’amende ?

  Ou sommes-nous de la race de nos preux ancêtres qui, le cœur plein de la joie profonde du chrétien, ont bâti les cathédrales et la civilisation chrétienne, l’ont défendue contre les assauts des mahométans ? Sommes-nous de la race de ces Charette, Cathelineau, La Rochejaquelein qui le sourire aux lèvres ont donné leur vie pour Dieu et pour le Roi ? Sommes-nous de la race de ces carmélites de Compiègne qui ont gravi bravement l’échafaud en priant pour leurs bourreaux ? Sommes-nous de la race de nos grands-oncles ou grands-pères, qui jeunes hommes dans la fleur de l’âge sont allés se faire faucher sur les champs de batailles de Verdun ?

  Oui, nous sommes des enfants de Dieu, de Celui qui a vaincu le monde et la mort par son Sacrifice et sa Résurrection et cela nous emplit d’une joie intense et profonde qui ne peut se tarir et qui rayonne au-dedans et au dehors de nous quels que soient les évènements car que peut-il nous arriver, que peut-il arriver à notre âme si elle est avec Jésus ? C’est pour cela que nous sommes joyeux et que nous espérons, que nous bâtissons et que nous nous donnons à tout ce qui est bien et bon.

« Raseurs » et conteurs de mauvaise aventure, passez votre chemin, ne propagez pas votre inquiétude sordide et ne paralysez pas nos forces !

  « Le seul dégoût que nous devons avoir est celui de notre propre faiblesse. Plus notre temps nous est ennemi, plus nous devons le déchirer par un cruel éclat de nous-même, plus il fait effort pour nous éteindre, plus il doit être étoilé de nous » disait Abel Bonnard.

  Alors quelle fête que la vie, quelle joie de pouvoir avancer dans la vie, libres comme l’eau, libres de la liberté des enfants de Dieu.

  Et vive la boulangère ! Elle a bien droit à un sourire !

Antoine

 

L’instruction en famille: vers l’interdiction

           La question peut a priori sembler surprenante, voire un peu décalée, puisqu’à plusieurs reprises en 2020, pour une durée de plus de deux mois, et pour de plus brèves périodes en 2021, l’Etat a décidé la fermeture des écoles et demandé aux parents d’assurer eux-mêmes l’instruction de leurs enfants. Cette situation exceptionnelle, due à la crise sanitaire, marque quand même la reconnaissance du rôle de premiers éducateurs dévolu aux parents, l’école n’agissant en principe que par délégation de ceux-ci.   

 

  L’interdiction de l’école à la maison a été annoncée par Emmanuel Macron dans son discours des Mureaux d’octobre 2020 et présentée comme la mesure phare de son plan de lutte contre le séparatisme islamique. Le président a même placé cette réforme au même niveau que les lois votées en 1882 et 1884 à l’initiative de Jules Ferry pour créer l’école primaire laïque et obligatoire de 6 à 14 ans. Au moins la IIIème République avait-elle préservé la liberté des parents de donner eux-mêmes l’instruction à leurs enfants.

Cette mesure a été votée à l’Assemblée nationale dans le cadre du projet de loi confortant le respect des principes de la République le 16 février 2021. Ce fut la mesure la plus discutée par les députés, son examen a duré près d’une journée entière et le gouvernement a dû faire des concessions – assez limitées en réalité – pour surmonter les réticences de quelques-uns des élus de sa majorité. Le Sénat a repoussé la réforme lorsqu’il a examiné le projet de loi en avril 2021. La commission mixte paritaire, composée de sept députés et sept sénateurs, n’a pu concilier, lorsqu’elle s’est réunie le
12 mai 2021, les positions opposées des deux assemblées. Une nouvelle lecture dans chacune d’entre elles, probablement en juillet, précèdera un ultime vote par l’Assemblée nationale. Parmi les dispositions de la loi qui seront soumises à l’appréciation du Conseil constitutionnel, l’interdiction de l’instruction en famille figurera en bonne place. La décision du Conseil sera très attendue pour connaître toute la portée de la protection constitutionnelle de la liberté de l’enseignement : en effet, aucune des lois ayant encadré la possibilité pour les parents de donner l’instruction à leurs enfants ne lui a été déférée.     

Un bref rappel de l’état du droit existant précèdera une présentation des dispositions du projet de loi du gouvernement sur l’instruction en famille et l’examen des positions respectives de l’Assemblée nationale et du Sénat. Une appréciation critique de la réforme conclura le présent article.  

 

L’état du droit

  Le code de l’éducation affirme dans le premier de ses articles le droit de l’enfant à l’éducation qui doit lui permettre de développer sa personnalité, son sens moral et son esprit critique, de s’insérer dans la vie sociale et professionnelle, de partager les valeurs de la République et d’exercer sa citoyenneté. Le même code définit le droit de l’enfant à l’instruction qui, en plus de l’éducation, a pour objet de garantir l’acquisition des éléments fondamentaux du savoir. Il y aurait sûrement beaucoup à dire sur ce mélange des genres mais ce n’est pas l’objet de cet article. L’instruction est donnée par priorité dans les établissements d’enseignement bien qu’elle puisse être aussi donnée dans les familles.      

  Les familles qui font le choix de donner l’instruction à leurs enfants, et la question devrait se poser d’autant plus souvent que l’âge à partir duquel la scolarité obligatoire a été abaissé en 2019 de six à trois ans, doivent le déclarer chaque année à la mairie et à l’académie. L’absence de déclaration est pénalement sanctionnée. Des contrôles sont prévus : un contrôle administratif par le maire, chaque année puis tous les deux ans, doit lui permettre de s’assurer des raisons avancées par la famille pour justifier un tel choix et de vérifier qu’il est donné aux enfants une instruction compatible avec leur état de santé ; un contrôle pédagogique effectué par l’académie, en principe chaque année, porte sur la réalité de l’instruction dispensée, ainsi que sur les acquisitions de l’enfant et sa progression. Lorsque les résultats du contrôle pédagogique sont jugés insuffisants, un second contrôle est organisé et, si celui-ci est considéré comme défectueux, l’inspection académique peut mettre en demeure les parents d’inscrire leur enfant dans un établissement d’enseignement public ou privé.      

    

Le projet de loi du gouvernement

  L’article 21 du projet de loi confortant le respect des principes de la République pose le principe de l’instruction obligatoire de 3 à 16 ans dans des établissements d’enseignement sauf dérogation accordée par l’autorité académique dans quatre cas limitativement énumérés que sont (i)  l’état de santé de l’enfant ou son handicap, (ii) la pratique d’activités sportives ou artistiques intensives, (iii) l’itinérance de la famille ou l’éloignement  d’un établissement scolaire, et (iv) l’existence d’une situation particulière propre à l’enfant sous réserve que les personnes responsables de l’enfant justifient de leur capacité à donner l’instruction dans la famille dans l’intérêt supérieur de l’enfant.

Le projet de loi interdit aux parents de pouvoir invoquer à l’appui de leur demande de dérogation leurs convictions politiques, philosophiques ou religieuses.

Le fait de donner l’instruction dans la famille sans avoir obtenu de dérogation est pénalement sanctionné.     

 

Les apports de l’Assemblée nationale

  Pour l’Assemblée nationale, la liberté de l’enseignement, qui est une liberté de rang constitutionnel, comprend le droit d’ouvrir des établissements d’enseignement privés et le droit des parents d’y inscrire ses enfants, que ces établissements aient signé ou non un contrat avec l’Etat. Elle ne recouvre pas explicitement la possibilité pour les parents de donner aux enfants l’instruction dans la famille. Pour la majorité des députés, la liberté de l’enseignement doit être mise en balance avec le droit des enfants à l’instruction qui s’exerce par priorité dans les écoles.

La nécessité d’une réforme de la législation existante est liée, d’après l’Assemblée, à la forte augmentation du nombre d’élèves scolarisés à la maison : celui-ci s’élevait à 18818 en 2010 (dont 25 % n’étaient pas inscrits au CNED) à 62 000 en 2020 (dont 75 % n’étaient pas inscrits au CNED).

Une telle augmentation doit toutefois être relativisée en raison de l’abaissement de six à trois ans de l’âge à partir duquel la scolarité est devenue obligatoire en 2019. Les autres raisons avancées sont liées à la nécessité d’assurer un droit effectif à l‘instruction que ne garantirait pas l’instruction en famille, aux risques de dérive sectaire que ce mode d’éducation favoriserait, à l’utilisation de l’instruction en famille comme un paravent à des écoles privées non déclarées et à l’insuffisance des contrôles existants pour remédier aux situations à risque constatées.  

Tous ces motifs ne laissent pas de surprendre. L’augmentation du nombre d’enfants scolarisés à la maison aurait pu être l’occasion pour les pouvoirs publics de s’interroger sur le caractère défectueux de l’enseignement dispensé dans les établissements gérés par l’Etat. Le renforcement des contrôles mis en place par la loi Blanquer de 2019 est trop récent pour avoir pu faire l’objet d’une évaluation appropriée. Enfin, le risque de dérive sectaire n’existe t-il pas pour les élèves scolarisés dans les établissements publics ?

 

  L’Assemblée nationale n’a modifié qu’à la marge le projet du gouvernement. L’article 21 a certes plus que doublé de volume lors de son examen par les députés mais il n’a pas été fondamentalement modifié. Une bonne nouvelle à effet limité dans le temps doit être remarquée : la réforme n’entrera en vigueur qu’à la rentrée 2022 au lieu de la rentrée 2021. En outre, l’autorisation est accordée de plein droit pour les années scolaires 2022-2023 et 2023-2024 aux enfants régulièrement instruits en famille avant la rentrée scolaire 2022 lorsque les résultats du contrôle pédagogique organisé par l’académie auront été satisfaisants. A côté de mesures très secondaires, deux modifications de fond ont été apportées au projet de loi : la mention selon laquelle les convictions philosophiques, politiques ou religieuses des parents ne peuvent être invoquées à l’appui d’une demande d’autorisation a été supprimée pour être remplacée par une disposition prévoyant que seul l’intérêt supérieur de l’enfant peut justifier une telle demande. La mention supprimée aurait fait courir au texte un fort risque d’inconstitutionnalité. La nouvelle rédaction, aux contours flous à défaut de définition de l’intérêt supérieur de l’enfant, peut s’analyser comme un repli tactique. La seconde modification complète le quatrième cas de dérogation qui devient « l’existence d’une situation particulière propre à l’enfant motivant un projet éducatif que les personnes responsables de l’enfant doivent présenter lors de la demande d’autorisation ». Quels projets éducatifs pourront être agréés par les académies ? La loi ne le dit pas mais la combinaison de ces deux modifications pourrait, en fonction du climat politique, constituer la base d’une évolution future du texte vers un régime moins contraignant.

  Nous complèterons cet article dans le prochain numéro en présentant l’examen par le Sénat et les différentes modifications qui auront lieu pendant l’été.

 

Thierry de la Rollandière

 

Halte… au pillage des fruits de mon jardin !

Nous aimons l’été, et nous aimons ses fruits savoureux… Nous ne sommes pas les seuls, les oiseaux s’attaquent aux fruits de nos arbres. Alors, tout en respectant ces volatiles, voici quelques trucs qui pourront les décourager :

Les effaroucheurs visuels :

Epouvantails, papiers aluminium découpés, CD suspendus où se reflétera le soleil…

Les effaroucheurs sonores :

Sacs en plastique que le vent secouera, aluminium léger et rigide (type “moule”), tiges métalliques qui tinteront, boîtes de conserve qui s’entrechoqueront …

Les effaroucheurs olfactifs :

Huile de cade (en pharmacie), boules de naphtaline en bouteilles de plastique coupées et suspendues aux branches, oignon ou ail coupé (à remplacer en cas de pluie), harengs fumés au bout d’une perche de bois (inaccessibles aux chats), bandes répulsives (à acheter dans le commerce).

Le revers de la médaille est l’effet inesthétique, et l’accoutumance rapide des oiseaux à ces subterfuges. Changez donc de ruse régulièrement…

Je le redis : que les championnes de l’organisation n’hésitent pas à partager leurs trésors d’organisation en écrivant au journal. Partageons nos talents …

 

Adoption: Les parents qui t’ont donné la vie et tes parents pour toujours:

Cela regarde chacun de se tourner ou non vers l’adoption d’un enfant. Il n’est pas donné à tout le monde de pouvoir accueillir dans son foyer un enfant conçu par d’autres, avec les risques héréditaires que cela peut supposer, la crainte de ne pas savoir s’y prendre ou de l’aimer comme son propre enfant. Il faut bien le comprendre et ne pas juger ce qui est bon ou ce qui ne l’est pas lorsqu’il s’agit de notre prochain.

 

  Certains époux sans enfant verront dans l’adoption la réalisation du but premier de leur mariage en partageant leur bonheur familial avec un ou plusieurs enfants orphelins ou abandonnés par leurs parents « biologiques », leur offrant la vie de la grâce par le baptême, et la sécurité d’une famille aimante et stable.

 

  Ces familles sont plus nombreuses qu’on pourrait le penser, et poussent même parfois leur générosité en choisissant des enfants malades ou handicapés. Elles ont appris dans la prière, et dans les signes plus ou moins lisibles de la Providence, que cela leur était demandé, et qu’ils auraient les grâces nécessaires pour mener à bien leur belle mission de parents adoptifs. Nous nous contenterons ici de parler de la nécessité de révéler à l’enfant adopté sa véritable situation.

 

  Pour toute adoption, il y a eu abandon, volontaire ou non, et donc une séparation définitive que les enfants adoptés ne peuvent ignorer. Beaucoup de ces enfants n’ont été adoptés qu’après l’âge de deux ou trois ans. Ils ont passé le début de leur vie dans des hôpitaux, des orphelinats ou des institutions, à moins qu’ils n’aient été confiés à une succession de nourrices différentes. Aucun attachement durable n’a pu se faire mais ils ont accumulé des ruptures. D’autres, heureusement, sont adoptés très jeunes, âgés de quelques semaines ou quelques mois, ou n’ont connu qu’une seule nourrice. Aucun attachement durable n’a alors été vécu.

 

  Quand cela est possible, il est préférable que les parents adoptifs qui vont chercher leur enfant (dans la majorité des cas dans un pays étranger) puissent rester sur place quelque temps, pour apprivoiser cet enfant, mieux connaître ses conditions de vie, ses habitudes, sa façon de se nourrir ou de dormir qui peuvent varier selon les civilisations et les cultures. Cela permettra ensuite de mieux comprendre ses réactions.

 

  Dire la vérité à son enfant sur ses origines n’est pas une question d’âge. La psychologue, Bernadette Lemoine*, préconise de le dire déjà au bébé ou tout jeune enfant, avec des paroles affectueuses et rassurantes : « Tu as un papa et une maman qui t’ont donné la vie. Ils ont accepté que ce soit nous qui te fassions grandir. Nous sommes heureux de te donner tout notre amour. Nous sommes ton papa et ta maman pour toujours. » Si le petit entend parler de son adoption depuis son plus jeune âge, il ne se sentira pas trahi ensuite. Quel choc, en revanche, s’il apprend beaucoup plus tard qu’on lui a caché cette vérité. Comment ne pas se sentir blessé lorsqu’on réalise soudain que ses parents ne sont pas les siens !

Quand la psychologue reçoit un enfant adopté, elle lui dit : « Tes parents adoptifs sont là pour t’aimer, pour prendre soin de toi, te permettre de grandir, de devenir adulte et de vivre ta vie très heureux. Tes parents selon le sang t’ont fait le merveilleux cadeau de la vie. Tu peux leur dire merci pour cela, et leur en être reconnaissant. » C’est important pour l’enfant de savoir que ses parents biologiques ont fait beaucoup en lui donnant la vie.

  Plus tard on lui expliquera qu’il n’a pas été abandonné parce qu’il était « mauvais ». Au contraire, parce qu’il a beaucoup de prix, celle qui l’a mis au monde l’a confié à des parents adoptifs. Pour des raisons psychologiques, économiques ou politiques (un pays en guerre par exemple), sa mère a pensé qu’il ne lui serait pas possible de le faire grandir. Elle a accepté de transmettre son « trésor » à un papa et une maman qui lui donnerait tout ce dont il aura besoin pour grandir et être heureux.

 

  Il est fréquent que, dans leur prière familiale, les parents adoptifs fassent une place à ces parents qu’ils ne connaissent pas, mais qui continuent de vivre dans un autre pays. Ils remercient Dieu pour le cadeau qu’ils ont reçu de ces personnes inconnues, ce petit garçon ou cette petite fille qui vit désormais chez eux.

 

  Presque toujours, les enfants adoptés désirent un jour connaître leurs origines. C’est compliqué de vivre sans connaître le début de sa vie, ceux qui nous ont précédés, les maillons de la chaîne à laquelle nous appartenons. Mais il est très difficile de trouver les origines d’un enfant adopté. Certains viennent de pays lointains et l’on ne connaît pas toujours les circonstances de l’abandon. Si l’enfant insiste vraiment, et que cela l’empêche d’aller de l’avant, on peut l’accompagner dans son pays d’origine et lui permettre de connaître la terre où il est né, de se familiariser avec la culture dont il est issu, de voir peut-être l’hôpital ou l’orphelinat dans lequel il a vécu au début de sa vie. Mais inutile de faire cette démarche s’il n’en éprouve aucun besoin. Si ce deuil est fait, si l’enfant se sent bien dans sa famille adoptive, il ne faut surtout pas retourner en arrière. Ce qui est fini est fini !

 

  Sans s’alarmer à l’avance, on sera un peu plus vigilant avec des enfants adoptés puisque ces enfants ont rencontré une difficulté majeure dès le début de leur vie. Par exemple, quand la gestation a été difficile (situation de guerre, dénutrition de la maman, violences conjugales ou abandon de la femme enceinte, etc.) nous savons que ce sont des facteurs de fragilisation pour l’enfant. Son « tissu affectif » est plus fragile et craque plus facilement. Certains d’entre eux sont plus vulnérables que la moyenne des enfants, comme le montre souvent leurs réactions face à l’arrivée d’un nouvel enfant dans la famille (biologique ou non). La peur d’être exclu, la volonté d’avoir en exclusivité l’affection de leurs parents les conduisent à des réactions parfois violentes. Les enfants adoptés ont une conscience plus aiguë de la séparation. Chacune d’entre elles, même normale, ouvre à nouveau une blessure dont la cicatrice reste fragile.

 

  « Dans le mot abandon, il y a aussi le mot « don ». On peut considérer que l’enfant abandonné est un don. La grâce des parents adoptifs, et de tous ceux qui les entourent, est de faire fructifier ce don. » (B. Lemoine)

               S. de Lédinghen

 

 

*Bernadette Lemoine « Maman, ne me quitte pas ! Accompagner l’enfant dans les séparations de la vie » Ed. Saint Paul

 

Il était une fois deux femmes

Qui ne s’étaient jamais rencontrées.

L’une dont tu ne te souviens pas,

L’autre que tu appelles « Maman ».

(…)

La première te donna la vie,

La seconde t’apprit comment la vivre.

L’une te donna ses racines,

L’autre t’offrit son nom.

L’une reçut ton premier sourire,

L’autre sécha tes larmes.

L’une t’offrit en adoption,

C’est tout ce qu’elle pouvait faire pour toi.

L’autre pria pour avoir un enfant,

Et Dieu la mena vers toi.

        (Auteur anonyme)

 

Venez à moi, vous tous qui souffrez

           Depuis le premier péché de nos ancêtres, Adam et Eve, la souffrance est notre lot sur terre. Elle prend des formes différentes : souffrances du corps pour les uns – maladie, handicap, stérilité… -, souffrances de l’âme pour les autres, – doute, séparation, passé difficile, inquiétude pour les siens,… Mais qui d’entre nous ne peut se reconnaître dans le portrait de l’un ou l’autre des aimés de Dieu énumérés dans les Béatitudes1 ?

Il y a des natures plus ou moins sensibles, des tempéraments plus vigoureux que d’autres, des personnes qui se confient, d’autres qui gardent tout dans leur cœur, et d’autres qui ont su dépasser leur épreuve en l’offrant à Dieu et en s’unissant à Lui. Cependant rien n’est jamais acquis : un souvenir, une date, un lieu, réveillent les plaies que l’on croyait cicatrisées car la mémoire n’est pas toujours un allié. Et chacun, quel que soit son tempérament a ou aura sa part à offrir sur terre pour participer aux souffrances du Christ.

  Restons confiants, bien unis à Notre-Seigneur : si les épreuves ne sont pas encore venues, quand l’heure sonnera, Dieu enverra son lot de grâces, de consolation et de force pour les supporter. Si elles sont déjà là, puisons dans le trésor de son Cœur miséricordieux et dans celui de sa sainte Mère pour y trouver consolation et paix. Et si elles sont passées, reconnaissons comment Dieu nous a soutenus et profitons de cette « expérience » pour aider ceux qui souffrent car Celui qui sait ce que c’est que de souffrir sera le meilleur soutien de ceux qui sont frappés par l’épreuve.

 

« Et ils le réquisitionnèrent pour porter la croix de Jésus2 »

 

-Vous tous qui souffrez dans votre corps, des douleurs parfois crucifiantes, quotidiennes et renouvelées…

– Vous qui voyez l’âge avancer, vos forces disparaître, la dépendance arriver, l’immobilité ou la paralysie vous guetter…

– Vous dont le cœur se serre d’angoisse en soignant un époux malade, un enfant handicapé,…

– Vous qui fermez les yeux d’un père, d’une mère, d’un enfant…

– Vous dont la maison s’est vidée car les cœurs ingrats l’ont délaissée et vous laissent à votre solitude…

– Vous qui luttez pied à pied avec les idées noires qui vous obsèdent et qui combattez contre les tentations de désespoir…

– Vous dont la vie est si compliquée et qui regrettez amèrement le passé que vous avez abîmé sans pouvoir le refaire…

– Vous dont le cœur maternel aimerait tant s’ouvrir pour accueillir la vie et dont le foyer, malgré toutes les prières et les soins, reste vide…

– Vous qui étiez unis pour le meilleur et pour le pire et que la mort a séparés…

– Vous qui tremblez pour l’âme d’un époux, d’un père, d’un enfant qui se perd…

– Vous qui êtes dans des conditions matérielles tellement difficiles que vous ne voyez plus d’issue à vos soucis…

-Vous qui êtes seul pour mourir dans une maison de retraite ou un hôpital où l’on vous refuse la visite des vôtres et même celle du prêtre…

– Vous tous les isolés, les âmes désespérées et lasses, les cœurs froissés et incompris, les esprits inquiets devant l’avenir tellement incertain, vous tous qui souffrez, qui pleurez, qui êtes rongés par les rancœurs, n’oubliez jamais que Dieu vous aime, que son Cœur connaît toutes nos douleurs et qu’Il a longuement prié son Père pour chacun d’entre nous ! « Le lendemain, s’étant levé longtemps avant le jour, Il sortit, gagna un endroit solitaire et là, Il priait3. »

Oui pour vous tous, infirmes et malades du corps et de l’âme, pour chacun de ceux qui pleurent et qui souffrent, le Bon Maître, en ce petit matin encore silencieux a longuement prié.

 

Seigneur, celui que vous aimez est malade !4 

 

  Quelle que soit l’épreuve qui a frappé, la profondeur de la peine d’une âme souffrante qui s’ouvre à nous est impressionnante. Ces tsunamis qui les ont foudroyés ont bouleversé profondément leur équilibre. Bien souvent le manque de sommeil, le déséquilibre d’une vie compliquée dont la régularité a forcément été perturbée, n’aident pas à prendre le recul nécessaire. Aidons-les déjà à reprendre pied naturellement par de petites actions toutes simples. A Bethsaïde, Jésus prit la main du pauvre aveugle pour le conduire hors du bourg5, loin de l’agitation du monde, vers le calme silencieux qui apaise et qui guérit.

Ecoutons leurs besoins, leur souffrance, laissons-les épancher leur cœur quand elles en ont envie ; et quand elles ne souhaitent pas parler, respectons leur silence et sachons aussi être présents par la prière, montrer notre affection sans nous imposer et dans la discrétion. Cette œuvre de miséricorde n’est pas facile à accomplir, n’oublions jamais d’implorer le Saint-Esprit afin qu’il nous inspire les bons mots. Chaque être humain a sa personnalité, son histoire, chaque âme est délicate comme une fleur et quelles que soient ses apparences elle cache des trésors de désir ou des profondeurs de souffrance que seul un regard vraiment attentif, disponible et aimant peut deviner et comprendre. Imitons notre maître « Sur chacun, Il posait les mains6 » ; faisons-nous « toute à tous7 », comme Jésus, sans faire de reproche, mais en faisant nôtre sa douleur.

Pour compatir vraiment à la souffrance des autres, il faut soi-même avoir souffert, il faut aimer mais surtout s’oublier et ne pas s’écouter. Comme Jésus qui renonça aux consolations de ses amis au jardin des oliviers en s’oubliant pour ne plus songer qu’à leur fatigue : « Dormez maintenant et reposez-vous8

  Les âmes souffrantes ont souvent l’impression qu’elles sont tellement blessées qu’elles n’arrivent plus à prier. Le Père de la Chevasnerie enseigne alors une attitude toute simple et à la portée de tous : « Jésus, je vous offre toute ma journée pour vous faire plaisir. » Pour vous faire plaisir cette douleur, ce médicament à prendre, cette personne à supporter ; pour vous faire plaisir cette inquiétude qui me ronge, ce souci qui m’obsède ; pour vous faire plaisir mon chapelet que je n’arrive même plus à tenir ; pour vous faire plaisir cette angoisse qui m’étreint…

« Tout faire pour plaire au Seigneur Jésus, c’est adopter l’attitude que nous devrions toujours avoir envers Lui, celle des « tout-petits », humbles et confiants9. »

  Enfin malgré la douleur il est important de parvenir à retrouver la paix ; et celle-ci se trouve à trois niveaux :

la paix avec Dieu qui passe en général par le sacrement de confession. N’hésitons pas si cela est nécessaire à demander auparavant un entretien avec le prêtre qui saura nous aider à trouver cette paix de l’âme. Il nous apportera l’aide de Celui que Marthe et Marie font appeler dans leur détresse lors de la mort de leur frère Lazare : Jésus, Lui qui seul, console et fortifie en donnant à notre souffrance sa raison d’être et son immortel espoir de fécondité.

– la paix avec les autres qui passe bien souvent par le pardon. En effet, il semble que cette phrase de l’Evangile soit souvent mal assimilée : « Car si vous pardonnez aux hommes leurs offenses, votre Père céleste vous pardonnera aussi. Mais si vous ne pardonnez pas aux hommes, votre Père ne pardonnera pas non plus vos offenses10. » Dans les faits, chaque jour, et plusieurs fois par jour dans la prière du « Notre Père », nous reconnaissons que le pardon que nous sollicitons de Dieu est conditionné par celui que nous accordons… N’attendons pas le crépuscule de notre vie pour pardonner, c’est un grand moyen pour retrouver la paix de l’âme !

– la paix avec soi-même, « « Vis le jour d’aujourd’hui, Dieu te le donne, il est à toi. Vis-le en lui. Le jour de demain est à Dieu, il ne t’appartient pas. Ne porte pas sur demain le souci d’aujourd’hui. Demain est à Dieu, remets-le-lui. Le moment présent est une frêle passerelle, si tu le charges des regrets d’hier, de l’inquiétude de demain, la passerelle cède et tu perds pied. Le passé ? Dieu le pardonne. L’avenir ? Dieu le donne. Vis le jour d’aujourd’hui en communion avec lui11 ».

La paix permet de purifier notre cœur et de donner toute sa fécondité à toute souffrance quelle que soit son origine.

 

Ayez confiance !

 

  Il semble que la souffrance rend la prière toute puissante et le cœur de Notre Père ne peut résister à la vue d’un de ses enfants qui souffre et supplie pour l’un de ses frères. Dieu le Père ne reconnaît-il pas dans cette voix douloureuse qui L’implore, les accents même de son Fils souffrant et priant pour nous ?

Notre Divin Maître si délicat et si bon avec la veuve de Naïm montra pour elle une vraie compassion : « ne pleurez pas12 » ! Ne pleurons pas comme ceux qui n’ont pas d’espérance.

A travers les plus rudes épreuves de la terre, consolons-nous en songeant que nous sommes les petits enfants de notre Père qui nous aime : du Père dont le Fils a souffert comme nous, qui ne permet nos douleurs que pour nous faire participer à la Rédemption des pauvres âmes qui n’ont pas su le trouver.

Aimons la contemplation des passages de l’Evangile ; on y trouve tant de passages où Notre-Seigneur consolait ou guérissait ! Goûtons les sentiments du Cœur Divin. Entretenons-nous familièrement avec Lui ; parlons-Lui de nous, de nos souffrances mais parlons-Lui aussi de Lui pour Lui ressembler toujours davantage. Ainsi petit à petit nous nous habituerons à Le suivre et il nous deviendra facile de penser, de parler, d’écouter et même de souffrir comme Lui et avec Lui en apprenant à Le contempler et à L’aimer.

  Tournons-nous vers notre maman du ciel, qui, mieux que celle de la terre connaît notre détresse ; elle, la dernière consolatrice de son Divin Fils, Mère des douleurs, Mère à laquelle nous avons été confiés, elle saura consoler tous les cœurs, apaiser tous les désespoirs, encourager les contritions, accueillir les projets, deviner les désirs et les rêves, fortifier les volontés chancelantes et même nous apprendre à aimer notre Croix.

  Et si, la route du Calvaire nous semble bien longue, alors, comme Simon de Cyrène, pour reprendre courage, considérons Jésus qui marche à nos côtés ; son divin regard nous remerciera de notre aide, en nous donnant la force de tenir nous aussi jusqu’au Calvaire…

  Que Notre-Dame des Foyers Ardents veille sur nous tous,

Marguerite-Marie

1 Saint Matthieu – V, 1-12

2 Saint Marc – XXI, 15

3 Saint Marc- I, 35

4 Saint Jean – XI, 3

5 Saint Marc – VIII, 22

6 Saint Luc – IV, 40

7 Toute à tous – Elisabeth Leseur

8 Saint Marc – XIV, 41

9 R.P. de la Chevasnerie – Bienheureux vous tous qui souffrez

10 Saint Matthieu – VI, 14-15

11 Prière trouvée sur une petite sœur assassinée à Alger

12 Saint Luc – VII, 13