Come un bel di di Maggio

Notre citation pour mai et juin :  

« Dites-moi… Mes chansons de toutes les couleurs,

Où mon esprit qui muse au vent les a-t-il prises ?
Le chant leur vient – d’où donc ? – comme le rose aux fleurs

Comme le vert à l’herbe et le rouge aux cerises. »

Marie Noël – Les chansons et les heures – Le Rosaire des joies

 

Andrea Chénier : Come un bel di di Maggio (Comme un beau jour de Mai)

(1894 – Donné pour la première fois en 1896 à la Scala de Milan)

 

  André Chénier, poète français mort guillotiné le 25 juillet 1794 (à 31 ans) est d’abord constitutionnel, mais tentera d’arracher Louis XVI à l’échafaud, et se sacrifiera pour sauver plusieurs de ses amis de la prison, et de la mort. Le librettiste d’Umberto Giordano a largement romancé l’histoire de Chénier. Néanmoins l’opéra en lui-même a contribué à la célébrité du poète, notamment par cette Aria de l’Acte IV, “Come un bel di di Maggio”, qui exprime de façon magistrale les sentiments du condamné devant la mort.

Cet aria est souvent un premier morceau de bravoure pour les ténors. Vous pourrez comparer deux interprétations que soixante-cinq ans séparent.

 

Come un bel dì di maggio
Che con bacio di vento
E carezza di raggio
Si spegne in firmamento

Col bacio io d’una rima
Carezza di poesia
Salgo l’estrema cima
Dell’esistenza mia

La sfera che cammina
Per ogni umana sorte
Ecco già mi avvicina
All’ora della morte

E forse pria che l’ultima
Mia strofa sia finita
M’annuncerà il carnefice
La fine della vita

Sia ! Strofe, ultima Dea
Ancor dona al tuo poeta
La sfolgorante idea
La fiamma consueta

Io, a te, mentre
Tu vivida a me sgorghi dal cuore
Darò per rima il gelido
Spiro d’un uom che muore 

Comme une belle journée de mai
Qui, avec l’effleurement du vent
Et la caresse d’un rayon,
S’éteint au firmament,


Avec le souffle de la rime,
La caresse de la poésie,

J’arrive à l’ultime sommet
De ma vie.

Le monde en marche donne
à chaque humain sa destinée
Pour moi, déjà, arrive
L’heure de la mort


Et peut-être avant que la dernière
de mes strophes ne soit terminée
Le bourreau m’annoncera-t-il
La fin de la vie.

Qu’il en soit ainsi ! Strophe, dernière muse,
Donne encore à ton poète
L’idée flamboyante,
La flamme coutumière


Moi, pour toi, alors queTu es vivante, jaillissante de mon cœur
Je donnerai à la rimeLe souffle glacé d’un homme qui meurt

 

La gourmandise

           Le temps de Carême est suffisamment proche pour que nous vivions encore des bons fruits de nos résolutions et de nos efforts de cette sainte quarantaine… à moins que le grand Alleluia de Pâques ait, en un malheureux gigot et quelques œufs en chocolats, renversé toutes les nouvelles habitudes que nous nous étions bien promis de tenir beaucoup plus longtemps, du moins sur le plan temporel ! Nous sommes, en effet, bien faibles dès qu’il s’agit de quelques plaisirs de la table, et nous nous laissons facilement tomber dans le piège de la gourmandise, source de bien des maux pour la santé de notre âme aussi bien que celle de notre corps.

  Saint Grégoire le Grand enseigne que la gourmandise a cinq façons de nous attaquer : « Praepopere, laute, nimis, ardenter, studiose. »

  • Propere, « avant l’heure » : cela vise les personnes qui ne savent pas attendre l’heure des repas, et qui s’autorisent souvent des collations supplémentaires.
  • Laute, « avec recherche » : condamne ceux dont l’estomac ne sait pas se contenter de mets simples et simplement apprêtés, mais auxquels il faut toujours des plats délicats et savoureux.
  • Nimis, manger « trop » : lorsqu’on dépasse sans nécessité la mesure dont le corps a besoin. En soi, le désir des aliments est une bonne chose « afin d’entretenir notre corps, de vivre pour servir Dieu, et d’acquérir de nombreux mérites ». Mais cet appétit qui était bon dans le principe, s’est déréglé sous l’action du péché originel, et s’est mis à réclamer un superflu qui dépasse de beaucoup le nécessaire.
  • Ardenter, c’est manger avec avidité et précipitation, se jeter sur la nourriture en ne pensant à plus rien d’autre. L’âme chrétienne, au contraire, s’applique à garder la modestie à table. Elle ne touche aux aliments qu’après avoir élevé son cœur vers Dieu. Elle mange lentement et paisiblement, cherchant à occuper son esprit de pensées plus nobles que sa nourriture.
  • Studiose, s’adresse à ceux qui apportent un soin extrême à la composition de leur repas, au choix et à la préparation des aliments ; qui sont toujours préoccupés par ce qu’ils vont manger. Bien sûr que l’on recevra ses invités en leur offrant un repas soigné, mais le reste du temps, on sera plus sévère avec soi-même dans un esprit de mortification personnelle.

  La gourmandise, dit saint Thomas, est le foyer des autres péchés. En effet, une alimentation excessive alourdit le corps et l’esprit, n’encourage pas au travail mais plutôt à la somnolence. Elle détruit la santé ; ne dit-on pas que l’on creuse sa tombe avec sa fourchette ? Une personne qui a vécu en « bon vivant » souffre de nombreux maux de digestion, poids, foie, circulation… elle a intoxiqué son organisme.

  Celui qui mange trop, ou mal, a des discours souvent déplacés ou même grivois, des gestes ou attitudes démesurés. Son esprit s’émousse, il peine à réfléchir et travailler. « Un ventre chargé n’engendre pas de pensées subtiles» constate saint Jérôme !

  Enfin la gourmandise détruit toute dévotion, comme la fumée étouffe le feu. La prière est une élévation de l’âme vers Dieu, or cette « élévation » est rendue impossible par l’alourdissement que cause l’intempérance.

  Que l’on fasse un bon repas en famille pour une occasion ou une autre, cela est nécessaire. Que l’épouse cuisine un bon petit plat à son mari de temps en temps, ou que monsieur se lance dans l’art de la pâtisserie, cela redonne courage et aide au maintien du moral. Mais il faut bien reconnaître qu’aujourd’hui tout est fait pour « le plaisir » ! Les sens sont flattés en permanence par un tas de sollicitations, que ce soit dans les magasins, les activités, l’installation de la maison… on se trouve en perpétuel état de séduction. Les publicités captent toutes les attentions, où que l’on porte le regard ; et à l’heure d’internet, bien fort est celui qui échappe à tant de tentations qui, peu à peu, viennent à bout des volontés les plus fermes.

  Alors, si notre faiblesse commence par notre assiette ; si ce que je mange, et sa quantité, a trop d’importance dans mon esprit ; si je veux sans cesse que « ce soit bon » … pourquoi serais-je ensuite étonné de prendre plus souvent de l‘alcool, ou une cigarette ? … et pourquoi résister à passer des heures jusqu’au milieu de la nuit devant une série que je suis incapable d’arrêter alors que je m’écroule de fatigue ?… C’est le début de l’esclavage, je m’auto-satisfais sans le moindre remords, allant toujours plus loin dans la chute, car plus rien ne me contente. La pente est facile d’accès, mais, une fois au fond du fossé, saurais-je m’en extirper ? Ce petit manque de volonté du début se sera vite transformé en une montagne d’impuissance !

  Pour guérir tous mes maux, il faut d’abord que je regarde mon assiette : est-elle trop copieuse, je me servirais plus modérément. Est-elle trop riche ? Je la simplifierais n’ajoutant qu’exceptionnellement tout surplus habituel de beurre, fromage, et autres sauces qui satisfont tant mon palais. Je me limiterais seulement aux vrais repas, me refusant d’ouvrir le réfrigérateur à toute heure dès que je suis désœuvré. Et cette volonté que j’aurais progressivement retrouvée, me fortifiera pour le reste !

  Pensons aussi à toutes ces autres « gourmandises » auxquelles nous nous adonnons souvent sans limites de quantité, de durée, de qualité… toutes ces petites « addictions » qui peuvent ruiner dans tous les sens du terme, notre ménage et notre famille : ces heures d’écrans, ces achats compulsifs, jeux d’argent, paresses au détriment de nos différents devoirs d’états… tous ces attachements désordonnés qui nous font doucement descendre cette fameuse pente !

  Revoyons cela à deux, établissons ensemble un règlement ferme et précis, quitte à le mettre par écrit pour y revenir régulièrement. Profitons de ce printemps pour arracher ces mauvaises herbes qui étouffent notre mariage, et risquent parfois de nous séparer dangereusement l’un de l’autre, jusque même dans l’intimité de notre chambre. Soutenons-nous dans ce combat de longue haleine, notre union sacrée en vaut tant la peine !

Sophie de Lédinghen

 

Le conséquentialisme

           Dans sa parfaite sagesse, Dieu a instruit les hommes de ses voies d’une manière progressive et de différentes manières. Il leur a également fait connaître ses lois qui les aident à cheminer sur les sentiers qui mènent à Lui sans s’égarer et sans risquer de l’offenser. Selon l’incitation du psalmiste, l’humanité doit aimer ces commandements qui émanent des profondeurs de Dieu, qui lui apprennent à vivre des mœurs divines et lui donnent l’espérance de parvenir aux célestes félicités.

  Il faut cependant reconnaître que la fidélité pour les observer toujours comme ils ont été donnés peut requérir des hommes de grands sacrifices et exiger une vertu proportionnée. Bien souvent, l’alternative qui se présentait devant les chrétiens a pris une dimension radicale : ou l’héroïsme ou le péché. Quelle force d’âme il faut alors pour ne pas vaciller et se laisser emporter par la facilité !

  En ces instants difficiles, la tentation présente devant les yeux de ceux sur lesquels elle s’abat, le cortège de toutes les avanies qui lui seront réservées si elle choisit le parti de la vertu. Et, par ailleurs, elle s’efforce de réduire à presque rien le péché qu’on commettrait à choisir le parti du monde. L’étouffement de la conscience par de faux raisonnements est le plus grand mal qui puisse survenir.

  Parmi eux, il existe celui du “conséquentialisme”. A la vue des maux vrais ou supposés que l’on redoute de voir fondre sur soi, la nature se révolte et proclame qu’il est impossible que Dieu puisse exiger de tels sacrifices. Et, si c’est impossible, cela signifie qu’on ne peut être tenu d’embrasser un parti qui est si contraignant et qui risque de bouleverser si profondément notre existence. Mais, en réalité, il est faux que Dieu ne puisse pas exiger de nous de très grands sacrifices. Toute l’Histoire Sainte nous montre le contraire. Dieu ne veut que notre bien et nul ne sait mieux que Lui dans quelles circonstances Il nous place pour nous faciliter le cheminement vers le Ciel. Nous ne sommes, de plus, jamais tentés au-delà de nos forces et la grâce nous est infailliblement donnée pour accomplir les choix vertueux que nous devons faire.

  Voyons par exemple, comment le Catholicisme a défendu l’indissolubilité du mariage.

Lothaire II, roi de Lotharingie de 855 à 869, voulut obtenir du Pape Nicolas Ier la reconnaissance de la nullité de son mariage afin de pouvoir épouser sa maîtresse Waldrade. Sur le ferme refus du pontife romain, le roi, furieux, fit le siège de Rome. En vain. Le Pape ne céda pas et Lothaire dut se retirer vaincu.

  Encore plus saisissant est le cas de saint Thomas More, chancelier du royaume d’Angleterre, qui s’opposa au divorce du roi Henry VIII pour épouser Anne Boleyn et qui paya de sa vie sa détermination. En cela, il ne faisait qu’imiter l’attitude de l’Eglise de Rome qui préféra perdre le royaume d’Angleterre en 1527 plutôt que de trahir la loi divine et de salir l’honneur de la femme légitime d’Henry VIII, Catherine d’Aragon.

Ces dignes émules de saint Jean-Baptiste n’hésitent pas à perdre leur vie ou un royaume pour la fidélité à un principe.

  Plutôt mourir que de commettre un péché. Telle est la seule devise possible. A violer la loi divine pour éviter des épreuves, nous nous plaçons dans un danger plus grand, celui de perdre nos âmes.

  Il faut en être très convaincu aujourd’hui où la pression anti-catholique et opposée à la loi naturelle ne cesse de croître. C’est la demande que nous faisons à la très sainte Vierge Marie pour tous les foyers ardents que nous confions à son Cœur Douloureux et Immaculé.

Père Joseph

 

Liberté et addictions

Chers amis,

           Depuis la faute d’Adam et Eve, l’homme traîne à sa suite un éventail d’addictions au péché. Pour certains il a pris une ampleur et une visibilité plus importante que pour d’autres mais n’est-ce pas là la base de tout examen de conscience rigoureux ? Comment en traitant des addictions qui touchent chacun d’entre nous, ne pas parler de cette liberté des enfants de Dieu qui nous permet de monter sur la montagne et de considérer tous les évènements actuels à l’aune de notre amour personnel pour notre créateur et de notre capacité à engager une véritable proximité d’âme avec Lui ?

  Nombreux sont ceux aujourd’hui qui ont compris que ce grand mot : « liberté », symbole de la république, était en fait un piège qui se rétrécissait chaque jour. On se lamente, impuissant devant l’étau qui se resserre…

  Dans ce numéro, nous traitons de cette notion pour aider chacun à mieux la comprendre et à en tirer les conclusions nécessaires ; mais nous sommes-nous posés, en toute honnêteté, la bonne question… ?

  Ne faut-il pas reprendre la parole de saint Pierre : « Comportez-vous en hommes libres, non certes en hommes qui font de la liberté un voile jeté sur leur malice, mais en serviteurs de Dieu. » ? N’est-ce pas là le secret de la liberté ? Et plutôt que de s’attarder sur les maux des temps actuels, ne faut-il pas plutôt se pencher sur ce qui est en notre pouvoir : nous comporter en hommes libres : serviteurs de Dieu ?

  La vraie liberté n’est-elle pas celle qui nous permet d’user des outils qui nous sont proposés et des progrès qui nous sont offerts en les dominant par une indifférence de l’âme qui n’adore que son seul Dieu et qui est comblée par son amour ? Quelle responsabilité portent les parents qui chargent les écrans de nourrir l’âme et l’esprit de leurs enfants…! Comment pourront-ils parler ensuite de pureté, des lois du mariage sans rougir, surtout quand ils ont montré un mauvais exemple ?… Otons tout de suite l’inquiétude des parents qui craignent que leurs enfants ne réussissent pas leurs études s’ils n’ont pas la pratique des écrans dès le plus jeune âge ; la preuve du contraire a maintenant été faite dans de nombreuses familles !

  L’homme n’aura vraiment acquis la liberté que quand il saura maîtriser ses passions, dominer ses instincts en orientant ses actes vers le bien suprême. « L’homme n’échappe à l’obéissance des choses d’en haut qui le nourrissent que pour choir dans la servitude des choses d’en bas qui le dévorent1. »

  Depuis Adam et Eve, nous sommes condamnés à une lutte sans merci entre le bien et le mal, mais ce monde « libertaire » n’aurait-il pas réussi ce stratagème savant de nous faire prendre nos esclavages pour des libertés ?

  La vraie liberté ne s’obtient pas en ayant accès à toutes les connaissances en quelques clics, en ayant à la portée de main tout ce qui flatte notre orgueil, notre paresse et nos sensualités, elle s’obtient par le renoncement. Redisons avec saint Augustin : « Aie au fond du cœur la racine de l’amour : de cette racine il ne peut rien sortir que de bon2. »

  Pour lutter contre nos addictions, il faut déjà les reconnaître ! Si parfois elles sont évidentes, elles se sont aussi souvent insérées de façon très subtile dans les vies de chacun en s’installant au cœur de nos foyers…

  Nous ne sommes pas ici pour faire un catalogue de toutes les addictions qui existent, nous en évoquons quelques-unes aujourd’hui : la gourmandise, le monde virtuel et toutes ses dérives, l’alcool, le travail…; nous avons déjà parlé de la drogue3, nous aurions aussi pu élargir encore notre champ de vision en citant, les jeux d’argents, les courses hippiques -source de tant de drames-, le sport à outrance et toutes les passions qui ruinent les âmes de ceux qui s’y adonnent, leur foyer et leurs familles ; il suffit de reprendre les péchés capitaux de notre examen de conscience pour en comprendre la racine.

  Mais nous voulons aider chacun à se poser les bonnes questions, à prendre ses responsabilités en comprenant combien elles ont de retentissement sur son entourage. L’article des pères de famille, ceux du coin des jeunes seront de bons guides pour cet examen de conscience approfondi.

  En second lieu, il faut les combattre ! Le moyen souverain est de recourir à la prière ; nous en avons fait notre thème de notre FA n°26 mais nous vous en parlons encore aujourd’hui. Il faut demander à Dieu, sans jamais se lasser : « Car quiconque demande, reçoit ; et qui cherche, trouve, et l’on ouvrira à celui qui frappe. Si donc vous, tout méchants que vous êtes, vous savez donner à vos enfants de bonnes choses, combien plus votre Père céleste donnera-t-il l’Esprit-Saint à ceux qui le lui demandent4 ? »

  Dieu écoutera notre prière et nous donnera alors les moyens, nous fera rencontrer les bonnes personnes, nous proposera des opportunités qu’il faudra savoir saisir et qui nous aideront à abandonner ces addictions de toutes sortes et à retrouver notre liberté d’enfant de Dieu : la seule que personne ne peut nous ôter !

  Courage ! Soyons virils avec notre âme et n’en faisons pas une loque informe, molle et affadie. « C’est en résistant aux passions, et non en leur cédant, qu’on trouve la véritable paix du cœur.1»

  Que Notre-Dame des Foyers Ardents nous aide, en ces temps si périlleux pour notre salut, à redevenir comme ces petits enfants que Notre-Seigneur aimait tant !

Marie du Tertre