Unis pour transmettre

Ce don prodigieux d’un bonheur éternel promis par Dieu aux âmes baptisées n’est pas sans certaines conditions, ni seulement une affaire qui concerne l’Au-delà. Elle dépend de notre foi, de notre bonne volonté, de tous les efforts que nous aurons mis en œuvre dans notre vie terrestre pour aimer, honorer et servir Dieu et ainsi mériter d’entrer dans sa gloire éternelle, dans un bonheur parfait et pour l’éternité. C’est donc ici-bas, dans notre vie quotidienne, que nous préparons notre ciel ou notre damnation pour toujours.

Dieu nous demande-t-il alors de nous mettre perpétuellement en prière pour gagner notre salut ? D’une certaine façon, oui et non. Oui, car la vie de tout catholique est entièrement consacrée à Dieu, chacune de ses pensées, paroles ou actions transformant sa vie en une seule et longue prière. « Que vous mangiez ou que vous buviez, quoi que vous fassiez, faites tout pour la gloire de Dieu.» Et non à la fois, car vivre sous le regard de Dieu ne signifie pas être à genoux tout le jour en prière, ce qui se ferait au détriment de nos devoirs d’état, mais il s’agit plutôt de réserver chaque jour un temps à la prière, et d’accomplir toutes nos actions et devoirs, même les plus ordinaires, le mieux possible pour la plus grande gloire de Dieu.

Que leurs journées s’écoulent sur leur lieu de travail ou dans leur foyer, les époux ont à pratiquer, ensemble et l’un pour l’autre, les vertus chrétiennes qui les aideront à conquérir en famille le but qu’ils se sont fixés, la gloire du ciel.

 

Amour et soutien mutuel

Partons du principe que nous nous aimons comme Jésus-Christ nous aime, c’est-à-dire au-delà de cette attirance mutuelle, de nos sympathies physiques et morales. Notre amour en sera ennobli, plus solide et durable, parce qu’inconditionnel. Si l’épouse commence à se trouver malheureuse, incomprise… et l’époux délaissé… qu’ils se disent que si leur conjoint a des défauts, ils ont eux-mêmes les leurs, qui déplaisent certainement tout autant à Dieu. Cependant Dieu ne cesse de toujours les aimer, de les supporter, de les prévenir, de leur pardonner. Imitons le Bon Dieu qui nous aime simplement tels que nous sommes. Édifions notre époux par une affection douce et indulgente, opposons des qualités à ses défauts avec générosité, magnanimité. Notre persévérance touchera son âme, sanctifiera la nôtre et attirera des bénédictions sur notre foyer.

Le soutien mutuel passe aussi par une admiration réciproque. Il nous faut non seulement observer, aimer les qualités de notre conjoint, mais aussi savoir le lui dire, lui montrer notre joie d’avoir un mari si prévenant, et notre fierté d’avoir une épouse attentive !

Notre affection aussi doit être visible, de petits gestes tendres, sourires, tous ces petits riens qui réchauffent le cœur et rassurent. Cela n’est pas si simple pour tout le monde, mais un petit effort de temps à autre aura l’effet d’un bien joli cadeau ! Il vous faut savoir, messieurs, que votre épouse a besoin de vos encouragements, remerciements. C’est pour vous qu’elle a tant d’attentions, notamment à la cuisine ou dans sa façon de s’apprêter, sachez la remercier. Ses efforts passent trop souvent inaperçus, elle qui cherche tant à vous faire plaisir, qui guette et ne se lasse jamais de votre affection ! Alors, une petite phrase de gratitude, un petit mot déposé sur la table de nuit si vous êtes un peu timide, ou quelques fleurs feront toujours leur effet !

 

 Et puis, il faut se dépasser l’un pour l’autre, sortir des sentiers battus. Se laisser entraîner dans un jeu de société alors qu’on préfère habituellement se réfugier dans son livre, organiser un menu d’anniversaire avec les enfants en interdisant la cuisine à l’intéressée, composer un joli poème pour dire son admiration et sa reconnaissance…Vous ne manquerez sûrement pas d’idées, car aimer donne des ailes !

 

L’exemple des parents

Pour faire de nos enfants des enfants de Dieu, nous devons les élever pour le Ciel, bien plus que pour la terre. Reconnaissons que c’est surtout la mère qui fait passer les vertus chrétiennes tout droit de son cœur à celui de ses enfants.

Un enfant voit tout, observe et retient les leçons vivantes que lui donnent ses parents. Il s’imprègne de l’ambiance au foyer, pesante ou joyeuse, il la reproduira à son tour. Papa et Maman se parlent-ils gentiment ou s’agacent-ils l’un l’autre ? Il en résultera une sérénité ou une inquiétude dans le cœur du petit. S’il voit ses parents courageux au travail, il sera laborieux ; d’humeur égale ? La sienne sera constante aussi. Les parents ont à travailler à se réformer de jour en jour pour servir de modèles à leurs enfants, leur vie doit être comme un miroir qui manifeste ce qu’ils doivent devenir eux-mêmes. Leur exemple, bien plus que leurs « sermons » s’impriment dans les cœurs. Les parents sont un catéchisme vivant pour cette petite Église que représente leur cellule familiale.

 

Les écueils

Le surmenage, la fatigue peuvent tendre quelques pièges que les parents apprendront à contrôler, voyons, par exemple l’empressement, défaut physique causé par l’état des nerfs. Il provoque une agitation fébrile étourdissante qui empêche toute activité de produire son plein effet. Une personne empressée accomplit une foule de mouvements inutiles, elle se fatigue davantage, gâche son travail. Cette précipitation a un effet instantané d’énervement sur l’entourage. Le mieux serait que l’époux le plus calme des deux prenne la main sur la situation en soulageant la pauvre victime de cet empressement, quitte à l’isoler quelques instants !

 

Cela nous arrive à tous, un cumul soudain de choses à faire en un temps limité, une impression de raz de marée qui nous emporte et dont on ne voit pas l’issue… Il faut alors savoir s’arrêter quelques instants, respirer profondément pour faire retomber la pression, et se remettre entre les mains de la Providence avant de reprendre doucement les choses une à une.

Parfois le découragement nous assaille, nous sommes à bout, recommençons chaque jour… alors nous regardons « chez la voisine » qui a une femme de ménage pour tenir sa maison ; qui, au creux de l’hiver, emmènera sa famille faire du ski ; qui a une belle-mère qui l’aide énormément. Et l’on trouve notre vie triste et monotone… Il est bien connu que l’herbe est plus verte dans le champ d’à côté ! La convoitise est mauvaise, elle détourne les choses de leur vraie fonction. Malheureusement, nous voyons tout ce qui nous entoure comme si nous en étions nous-mêmes le centre ! Puisse Dieu nous apprendre à avoir le regard clair, et nous ferons de toute chose une louange ! Mettons-nous simplement à l’école de Marie.

Qui saura dire la grandeur de notre mariage, où Dieu a mis son œuvre de salut entre les mains du père et de la mère ? Aujourd’hui, Dieu nous regarde dans les yeux et nous demande de nous associer au salut des âmes de notre famille, sommes-nous vraiment décidés à devenir des saints, à posséder Dieu pour l’éternité ? Courage, les grands desseins ne se font pas en un jour !

Nous sommes des héritiers, plus que des héritiers, des continuateurs ; et c’est d’une chose sainte que la garde nous est confiée.

 

Sophie de Lédinghen

 

Douzième station : Jésus meurt sur la Croix

« Bien vivre n’est rien d’autre qu’aimer Dieu de tout son cœur, de toute son âme, de tout son esprit, » et comment aimer Dieu si nous ne le connaissons pas ? Aimer Dieu ! Vaste programme ! Et l’aimerons-nous jamais assez ?

La maman pourra lire ou simplement s’inspirer de ces pensées pour entretenir un dialogue avec ses enfants ; elle l’adaptera à l’âge de chacun mais y trouvera l’inspiration nécessaire pour rendre la présence de Dieu réelle dans le quotidien matériel et froid qui nous entoure. Elle apprendra ainsi à ses enfants, petit à petit, à méditer ; point n’est besoin pour cela de développer tous les points de ce texte si un seul nourrit l’âme de l’enfant lors de ce moment privilégié.

Ainsi, quand les difficultés surgiront, que les épreuves inévitables surviendront, chacun aura acquis l’habitude de retrouver au fond de son cœur Celui qui ne déçoit jamais !

Après la contemplation du Notre Père et de la Salutation angélique, nous vous proposons celle du Chemin de Croix. En effet, sa méditation, source de nombreuses grâces, est un exercice souvent négligé hors du temps du Carême, elle est pourtant source de nombreuses grâces. Une illustration facilitera le recueillement des plus jeunes.

 

« Comme Moïse a élevé le serpent dans le désert, il faut de même que le Fils de l’Homme soit élevé, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle. Car  Dieu a tellement aimé le monde, qu’il a donné son Fils unique. » (Jean III ; 14-16) Au pied du crucifix, je viens plonger dans l’immensité de votre amour, ô Trinité bénie, et méditer sur le grand mystère de la Croix.

 

Douzième station : Jésus meurt sur la Croix

 

Composition de lieu

A la neuvième heure, Jésus, poussant un grand cri, expire. Voilà trois heures que Notre-Seigneur est en croix, entouré de deux malfaiteurs ; depuis midi les ténèbres couvrent la terre, la nature elle-même prend le deuil de son Seigneur, abandonné de tous. A peine reste-t-il quelques femmes à l’écart, et au pied de la croix, saint Jean auprès de Notre-Dame.

 

Corps de la méditation

L’évangile de saint Luc me rapporte ce magnifique échange entre Jésus et le bon larron : tandis que son compagnon insulte Notre-Seigneur, celui qu’on appelle Dismas me donne une grande leçon d’humilité, et en deux phrases résume les actes de Foi, d’Espérance, de Charité et de contrition : « Pour nous c’est justice… Seigneur, souvenez-vous de moi quand vous serez arrivé dans votre royaume. » (Luc XXIII ; 41-42) Qui sommes-nous face au Crucifié, Dieu Tout-Puissant qui choisit le moment de sa mort ? Il quitte ce monde dans un grand cri, un cri de victoire : « Tout est consommé ! » La bataille est gagnée, Satan est vaincu et le Ciel est à nouveau ouvert pour moi. Il a tout compris, ce pauvre homme qui en un instant s’est acquis le Paradis !

Après avoir été trahi par ses amis, après avoir été humilié dans sa nudité et après m’avoir donné son bien le plus cher, sa Mère, au moment où Il expire, Jésus abandonne le dernier bien dont Il ne s’était pas encore défait, la vie terrestre. Et c’est à ce moment précis que sa victoire est complète ! Pauvre malheureux que je suis, moi qui ne sais pas me détacher de mon fol orgueil, quand comprendrai-je que c’est par là qu’il me faudra passer pour entrer au Ciel ; et si je m’y suis refusé, ou que j’ai négligé les sacrifices à l’exemple de mon Sauveur, c’est au Purgatoire que je devrai me purifier de toutes mes affections déréglées ! Le sacrifice est nécessaire, et le Bon Dieu ne demande pas à tout le monde celui de sa vie par le martyre. Mais à la suite de Jésus, Dieu veut que nous nous offrions corps et âme à son service, disposés à toujours lui faire plaisir, sans réserve.

Le plus beau sacrifice d’un enfant, c’est l’obéissance. Obéir, c’est soumettre sa volonté, ses désirs, à ceux d’un autre : Papa et Maman, les professeurs, monsieur l’abbé… Jésus lui-même m’en a donné l’exemple, en obéissant à son Père… « Père, si vous le voulez, éloignez ce calice de moi ; cependant, que ma volonté ne se fasse pas, mais la vôtre. » (Luc XXII ; 42). Oui, ce renoncement est plus difficile qu’un autre, et c’est pour cette raison qu’il mène droit au Ciel. Et c’est à cela que je veux m’appliquer.

 

Colloque

O Jésus crucifié, je veux être au pied de la croix comme saint Jean, le nouveau fils de Marie, arrosé par le sang jaillissant de votre cœur. Le seul chemin qui mène à la victoire est la mort à soi-même, alors je la désire, et je vous supplie de m’aider à tout souffrir plutôt que vous déplaire. Et par avance, j’accepte de votre main le genre de mort qu’il vous plaira de m’envoyer.

 

Germaine Thionville

 

Actualités culturelles

  • France

Issue d’un partenariat entre le musée du Louvre et le groupe Westfield, qui gère 67 centres commerciaux dans 11 pays, l’exposition itinérante « J’habite le Louvre » se fixe comme objectif de démocratiser l’accès à la culture. En effet, le Louvre inaugure une tournée dans six grands centres commerciaux français intitulée « Le Louvre au centre ». Sur un espace de 100 m2, cette exposition gratuite met en scène les reproductions – en 2D ou 3D – de 22 œuvres du musée parisien, le tout accompagné de cartels explicatifs. Représentant les œuvres phares de chaque département du Louvre, ces répliques permettent de tirer parti de l’afflux de visiteurs dans les centres commerciaux pour développer la culture de chacun et, pourquoi pas, donner envie de se rendre au Louvre. L’exposition est accompagnée d’un espace jeu où les visiteurs pourront par exemple jouer à un « Qui est-ce » géant dont chaque personnage est issu d’une œuvre du musée. Bien que ce genre d’exposition n’égale en rien une visite de musée et la confrontation à des chefs-d’œuvre véridiques, l’initiative mérite d’être saluée. Après un passage à Rosny-sous-Bois et à Dijon en mars et avril dernier, la tournée se poursuivra à Lyon (La Part-Dieu) du 5 au 10 mai, à Paris (Forum des Halles) du 5 au 14 juillet avant de se rendre à Rennes (Alma) du 10 au 17 septembre et enfin à Lille (Euralille) du 25 octobre au 1er novembre.

 

  • Montbéliard (France, Doubs)

Construit entre 1601 et 1607, le temple de Montbéliard est le plus ancien temple protestant de France. Suite à la découverte de décors architecturaux en trompe-l’œil sous l’enduit des murs (2019), une campagne de restauration a été lancée (2021) pour remettre à neuf cet édifice classé. En mars dernier, une déclaration d’envergure a été faite par les archéologues de l’Inrap présents sur le chantier : des tranchées effectuées dans le temple en vue de l’installation d’un nouveau chauffage ont permis la mise au jour de vestiges d’une église médiévale ! Les sources évoquent en effet la présence de l’église Saint-Martin, détruite en 1603 alors que les murs du temple étaient déjà en partie élevés ; d’après les fouilles, l’église aurait été construite au XIe ou XIIe siècle et la restauration de 1490-1491 évoquée par les textes aurait pour origine un incendie (des traces d’incendie ont en effet été décelées sur les ruines). Cette découverte majeure permet de se repencher sur l’histoire du comté de Montbéliard qui fut une possession des ducs de Wurtemberg jusqu’en 1793 ; protestant, le duc Frédéric II fait de la religion luthérienne la religion officielle du comté de Montbéliard en 1588 ; suite à cette ordonnance, l’église Saint-Martin fut transformée en lieu de culte protestant. Devenu trop petit, le temple fut remplacé par l’édifice actuel au début du XVIIe siècle.

 

  • Saint-Malo (France)

Les travaux de rénovation de l’hôtel Jersey à Saint-Malo ont révélé bien des surprises ! En effet, lors de la réfection du sol de l’entrée du bâtiment, les ouvriers ont découvert une splendide mosaïque art-déco dissimulée sous une moquette. Aux couleurs bleue et ocre, cette œuvre évoque des motifs marins de vagues et de coquillages, qui ne sont pas sans rappeler l’œuvre d’Isidore Odorico (1893-1945) ; la paternité de l’œuvre est rapidement confirmée par un spécialiste d’Odorico, ce qui conforte les tenanciers de l’hôtel dans leur volonté de conserver la mosaïque. Venu d’Italie pour participer au chantier de l’Opéra Garnier, le père d’Isidore Odorico était lui-même mosaïste et installa son entreprise à Rennes où il importa son art. Suivant les traces de son père, Isidore Odorico se passionne lui aussi pour la mosaïque et collabore avec de nombreux artistes travaillant dans le Grand Ouest ; on trouve parmi ses réalisations les plus connues la Maison Bleue d’Angers. Aucune date précise n’est encore retenue pour l’œuvre de Saint-Malo, mais une page de journal retrouvée à proximité et datant de 1927, laisse supposer qu’elle a pu être réalisée à ce moment-là.

 

  • Schleswig (Allemagne)

C’est au siège des archives de l’Etat fédéral du Schleswig-Holstein, au nord de l’Allemagne, que l’on a retrouvé des fragments de la tapisserie de Bayeux, parmi les biens de l’archéologue Karl Schlabow (1891-1984). Spécialiste de l’archéologie textile, Karl Schlabow était aussi membre de l’Ahnenerbe, à savoir un centre de recherches pluridisciplinaires nazi créé par Himmler en 1935 ; le but premier de cette organisation scientifique confidentielle était d’expérimenter de nouveaux traitements médicaux (dans des conditions souvent inhumaines) et d’étudier l’histoire, l’archéologie et l’anthropologie afin de découvrir les origines de la race aryenne. La tapisserie de Bayeux attirait l’attention des nazis à double titre : elle pouvait d’une part constituer un outil de propagande en faveur de l’expansion nazie en établissant une analogie avec les conquêtes de Guillaume le Conquérant ; d’autre part, certains nazis estimant que la « pureté » aryenne trouvait ses origines dans les peuples scandinaves, le parallèle avec un guerrier descendant des Vikings devenait intéressant. Quoiqu’il en soit, Karl Schlabow fut envoyé en 1941 en Normandie pour étudier de plus près la fameuse tapisserie : au vu de ce que l’on a retrouvé aux archives de Schleswig, il paraît évident qu’il n’a pas seulement observé l’œuvre mais qu’il est bel et bien reparti avec des échantillons. Le fait qu’il s’agisse de morceaux de lin sans broderie permet d’affirmer que l’on a affaire à des parcelles issues de l’arrière de la tapisserie ; quant à la provenance des fragments, elle ne fait aucun doute, l’archéologue ayant pris soin de la noter ! Ces éléments devraient être restitués à la France dans le courant de l’année.

 

Enthousiasme et magnanimité

A Annecy, en juin 2023, un terroriste blesse 6 personnes dont 4 jeunes enfants avec un couteau. Henri, 24 ans, n’hésite pas : il pourchasse l’assaillant, un sac de randonnée sur le dos et un autre sac devant lui en guise de protection. C’est lui qui a permis d’éloigner le suspect, avant qu’il ne soit neutralisé par les forces de l’ordre. Il n’a pas hésité à mettre sa vie en jeu pour sauver des vies.

Si une telle situation se reproduisait devant nos fils du même âge dans quelques années, seraient-ils capables du même engagement, ou seraient-ils des spectateurs paralysés ?

Comment notre éducation aidera-t-elle nos enfants à bien réagir lorsque des occasions moins dramatiques, ou des opportunités de faire du bien, se produiront de manière imprévue devant eux ? Sauront-ils prendre des initiatives ou auront-ils peur de l’échec ou de la difficulté ?

 

Henri, « le héros au sac à dos », a expliqué que son éducation a été déterminante ce jour-là. Il cite les trois axes qui l’ont façonné :

1/ l’Amour du Beau (nature, art…) qui conduit au Vrai et au Bien ;

2/ la Magnanimité, la grandeur d’âme inséparable de la vraie humilité ;

3/ la Tradition reçue : tradition catholique et idéal du Ciel, tradition familiale et de la patrie.

Parlons donc aujourd’hui de la magnanimité, l’enthousiasme pour les grandes actions. Selon Aristote, c’est la grandeur d’âme de celui qui se croit capable de réaliser de grandes choses, qui a confiance en lui et s’apprécie pour ce qu’il vaut, objectivement et sans orgueil. Cette vertu s’oppose à la pusillanimité (étymologiquement, la petitesse d’âme) et à la vanité impertinente. Le magnanime recherche en tout l’idéal du bien et non son propre avantage. Pour cela, il allie son cœur enthousiaste et aimant, son intelligence pour analyser les situations, choisir les bons objectifs et prendre les bons moyens, et sa volonté pour agir et persévérer.

 

La magnanimité est une vertu nécessaire !

Elle est dans la nature de la jeunesse, et de tous ceux qui gardent un cœur d’enfant. C’est une vertu nécessaire pour que nous fassions fructifier nos talents. Dieu a fait nos cœurs pour qu’ils se dilatent comme les fleurs s’épanouissent au soleil, pour que nous sortions du cercle étroit de notre petitesse afin de contribuer au règne de Dieu dans nos cœurs, nos familles, nos cités.

C’est un moteur de progrès, une puissance sur l’orientation de notre vie. Constatons-le en observant, avec nos enfants, les héros, les saints et même certains membres de notre histoire familiale ou de notre entourage !

« Quand on a l’âme jeune, chevaleresque, vaillante, il faut rêver à un idéal grand, sublime. Il faut se dégager, comme à grands coups d’ailes, des fanges d’ici-bas, pour s’élever bien haut dans l’azur du ciel. (…) Sans doute, il ne faut pas vous laisser prendre au mirage trompeur d’une ambition trop au-dessus de vos forces et de vos aptitudes ; mais avant de douter de vous-mêmes, faites au moins l’essai loyal de ce que vous pouvez accomplir. (…) Si ceux qui sont devenus de grands savants et de grands saints, et ont rendu tant de services à l’humanité et à la société chrétienne, s’étaient faits le même raisonnement que vous, où en serions-nous ?1 » Sans enthousiasme, nous risquons de devenir passifs, glacés comme le marbre froid du tombeau, indifférents aux grands intérêts de l’Église et de la patrie.

L’ambition ardente pour le Bien est également un moyen d’éviter les passions désordonnées, l’impureté, la faiblesse, le péché, « parce qu’il y a dans le cœur un autre attrait, un autre amour, plus fort, qui entraîne toute l’activité intellectuelle et physique vers un but supérieur ». Associée à la prière, c’est un dérivatif très efficace contre les tentations.

Le monde change, ces derniers mois le montrent. Les mouvements conservateurs, les réseaux, les initiatives, les œuvres de tradition ne cessent de se développer. Notre époque est propice pour les entrepreneurs, les écoles, les associations culturelles ou d’entraide, les apôtres auprès de nos contemporains qui ont soif d’idéal et de racines, que la société laïcisée et matérialiste ne leur donne plus. Préparons donc nos enfants à être de ceux qui reconstruiront la chrétienté !

L’éducation de la magnanimité

Il s’agit de former le cœur, l’intelligence et la volonté. Dès le plus jeune âge, l’histoire des héros et des saints ouvrira les cœurs et rendra désirable l’engagement pour des idéaux qui en valent la peine.

L’idéal servira d’étoile polaire et gonflera les voiles de son énergie. Il sera complété par le travail de l’intelligence qui doit montrer à la volonté ce qu’elle doit accomplir : « Plus la lumière projetée par l’intelligence sera intense, plus l’objet apparaîtra avec toutes ses qualités et ses défauts et plus la volonté se portera vers lui ou s’en éloignera.» C’est l’apprentissage de la connaissance du Bien et du Mal, de la Foi, des valeurs désirables à l’opposé du consumérisme, de la vanité, du confort ou de la faiblesse.

 

N’oublions pas qu’un idéal qui ne serait que velléité, rêverie, excitation ou émotion se dégonflerait aussi vite qu’il est apparu, mourant au seuil de la vie pratique, comme la vague meurt sur le sable de la plage. « Pour qu’une chose se réalise, il ne suffit pas d’en caresser le projet, de la désirer, il faut se mettre résolument à l’œuvre. De la décision il faut passer à l’action.» Il faudra savoir ignorer les moqueries, menaces, flatteries, séductions, paresses ou autres passions, en un mot être persévérant.

C’est au quotidien, jour après jour, année après année, que cette vertu se développera, nous fortifiera et nous réjouira par les résultats obtenus.

L’amiral McRaven, 37 ans dans les forces spéciales américaines (Navy Seals) a séduit les 8000 étudiants de l’université du Texas par son discours de remise des diplômes en 2014 : « Si vous voulez changer le monde, commencez par faire votre lit tous les matins ! » Il a raison !

Bien faire son lit et sa prière chaque matin, c’est avoir fait quelque chose d’utile et de satisfaisant chaque jour même si le reste de la journée est raté !

 

Enfin l’esprit d’initiative et de générosité sera essentiel. Malgré nous, nous sommes influencés par la centralisation croissante depuis Napoléon, renforcée par l’étatisme, l’esprit socialiste qui se méfie des initiatives privées, et l’individualisme ambiant cultivant les droits de chacun et oubliant le Bien Commun. Ne confondons-nous pas, même chez nous, le « principe de précaution » qui fait renoncer aux initiatives, et la prudence qui au contraire encourage à agir en prenant les bons moyens ?

Ne sommes-nous pas tentés d’établir des règlements pointilleux à la maison (par exemple pour les tours de service de table), plutôt que de faire appel à la générosité ? Lorsque maman est à la cuisine, ou papa au jardin, c’est normal de venir proposer son aide ! (Évidemment, on peut s’assurer que chacun fasse un minimum).

C’est en effet par les petites choses, faites avec persévérance, initiative et générosité que l’on se prépare aux grandes, si Dieu le veut.

 

Éduquons donc nos enfants à la magnanimité et à l’enthousiasme, et donnons leur l’exemple !

 

Hervé Lepère

1 Toutes les citations proviennent de « Soyez des hommes », F-A. Vuillermet, OP

 

MON DIEU et mon petit Dieu

 

 Mon Dieu

Je crois en Dieu. Pas en n’importe lequel. Je crois au Dieu Trinité et je crois que la deuxième Personne de cette Trinité s’est incarnée et a offert sa vie pour l’expiation de nos péchés. Cette foi fut longtemps assez forte en moi pour m’amener à prendre des moments réguliers et assez importants, consacrés à la prière. Je ne pouvais, me disais-je, trouver meilleur confident que Lui. J’en recevais fidèlement force, abnégation et enthousiasme.

Mon petit dieu

Mais voilà qu’un jour a fait irruption dans ma vie un petit dieu. Je ne le reçus d’abord qu’avec méfiance car j’avais été prévenu contre lui et contre ses capacités à séduire. Avec le temps, ce n’est pas que je perdis ma méfiance mais je fus bien obligé de constater que mon petit dieu prenait de plus en plus de place dans ma vie. Les qualités ne lui manquaient pas : il avait à peu près réponse à tout et ouvrait le champ d’une façon illimitée à tous les savoirs. Il était toujours disponible pour satisfaire ma moindre demande, jamais de mauvaise humeur et, mystérieusement, prévenait même souvent mes désirs. Il simplifiait de mille manières ma vie quotidienne et m’assurait l’instantanéité des relations avec qui je voulais.

Il m’est devenu si précieux que je le garde dans le creux de la main, même quand je le mets dans ma poche. Il a droit à mon premier regard quand je me réveille et à mon dernier quand je m’endors. D’ailleurs, c’est lui qui veille à mon chevet pendant la nuit.

La supplantation

Je sais bien qu’il n’est que mon petit dieu. Mais quand j’y pense, je dois reconnaître qu’il a à peu près la place qu’occupait naguère mon Dieu. Je suis en effet bien obligé de constater que :

– quand j’ai quelque chose à demander, mon réflexe est de consulter mon petit dieu et non plus mon Dieu ;

– le temps que je passe avec mon petit dieu a tellement augmenté que je n’ai plus guère le temps de prier mon Dieu ;

– c’est lui qui est devenu ma Providence et qui, sans cesse, me guide, me conseille, et dirige ma vie ;

– il me dit des choses fort utiles que mon Dieu ne m’aurait jamais dites ;

– aussi, je me dis parfois que mon petit dieu est plus efficace que mon Dieu ;

– il m’arrive d’oublier mon chapelet dans ma chambre, jamais mon petit dieu ;

– Je ne pense plus guère à faire des oraisons jaculatoires à mon Dieu mais je consulte plusieurs dizaines de fois mon petit dieu par jour, et serais même tenté de le consulter plus souvent encore ;

– j’aime à être avec lui et qu’il soit avec moi.

Mes gémissements impuissants

Je reconnais que mon petit dieu a supplanté mon Dieu. Il a pris tant de place dans ma vie que, vraiment, je ne crois plus que je pourrais me passer de lui. Pourtant, je vois des différences qui m’inquiètent entre mon petit dieu et mon Dieu. Mon Dieu ne m’a jamais fait que du bien. Je ne dis pas que mon petit dieu ne me fait aucun bien, mais tout se passe comme s’il utilisait le bien qu’il peut me faire pour se rendre toujours plus nécessaire à ma vie, et pour me faire du mal, pour m’entraîner là où je ne voudrais pas aller, pour me garder tant de temps avec lui que j’en ai la tête hébétée et que je ne sais plus penser à rien. Comment encore prier ?

Mon Dieu, comme mon petit dieu, cherche à m’attirer mais le premier me dilate et me fait sortir de moi-même tandis que le second me rétracte et m’engloutit en lui-même.

Plus je me donnais à mon Dieu, plus j’avais l’impression de gagner en liberté et en maîtrise de moi-même ; plus je me livre à mon petit dieu, plus je deviens faible et sans volonté.  

Je le reconnais : ma vie spirituelle s’est évaporée et ma vie détériorée à mesure que j’ai davantage fréquenté mon petit dieu.

Mon esclavage

Quand je lisais l’Ancien Testament, je ne comprenais pas comment les Hébreux pouvaient abandonner le vrai Dieu pour des faux dieux, pour des idoles. Mais maintenant, j’en ai fait l’expérience. Ce n’est pas vraiment que je crois que mon petit dieu soit Dieu. Et peut-être en était-il de même pour les Hébreux. Mais au résultat, j’avoue que mon petit dieu a sur moi toute l’influence d’un dieu : il fait écran à mon Dieu, me subjugue et m’entraîne là où je ne veux pas aller.

L’instant de ma délivrance

L’autre jour, j’ai fait tomber mon petit dieu qui s’est cassé en mille morceaux. J’ai cru que je ne survivrais pas à cette privation. C’était l’instant de mon Dieu. Il m’a doucement rappelé à Lui et je Lui ai demandé pardon. Il m’a pardonné mais il m’a demandé de m’affranchir de cet esclavage où m’avait réduit mon petit dieu. Avec sa grâce, j’y suis arrivé et mon âme a retrouvé la vie, la joie et l’enthousiasme.

 

R.P. Joseph