Constitution et avortement : loi constitutionnelle du 8 mars 2024

La constitutionnalisation de la liberté de l’avortement fait partie des sujets que nous préférerions naturellement éviter tant elle heurte les consciences droites et montre le fossé qui sépare les catholiques fidèles et les défenseurs de la loi naturelle de la quasi-totalité de la classe politique et médiatique, et même de la grande majorité de nos contemporains. Il faut dire que peu de choses nous ont été épargnées dans les derniers jours de février et la première semaine de mars 2024 : la hâte avec laquelle ont été conduits les débats, les très fortes majorités des votes favorables à la loi dans tous les groupes politiques, la faiblesse des opposants dont le nombre diminuait au fil du temps et qui contrastait avec le triomphalisme débridé de ses promoteurs – le Premier ministre a parlé à cette occasion de « la France, phare de l’humanité » , la timidité de la réaction de l’Eglise catholique, sans compter l’illumination de la tour Eiffel qui affichait, le soir du vote final, les mots « mon corps, mon choix » et la cérémonie organisée place Vendôme pour l’apposition du sceau de la République sur la loi promulguée par le chef de l’Etat. Ce déferlement peut apparaître dérisoire tant le combat des partisans de la révision constitutionnelle fut facile et dénué d’embûches. Il montre en creux la gravité de l’atteinte ainsi portée à la loi naturelle et à ce qui reste de la France chrétienne, ainsi que la facilité avec laquelle pourraient être demain adoptées, sans rencontrer de résistance, d’autres réformes mettant en péril les îlots de chrétienté qui subsistent.

« La France, ont clamé les partisans du texte, est le premier pays de la planète à inscrire la liberté d’avorter dans sa constitution et est fière d’envoyer ainsi un signal de libération à toutes les femmes du monde au nom du droit de celles-ci à disposer de leur corps.» Tout est faux dans cette assertion. Le maréchal Tito avait déjà fait inscrire cette sinistre liberté dans la constitution yougoslave après la seconde guerre mondiale et les constitutions de deux pays européens y font aujourd’hui indirectement référence. Avorter n’est pas pour une femme disposer de son corps mais de celui d’un autre être humain dont la vie a commencé et qui est privé du droit de vivre. Comment parler de libération de la femme alors qu’il y a aujourd’hui tant d’avortements contraints ? Cette prétendue liberté de la femme repose bien sur une fausse conception de la liberté.

Le vote de la loi érigeant le droit à l’avortement en liberté constitutionnelle est une initiative des députés appartenant aux groupes insoumis et écologistes au cours de la précédente législature, (2017-2022) à laquelle les gouvernements de l’époque s’étaient opposés en arguant du caractère inutile d’un tel texte en l’absence de menace affectant ce droit. Après l’arrêt de la Cour suprême des Etats-Unis du 24 juin 2022 qui a supprimé la protection fédérale du droit à l’avortement et donné pleine compétence aux Etats fédérés pour >>> >>> légiférer dans cette matière, plusieurs propositions de loi ont été déposées dans les deux assemblées du Parlement français pour « inscrire le droit à l’IVG dans la Constitution ». Le Sénat a rejeté le 19 octobre 2022 la proposition déposée par 118 sénateurs appartenant à sept groupes politiques alors que l’Assemblée nationale a adopté le 24 novembre 2022 un texte identique. Celui-ci visait à introduire dans la Constitution, dans le titre VIII relatif à l’autorité judiciaire, après l’article 66-1 relatif à l’abolition de la peine de mort, un article 66-2 garantissant à la femme un droit effectif à l’IVG.  Après la protection de la vie des criminels, venait le droit de tuer les innocents. Le texte voté par les députés, avec cette fois-ci le soutien du gouvernement, est venu en discussion au Sénat le 1er février 2023. Tous s’attendaient à ce que la proposition soit à nouveau rejetée quand, à la surprise générale, le sénateur LR de la Manche, Philippe Bas, ancien ministre de la santé de Jacques Chirac, a déposé et fait adopter un amendement introduisant dans l’article 34 de la Constitution un alinéa selon lequel « la loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté de la femme de mettre fin à sa grossesse ». Les différences entre les versions des députés et des sénateurs relèvent surtout de la sémantique mais le président de la République a décidé de reprendre le texte sénatorial pour en faciliter l’adoption et le texte voté le 30 janvier 2024 par l’Assemblée nationale, le 28 février par le Sénat et le 4 mars par le Congrès du Parlement dispose que « la loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse. »

Les débats parlementaires ont été décevants. Les opposants ont insisté sur le caractère inutile du projet en l’absence de remise en cause du droit à l’avortement dans notre pays et sur leur attachement à la loi Veil de 1975 dont la révision constitutionnelle trahirait selon eux l’esprit. Les deux tentatives de modification du projet, qui se sont heurtées à un échec, ont porté sur la suppression de l’adjectif « garantie » et sur l’insertion dans le texte de la protection de la clause de conscience qui donne au personnel médical le droit de ne pas pratiquer ni de concourir à une interruption volontaire de grossesse. Au Congrès réuni le 4 mars 2024 à Versailles, 782 parlementaires ont voté pour, 80 contre – honneur à eux car ils ont été soumis à de fortes pressions – et 50 se sont abstenus, tandis que 23 n’ont pas pris part au vote.

Cette révision constitutionnelle s’inscrit dans la ligne des réformes qui depuis 1975 n’ont cessé d’élargir le droit à l’avortement. D’abord présenté par Simone Veil comme un « ultime recours » pour remédier à une « situation de détresse » et dépénalisé pour une durée de cinq ans s’il était pratiqué pendant les dix premières semaines de la conception du fœtus, l’avortement allait être autorisé de façon définitive en 1979, puis remboursé par la sécurité sociale en 1982. En 1993, la loi crée le délit d’entrave à l’IVG et, en 2001, le délai pendant lequel l’avortement peut être pratiqué est porté à douze semaines, les chefs de service hospitalier ne peuvent plus s’opposer à la pratique d’un avortement dans leur service et la femme ne peut plus être poursuivie pour un avortement hors délai. En 2012, le taux de remboursement par la sécurité sociale passe à 100 %, en 2014, est supprimée la « condition de détresse » d’une portée pratique limitée car la femme en était le seul juge, et en 2022, le délai passe de douze à quatorze semaines.

La liberté de l’avortement avait acquis, avant même la récente réforme, un statut quasi-constitutionnel dans la mesure où le Conseil constitutionnel avait à quatre reprises reconnu la conformité à la Constitution de la loi de 1975 et des mesures qui en élargissaient la portée. La décision du 27 juin 2001, à laquelle a participé Simone Veil en tant que membre du Conseil à cette époque, est intéressante à plusieurs titres : le Conseil avait été saisi par plus de 60 sénateurs (y en aurait-il encore un seul aujourd’hui ?)  sur l’allongement du délai de dix à douze semaines et sur la possibilité pour un chef de service de s’opposer à la pratique de l’avortement dans son service. Le Conseil a décidé que l’augmentation du délai ne remettait pas en cause l’équilibre existant entre la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme de dégradation et la liberté que tient la femme de l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789  >>> >>> (« Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression. »), ce qui ouvre un champ pour le moins indéfini à son application. Le Conseil, à aucun moment, ne reconnaît à l’embryon la qualité d’un être humain, semblant oublier le principe posé à l’article 16 du code civil : « La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de la vie.» La suppression du droit, pour un chef de service, de s’opposer à ce qu’un avortement soit pratiqué dans son service fut jugée conforme à la Constitution en raison de l’existence de la clause de conscience du corps médical fondée sur la liberté d’opinion, reconnue par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, le préambule de la Constitution de 1946 et la liberté de conscience considérée comme un principe fondamental reconnu par les lois de la République. 

Les conséquences de cette réforme ont été soulignées : la clause de conscience du personnel médical, dont plusieurs députés insoumis et écologistes ont demandé la suppression dès le lendemain du vote, peut être considérée comme étant à risque malgré la décision du Conseil constitutionnel de 2001, le nouveau texte pourra encourager les pratiques eugénistes, et la possibilité de critiquer l’avortement pourra être censurée en tant qu’elle contreviendrait à l’exercice d’un droit constitutionnellement garanti. Nous avons déjà pu constater l’existence d’un tel risque avec les réactions aux propos courageux d’Aymeric Pourbaix sur Cnews selon lesquels l’avortement était la première cause de mortalité dans le monde, avant le tabac et le cancer. Plusieurs journalistes de la chaîne ont désavoué leur auteur et Cnews a dû platement s’excuser pour cette déclaration jugée transgressive. Pourtant les chiffres sont éloquents : il y a eu 232 000 avortements en France en 2022 et ce chiffre est en augmentation constante depuis une trentaine d’années – nous étions à 200 000 en l’an 2000 – ce qui représente 32 % des naissances. Ces chiffres placent la France en tête des pays européens pour le taux de recours à l’avortement : le rapport entre le nombre d’avortements et celui des naissances est de 12 % en Allemagne 12,5 % en Suisse et 16 % en Italie. En outre, la France est le seul pays d’Europe où ce taux continue à augmenter alors qu’il diminue dans les autres pays.

L’Eglise catholique a pris position contre l’inscription de l’avortement dans la Constitution française. Le responsable de Radio Vatican et de Vatican News a rappelé les paroles prononcées par le pape François en 2021 : « L’avortement est un meurtre » et s’interroge : « Comment est-il possible de juxtaposer dans la charte fondamentale d’un Etat le droit qui protège et celui qui sanctionne sa mort ? » La conférence épiscopale française a appelé les catholiques à être des serviteurs de la vie, de la conception à la mort, et a appelé « à soutenir ceux et celles qui choisissent de garder leur enfant (…) et à entourer de notre respect et de notre compassion ceux et celles qui ont eu recours à l’avortement ». Nous retrouvons là toute la prudence, pour ne pas dire plus, du corps épiscopal qui omet d’avertir sur la gravité du péché objectif que représente un tel acte.

 

Alors que faire dans « cette course à l’abîme d’une civilisation en perdition » pour reprendre les mots de Philippe de Villiers ? Ne pas nous décourager, ni nous résigner bien sûr. Essayer modestement de tirer quelques leçons de ce triste événement de notre vie politique. Ne pas céder sur les principes car, n’en déplaise à beaucoup de « modérés », la constitutionnalisation de l’avortement était en germe dans la loi Veil de 1975 et défendre celle-ci pour mieux combattre celle-là est une gageure. Reconnaître aussi que le vrai combat est surnaturel et que si l’avortement est contraire à la loi naturelle, il ne pourra pas être combattu par les seuls moyens humains bien que ceux-ci soient nécessaires.  L’avantage du combat surnaturel est que, même s’il se situe dans le long terme, c’est un combat assurément gagnant. N’oublions pas l’une des dernières paroles de Jésus-Christ à ses disciples : « J’ai vaincu le monde.» J’ai vaincu, cela veut dire que c’est déjà fait…     

Thierry de la Rollandière

 

De bons amis pour nos enfants

Vingt ans après, deux amis éloignés par des mutations professionnelles se retrouvent :

– Heureusement que je t’ai connu, tu étais plus sage que moi et tu m’as guidé !

– Mais non, c’est toi qui m’as donné envie de progresser et m’as montré que je n’étais pas seul !

– Tu m’as aidé à aller au fond des choses et m’as soutenu quand c’était difficile…

– J’ai osé m’engager dans des bonnes œuvres grâce à toi. Elles m’ont fait grandir.

– Je remercie tes parents qui m’ont accueilli souvent et ont permis à notre amitié de grandir si facilement.

Qui ne souhaite pas que ses enfants puissent avoir ce dialogue un jour ?

L’amitié pour nos adolescents

Les parents seront donc attentifs à observer et à encourager leurs enfants dans le choix de sains camarades puis de quelques bons amis, tout en respectant leur personnalité.

Il faudra découvrir ceux avec lesquels leurs affinités iront de pair avec une bonne influence réciproque : éducation, bonne humeur, piété, générosité envers les autres….

Avec l’âge, l’influence des amis deviendra essentielle pour compléter l’éducation que vous avez voulu donner, et aider le futur adulte à élever son idéal vers le Beau, le Vrai, le Bien. L’ami devient le confident, parfois avant les parents ; mieux vaut qu’il soit un « ange gardien » !

Que faire si votre adolescent est fasciné par un camarade de classe dévergondé ou qui se permet des paroles ou des actes ignorés dans votre maison ? L’adolescent est souvent impressionné par celui qui brille ou qui ose des choses que lui-même ignore. Lorsque cela arrive, sachons questionner l’influence qu’il subit : t’aide-t-elle à grandir dans un idéal noble ? A être fidèle à tes devoirs et à progresser ? Aimerais-tu cet ami comme futur mari de ta sœur ? (Ou l’amie comme épouse de ton frère ?) Notre attention portera sur les actes, sans condamner la personne : peut-être le camarade a t-il une situation familiale difficile, un manque d’éducation, un caractère ingrat ?

N’attendez pas que vos enfants soient attirés par de mauvais éléments pour faciliter les circonstances qui les feront choisir de bons camarades et de bons amis ! Que vos enfants sachent que les vrais amis sont bienvenus chez vous et qu’ils osent les y faire venir : vous serez contents de voir les bonnes influences et détecterez plus facilement les éventuelles faiblesses.

 

Encouragez vos enfants à se donner aux autres dans des mouvements qui cultivent un idéal noble, cet idéal qui sera un point commun avec de futurs amis. Scoutisme, chorale, groupes de formation ou associations sont évidemment prioritaires sur les réunions trop mondaines ou même seulement sportives. 

Si vous vous sentez isolés en province, n’hésitez pas à encourager les jeunes à se déplacer lorsqu’un événement intéressant a lieu un peu loin ! L’amitié naît souvent sans qu’on s’en rende compte, il faut donc prendre le temps de se connaître au-delà des premières impressions, créer les occasions de se retrouver, ne pas vouloir aller trop vite si on veut que l’amitié soit solide et dure longtemps. 

Une saine amitié nous entraîne vers le haut

Apprenons aux jeunes qu’aimer, c’est vouloir le bien de l’autre, sans se rechercher soi-même. Leur amitié sera donc d’autant plus belle qu’ils placeront leur idéal plus haut. Donnons nous-mêmes l’exemple dans nos amitiés !

L’amitié doit savoir donner Dieu en même temps que notre cœur à la personne aimée : vivons donc de Foi et de prière.

Pour soutenir notre ami dans ses difficultés, le préserver du mal, le soutenir voire le redresser dans les chutes, soyons exemplaires et sans respect humain.

Pour nous perfectionner et monter ensemble plus haut, construisons des habitudes vertueuses, connaissons nos défauts et travaillons les vertus que nous possédons déjà.

Développons la confiance mutuelle qui permet les confidences. Celle qui s’appuie sur la franchise et la douceur, et non pas la flatterie. Celle qui sait dire les vérités qui peuvent déranger, mais en choisissant la forme adaptée et le moment opportun où l’âme est accessible.

Pour être heureux de nous retrouver et de passer du temps ensemble, soyons attentifs à l’autre, restons simples et souriants même si notre temps est limité.

Ainsi notre don sera fructueux et nous recevrons en retour des biens encore plus grands que ceux que nous aurons donnés.

Camarades ou amis ?

Aidons nos enfants à distinguer les amis et les camarades. Un ami se choisit avec soin car « l’amitié, c’est la mise en commun de deux vies par l’échange des pensées, le partage des sentiments, la communication de ses projets, la mise en accord des activités et leur essor vers un même idéal1. ».

Cependant les circonstances nous font rencontrer d’autres personnes : à l’école, au travail, dans les différentes organisations de la société. Dans ces milieux, nous devons partout nous montrer bons camarades, pour faciliter la vie commune et pour être apôtres.

Bien sûr, la diversité entre camarades : pensées, façons de sentir, acquis différents est parfois source de difficultés. Elle présente pourtant de gros avantages si nous savons nous en servir. Elle nous aide à enrichir nos propres notions, adoucir nos angles, prendre conscience des nuances, nous adapter aux différentes personnalités, nous exercer à défendre nos idées par l’exemple et par des discussions argumentées, sans violence ni respect humain.

De bons camarades peuvent alors être de bons soutiens quoique d’une manière moins intime et plus limitée que des amis.

Si le niveau est bas, changeons-le ! C’est un programme de conquête et non de timide défense. Ne soyons pas présomptueux, ce ne sera pas possible avec tout le monde et pas seul contre tous. Nous repérerons donc ceux qui ont les meilleures qualités pour nous soutenir dans ce but. Si malgré tout, nous trouvons des tentations pour nous, nous n’obtiendrons pas le progrès pour les autres. Il vaudra mieux, dans ce cas, s’éloigner de ceux à qui nous ne voulons pas ressembler, sans aigreur mais fermement.

 

Hervé Lepère 

1 Père Sertillanges O.P, Jeunes de France 

 

 

 

La précieuse amitié

I – Le Ciel, l’Enfer et la terre

Dans le Ciel, nous croyons que les trois Personnes de la Sainte Trinité vivent ensemble dans une constante et parfaite communauté d’amour. Jamais elles ne se lassent d’être toutes trois dans une telle unité qu’elles ne sont en réalité qu’une seule et même substance divine. Et tous les anges et tous les saints qui sont parvenus dans l’éternité bienheureuse entrent eux-mêmes dans ce bonheur ineffable que leur offre ce Dieu d’amour.

Le spectacle de l’Enfer est tout à l’opposé. Ceux qui y sont rassemblés, anges et êtres humains, ont en commun leur haine de Dieu. C’est là leur signe distinctif qui leur ferme à jamais le Ciel et les précipite à jamais dans leur géhenne. Et, de même qu’il n’est qu’un amour par lequel on aime Dieu et son prochain, il n’est aussi qu’une seule et même détestation qui englobe et Dieu et toutes ses créatures. Condamnés à vivre à tout jamais dans ce même lieu, les damnés multiplient leurs tourments par la haine qu’ils ne cessent de se porter les uns aux autres.

Entre le Ciel et l’Enfer, la terre. Est-elle plus proche du Ciel ou plus proche de l’Enfer ? Selon que les mœurs divines ou que les mœurs infernales prévalent, elle est plus proche du Ciel ou de l’Enfer. Lorsque les sociétés se christianisent, les cœurs s’ouvrent, les liens se renforcent entre les membres qui les composent et, si l’amitié pouvait déjà trouver sa place dans l’ordre naturel, elle se voit hissée à des sommets inconnus des peuples païens, dans l’ordre surnaturel. En revanche, la déchristianisation rapproche la terre de l’Enfer. La haine de Dieu ferme les cœurs et anime toutes les luttes et les antagonismes. L’homme n’est plus qu’un loup pour son semblable.

II – L’Enfer et la terre

A ce stade, il faut se demander comment il est possible que les hommes préfèrent à une terre inspirée par la vue du Paradis celle qui est une préface de l’Enfer. Comment a-t-on pu les persuader qu’ils trouveront leur contentement en cisaillant impitoyablement tous les liens qui les unissaient aux autres ? Que le bonheur était celui de l’homme réduit à l’état du « bon sauvage » de Rousseau ? Etant donné que « les autres », c’était « l’enfer », au jugement de Sartre ? Comment a-t-on pu aujourd’hui les amener à croire à l’avantageuse substitution de la société réelle par la société virtuelle ? Que la belle vie sur la terre, c’est celle où l’on est menacé dès sa conception par l’avortement, incité pendant sa vie au suicide assisté et, si l’on a survécu, encouragé à mourir euthanasié ? Quel tour de force pour qu’ils en arrivent à penser que les voilà ainsi parvenus au sommet d’une existence libre et heureuse !

III – Le Ciel et la terre

Quant à nous, il ne faut pas que nous nous laissions arracher à notre tour l’intelligence des liens d’amitié et d’amitié surnaturalisée, qui doivent exister entre nous. C’est une bataille réelle de chaque jour contre les lames qui cherchent à les couper dans tous les sens. La préservation de liens familiaux, amicaux, paroissiaux, communaux, nationaux, catholiques, nous demande de connaître les dangers qui les menacent et les remèdes qui les restaurent ou les restituent.

Voilà qui situe l’amitié, celle qui doit exister entre les hommes, image de la société céleste, celle qui doit davantage encore exister parmi les chrétiens. Cette amitié n’est pas un luxe mais une nécessité vitale, et pour que nous vivions sur la terre et pour que nous cheminions vers le Ciel.

Ne nous méprenons pas : la culture des liens d’amitié demande à chacun d’entre nous de mener des  combats permanents contre nous-mêmes et, en particulier, contre notre égoïsme. C’est au prix de ces combats généreusement menés que nos cœurs s’ouvrent et demeurent ouverts à Dieu et à notre prochain.

R.P. Joseph

 

L’amitié

Chers amis,

Quand le mot « amitié » est tellement galvaudé, quand chacun court après des « amis » virtuels sur « la toile », et que l’on n’ose parler d’amitié entre certains personnages sans que les sots glosent en imaginant des choses incongrues, il est temps de réhabiliter cette notion et d’en redonner la définition ! L’amitié est une forme d’amour mais non d’un amour au rabais ou d’une caricature ; l’amitié est même une sorte de vertu dont il faut connaître les degrés et savoir apprécier la force et les dangers.

Et que seraient les grands hommes sans les solides amitiés qui les entouraient ? Sénèque fait de l’amitié la vertu la plus digne du philosophe, mais c’est la venue du  Christ qui précise ce qu’est l’amitié dans toute sa plénitude. Saint Augustin écrit que l’amitié n’est vraie qu’en Dieu et qu’elle n’est vraie que parce qu’elle est partagée dans l’amour divin. Saint Augustin comme saint Thomas D’Aquin, Platon et Aristote dans son Ethique à Nicomaque, Cicéron dans son Traité sur l’amitié, ou encore Saint Louis et Joinville,  nombreux sont ceux qui ont connu ou approfondi ce que signifie ce mot qui résonne dans le cœur de chacun.

Vous découvrirez à la lecture de ce numéro quelle est la beauté de l’amitié vraie, sa véritable identité qui rapporte tout à Dieu, et en Dieu et vous constaterez qu’elle s’entretient avec attention mais aussi avec prudence. En revanche, l’absence d’amitié entre les hommes ne peut qu’entraîner vers l’Enfer, lieu de haine par définition. Jésus-Christ, Lui-même, le Jeudi Saint, nous a donné une marche à suivre : « que comme je vous ai aimés, vous vous aimiez aussi les uns les autres1». Mais ne serons-nous pas toujours déçus par l’amitié humaine, limitée par le péché ? L’unique véritable ami ne serait-il pas Dieu seul ? La lecture de ce numéro viendra nourrir votre  réflexion.

Vous y trouverez aussi une analyse approfondie de la constitutionnalisation de la liberté de l’avortement. N’atteignons-nous pas là une des portes de l’enfer si on se souvient que le Christ a dit à ceux qui n’ont pas secouru leur frère : « En vérité, je vous le dis, chaque fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait2 » Et quand une nation ne sait plus protéger les plus faibles, nous sommes bien loin de l’amour que Notre-Seigneur est venu apporter sur la terre…

Un autre article traitera de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, vaste sujet, toujours d’actualité. Et comme à l’accoutumée, vous découvrirez ces petites pépites qui émaillent notre revue et qui lui donnent toute sa fraîcheur !

Nous vous souhaitons deux mois emplis des bénédictions du Ciel sous la protection de Notre-Dame et du Sacré-Cœur, afin qu’ils veillent sur toutes nos familles.

Marie du Tertre

 

1 Jn,13, 34

2 Mt, 25,40