Un vieux cahier, un morceau de ruban ou quelque objet de son tiroir à trésors, on y est tellement attaché que, s’en séparer ne serait-ce que quelques minutes, est un vrai crève-cœur !
Certaines personnes sont même tellement possessives qu’elles s’en rendent malades. C’est qu’elles ont un peu de retard : elles n’ont pas appris la joie qu’il y a à prêter, et même à donner, quand elles étaient petites. « Ce que l’on garde pourrit, ce que l’on donne fleurit ! » Le proverbe auvergnat est toujours d’actualité.
Si l’on ne s’entraîne pas à donner dès la plus jeune enfance, comment pourra-t-on sortir de son égoïsme et du matérialisme envahissant, une fois les tendres années passées ?
Il faut savoir se dépouiller de temps en temps pour s’exercer à la pauvreté en esprit, à ce grand détachement qui nous rapproche de Notre-Seigneur dans la crèche ou sur la croix.
Alors n’hésitons pas à exercer nos enfants à donner leurs babioles, avant d’apprendre à se donner plus tard.
Comme tout métier, celui de compositeur a des règles très précises. On ne compose pas comme une maman qui invente une chansonnette pour endormir son enfant. D’où l’importance d’avoir quelques notions de base avant de choisir ses chants de mariage, de pèlerinage, du dimanche, etc…
Directives des papes du XXe siècle sur le sujet
Saint Pie X a fixé, dans son motu proprio du 22 novembre 1903 « Tra le Sollecitudini », trois règles pour que la musique puisse être digne de la liturgie, une musique pour la gloire de Dieu. « La musique sacrée, en tant que partie intégrale de la liturgie solennelle, participe à sa fin générale : la gloire de Dieu, la sanctification et l’édification des fidèles.
Il précise ensuite : « la musique sacrée doit donc posséder au plus haut point les qualités propres à la liturgie : la sainteté, l’excellence des formes d’où naît spontanément son autre caractère : l’universalité. »
« Elle doit être sainte, et par suite exclure tout ce qui la rend profane, non seulement en elle-même, mais encore dans la façon dont les exécutants la présentent. »
« Elle doit être un art véritable : s’il en était autrement, elle ne pourrait avoir sur l’esprit des auditeurs l’influence heureuse que l’Église entend exercer en l’admettant dans sa liturgie ».
« Mais elle doit être aussi universelle, en ce sens que s’il est permis à chaque nation d’adopter dans les compositions ecclésiastiques les formes particulières qui constituent d’une certaine façon le caractère propre de sa musique, ces formes seront néanmoins subordonnées aux caractères généraux de la musique sacrée, de manière à ce que personne d’une autre nation ne puisse, à leur audition, éprouver une impression fâcheuse. »
Saint Pie X met en garde contre le style théâtral en vogue à la fin du XIXe siècle qui semble moins propre à accompagner les fonctions du culte. La transposition aux musiques de notre époque que l’on inflige à la majorité du public est facile à imaginer.
Le pape Pie XII, dans son encyclique du 25 décembre 1955 « Musicae sacrae disciplina » a admis la coutume de chanter des cantiques populaires en langue vernaculaire dans la messe solennelle en complément des chants latins tout en précisant les qualités nécessaires :
– être issu dans son origine du chant liturgique lui -même,
– être pleinement conforme à la doctrine de la foi chrétienne, la présentant et l’exposant de façon juste,
– utiliser une langue facile et une musique simple, évitant la prolixité ampoulée et vaine des paroles,
– être court et facile,
– avoir une certaine dignité et gravité religieuse.
Les critères importants : le texte, la mélodie, l’harmonie et le rythme.
Le texte a toujours été l’objet d’une attention particulière de la part des compositeurs. Ce sont les extraits les plus signifiants de l’écriture sainte qui ont été choisis pour servir de support aux mélodies grégoriennes. Saint Ambroise et saint Thomas avec la messe du Saint Sacrement nous en ont laissé des exemples caractéristiques.
Les compositeurs de la Renaissance font appel aux grands poètes de leur époque : Ronsard, Marot, du Bellay, …
Les classiques continuent de même avec Molière, Racine, Shakespeare, da Ponte, …
Les romantiques allemands puisent chez Heine, Goëthe, Schiller, …Les français iront vers Hugo, Lamartine, Musset, Verlaine, …
Même la chanson populaire a ses poètes qui seront parfois auteurs, compositeurs et interprètes mais il est rare qu’ils parviennent à la même qualité musicale que ceux de la Renaissance.
A toutes les époques, le compositeur laissera la mélodie jaillir des mots donnant ainsi un surplus de vie au texte. C’est après une étude approfondie du contenu, voire même d’une méditation sur le sujet pour les œuvres religieuses qu’il se mettra au travail.
Quant à l’harmonie élément nécessaire pour l’accompagnement de la mélodie, elle servira, sauf exceptions, de ponctuation par des cadences bien disposées qui n’alourdissent pas le mouvement. Elle apportera parfois un éclairage complémentaire à la mélodie.
Enfin, le rythme, à l’image de la mélodie, émanera le plus souvent du texte. Il ne devra pas déformer son rythme naturel. Les appuis rythmiques forts respecteront l’accentuation particulière propre à chaque langue, cette dernière étant obtenue par une bonne diction.
Quelques exemples :
La bataille de Marignan de Clément Jannequin :
Dans cette chanson de la Renaissance, le compositeur illustre par le rythme et les paroles les échanges guerriers de cette célèbre bataille. https://www.youtube.com/watch?v=B05HMI6bCiY
Meunier tu dors : cette chanson de métier est à 3 temps avec une levée. Le rythme imite les ailes du moulin qui tournent irrégulièrement au début pour élancer la meule puis régulièrement ensuite.
Ave verum corpus de W. A. Mozart : cette composition respecte le texte et peut nous nous élever à la contemplation du mystère qu’elle évoque par son côté paisible et ses élans mélodiques. https://www.youtube.com/watch?v=6KUDs8KJc_c
Je vous salue Marie de l’abbé J. Louis : la mélodie semble sortir des mots et le rythme musical épouse celui du texte. L’harmonie est très discrète. https://www.youtube.com/watch?v=fmKrpz17hog
Je vous salue Marie de la communauté de l’Emmanuel : la mélodie et l’harmonie sont simples laissant le rythme prendre plus d’importance, affaiblissant le côté spirituel. C’est la recette des chansons de variété modernes. On retrouve un schéma rythmique analogue dans l’accompagnement à la guitare de la chanson « Le pénitencier » chantée par Johnny Halliday.
Le pénitencier de Johnny Halliday : peu de mélodie mais un rythme balancé dans un tempo lent de slow rock.
La maladie d’amour de Michel Sardou : Le début de cette chanson est l’exemple type de mélodie tirée des accords de l’accompagnement. De plus le rythme est haché et syncopé.
Couronnée d’étoiles de la communauté de l’Emmanuel : la mélodie du refrain est en partie semblable à la chanson de M. Fugain « C’est un beau roman ». L’harmonie et le rythme sont au niveau des chansons à la mode.
C’est un beau roman de Michel Fugain : nous retrouvons ici les mêmes ingrédients que dans « La maladie d’amour ».
Sonate « Au clair de lune » de L. V. Beethoven : la descente par note conjointe à la basse donne un effet langoureux et sensuel. C’est ce qu’utilise ici le compositeur dans les premières mesures. C’est ce que l’on retrouve dans bon nombre de chansons de variété et même dans certains cantiques.
Regarde l’étoile de la communauté de l’Emmanuel : un rythme syncopé et répétitif qui captive, accompagnant une mélodie non signifiante dans le mode mineur le plus répandu et voilà un « tube » dans le goût à la mode.
Je vous salue Marie de la communauté de l’Emmanuel
Le texte est traditionnel. Seule une légère modification, « votre enfant » au lieu de « le fruit de vos entrailles » entraîne un affaiblissement du sens.
La mélodie est en mode de ré et transposée sur mi. C’est un des modes les plus utilisés dans la musique populaire traditionnelle.
L’harmonie est tonale et classique, avec alternance de deux groupes de deux accords, mi m et si m puis sol M et ré M, excepté les mesures 4 et 8 où nous retrouvons la descente des basses et accords typiques de la musique de variété : mi m, ré M, do M et si m. Un seul accord sort de la modalité de la mélodie sur « -cheurs » de « pécheurs » avec présence de la note sensible qui provoque une tension par rapport à l’ensemble qui reste dans la douceur.
Au plan rythmique, les appuis naturels du texte ne sont pas respectés. Ils sont inversés et placés sur les temps faibles imprimant un balancement syncopé fort employé dans la musique de danse moderne (slow rock, rock, …). Le mot « Marie » est abîmé et réduit à la portion faible d’un temps. « Votre enfant » est secoué par une formule rythmique irrégulière.
Couronnée d’étoiles de la communauté de l’Emmanuel
Le texte est un commentaire de la vision du Chap. 12 de l’Apocalypse augmenté de divers titres donnés à Marie dans les litanies. Il est dans le style d’une narration.
La mélodie du refrain commence par un emprunt à la chanson de Michel Fugain « C’est un beau roman ». Elle est en mode de ré et transposée sur mi. Celle du couplet suit la trame habituelle des chansons de variété en s’appuyant sur les accords de la grille d’accompagnement.
L’harmonie se résume aux trois accords traditionnels avec l’accord de 7ème de dominante posé sur « veur » de « Sauveur » provoquant une tension qui nous fait sortir de la modalité de la mélodie pour nous propulser dans la tonalité mineure plus émotionnelle de la musique classique.
Le rythme du refrain est plutôt naturel et calme favorisant la narration ! mais celui des couplets nous emmène dans un autre univers. Le rythme syncopé devient omniprésent alors que l’on voudrait goûter le texte.
Regarde l’étoile de la communauté de l’Emmanuel
Le texte est extrait de la prière de saint Bernard que l’on peut trouver p. 217 du « livre bleu » utilisé pour les exercices de saint Ignace avec modification de l’expression « en la suivant » qui devient « si tu la suis».
La mélodie est en mode de la mineur naturel. Les couplets sont composés de quatre formules de trois notes « do, ré, mi » puis « ré, mi, fa » deux fois de suite. La mélodie du refrain s’élève sur « la, si, do » avec la même formule répétée six fois. Nous sommes dans le style minimaliste apparu dans les années 60.
L’harmonie est traditionnelle avec un repos à la dominante toutes les quatre mesures qui crée une tension. Au refrain s’ajoute un retard de la note sensible sur la cadence mais l’accord ne se résout pas ce qui augmente la tension.
Le rythme syncopé et répétitif fait référence à la musique de danse moderne.
Nous sommes ici aux antipodes des caractères de la liturgie donnés par les papes saint Pie X et Pie XII.On ne peut donc pas parler ici de musique sacrée !
Il est bon de rappeler que les musiques de danse sont incompatibles avec la liturgie et la prière !
Ces chants ont attiré l’attention car ils ont les mêmes composants que la musique que diffusent en permanence la plupart des médias. Nous avons donc tout un travail d’éducation musicale et artistique à réaliser. Soyons-en les agents chacun à notre place.
Certains chants du répertoire, tels que : Je vous salue Marie de l’Ab. J. Louis ; Ô ma Reine de J. Noyon ; Quand vint sur terre de l’Ab. F. X. Moreau ; Ô Vierge Marie de Charles Bordes ; respectaient les directives des papes. De nouvelles compositions peuvent compléter ce répertoire.
Formons-nous un goût à l’école de la liturgie afin de pouvoir vraiment dire avec le psalmiste : « Zelus domus tuae comedit me 1».
François
1 Ps 68, verset 10 : « Le zèle de votre maison me dévore ». C’est-à-dire le zèle de la maison du Seigneur et non celui de nos occupations et nos goûts personnels.
« Faites ce que je dis, pas ce que je fais » ainsi caricature-t-on les mauvais éducateurs qui n’ayant pas d’idéal affirmé, sont incapables de mettre en cohérence leurs convictions et leur vie.
Nous ne sommes certainement pas tous de bons pédagogues, cependant, nous, parents, grands-parents, avons reçu du créateur la noble fonction d’éducateurs, c’est-à-dire de conduire nos ménages et nos enfants sur la voie du ciel. Pour cela, l’essentiel est d’accorder nos vies, à ce que nous croyons. Par cela, moyennant une pédagogie réfléchie, nous transmettrons à nos petits ce que nous sommes.
Pour cela, nous devons avoir un élément structurant pour tout ce que nous sommes et transmettrons, un idéal.
« Un Idéal, c’est une affirmation, c’est un acte de foi, c’est une position en face de la vie. C’est un point de départ et un point d’arrivée. Un Idéal, mais c’est, à chaque instant une vue panoramique et grandiose de la vie qui peut se résumer parfois et se symboliser pour chacun par un geste ou un mot »1.
L’homme ou la femme d’idéal n’aura aucun mal à être, c’est-à-dire à mettre tous ses actes en cohérence avec sa pensée. Pour le catholique, cela consistera à destiner tous les moyens à l’accomplissement de notre idéal suprême, – être des saints – On est bien loin du monde actuel que décrivait déjà si bien Aldous Huxley en 1932 dans « le meilleur des mondes » et que nous citions déjà dans un article précédent.
« En général, on fera en sorte de bannir le sérieux de l’existence, de tourner en dérision tout ce qui a une valeur élevée, d’entretenir une constante apologie de la légèreté ; de sorte que l’euphorie de la publicité devienne le standard du bonheur humain et le modèle de la liberté »2.
Certes, l’intelligence que Dieu nous a donnée doit nous permettre d’adapter les moyens. Dans notre monde ultra connecté, si les objectifs de l’éducation restent les mêmes qu’autrefois, on ne communique plus comme on le faisait il y a 50 ans ! Certes ! Mais l’objectif doit être le même et doit être ce qui structure notre agir…
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le monde matérialiste, dans lequel nous vivons n’est pas sans cohérence ! Il est ordonné au matérialisme et par là même il est anti-Christ. On est parfois surpris de voir à quel point toutes les évolutions dites « sociétales » mode, morale, institutions évoluent au niveau mondial de manière cohérente vers un éloignement de la morale chrétienne, un refus de la soumission à la loi du Christ. C’est pourtant clair ! Un idéal matérialiste produira forcément un refus du sacrifice, une évolution sans limites vers l’esprit de jouissance, un refus de tout interdit et par là même à une évolution diamétralement opposée à la société chrétienne.
Cultivons donc l’inverse dans nos familles. Conscients de ce qu’est notre société, de l’obligation que nous avons de vivre en son sein, cultivons les vertus qui nous permettent de rester fidèles à notre idéal chrétien. Vivons dans le monde mais ne composons pas avec lui ! « Il est malaisé de composer avec le monde sans se laisser décomposer par le monde » disait Gustave Thibon.
Autant l’« idéal » matérialiste entraîne de facto aux défauts signalés plus haut, autant l’idéal chrétien entraînera dans nos familles les vertus contraires, prière, dévouement, décence, travail, acceptation des épreuves, fidélité à l’héritage familial se structureront autour de la volonté de tous de mener la meilleure vie chrétienne possible, le désir de sainteté.
Le rôle des grands-parents est là essentiel. Avec le recul qui caractérise leur position, ils devront aider leurs ménages à garder le cap. Autant on pourra être indulgent sur des erreurs ou de petites dérives, autant il sera essentiel de corriger de manière adaptée tout ce qui nuirait à la pratique de la vie chrétienne de la famille. Ce qui est secondaire est secondaire mais ce qui est important doit être considéré avec sérieux même si cela doit occasionner des frictions ! « Oui, tous ceux qui veulent vivre dans le Christ avec piété seront persécutés » dit Saint Paul à Timothée. Etonnons-nous si nous ne rencontrons pas un minimum d’opposition externe voire interne dans la mise en cohérence de notre vie familiale avec notre foi !
Prions saint Joachin et sainte Anne, patrons des grands-parents de nous éclairer dans notre rôle délicat et plein de renoncements qui peut avoir une telle importance pour nos petits. Bon courage à tous !
Des grands-parents
1 Texte d’un chasseur du 1er bataillon de choc, Alsace, novembre 1944.
Les années 1900 donnent l’apparence d’une France riche et heureuse avec les premières automobiles et les industriels parvenus. Les pièces de boulevard de Feydeau et la vie dorée à Paris des têtes couronnées qui y passent, côtoyant le demi-monde, illustrent le climat superficiel et excentrique caractérisant cette période. Pourtant nous sommes à la veille des grands bouleversements que la guerre de 1914 génèrera.
Si tous les meubles anciens sont à l’honneur avec des imitations des époques passées, l’avant-garde, en parallèle, essaie de percer avec difficulté et ne sera appréciée que plus tard. Ce style nouveau, dit Modern Style, est expérimental avec une tentative de création originale en matière d’ameublement chez des ébénistes comme Majorelle, Vallin, Gallé, Gaillard, Cona dès les années 1885, 1890. Mais marquant une coupure trop nette avec ce qui précédait, il n’eut pas le temps d’une grande diffusion avec le déclenchement de la première guerre mondiale.
Coexistent donc à cette époque, le style 1900 qui reproduit de façon plus ou moins heureuse le passé, et le Modern Style, totalement créatif, appelé aussi Art Nouveau que nous vous présentons davantage.
Ce dernier utilise des matériaux et une technique propres, produit tout autant des meubles bon marché de série distribués par les grands magasins (Samaritaine, BHV, Printemps, Galeries Lafayette) et des meubles luxueux. Pour ceux-ci, le bois préféré est l’acajou, que le second Empire avait négligé, mais le chêne, le noyer, le poirier sont également utilisés. Le sycomore et l’ébène sont réservés à la marqueterie.
Les métaux comme le fer, le bronze, l’acier et la fonte sont travaillés en rubans, torsades, volutes et rinceaux devenant une sorte de liane exubérante et extravagante. La fonte émaillée est utilisée dans les cuisines et salles de bain.
Le verre et le vitrail teinté ou oxydé remplacent les vitres de bibliothèque, et bien des portes intérieures ou des fenêtres sont pourvues de vitraux d’inspiration végétale.
L’ornementation n’est plus conçue comme une sculpture décorative venant s’ajouter au meuble, mais est incorporée au meuble même dont elle donne la forme.
La marqueterie est elle aussi utilisée pour figurer de longues courbes, tiges déployées, ramages sinueux car le thème principal est floral, végétal et va jusqu’à évoquer de façon un peu onirique les longues chevelures féminines. Des têtes de femmes sous de lourdes chevelures déployées ainsi que des oiseaux ou serpents sont aussi présents.
Tout est fait pour suggérer un monde imaginaire et poétique.
A colonnes, baldaquin ou à la polonaise les lits 1900 sont les reproductions fantaisistes des styles Gothique, Renaissance ou Louis XV, tandis que le Modern Style impose un lit bas avec des chevets de hauteur inégale, aux lignes sinueuses, allant jusqu’à évoquer des ailes de papillon.
Il en est de même pour les tables inspirées des lourds plateaux Renaissance tandis que pour le Modern Style, les plateaux s’inscrivent dans une ligne ondulée ou en pétale de fleurs, et les pieds sont courbés.
Buffets et armoires suivent les mêmes caractéristiques, que l’on soit dans le style 1900 copie d’ancien ou dans le Modern Style. Chacun s’exprime parallèlement dans un registre totalement différent, diamétralement opposé en réalité.
La profusion de sièges tant appréciée sous le second Empire continue, sans souci d’unité et interprétant très librement les styles différents, mais pour le Modern Style, la ligne en est très dépouillée, la forme elle-même comme nous l’avons vu plus haut, étant l’ornement.
La ligne est galbée et le dossier assez haut, les montants droits, légèrement inclinés se rejoignent en un arrondi avec souvent une moulure entrelacée.
Parfois il n’y a pas de rupture de tissu entre l’assise et le dossier, les motifs sont ainsi entiers, cela crée ainsi un sentiment d’allongement et de grâce fragile.
Les créations de l’architecte Guimard se retrouvent notamment dans les entrées du métro parisien.
La guerre de 1914 marquera la fin brutale de cette époque et sera suivie de la réaction des années dites « folles » de 1920 à 1930 comme nous le verrons avec le style Art Déco.
Jeanne de Thuringe
L’ornementation n’est plus conçue comme une sculpture décorative venant s’ajouter au meuble, mais est incorporée au meuble même dont elle donne la forme.
La marqueterie est elle aussi utilisée pour figurer de longues courbes, tiges déployées, ramages sinueux car le thème principal est floral, végétal et va jusqu’à évoquer de façon un peu onirique les longues chevelures féminines. Des têtes de femmes sous de lourdes chevelures déployées ainsi que des oiseaux ou serpents sont aussi présents.
Tout est fait pour suggérer un monde imaginaire et poétique.
A colonnes, baldaquin ou à la polonaise les lits 1900 sont les reproductions fantaisistes des styles Gothique, Renaissance ou Louis XV, tandis que le Modern Style impose un lit bas avec des chevets de hauteur inégale, aux lignes sinueuses, allant jusqu’à évoquer des ailes de papillon.
La paix… Qui n’a jamais voulu la posséder entièrement, cette paix que tous recherchent mais que bien peu trouvent ? Que ne serions-nous prêts à sacrifier pour l’obtenir, ne serait-ce que quelques instants ? C’est ce que semble entendre Voltaire lorsqu’il la met au-dessus de la vérité, lui qui a été si dogmatique durant sa vie. La paix… les peuples l’ont chérie, les nations ont même, chose étrange, combattu en son nom, les civilisations ont été par elle grandes. Les parents la veulent pour leurs enfants, les enfants la souhaitent à leur parents, le foyer se construit tout autour et avec elle prospère et grandit. Elle est le plus grand bien que l’on peut avoir, alors pourquoi ne pas sacrifier pour elle les immanquables querelles qu’entraînent les débats stériles sur une vérité que personne ne comprendra jamais et, qui, somme toute, semble bien subjective ? Pourquoi paix et vérité s’opposent-elles systématiquement alors que si chacun acceptait le point de vue de l’autre nous pourrions tous vivre en harmonie ? Combien actuel est ce message que nous entendons à droite et à gauche, mais combien est-il destructeur pour ce monde si pacifique en apparence ! Essayons d’y voir plus clair dans ce labyrinthe édifié par des maîtres sophistes et voyons en quoi consistent la paix et la vérité et quelle est leur relation.
Pourquoi la paix est-elle si importante pour l’homme ? Tout simplement parce qu’elle signifie que nous nous trouvons dans un état où sont exclues la contrainte, la douleur, l’inquiétude, la difficulté. Mais ce n’est pas tout : la paix est aussi intimement liée au bonheur car elle permet de goûter pleinement ce que l’on aime, sans inquiétude de le perdre. La paix est ce sentiment de plénitude, de contentement qui vient nous remplir une fois que nous avons atteint l’objet que nous cherchions. Nous recherchons à la fois l’objet pour ce qu’il représente (un travail, l’estime de nos pairs, …) mais aussi pour la paix qu’il nous apportera, pour le vide qu’il viendra combler, et c’est pour cela que l’on peut dire que tout acte humain est fait en vue de la paix, que même la guerre est faite en vue de la paix. Encore une fois, tout ce que l’homme fait est dirigé vers ce « quelque chose » qui lui manque, et c’est pourquoi la paix est le motif de chacun de nos actes. Nous cherchons à remettre dans l’ordre ce qui est déréglé, ce qui n’est pas droit, c’est pourquoi saint Augustin dit de la paix qu’elle est « la tranquillité de l’ordre ». Bien sûr, plus grand est l’objet recherché, plus grande sera la paix que nous en tirerons, et l’objet le plus grand que l’homme peut rechercher n’est autre que Dieu, c’est pourquoi il est dit dans l’Evangile « Recherche la paix et poursuis-la ». Mais pourtant nous observons au quotidien des gens qui ne connaissent pas Dieu, qui le haïssent même et qui pourtant semblent goûter la paix chaque jour de leur vie : ils sont respectés, entourés, comblés de biens et de faveurs. Comment expliquer que les méchants soient dans la paix malgré leur injustice ? A cela saint Thomas répond : « la vraie paix n’est compatible qu’avec le désir d’un bien véritable », et il ajoute « car le mal, même s’il a quelque apparence de bien (…), comporte pourtant beaucoup de défauts à cause desquels l’appétit demeure inquiet et troublé », et il termine ainsi : « La vraie paix ne peut donc exister que chez les bons et entre les bons ». La paix des méchants ne peut donc qu’être apparente et pourtant c’est celle que recommande Voltaire, nous allons voir comment.
Lorsque Voltaire affirme que « la paix vaut encore mieux que la vérité », il faut entendre deux sens à ce « encore ». Tout d’abord il signifie que si l’on en venait à comparer paix et vérité la première serait d’un prix beaucoup plus élevé que la seconde, et donc à lui préférer. Ensuite il signifie un rejet implicite de cette vérité qui semble si peu importante voire même ennemie de notre paix. Et qui en effet n’a jamais, au moins une fois, mis de côté cette vérité par lassitude, pour éviter d’envenimer une discussion avec un ami ou un proche ? Il ne faut pas parler là de la prudence qui dans certains cas nous commande de nous taire pour qu’un mal plus grand ne soit pas causé, mais bien de cette opposition qui se fait en nous entre notre désir profond de paix et notre volonté de partager la vérité. La vérité est en effet un bien qui se diffuse, qui ne peut pas rester confiné. Naturellement, nous voulons transmettre la vérité aux autres parce qu’elle est le guide de tout l’agir humain, parce qu’elle est la clé du bonheur. Le problème est qu’elle vient bien souvent nous contrarier dans nos habitudes de vie, dans notre confort –nous parlons là bien sûr de la Vérité avec un grand V, celle qui nous éclaire sur ce qui est moral ou non, sur les réalités spirituelles- et alors grande est la tentation de la laisser passer sans réagir, de lui préférer l’instant présent. On aboutit immanquablement au subjectivisme où l’on considère que « à chacun sa vérité », que « s’il est heureux comme cela, alors c’est bien », etc… Nous créons, sur les pas de Voltaire, une opposition entre paix et vérité alors même qu’elles sont toutes deux complémentaires comme nous l’avons dit plus haut avec saint Augustin : « La paix est la tranquillité de l’ordre », et cet ordre étant bien évidemment soumis à la vérité.
Il suffit pour s’en convaincre de considérer ceux qui se sont adonnés à la recherche de cette vérité, les moines, les grands philosophes chrétiens : la paix les habite parce qu’ils sont en contact permanent avec la Vérité. Ce sont des exemples vers lesquels tout chrétien et même tout homme peut tendre s’il est animé du désir sincère de la vérité. Rien ne peut détacher l’homme de cette paix puisqu’il sait, il sait la grâce, la vie après la mort, le Ciel et l’Enfer, le Jugement, le Bien et le Mal. Il sait quel est le but de son chemin terrestre et quel est le moyen d’y arriver : quel est alors ce qui pourrait le troubler et le détourner de ce chemin ? La vérité est le plus grand et le plus précieux de tous les biens que peut posséder l’homme car de lui découle son bonheur, et c’est pourquoi le plus ignorant des hommes qui sait ne serait-ce que l’existence de Dieu et sa bonté est plus riche en savoir que le savant athée, ennemi de la religion ou même simplement indifférent. Et l’on voudrait cacher ces vérités sous le prétexte qu’elles viendraient troubler notre paix ? C’est aussi grave que de priver un mourant de la visite du prêtre parce que ce dernier risque de le troubler, de lui faire peur. La vérité est d’un prix tellement élevé que des royaumes chrétiens ont fait la guerre contre l’hérésie, parce que la paix éternelle de millions d’âmes était en jeu. Accepter de sacrifier la vérité pour conserver la paix est un contresens qui mène de manière absolument sûre à la mort de l’âme et à la nécrose spirituelle.
Certes, la paix est extrêmement importante pour l’homme : sans paix, rien de ce que nous ne pouvons faire n’est appelé à durer et notre bonheur en serait grandement compliqué. Mais cette paix ne peut être réelle, durable, que si elle est s’accompagne d’une recherche, d’une soumission à la vérité. Voltaire commet l’erreur de confondre la paix purement naturelle de l’homme du monde avec celle plus spirituelle de l’homme de l’Eglise. Pour le premier elle est un absolu pour lequel il est prêt à sacrifier la vérité sans sourciller. Pour le second, elle n’est qu’une conséquence de la vérité, de la découverte de ce qui surpasse l’homme.
« Point de paix dans l’homme dont les pensées, les affections, les volontés ne sont pas en tout conformes à l’ordre et à la vérité et à la volonté de Dieu ». (Imitation de Jésus-Christ, II, 3)