Le pouvoir de l’Etat et le droit de l’Eglise en temps d’épidémie

           L’épidémie récente a conduit l’État républicain à décréter de telles restrictions (de déplacements, de rassemblements, etc.) que les français ont été empêchés de remplir leurs devoirs de chrétiens de nombreux dimanches et fêtes au cours de l’année écoulée. Avec les multiples confinements qui se sont succédés, les messes ont été interdites pendant de longs mois, tout comme les sacrements de mariage et de baptême et bien d’autres cérémonies religieuses. Ainsi le culte public rendu à Dieu a été supprimé au nom d’un impératif de santé publique. Les catholiques se sont alors trouvés face à un dilemme : soit obéir à l’État qui s’est donné pour mission de protéger par tous les moyens la santé des français, soit respecter les commandements de l’Église nécessaires pour faire son salut et désobéir par conséquent aux lois civiles en assistant par exemple à des messes clandestines. Comment résoudre ce dilemme ? L’État a-t-il le droit d’imposer aux citoyens des lois qui s’opposent directement aux commandements de l’Église ?

  Pour répondre à cette question, il est nécessaire de comprendre en premier lieu pourquoi l’État poursuit cette mission de santé publique qui l’a conduit à subordonner toute vie sociale à des impératifs sanitaires et si cette mission est légitime au regard du bien commun. Depuis la proclamation des Droits de l’Homme et du Citoyen le 26 août 1789, l’extension illimitée des droits individuels, inspirée par la philosophie libérale, est promue par notre système politique. L’homme moderne exige ainsi que toute la société soit intégralement orientée vers la maximisation de son bien-être personnel. Des organismes supranationaux comme l’OMS ont d’ailleurs transformé la définition même de la santé présentant celle-ci comme « un état de complet bien-être physique, mental et social, qui ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité1 ». Une conséquence directe de cette extension des droits s’est donc fait sentir très tôt dans le domaine du soin. Un médecin écrivait récemment que « l’aléa, le hasard et la mort devinrent trois variables inadmissibles de l’existence. La santé devenue un dû et le bien-être un bien inaliénable, plus question d’en admettre le prix, une date de péremption ou qu’un imprévu puisse y mettre fin2.» Le chef de l’État n’a-t-il pas déclaré le 12 mars 2020 qu’il fallait lutter contre le virus « quoi qu’il en coûte » ? Le philosophe Olivier Rey constatait quant à lui que l’INSEE avait fait disparaître de ses statistiques annuelles sur les causes de mortalité des français la cause « mort de vieillesse », mentionnant que l’on meurt nécessairement d’une pathologie identifiable, ce qui sous-entend que celle-ci aurait pu être prise en charge et qu’il revient au système hospitalier de nous guérir de tout, y compris des maladies liées à la dégénérescence du corps qui survient inéluctablement à un certain âge. Il n’est alors pas étonnant que la politique de santé de l’État de prendre en charge tout le monde (et de confiner le pays en fonction du nombre de lits de réanimation occupés dans les hôpitaux) trouve sa justification dans ce désir ancré dans l’esprit de nos contemporains de se soustraire à la peur de la mort et de tout ce qui peut y conduire. Cette justification se trouve en plus renforcée par les conditions de vie modernes : la mondialisation provoque depuis plus d’un siècle la circulation quotidienne de millions de personnes et de biens dans le monde entier, multipliant ainsi les risques de véhiculer très rapidement avec eux toutes sortes de virus d’un bout à l’autre de la planète. 

Les nombreuses privations imposées par l’État ne sont pas nouvelles en soi. Les historiens nous rappellent par exemple que le « couvre-feu » existait déjà au Moyen-Âge (il était alors le « signal de retraite qu’on donne dans les villes de guerre pour se coucher ») et qu’il est même devenu la norme dans l’ensemble des villes occidentales du XIVème au XVIIIème siècle : « les chartes de coutumes et les ordonnances de police fourmillent d’interdictions de circuler de la tombée de la nuit au lever du jour. Elle est à la fois une mesure préventive contre les incendies qui menacent les maisons en bois, de régulation des horaires de travail et de sûreté publique3 ». Mais ce qui est radicalement différent à notre époque, c’est que le couvre-feu imposé par les pouvoirs publics est d’un genre nouveau : « ni mesure militaire, ni disposition chrétienne visant à instaurer une alternance claire entre travail et repos, il relève d’une police sanitaire déployée dans le contexte très spécifique de la pandémie de Covid-19 qui, faut-il le rappeler, reste pour l’heure la moins « faucheuse » de l’histoire de l’humanité4 ». Les politiques de santé et les mesures d’hygiène publique n’étaient certes pas inconnues au Moyen-Âge : le Roi de France Jean II le Bon avait par exemple tenté de réagir aux suites de la Peste noire en promulguant en 1352 une ordonnance établissant pour le royaume des règles sanitaires afin d’éviter une nouvelle hécatombe, comme celle interdisant aux habitants de préparer par eux -mêmes tout médicament « à cause du péril de mort et de l’empirement de la maladie, car il n’est pas vraisemblable qu’ils connaissent le remède juste ». L’existence d’une politique de l’État en matière de santé publique n’est donc pas en elle-même illégitime au regard de la poursuite du bien commun.

  Ce qui change depuis la Révolution, c’est que cette politique ne recherche plus le bien de la société mais celui de chaque individu (quitte à enfermer ceux qui sont bien portants), qu’elle est disproportionnée par rapport à la gravité de l’épidémie actuelle mais que, de plus, elle n’est pas menée en coordination avec l’Église comme par le passé mais contre elle. Au temps de Jean II le Bon, le Pape Clément VI avait lui aussi décidé d’un ensemble de mesures d’urgence : il avait fait ouvrir de nouveaux cimetières, construire des logements individuels isolés pour les pestiférés et établir un rapport quotidien sur le nombre des morts. Le Professeur d’histoire du droit Cyrille Dounot explique qu’il a toujours existé un « droit canonique de l’urgence, adaptant les règles liturgiques aux nécessités, [qui] n’est pas sans rappeler l’existence d’un droit propre aux temps d’épidémie, lors de pestes en particulier, dont s’approchent certaines dispositions étatiques actuelles5 ». La différence entre l’action de l’État et celle de l’Église est que cette dernière va pouvoir utiliser les sacrements et les prières comme remèdes aux désolations dont sont affligés les chrétiens car les prêtres et les évêques « ne sont pas moins chargés de la santé et du salut du peuple » que l’État. Et l’Église a toujours affirmé qu’en aucun cas le peuple ne pouvait être privé des sacrements, y compris si les clercs doivent les administrer au péril de leur vie. C’est malheureusement tout l’inverse aujourd’hui : la hiérarchie de l’Église n’a plus recours à son droit canonique de l’urgence et s’en remet à l’État qui, de son côté, n’a de toute façon pas l’intention de coordonner son action avec elle et préfère ramener le culte catholique à des restrictions identiques à celle d’un vulgaire commerce.

  Dans ces circonstances, les chrétiens n’ont d’autres choix que de réitérer le geste courageux d’Antigone qui défia le pouvoir de Créon pour enterrer son frère Polynice. Face aux lois illégitimes d’un État qui prétend que « la loi de la République est supérieure à la loi de Dieu6 », les catholiques doivent rappeler à nouveau que « Dieu est Roi des nations » et que « les sociétés politiques ne peuvent sans crime se conduire comme si Dieu n’existait en aucune manière, ou se passer de la religion comme étrangère et inutile7. »

Louis Lafargue

 

1 Préambule à la Constitution de l’Organisation mondiale de la Santé du 22 juillet 1946.

2 Stéphane Velut, L’hôpital, une nouvelle industrie, Collection « Tracts », Gallimard, 2020.

3 Arnaud Exbalin, Le couvre-feu permanent : une histoire longue du confinement nocturne, The Conversation.

4 Une étude récente de l’IRSAN a montré que la surmortalité liée au coronavirus en France pour l’année 2020 n’est que de 3,72% pour l’ensemble de la population.

5 Cyrille Dounot, Le droit canonique en temps d’épidémie, L’Homme Nouveau, 13 avril 2020

6 Déclaration du Ministre de l’Intérieur du 1er février 2021.

7 Léon XIII, encyclique Immortale Dei du 1er novembre 1885.

 

Allo… les enfants?!

           Vous pouvez toujours appeler… vos enfants ne vous entendent pas, ils sont branchés, scotchés, connectés…ou plutôt déconnectés de la vie normale au profit de ce monde fascinant des écrans en tous genres, enfermés dans une bulle dont ils peinent à s’extraire. La liste des troubles générés par ces moyens modernes de prétendue « communication » s’allonge d’année en année : attention, mémoire, isolement, violence, difficulté dans l’expression… Nos enfants sont en danger sur bien des plans : moralité, pornographie, « rencontres », temps perdu, perte des notions de réalité… nous n’avons pas fini de découvrir la nocivité de ces écrans multiples sur cette jeunesse d’autant plus surexposée du fait de l’actuelle période de confinement.

  Les enfants de moins de 10 ans passent en moyenne 4 heures par jour devant les écrans, et les petits de moins de 2 ans, 3 heures ! C’est beaucoup trop pour ces jeunes intelligences qui sont d’autant plus fragiles et réceptives à toutes les émotions et excitations suscitées par les jeux et films regardés. Nous sommes plus marqués par ce que l’on voit, personne ne peut y être imperméable, alors quel impact sur de jeunes esprits ?!

Tous ces simulateurs désincarnent la personne qui regarde, et trompent ses sens (la vue et l’ouïe d’abord, et maintenant le toucher) entraînant une confusion entre le réel et l’irréel. Tromperie également dans la facilité à faire les choses : d’une simple pression du doigt l’enfant arrive à faire des choses extraordinaires : combats, constructions, longues distances parcourues… le poussant hors de la difficulté de la vie réelle. On s’invente alors un autre monde où l’on exclut l’effort et le sacrifice, n’acceptant plus de contraintes. Un monde où l’on se réfugie au lieu de se divertir, pour goûter cette facilité si contraire à ce que l’on vit hors des écrans.

  Les adolescents, eux, sont plus attirés par le phénomène des réseaux sociaux. Alors qu’ils ne parlent pas chez eux, ils recherchent les mises en relations avec d’autres, un contact immédiat où ils se racontent, se montrent, se valorisent, développant à outrance ce narcissisme propre à leur âge, et espérant que l’autre se livre à son tour.

Il faut savoir que les réseaux sociaux manipulent nos cerveaux, modifient nos intentions, captent notre attention. Les ingénieurs qui y travaillent ont mis en place une panoplie d’astuces pour nous maintenir connectés le plus longtemps possible. La science de cette manipulation s’appelle la « captologie », elle utilise sciemment l’informatique et les nouvelles technologies pour influencer les utilisateurs. Elle crée de nouveaux algorithmes dans le but de nous manipuler (ex : Facebook, Google…).

Par exemple, parfois des étiquettes de notifications rouges s’allument, donnant un sentiment d’urgence à notre cerveau pour nous pousser à cliquer. Leur objectif est de nous garder en ligne le plus longtemps possible. L’algorithme connaît tout de nous, ce que l’on aime, ce que l’on va regarder sur nos écrans, nos sujets d’intérêt… aussi nous envoie-t-il de nouvelles informations sur ce que l’on aime regarder !

Il y a aussi des jeux ou des actions qui s’activent en tirant vers le bas, comme les machines à sous au casino ! Cela nous envoie un choc de dopamine (hormone du plaisir). Le problème étant que l’on peut très vite être dépendant à la dopamine qui nous récompense un instant, pour nous laisser ensuite une sensation de vide… alors on recommence pour en avoir d’autres, comme un chien ramène la balle pour obtenir son sucre ! Ainsi les ingénieurs captent les failles de notre cerveaux pour nous donner un maximum de dopamine, ils poussent la machine à nous rendre de plus en plus dépendants. Seulement voilà qu’à force de pousser la machine, cette dernière s’est mise à évoluer toute seule, pour finir par échapper aux ingénieurs. Aujourd’hui elle n’est bien souvent plus sous contrôle, au point d’inquiéter tous ces chercheurs et inventeurs. Ils connaissent parfaitement le danger addictif et manipulateur de ces outils qu’ils ont inventés et les interdisent à leurs propres enfants, les mettant même dans des écoles où l’on ne travaille pas sur des ordinateurs !

Sur les réseaux sociaux, c’est la réalité qui est faussée ; tout y est beau, mis en valeur, idéal alors que ce n’est pas la vérité, ce qui modifie les relations en profondeur. La captologie pousse les jeunes à se comparer à ce qu’ils voient, et leur donne un sentiment de déprime, de culpabilisation.

Alors, comment faire quand on sait que le téléphone portable est aujourd’hui devenu un outil indispensable en dépit de ses nombreux inconvénients, que les jeunes de 13 à 18 ans passent 40% de leur temps de veille sur les écrans, que 60% des Français se disent incapables de se passer de leur téléphone durant une journée… que 50% des Français, et 70% des jeunes consultent leur téléphone toutes les dix minutes ?!

  La première chose à faire est de donner le plus tard possible un téléphone à son enfant : après le bac si on le peut (oui, je sais bien que cela paraît sévère, mais il faut savoir si l’on veut vraiment « le bien supérieur de notre enfant »). Il est impératif de ne pas lui permettre d’avoir accès à internet tout de suite. Qu’il apprenne progressivement à s’en servir : un téléphone est fait pour téléphoner ! On peut très bien lui confier (plus facilement aux jeunes filles) un téléphone très simple et limité à l’occasion d’un voyage seul en train, par exemple, pour se rassurer (votre enfant, lui, est souvent moins inquiet que vous de prendre le train seul…, il pourra toujours emprunter le téléphone de son voisin pour signaler le retard du train). Par ailleurs cela apprend aussi à savoir se débrouiller. Plus de maturité avant de commencer à utiliser un téléphone retarde l’addiction. Quand on est plus mûr, on est plus fort.

  Il doit y avoir des règlements familiaux à respecter (et pour cela les parents en donneront l’exemple) : pas de téléphones dans les chambres, ni dans le salon. L’idéal étant que chacun le laisse dans l’entrée ou la cuisine. Combien de jeunes (et de moins jeunes !) consultent leur téléphone même dans leur lit, pour des informations de bien peu d’importance ?!

Savoir dire « non », mais en proposant autre chose. Si vous dites « arrête ton téléphone et prends un livre ! », cela ne marchera pas. À vous parents de lancer une conversation, d’organiser une activité, un jeu de société, une promenade… Décidez aussi en famille tous ensemble de ce que vous pouvez faire.

Pour limiter les multiples activités sur le téléphone, on peut également « déconstruire l’outil téléphone » en offrant à nos enfants un appareil photo, un réveil, un lecteur de CD pour écouter de la belle musique…

Pour les plus jeunes, le téléphone de papa ou de maman est souvent devenu « une nounou » ! Au moins, a-t-on la paix pour un bon moment ! Or les jeux excitent les enfants en les gavant de dopamine ! Pas étonnant que ces petits redoutent de se coucher le soir, mettant des heures à trouver le calme nécessaire à leur endormissement ! Si nos plus jeunes font un peu de chahut, c’est qu’ils ont besoin d’être occupés, ou que l’on s’occupe d’eux, ou tout simplement besoin de sortir prendre l’air et se défouler.

Enfin, il est nécessaire de « veiller », de contempler, de réfléchir, de faire ce silence en soi alors que les écrans empêchent nos enfants de « se retirer », d’avoir une vie intérieure qui puisse les élever vers le bon Dieu.

Il suffit d’observer un quai de métro ou un arrêt de bus : les gens sont tous rivés sur leurs téléphones en jouant des pouces à toute allure, écouteurs sur les oreilles ! On ne sait plus rester à ne rien faire… il faut que les doigts bougent et que la tête traite plusieurs idées à la fois ! Aujourd’hui le silence fait peur, l’inaction inquiète…mais alors quand réfléchit-on ?

  Apprenons à nos enfants à écouter le chant des oiseaux, le bruit du vent dans les feuilles. Aidons-les à prendre le temps de bien faire les choses, sans précipitation et à aimer le silence reposant de notre maison.

  Tout n’est pas perdu, nous avons encore la main et pouvons encore maîtriser l’usage familial du téléphone. Pour cela apprenons tous, parents et enfants, à nous passer de nos téléphones plusieurs heures chaque jour et même plusieurs jours d’affilée, à ne communiquer que les informations importantes… notre vie de famille ou personnelle ne regarde pas les autres, le gâteau du dimanche, si réussi soit-il, n’a pas à faire le tour de toutes nos connaissances ! Notre vie de famille est notre histoire à nous, et ne regarde que nous, ce sont des petits secrets que nous nous réservons comme de petits trésors. C’est aussi tout cela qui fait la force d’une famille : ses souvenirs précieux, ses combats pour le bien commun, l’unité familiale qui préserve du mal ambiant, et toutes les grâces que l’on puise chaque jour, tous à genoux devant le crucifix… « Ne nous laissez pas succomber à la tentation, mais délivrez-nous du mal ! »

Sophie de Lédinghen

 

 

Cantique à Sainte Jeanne d’Arc

           Le 30 mai prochain, nous fêterons l’une des patronnes secondaires de la France, sainte Jeanne d’Arc.

           Amour de Dieu, amour de l’Eglise, amour de la patrie… Que de raisons d’invoquer, et d’imiter notre grande sainte, tant ces trois amours qui l’ont animée ont aujourd’hui besoin d’être transmises.

  Ce cantique à la mélodie simple, est facile à retenir et à chanter par petits et grands.

Jeanne, Seigneur, est ton œuvre splendide

Un cœur de feu, une âme de guerrier

Tu les donnas à la vierge timide

Que tu voulais couronner de lauriers.

 

Refrain

Sainte Jeanne de France

Notre espérance repose en vous

Sainte Jeanne de France

Priez, priez pour nous.


Jeanne entendit dans son humble prairie

Des voix du Ciel l’appeler au combat

Elle partit pour sauver la patrie

La douce enfant à l’armée commanda.

 

Des fiers guerriers elle gagna les âmes

L’éclat divin de l’envoyée des Cieux

Son pur regard, ses paroles de flammes

Surent courber les fronts audacieux….

 

Jeanne, c’est toi notre unique espérance
Du haut des Cieux, daigne entendre nos voix

Descends vers nous, viens convertir la France

Viens la sauver une seconde fois.


https://www.youtube.com/watch?v=wb7zokdXbnY

 

Come un bel di di Maggio

Notre citation pour mai et juin :  

« Dites-moi… Mes chansons de toutes les couleurs,

Où mon esprit qui muse au vent les a-t-il prises ?
Le chant leur vient – d’où donc ? – comme le rose aux fleurs

Comme le vert à l’herbe et le rouge aux cerises. »

Marie Noël – Les chansons et les heures – Le Rosaire des joies

 

Andrea Chénier : Come un bel di di Maggio (Comme un beau jour de Mai)

(1894 – Donné pour la première fois en 1896 à la Scala de Milan)

 

  André Chénier, poète français mort guillotiné le 25 juillet 1794 (à 31 ans) est d’abord constitutionnel, mais tentera d’arracher Louis XVI à l’échafaud, et se sacrifiera pour sauver plusieurs de ses amis de la prison, et de la mort. Le librettiste d’Umberto Giordano a largement romancé l’histoire de Chénier. Néanmoins l’opéra en lui-même a contribué à la célébrité du poète, notamment par cette Aria de l’Acte IV, “Come un bel di di Maggio”, qui exprime de façon magistrale les sentiments du condamné devant la mort.

Cet aria est souvent un premier morceau de bravoure pour les ténors. Vous pourrez comparer deux interprétations que soixante-cinq ans séparent.

 

Come un bel dì di maggio
Che con bacio di vento
E carezza di raggio
Si spegne in firmamento

Col bacio io d’una rima
Carezza di poesia
Salgo l’estrema cima
Dell’esistenza mia

La sfera che cammina
Per ogni umana sorte
Ecco già mi avvicina
All’ora della morte

E forse pria che l’ultima
Mia strofa sia finita
M’annuncerà il carnefice
La fine della vita

Sia ! Strofe, ultima Dea
Ancor dona al tuo poeta
La sfolgorante idea
La fiamma consueta

Io, a te, mentre
Tu vivida a me sgorghi dal cuore
Darò per rima il gelido
Spiro d’un uom che muore 

Comme une belle journée de mai
Qui, avec l’effleurement du vent
Et la caresse d’un rayon,
S’éteint au firmament,


Avec le souffle de la rime,
La caresse de la poésie,

J’arrive à l’ultime sommet
De ma vie.

Le monde en marche donne
à chaque humain sa destinée
Pour moi, déjà, arrive
L’heure de la mort


Et peut-être avant que la dernière
de mes strophes ne soit terminée
Le bourreau m’annoncera-t-il
La fin de la vie.

Qu’il en soit ainsi ! Strophe, dernière muse,
Donne encore à ton poète
L’idée flamboyante,
La flamme coutumière


Moi, pour toi, alors queTu es vivante, jaillissante de mon cœur
Je donnerai à la rimeLe souffle glacé d’un homme qui meurt

 

La gourmandise

           Le temps de Carême est suffisamment proche pour que nous vivions encore des bons fruits de nos résolutions et de nos efforts de cette sainte quarantaine… à moins que le grand Alleluia de Pâques ait, en un malheureux gigot et quelques œufs en chocolats, renversé toutes les nouvelles habitudes que nous nous étions bien promis de tenir beaucoup plus longtemps, du moins sur le plan temporel ! Nous sommes, en effet, bien faibles dès qu’il s’agit de quelques plaisirs de la table, et nous nous laissons facilement tomber dans le piège de la gourmandise, source de bien des maux pour la santé de notre âme aussi bien que celle de notre corps.

  Saint Grégoire le Grand enseigne que la gourmandise a cinq façons de nous attaquer : « Praepopere, laute, nimis, ardenter, studiose. »

  • Propere, « avant l’heure » : cela vise les personnes qui ne savent pas attendre l’heure des repas, et qui s’autorisent souvent des collations supplémentaires.
  • Laute, « avec recherche » : condamne ceux dont l’estomac ne sait pas se contenter de mets simples et simplement apprêtés, mais auxquels il faut toujours des plats délicats et savoureux.
  • Nimis, manger « trop » : lorsqu’on dépasse sans nécessité la mesure dont le corps a besoin. En soi, le désir des aliments est une bonne chose « afin d’entretenir notre corps, de vivre pour servir Dieu, et d’acquérir de nombreux mérites ». Mais cet appétit qui était bon dans le principe, s’est déréglé sous l’action du péché originel, et s’est mis à réclamer un superflu qui dépasse de beaucoup le nécessaire.
  • Ardenter, c’est manger avec avidité et précipitation, se jeter sur la nourriture en ne pensant à plus rien d’autre. L’âme chrétienne, au contraire, s’applique à garder la modestie à table. Elle ne touche aux aliments qu’après avoir élevé son cœur vers Dieu. Elle mange lentement et paisiblement, cherchant à occuper son esprit de pensées plus nobles que sa nourriture.
  • Studiose, s’adresse à ceux qui apportent un soin extrême à la composition de leur repas, au choix et à la préparation des aliments ; qui sont toujours préoccupés par ce qu’ils vont manger. Bien sûr que l’on recevra ses invités en leur offrant un repas soigné, mais le reste du temps, on sera plus sévère avec soi-même dans un esprit de mortification personnelle.

  La gourmandise, dit saint Thomas, est le foyer des autres péchés. En effet, une alimentation excessive alourdit le corps et l’esprit, n’encourage pas au travail mais plutôt à la somnolence. Elle détruit la santé ; ne dit-on pas que l’on creuse sa tombe avec sa fourchette ? Une personne qui a vécu en « bon vivant » souffre de nombreux maux de digestion, poids, foie, circulation… elle a intoxiqué son organisme.

  Celui qui mange trop, ou mal, a des discours souvent déplacés ou même grivois, des gestes ou attitudes démesurés. Son esprit s’émousse, il peine à réfléchir et travailler. « Un ventre chargé n’engendre pas de pensées subtiles» constate saint Jérôme !

  Enfin la gourmandise détruit toute dévotion, comme la fumée étouffe le feu. La prière est une élévation de l’âme vers Dieu, or cette « élévation » est rendue impossible par l’alourdissement que cause l’intempérance.

  Que l’on fasse un bon repas en famille pour une occasion ou une autre, cela est nécessaire. Que l’épouse cuisine un bon petit plat à son mari de temps en temps, ou que monsieur se lance dans l’art de la pâtisserie, cela redonne courage et aide au maintien du moral. Mais il faut bien reconnaître qu’aujourd’hui tout est fait pour « le plaisir » ! Les sens sont flattés en permanence par un tas de sollicitations, que ce soit dans les magasins, les activités, l’installation de la maison… on se trouve en perpétuel état de séduction. Les publicités captent toutes les attentions, où que l’on porte le regard ; et à l’heure d’internet, bien fort est celui qui échappe à tant de tentations qui, peu à peu, viennent à bout des volontés les plus fermes.

  Alors, si notre faiblesse commence par notre assiette ; si ce que je mange, et sa quantité, a trop d’importance dans mon esprit ; si je veux sans cesse que « ce soit bon » … pourquoi serais-je ensuite étonné de prendre plus souvent de l‘alcool, ou une cigarette ? … et pourquoi résister à passer des heures jusqu’au milieu de la nuit devant une série que je suis incapable d’arrêter alors que je m’écroule de fatigue ?… C’est le début de l’esclavage, je m’auto-satisfais sans le moindre remords, allant toujours plus loin dans la chute, car plus rien ne me contente. La pente est facile d’accès, mais, une fois au fond du fossé, saurais-je m’en extirper ? Ce petit manque de volonté du début se sera vite transformé en une montagne d’impuissance !

  Pour guérir tous mes maux, il faut d’abord que je regarde mon assiette : est-elle trop copieuse, je me servirais plus modérément. Est-elle trop riche ? Je la simplifierais n’ajoutant qu’exceptionnellement tout surplus habituel de beurre, fromage, et autres sauces qui satisfont tant mon palais. Je me limiterais seulement aux vrais repas, me refusant d’ouvrir le réfrigérateur à toute heure dès que je suis désœuvré. Et cette volonté que j’aurais progressivement retrouvée, me fortifiera pour le reste !

  Pensons aussi à toutes ces autres « gourmandises » auxquelles nous nous adonnons souvent sans limites de quantité, de durée, de qualité… toutes ces petites « addictions » qui peuvent ruiner dans tous les sens du terme, notre ménage et notre famille : ces heures d’écrans, ces achats compulsifs, jeux d’argent, paresses au détriment de nos différents devoirs d’états… tous ces attachements désordonnés qui nous font doucement descendre cette fameuse pente !

  Revoyons cela à deux, établissons ensemble un règlement ferme et précis, quitte à le mettre par écrit pour y revenir régulièrement. Profitons de ce printemps pour arracher ces mauvaises herbes qui étouffent notre mariage, et risquent parfois de nous séparer dangereusement l’un de l’autre, jusque même dans l’intimité de notre chambre. Soutenons-nous dans ce combat de longue haleine, notre union sacrée en vaut tant la peine !

Sophie de Lédinghen