Faire aimer l’Eglise à nos enfants

« Aimer le Christ ou aimer l’Église, c’est tout un ». Nous avons à cœur de faire aimer Notre Seigneur à nos enfants, pensons-nous seulement à leur faire aimer son Église ? Certes, en ces temps d’épreuve et de crise, la chose paraît plus délicate qu’à l’ordinaire[1] ; elle n’en est pas moins nécessaire, tout au contraire. Pour être malade, l’Église n’en demeure pas moins notre mère et, d’un point de vue humain, une mère que l’on sait menacée n’en est que plus aimée. Il devrait en être ainsi de notre amour pour l’Église, même si nous la savons indéfectible. A cet amour d’ailleurs se mesure la vérité de notre amour pour Notre Seigneur. Ce qui est vrai de Pierre en ce domaine l’est aussi de nous : son amour pour le Christ se vérifie dans son amour pour l’Église, pour les brebis du Christ[2].

A n’en pas douter, là comme ailleurs s’applique à l’endroit des plus jeunes la méthode préventive de saint Jean Bosco. Jusqu’à l’âge des dix – onze ans, ce grand éducateur voulait prévenir le mal, faire en sorte qu’il croise le moins possible l’âme des petits. Il aurait aimé que l’enfant ne voie que le bien autour de lui pour mieux l’imiter, pour mieux combattre aussi les germes de mal qui sont en lui. Ainsi, des difficultés de l’Église comme des défaillances de ses ministres, on ne parlera pas devant les petits. Autant que possible, on évitera également les circonstances où le mauvais exemple de certains pourrait hélas choquer leur sens de Dieu et du sacré.

De l’Église et de ses ministres, il importe de leur donner initialement une vision toute positive. A l’instar du Bon samaritain[3], Jésus nous a confié à son Église, pour qu’elle prenne soin de nous. Elle est pour nous une mère qui panse nos plaies et nous nourrit, elle est la vigne du Christ qui, par ses ministres, nous vivifie de la divine sève. Hors d’elle, c’est-à-dire sans cette dépendance vitale à l’Église et à ses ministres, nous serions comme ces sarments morts qui ne sont bons qu’à être jetés au feu[4]. N’hésitons pas, auprès de ces petits, à reprendre ces paraboles et images de l’Évangile, pour les initier à l’amour de l’Église. On pourra encore profiter d’un baptême pour expliquer discrètement à l’enfant, pendant la cérémonie même, combien lui-même a tout reçu de l’Église, par la médiation du prêtre. Il saisira ainsi combien sa vie quotidienne de prière et de sacrifice s’enracine dans son appartenance à l’Église, et ne la reliera que mieux au mystère de la Messe lors de ses communions.

Lui enseignant la hiérarchie de l’Église à l’aide de belles et dignes photos, on apprendra encore à l’enfant à prier pour le pape, les évêques, les prêtres. L’offrande de la journée[5], récitée chaque matin au pied du lit, en sera l’occasion : quand il n’y a pas d’intention particulière, on proposera à l’enfant de toujours prier « aux intentions du pape[6] et pour les besoins de sa sainte Église ». Devenu plus grand, on le fera participer, à chaque fois que cela sera possible, aux adorations perpétuelles organisées régulièrement dans chaque Prieuré aux grandes intentions ecclésiales. L’heure sainte au foyer, dans le cadre des Foyers Adorateurs, pourra encore être un moment privilégié.

Grandissant, l’enfant découvre bien vite l’existence du mal autour de lui. Dieu l’a voulu ainsi : faire le bien réclame de découvrir préalablement là où il n’est pas. Ainsi, oui, le pré-adolescent puis l’adolescent vont toujours plus découvrir tant les limites des hommes d’Église que la crise qui secoue celle-ci de l’intérieur. L’heure des grandes discussions arrive, et avec elles celles des premières distinctions. Pour mieux leur faire connaître et aimer l’Église, il importe qu’ils saisissent que, jusqu’à la fin des temps, celle-ci sera ici-bas composée de bon grain et d’ivraie[7], de bons et de mauvais poissons[8], et ce jusque dans ses ministres ; que l’Église elle-même sera toujours comparable à cette barque battue par les flots où, à vue humaine, Jésus semble dormir[9] ; mais que si Dieu permet cela, ce n’est que pour mieux manifester la puissance de sa grâce, pour faire triompher l’action secrète du Christ qui jamais n’abandonne son Église[10]. En un mot, le jeune adolescent, à l’âge où il se forme un idéal, doit saisir que l’Église sera militante jusqu’à la fin des temps, que les armes de Dieu ne sont pas celles du monde, que la victoire du Christ et le triomphe de l’Église sont assurés.

Des mauvais pasteurs, il faudra lui apprendre à se préserver. Car il faut que l’adolescent saisisse le mal et la destruction qu’engendre l’hérésie diffuse dans le Corps même de l’Église, tel un cancer. Oui, l’Église sa mère est une mère malade, malade en sa partie humaine. Aussi, précisément parce qu’il aime l’Église, parce que le mal et l’erreur s’en prennent à elle et ruinent les âmes, il doit haïr cette maladie ; s’en préserver, la soulager, la combattre autant qu’il est en lui. A cette fin, que toujours il reste lumière au milieu des ténèbres, en laissant bien vivants en lui ces trésors de foi et de vie aujourd’hui reniés de fait. Et quand bien même de mauvais pasteurs voudraient les lui faire abandonner au profit de la maladie, il ne devra pas les écouter[11] ; ce ne sera là désobéir qu’en apparence, car un tel discours n’est plus celui de l’Église – une mère ne peut vouloir la mort de son enfant – mais émane d’un membre comme saisi par le délire de la maladie. Loin de céder à ces enseignements tronqués, qu’il s’en tienne à ce que l’Église a toujours enseigné, là il trouvera les voies du salut[12].

Malgré ces mauvais pasteurs, Dieu toujours vivifie son Église, laquelle continue à nous enseigner et à nous nourrir. A cette fin, Dieu n’omettra jamais d’envoyer de bons pasteurs[13].

Quels que soient les défauts de ces derniers, qu’ils soient présentés au pré-adolescent tels des héros, dignes de respect et d’obéissance : on ne tire pas sur un capitaine qui au milieu des périls mène à bien la barque en laquelle nous sommes, sous prétexte qu’un bouton de sa vareuse serait mal attaché ! On lui est au contraire reconnaissant de son dévouement, et on l’y seconde. Et qu’on se rappelle surtout qu’à travers et par cet homme, c’est Dieu qui se donne.

L’enfant, devenu adolescent et bientôt jeune adulte, saisira à cette école combien, en ces temps si troublés, l’Église reste la fidèle épouse du Christ qui, en son amour, le suit partout où il va[14]; aujourd’hui unie à la Passion et comme défigurée de par la fuite des Apôtres eux-mêmes, demain partageant sa gloire.

Il saisira qu’aimer en vérité le Christ et l’Église aujourd’hui, consiste à rester dans cette dépendance profonde de l’Église de toujours, sans relativiser nullement le mal qui présentement la ronge. Seul cet amour sera fécond, parce qu’il sera vrai. Puisse-t-il engendrer de nombreuses vocations. 

Abbé  P. de LA ROCQUE


[1] Cf. Plus loin, article : Aimer l’Église en vérité

[2] Jn 21, 17

[3] Lc 10, 30-37

[4] Jn 15, 6

[5] « Divin Cœur de Jésus, je vous offre, par le Cœur Immaculé de Marie, mes prières, mes œuvres et mes souffrances de cette journée en réparation de toutes mes offenses, et à toutes les intentions pour lesquelles vous vous immolez continuellement sur l’autel. Je vous les offre en particulier pour… »

[6] Cf. notre rubrique : Le saviez-vous ? p. 21

[7] Mt 13, 24-30

[8] Mt 13, 47-50

[9] Mt 8, 23-27

[10] Mt 28, 20

[11] Jr 23, 16

[12] Jr 6, 16

[13] Jr 23, 1-4

[14] Ap 14, 4