Le style des années 1880

La France sort meurtrie du second Empire avec la guerre de 1870 qui met fin au règne de Napoléon III. Il faut se reconstruire, avec la honte de la perte de ce conflit qui nous amputa l’Alsace et la Lorraine. Aussi l’affirmation de l’identité nationale se fait plus forte, comme en sursaut, qui s’exprime tant en littérature que dans la vie quotidienne et artistique.

          Si l’art est toujours éclectique, il est plus sobre cependant, les modèles sont plus structurés et plus austères.

  Le gouvernement français va organiser les trois expositions universelles des années 1873 pour témoigner de la prospérité économique retrouvée, 1889 pour le centenaire de la Révolution française et 1900 pour l’entrée dans le vingtième siècle.

  Deux courants inspirent les créations de meubles : d’une part la relecture systématique du passé de façon précise, cohérente et une perfection technique inégalée ; d’autre part l’inspiration japonaise avec des thèmes naturalistes et exotiques.

  L’utilisation de matériaux comme l’émail et la laque s’allie avec la création de formes nouvelles pour sortir de l’éclectisme historique et s’ouvrir à l’originalité. Il existe donc une oscillation entre cet éclectisme et la tentative d’en sortir…

  En 1882 est créée l’union centrale des arts décoratifs,  qui se veut lieu d’enseignement pour les jeunes générations d’ébénistes avec une bibliothèque et un musée d’arts décoratifs.

  La différence entre le mobilier de luxe et le mobilier courant va être de plus en plus nette, il n’existe presque plus de commandes gouvernementales, nous sommes sous la Troisième République, tant pour des raisons symboliques (politiques) qu’économiques.

  Néanmoins tout le mobilier commandé par le duc d’Aumale pour le château de Chantilly, dans le style XVIIIème est exécuté de façon très rigoureuse, presque plus vraie que l’époque d’origine. La maison d’ébénistes Durand est spécialisée dans ce type de copies.

  De tels meubles sont susceptibles, dans diverses demeures ou appartements de voisiner avec une cheminée Renaissance, un fauteuil Louis XIII, des meubles d’origine d’Afrique du Nord (présence française en Algérie, Maroc et Tunisie) ou de style japonais.

Pour le mobilier courant, les formes sont plus sobres, voire austères comme nous l’avons dit, ayant le mérite de ne pas être de mauvais goût.

Les armoires sont souvent immenses avec trois portes et les coffres forts introduits dans les meubles de rangement ou bureaux. Il peut être qualifié de « demi luxe à la portée des classes moyennes » selon la formule de Fourdinois (fabricant ébéniste), pour des réalisations en chêne, buis, bois noirci et bronze doré.

Les teintes sombres dominent mais le retour aux teintes claires est l’expression d’une recherche qui aboutira à l’Art Nouveau.

Celui-ci s’enracinera dans cette tension entre éclectisme historique et créativité un peu débridée mais surtout dans la distinction désormais définitive entre mobilier de luxe et mobilier courant avec le nouveau marché des ménages de classes moyennes plutôt aisées mais avec la prudence bourgeoise de ceux qui travaillent.                                                          Jeanne de Thuringe