L’honneur de servir

           Nous sommes en Août 2050, les petits-enfants sont en vacances et leur grand-père Henri raconte sa guerre de 2020…

« L’ennemi COVID-19, un virus, a attaqué la France et de nombreux pays. Nous avons été enfermés avec vos parents, qui avaient votre âge, dans notre maison pendant plusieurs semaines sans pouvoir sortir. Imaginez-vous ? L’école, le travail du papa, le fonctionnement de la maison, les distractions, et même la vie religieuse : tout à la maison, tous ensemble, tous les jours !

C’est la guerre, avait dit le président. La guerre, ça révèle les caractères, la qualité des hommes et la qualité des chefs ! Ce qui est vrai dans les conflits militaires, a été vrai dans cette guerre particulière, et dans nos familles.

Ce confinement a rendu plus visibles les défauts ou tentations de chaque famille : les échanges avec nos amis et la réflexion nous ont aidés à progresser dans les mois suivants.

La proximité permanente a montré chez certains des tensions entre époux, ils ont travaillé leur unité par la prière, l’attention mutuelle, la recherche des points à admirer chez l’autre, l’oubli ou le pardon des défauts.

Les familles où les enfants faisaient la loi et submergeaient leurs parents, où les crises de nerfs jaillissaient plusieurs fois par jour, se sont inspiré de la règle monastique de saint Benoît pour établir quelques règles de vie.

D’autres, adeptes du chacun pour soi, dans sa chambre ou sur son portable…ont redécouvert la joie des contacts personnels père/fils et père/fille, et les activités communes.

La tentation de s’accrocher aux écrans plusieurs fois par jour a été vaincue par un esprit de sacrifice et de prière, et par la joie des activités et discussions en famille. 

Tous, nous avons reçu une leçon d’humilité et de courage : aucune famille, aucun père de famille n’était parfait sur l’ensemble de ces sujets…. Avec d’autres pères de famille, nous avons donc réfléchi et travaillé à notre rôle de pères de famille : « l’honneur de servir ! »

Le père a pour but de servir le Bien Commun

Être père, c’est plus qu’un métier ! On exerce son métier pendant la journée, on est père quand le travail est fini. Être père, c’est une joie ; ou bien c’est une mission. C’est aussi une responsabilité quelquefois désagréable. C’est donc beaucoup plus et beaucoup moins qu’un métier. C’est plus noble et moins absorbant.  Comme tout chef l’est pour son groupe, le père est missionné pour le Bien Commun de la famille. Il a charge d’âmes, il est l’image de Dieu le Père, du Christ qui aime l’Église et donne sa vie pour Elle, c’est le Bon Pasteur.

Selon la noblesse du but que le père donne à sa famille, l’avenir des enfants sera influencé : en fera-t-il des saints en visant le ciel ? ou des matérialistes en visant d’abord la réussite scolaire et financière ?  

Pour viser le ciel, le père sait montrer et pratiquer l’équilibre entre les quatre dimensions obligatoires de son devoir d’état : Dieu, le travail, la famille, le service de la Cité. Si la pratique de ces quatre dimensions est obligatoire, leur proportion varie bien sûr selon les personnes et les circonstances.

L’ambition est immense et nous semble dépasser nos possibilités ?

Croire et vouloir, c’est pouvoir !

Ce principe recommandé par un grand éducateur, le père Gaston Courtois (1897-1970), fait écho aux pratiques des grands hommes : « Pour venir à bout des choses, le premier pas est de les croire possibles » disait Louis XIV. Un chef qui ne croit pas au succès est battu d’avance.

En effet, ce principe est enraciné dans la nature psychologique de l’homme, c’est aussi une vérité dans l’ordre spirituel : « Aide-toi, le Ciel t’aidera ». Pour l’appliquer, le père cultivera les vertus d’humilité pour demander conseil, de force et de persévérance pour le mettre en œuvre, de douceur pour entraîner les siens.

Proximité et bienveillance

Pour l’enfant et l’adolescent, le père est longtemps celui qui sait, qui possède la science et la sagesse ; celui qui décide, qui possède la force et la volonté. L’enfant lui fait confiance et se livre à lui si le père sait l’écouter. Le père a la charge de cette jeune intelligence et de cette liberté novice. Le métier de père est donc surtout celui d’éducateur.

Être éducateur, c’est faire surgir de chaque être humain, toutes les vertus cachées dont il est capable afin de l’amener à se surpasser lui-même pour réaliser tout ce que sa mission attend de lui.

Le père devra voir, au-delà des défauts de son enfant, qui forment écran, les qualités profondes dont il faut lui faire prendre conscience pour qu’il s’applique à les mettre en valeur.

Pour cela, il devra prendre le temps d’écouter, de s’intéresser à ses activités, de parler, même s’il n’a pas de message particulier à passer et même s’il ne se sent pas très doué pour cet exercice. L’enfant sentira qu’on s’intéresse à lui, à son bien, et lorsqu’il en aura besoin, il saura se dévoiler. 

Ne soyons pas de ces chefs tout prêts à faire des reproches ou punir mais qui ne trouvent jamais une parole d’encouragement ou de félicitation sous prétexte que les enfants n’ont fait que leur devoir ! Faire son devoir n’est pas toujours facile, et l’enfant a besoin de se sentir soutenu par ceux qui ont pour mission de le guider.

Avec les enfants, comme avec notre épouse, un mot maladroit, un manque d’égards, une expression dure ou méprisante peuvent semer aujourd’hui une rancune qui ressortira en colère plus tard.

La fermeté pour faire respecter les règles de vie commune, établies avec notre épouse, et connues de manière explicite par tous, n’empêche pas la douceur dans la mise en œuvre.

Honneur et joie de la mission de père

L’autorité du père ne doit être ni étouffante ni laxiste. Ne soyons pas comme les pharisiens à l’exigence formelle tout extérieure, mais soyons des hommes de Dieu, de vrais chefs spirituels dans notre famille.

Le meilleur des pères, avec humilité, se fait aider par d’autres : son épouse, l’école catholique, les chefs scouts, les prêtres.

Être père, c’est aussi être voué au sacrifice. Le père renonce pour ses enfants à bien des petites satisfactions, il accepte de petites entraves à sa liberté, à son temps, à ses loisirs ; et la somme de ces humbles offrandes finit par être grande. Mais surtout, le père ne peut pas ne pas souffrir par ses enfants et pour eux. Peut-il prévoir les plans de Dieu ? Même si les grandes épreuves lui sont épargnées, il ne peut achever son œuvre sans dépouillement et sans souffrance. Il faut souvent qu’il renonce à ses rêves, qu’il accepte que ses enfants soient autres que ce qu’il avait désiré : c’est une purification de l’amour. S’il constate chez son enfant, l’apparition d’un défaut, il l’aidera par le conseil, mais l’aide la plus efficace sera le sacrifice personnel et la prière.

La vie du père est une vie de don, et d’un don sans mesure. Elle doit être lumineuse et transparente. À travers le père, Dieu resplendit.

Qui a bien compris l’honneur d’être père ne s’arrêtera plus sur la voie montante. Le père élève vers Dieu le chant de la bénédiction et de la reconnaissance, et sur sa famille humaine, par la main du père descend à son tour la bénédiction de Dieu.

Hervé Lepère