Julie est très généreuse et passe ses temps libres à rendre service à droite et à gauche ; tout le monde le sait et a recours à elle, mais sa famille ne la voit plus. Tous admirent sa disponibilité.
Augustin lit énormément, il n’a plus le temps de rencontrer ses amis et ne dort plus assez… Ses parents le donnent en exemple à ses frères qui passent leur vie à jouer dans le jardin…
Le bonheur et la paix d’une famille dépendent bien souvent de la ligne de crête adoptée par les parents. C’est un équilibre entre les excès d’un côté ou d’un autre. La vertu de tempérance et sa petite sœur, l’eutrapélie[1] sont là pour nous aider à garder le juste milieu nécessaire à la sanctification de la famille.
Dieu a confié aux hommes une raison qui doit les guider dans leur vie ; Il leur a donné par le Sacrement de Confirmation, les sept dons du Saint Esprit[2] qui vont les aider à orienter leur vie.
La tempérance est une vertu cardinale par laquelle on modère nos appétits pour les plaisirs. C’est la première marche pour monter vers le ciel. Elle nous permet d’ordonner notre vie par la raison. Elle nous demande de ne pas tomber dans les excès (boire, manger, …) pour nous libérer des désordres de la vie.Il accompagne ses dons des vertus[3] pour nous soutenir et nous conduire selon notre raison vers le Bien. Dieu nous aide à être maître à bord afin de trouver l’équilibre en toutes choses. « Les vertus, nous dit Saint Thomas d’Aquin, croissent comme les doigts de la main. L’une grandit-elle ? Les autres la suivent harmonieusement et nous mènent ensemble vers le ciel. »
L’eutrapélie, cette « petite vertu » qui « nous avertit en souriant que l’on peut souffler »[4] nous aide à nous détendre des tensions de la vie avec pondération.
« Prendre l’air, se promener, s’entretenir de devises joyeuses et aimables, sonner du luth ou d’un autre instrument, chanter, aller à la chasse, ce sont récréations si honnêtes que pour en bien user il n’est besoin que de la commune prudence, qui donne à toutes choses le rang, le temps, le lieu et la mesure. »[5]
Le bonheur humain implique la modération ; il faut savoir faire des sacrifices dans la paix de l’âme mais cependant il faut apprendre à apprécier les bonnes choses. Nous devons par exemple, dans notre monde ultra rapide et partout connecté, réapprendre à apprécier une belle musique, à goûter un bon repas en famille, à profiter d’une promenade dans les bois ou d’une soirée en famille. Cela fait partie de l’équilibre de la personne et par conséquent de la maisonnée entière. Tout est une question de mesure : un père de famille sait se détendre un bon moment avec ses enfants ; il saura aussi qu’il ne pourra passer toute la nuit à s’amuser avec eux. En jouant il a tenu son rôle de père, quand il clôturera la soirée à l’heure prévue il le tiendra encore, et quand il réprimera avec autorité le caprice de l’un ou de l’autre il accomplira encore son devoir.
Aimer ne consiste pas à faire toutes les volontés de ses enfants. Bien souvent les parents essaient de compenser une difficulté ou leur incapacité en les comblant de cadeaux ou en accomplissant tous leurs désirs. C’est une vision fausse de l’éducation. En effet les obstacles sont parfois réels mais ils seront bénéfiques à la formation de l’enfant si on leur apprend à les surmonter, à les offrir. Si les épreuves sont « compensées », elles ne donneront pas les fruits escomptés, et chercher auprès de nos enfants un dédommagement à notre incapacité n’entrainerait qu’un manquement de plus.
Cherchons à deux et pour toute la famille une harmonie de vie qui conduira à un équilibre familial propre à élever les âmes. Celui-ci tient souvent à peu de choses et les parents s’attacheront à les favoriser.
Voici quelques pistes pour vous aider à tenir la ligne de crête dans toutes sortes de situations :
– Les repas principaux pris en famille, autant que les horaires de chacun le permettent, offrent un bel épanouissement, ils favorisent les discussions, la charité, le savoir-vivre, la générosité et la lutte contre l’égoïsme. On apprécie alors les dons de Dieu et c’est l’occasion de le remercier. Ils forment un ciment qui consolide l’unité familiale.
– Les « gâteries » affaiblissent la volonté si elles sont prises en excès (elles peuvent même entraîner vers des addictions). Cependant on ne peut pas conseiller de les abolir absolument. Elles peuvent servir de récompenses même s’il faut aussi encourager les actes gratuits. Elles agrémenteront les jours de fête.
– Les moments de détente doivent être organisés avec soin. Activités en tout genre : musique, sport, couture, danse, équitation, natation, judo, foot, rugby… (je ne parle pas du catéchisme qui ne sera pas considéré comme une activité accessoire) sont comptées parmi les occupations du mercredi ou du samedi que les parents tiennent à mener de front. Pour qu’une éducation soit complète l’enfant doit développer ses capacités dans divers domaines, mais attention à ne pas surcharger les temps libres d’enfants déjà fatigués par la scolarité ; laissons-leur du temps pour s’occuper par eux-mêmes, pour s’ennuyer même un peu… cela leur permettra de mûrir, de réfléchir pour trouver une idée. L’enfant, s’il se donne beaucoup en classe a besoin de se reconstruire et si son cerveau est sans cesse sollicité par des activités en tous genres il va saturer, s’exciter à outrance et même perdre le sommeil. Les passions sportives ou autres doivent être elles aussi maîtrisées pour laisser à l’enfant comme à l’adulte la joie de l’équilibre. Tout est une question de mesure. Et si « le jeu est indispensable à la vie il ne faut pas oublier que la vie n’est pas un jeu… »
– Le travail doit lui aussi être dosé avec équilibre. Un enfant paresseux sera poussé. On exigera que tout soit fini en temps et en heure. La persévérance et l’amour du soin et du devoir bien fait seront mis à l’honneur. Mais un enfant trop scrupuleux et inquiet devra être guidé pour ne pas dépasser le temps fixé et savoir ensuite se détendre ou reposer son esprit. A nous de montrer l’exemple…. « Chaque chose en son temps » dit le proverbe.
Voici quelques exemples choisis parmi les préoccupations courantes pour vous aider à tenir la ligne de crête. C’est un des secrets que nous vous livrons pour favoriser à tout prix l’esprit de famille, et cela dans la joie et la paix qui donnera une cohésion irremplaçable et inoubliable à l’équilibre général. Chacun y trouvera le bonheur ! C’est un gage de réussite non seulement sociale mais c’est surtout un chemin vers le ciel.
Marguerite-Marie
[1] L’eutrapélie touche les actes ordonnés à la récréation et au repos de l’âme.
[2] Les sept dons du Saint Esprit sont : la Sagesse, l’Intelligence, le Conseil, la Force, la Science, la Piété et la crainte de Dieu. Catéchisme de Saint Pie X
[3] Il existe trois vertus théologales (la foi, l’espérance et la charité) et quatre vertus cardinales (la justice, la prudence, la force et la tempérance).
[4] Abbé Berto
[5] St François de Sales