L’espérance

  Ma chère Bertille,

Remplie d’enthousiasme à la lecture des paroles de Charette que je t’avais adressées en guise de vœux pour saluer l’an nouveau, tu as voulu partager ta joie en montrant ma lettre à quelques-unes de tes amies. Las ! Tu as dû affronter leur froid scepticisme. Elles reprochent à cette lettre son ton pessimiste qui dessinerait, du moins à les entendre, une vision noire de la réalité qui nous entoure alors que nous avons tant de raison de rester optimistes.

            Ces mots de pessimisme ou d’optimisme sortent tout droit des officines de la Franc-maçonnerie et nous sont radicalement étrangers. Nous ne sommes ni l’un, ni l’autre, nous sommes des âmes d’espérance. Nous ne jugeons pas les êtres et les choses à l’aune des réalités humaines, mais selon une perspective éternelle. Nous sommes de la cité d’en haut et nous ne travaillons pas pour les quelques prébendes grossières qu’offrent le monde à ceux qui le servent. Le pessimiste ou l’optimiste n’a d’autre horizon que celui étriquée des biens de la terre.

Ne sommes-nous pas baptisées ? Laissons ces notions à ceux qui n’ont point d’espérance. Au calvaire, il n’est plus question d’optimisme ou de pessimisme, seule l’espérance est de mise. Note, fièrement, que le mot espérance est un joyau rare qui appartient en propre à notre belle langue  française. A ma connaissance, seul le français a un mot spécifique pour différencier l’espérance de l’espoir.

Il te souvient, non sans émotion certainement, de ce beau texte d’Alphonse Daudet dans sa fameuse Dernière Classe lorsque

le vieux maître chante les louanges du Français qui est : « la plus belle langue du monde, la plus claire, la plus solide » aussi « il fallait la garder entre nous et ne jamais l’oublier, parce que, quand un peuple tombe esclave, tant qu’il tient bien sa langue, c’est comme s’il tenait la clef de sa prison ». Soyons fidèles à la clarté de notre langue et ne tombons pas dans l’esclavage de l’espoir ; demeurons enfants de France, femmes d’espérance.

Il ne s’agit pas de nier l’évidence : les réalités présentes sont sombres. Lorsque les hommes de la Terreur ont vaincu monsieur de Charette, la vieillesse du monde a détruit la jeunesse de Dieu. L’ombre de la Terreur continue de s’étendre sur la terre. Elle a pour noms avortement, euthanasie, manipulations génétiques…

A vue humaine, la situation actuelle est désormais sans issue. Devant une telle calamité, la spiritualité de l’autruche a le vent en poupe. La plupart des personnes se voilent la face ou se consolent dans un optimisme béat alors qu’il s’agit de regarder la réalité en face. Ce déni de réalité donne aux ennemis de Dieu et du pays le bâton pour nous battre. Ne te trompe pas, l’espoir ou l’optimisme ne sont pas les armes des combats d’aujourd’hui. Seule l’espérance permet de mener le bon combat. Ne savons-nous depuis sainte Jeanne d’Arc que la victoire vient d’en haut ? « Les gens d’arme batailleront et Dieu donnera la victoire ». Espérance contre tout espoir disait saint Paul, Contra Spem in spem.

Aussi est-il nécessaire de revenir une nouvelle fois à monsieur de Charette. Tu connais sa belle et noble devise, elle claque au vent sur les champs de bataille comme un cri d’espérance : « Combattu toujours, battu parfois, abattu jamais ». Je te mets au défi de trouver dans ces paroles le moindre optimisme. En revanche, cette devise est une magistrale leçon d’espérance. Le Chevalier de Charette accepte la réalité telle qu’elle est avec son lot de combats, de défaites, d’erreurs, mais il ne se laisse pas aller au désespoir car luit dans son âme de chrétien la leçon suprême : la Croix est, au-delà des apparences, la victoire suprême, l’espérance qui anime nos âmes : O Crux Ave, Spes unica.

Vois-tu Bertille, notre foi nous conduit sur ces chemins d’espérance où nous savons que toute tentative de restauration humaine est désormais vaine car la situation échappe complètement aux forces humaines, mais non point à la force divine de la grâce et à sa puissance de résurrection.

Ne te laisse donc pas abattre par les réflexions sceptiques des âmes pusillanimes, incapables de s’élever au-dessus du naturel. A ces esprits chagrins qui ne veulent pas voir la réalité en face et préfèrent les méandres des compromis, cherchant une consolation dans l’espoir, encourage-les à réciter souvent cette belle invocation bénie et encouragée par Pie IX : « Notre Dame de la Sainte Espérance, convertissez-nous ».

Tel est le souhait que je formule : convertis-toi à l’espérance, à l’école de Notre Dame.

Oui, vraiment monsieur de Charette est grand : « Faut rire ! »

Je t’embrasse bien affectueusement,

Aziliz