Pour accéder à la demande de certains de nos lecteurs qui aimeraient trouver dans Foyers Ardents des réponses claires à leurs questions, nous commençons aujourd’hui une série d’articles concernant les lois de l’Eglise sur le mariage.
Nous vous proposons de lire attentivement les deux canons sur la question des fins du mariage que voici.
Le premier est celui que l’on trouvait dans le Code de Droit Canonique de 1917, et le second est celui qui l’a remplacé dans le Code de 1983.
La comparaison de ces deux canons nous permettra de noter trois des changements importants qui se sont produits. Il nous restera alors à rechercher les motifs qui expliquent une telle mutation.
- – Deux codes et deux pensées.
Le Code de 1917 disait : « la fin première du mariage est la procréation et l’éducation des enfants ; la fin secondaire est le soutien mutuel et le remède à la concupiscence 1.»
Le canon correspondant du Code de 1983 englobe sa pensée sur le même sujet dans une définition du mariage : « l’alliance matrimoniale, par laquelle un homme et une femme constituent entre eux une communauté de toute la vie ordonnée par son caractère naturel au bien des conjoints ainsi qu’à la génération des enfants a été élevée entre baptisés par le Christ Seigneur à la dignité du sacrement 2.»
- – L’inversion des fins du mariage
Relevons trois des principales modifications que l’on peut tirer de ce rapprochement des deux canons :
- Le Code de 1917 nommait, distinguait et hiérarchisait deux fins, la fin première et la fin secondaire. Le Code de 1983 ne recourt plus à cette terminologie
- Le Code de 1917 donnait « la procréation et l’éducation des enfants » comme la fin première du mariage alors que celui de 1983 cite d’abord « le bien des conjoints » comme étant ce à quoi se trouve ordonnée « l’alliance matrimoniale ».
- Enfin le code de 1983 a purement et simplement éliminé « le remède à la concupiscence » comme étant une fin du
- – Une nouvelle conception hédoniste du mariage
Il nous reste maintenant à bien saisir le sens de ces changements.
La nette distinction entre fin primaire et fin secondaire permettait de connaître aisément la doctrine de l’Église sur les fins du mariage. Le rejet de cette dénomination par le Code de 1983 est générateur de flou non point sur l’existence elle-même de ces deux fins qui sont toujours évoquées mais sur leur hiérarchisation. Il accrédite les thèses fermement combattues par Pie XII : ou que les deux fins seraient à mettre sur un même pied d’égalité ou même qu’elles doivent être inversées.
Et l’inversion des fins du mariage paraît bien être l’idée retenue par le Code de 1983 qui fait passer dans son canon « le bien des conjoints » avant « la procréation et l’éducation des enfants ».
On comprend que le Code nouveau ait abandonné la terminologie de « fin première « et de « fin secondaire » qui aurait manifesté d’une manière frontale son opposition au Code précédent. Il n’en demeure pas moins que la citation en premier lieu du « bien des conjoints » a été justement comprise par les canonistes, soit pour s’en satisfaire, soit pour le déplorer, comme le ralliement à cette nouvelle doctrine.
C’est ainsi que Roger Paralieu, dans son très autorisé « Guide pratique du Code de Droit Canonique » » préfacé par le Cardinal Etchegaray, n’hésite pas à écrire :
« Ceci suppose un changement radical avec la doctrine enseignée jusqu’à Vatican II, où l’on établissait une hiérarchie des fins du mariage (cf. décret du Saint-Office « De finibus matrimonii » du 1er avril 1944 ; discours de Pie XII aux sages-femmes du 29 octobre 1959). Le Concile s’est refusé à établir cette hiérarchie ; le texte du Code est la conséquence de cette proposition conciliaire 3 ».
Le Chanoine Paralieu ne paraît visiblement pas alarmé du « changement radical » qu’il observe.
En revanche, Monsieur l’abbé Coache ne s’y trompe pas :
« … la fin première du mariage, qui a toujours été doctrinalement la génération et l’éducation des enfants, se trouve supplantée par le bien des conjoints, c’est-à-dire l’aide mutuelle qui avait toujours été placée au deuxième plan. C’est très grave et bien significatif de la tendance actuelle (l’amour avant tout) dont le Concile s’est fait l’écho malheureux. Ce canon s’oppose donc de front au canon 1013 du Code précédent 4 ».
Enfin, la suppression de la pensée que le mariage constituait « un remède à la concupiscence » n’est pas très étonnante. Il s’agit en réalité d’exalter d’abord en lui-même l’amour des époux comme une valeur autonome. En cette perspective, l’évocation de la concupiscence, et donc de la nature blessée par le pêché originel, ne trouve plus sa place.
Cette bataille de mots n’est pas une querelle de théologiens et de canonistes qui importerait peu aux catholiques. Ce sont deux perspectives opposées qui s’affrontent.
La seconde, personnaliste, révolutionnaire, âprement repoussée jusqu’à Vatican II, malheureusement l’emporte. La nouvelle définition du mariage donnée par le Code Canonique de 1983 ouvre la porte à un égoïsme qui se drape hypocritement des livrées de l’amour.
Au nom de leur bien propre, de leur épanouissement, les époux disposent d’un nouveau motif pour décider d’espacer, voire de refuser les naissances.
Laissons pour conclure la parole à Pie XII :
« La vérité est que le mariage, comme institution naturelle, en vertu de la volonté du Créateur, a pour fin première et intime, non le perfectionnement personnel des époux, mais la procréation et l’éducation de la nouvelle vie. Les autres fins, tout en étant également voulues par la nature, ne se trouvent pas au même degré que la première, et encore moins, lui sont-elles supérieures, mais elles lui sont essentiellement subordonnées 5. »
Père Joseph
1 Canon 1013 ; § 1 du code de 1917
2 Canon 1055, § 1 du Code de 1983
3 Roger Paralieu : « Guide pratique du Code de Droit Canonique » Editions Tardy – 1985, p. 316
4 Abbé Louis Coache : « le droit canonique est-il aimable ? » Bondot 1986, p. 283
5 Pie XII, Discours aux sages-femmes du 29 août 1951