Que se passe-t-il aujourd’hui ? « Le présent, c’est Jésus-Christ chassé de la société, c’est la sécularisation absolue des lois, de l’éducation, du régime administratif, des relations internationales et de toute l’économie sociale » (Cardinal Pie, V, 172). C’est ce que l’on désigne par le terme de « déchristianisation », et celle de la France semble accomplie[1] en ce début de 21ème siècle. La majorité des français ne baptise plus ses enfants, ne fréquente plus les sacrements. 4% seulement de la population va à la messe le dimanche. La société et les institutions politiques se sont détachées de Jésus-Christ et cela affecte les personnes dans leur vie intérieure, dans leur vie familiale et professionnelle et dans leur pratique religieuse. Les effets en sont visibles. Ce sont tous les signes de décadence et de décomposition de la société qui en découlent et qui sont incontestables au plan naturel : avortements de masse, naissances majoritairement hors mariage, suicides des jeunes, vagabondage sexuel et pornographie répandue, divorces dans les familles et polygamie successive (par les remariages), abandon des campagnes et du travail de la terre, chômage et précarité de millions de gens dans les villes, abandon et isolement des personnes âgées, pour finir par la destruction des corps dans le feu de la crémation… La cause principale et première de ces fléaux ne fait pas de doute : c’est la Révolution qui a entraîné en 1789 l’apostasie de la nation. La déchristianisation s’est poursuivie par la loi de séparation de l’Église et de l’État promulguée en 1905 et enfin par le Concile Vatican II qui a promu la liberté religieuse par la déclaration Dignitatis humanae. Examinons ces trois crimes et voyons leurs remèdes.
La Révolution a commis un crime politique et religieux : l’exécution du roi chrétien Louis XVI allant de pair avec la négation de Dieu. La conséquence immédiate en a été le rejet de la souveraineté de Notre Seigneur Jésus-Christ sur la France et la perte de la paix : guerres civiles, persécutions, instabilité des gouvernements successifs depuis deux siècles… Comme l’a souligné Léon XIII, « les sociétés politiques ne peuvent sans crime se conduire comme si Dieu n’existait en aucune manière, ou se passer de la religion comme étrangère ou inutile.[2] »
La tentation de ce rejet de Dieu semble avoir toujours existé : Nolumus hunc regnare super nos ![3]. Mais l’incarnation de cet athéisme politique en France est en réalité un phénomène spécifiquement moderne, d’une nouveauté inconcevable par les civilisations du passé qui elles, n’affirmaient pas que l’homme est créateur de toutes choses. Cet aspect de la Révolution a été bien mis en lumière par Jean Ousset avec son maître-livre Pour qu’Il règne. « Dieu est Roi des nations, « Rex Gentium » (Jerem X, 7). La modernité le nie. »[4]. Ainsi cette négation de Dieu au plan politique ne provient pas seulement de la perte de la foi : il s’agit d’un crime prémédité par lequel les philosophes des « Lumières » ont sciemment refusé les choses qui sont prouvées au sujet de Dieu. La raison, par les seules forces de la raison naturelle, est apte à démontrer l’existence de Dieu, en particulier par l’utilisation des cinq preuves lumineusement expliquées par Saint Thomas D’Aquin au début de la Somme théologique.
Le deuxième crime, celui de la séparation de l’Église et de l’État, prétend s’appuyer sur le fait que ceux qui ont perdu la foi ou ne l’ont jamais eue, ne peuvent savoir quelle est la vraie religion et que pour cette raison il ne peut y avoir de religion officielle dans la société. Là encore Léon XIII a montré combien cette opinion est erronée : « Si l’on demande, parmi toutes ces religions opposées qui ont cours, laquelle il faut suivre à l’exclusion des autres, la raison et la nature s’unissent pour nous répondre : celle que Dieu a prescrite et qu’il est aisé de distinguer, grâce à certains signes extérieurs par lesquels la divine Providence a voulu la rendre reconnaissable, car, dans une chose de cette importance, l’erreur entraînerait des conséquences trop désastreuses. […] Puisqu’il est donc nécessaire de professer une religion dans la société, il faut professer celle qui est la seule vraie et que l’on reconnaît sans peine[6], surtout dans les pays catholiques, aux signes de vérité dont elle porte en elle l’éclatant caractère.[7] » Or il est aisé de reconnaître quelle est la vraie religion, notamment grâce aux nombreux miracles de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Il a affirmé à ce titre à propos des pharisiens : « Si je n’avais pas fait parmi eux des œuvres que nul autre n’a faites, ils n’auraient pas de péché ; mais maintenant ils les ont vues, et ils ont haï et moi et mon Père.[8] » Ainsi tout État, même s’il est païen au départ, a le devoir de rendre un culte public à la seule religion catholique et de prêter à l’Église son appui quand elle en a besoin. Au plan personnel, l’un des meilleurs moyens de combattre le crime du laïcisme est la pratique des Exercices spirituels de Saint Ignace qui montrent bien qu’il n’y a pas de troisième voie possible entre l’étendard du démon et celui du Christ-Roi. C’est la pratique régulière (chaque année) des Exercices selon la méthode du Père Vallet qui a soutenu Jean Ousset et ses compagnons dans la réalisation de l’une des plus belles œuvres contre-révolutionnaires françaises de ces deux derniers siècles : la Cité Catholique.
Le troisième crime est celui du découronnement[9] de Notre-Seigneur Jésus-Christ par les plus hautes autorités de l’Église à partir de Vatican II et notamment de la déclaration Dignitatis humanae. Cette déclaration affirme que « la personne humaine aurait droit, au nom de sa dignité, à ne pas être empêchée d’exercer son culte religieux quel qu’il soit, en privé ou en public, sauf si cela trouble l’ordre public[10] ». Dans cette conception, l’espace public devient neutre, ouvert à toutes les religions, et les États ne peuvent plus rendre de culte officiel à la seule vraie religion en raison de ce relativisme religieux généralisé. C’est pourquoi, au nom de cette fausse liberté religieuse, de nombreux prélats demanderont aux derniers États catholiques de supprimer toute référence à Notre-Seigneur Jésus-Christ et à sa royauté sociale dans leurs constitutions. Cette Révolution dans l’Église a provoqué l’apostasie des dernières nations catholiques (en particulier dans le monde hispanophone) et la progression fulgurante des fausses religions dans ces pays (par exemple le développement accéléré du pentecôtisme au Brésil et en Amérique du Sud). Ce crime ne se combat à nouveau que par la réaffirmation des droits de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui Lui seul est la Vérité (l’erreur, elle, n’a aucun droit).
Le Pape Benoît XV indiquait en pleine 1ère guerre mondiale que « c’est l’athéisme légal érigé en système de civilisation qui a précipité le monde dans un déluge de sang[11] ». Les faits lui ont malheureusement donné raison puisque les États n’ont toujours pas proclamé depuis les droits de Jésus-Christ sur la société et de nombreux autres désastres ont eu lieu (notamment la 2ème Guerre Mondiale, le communisme, etc.). Tant que cette situation durera, nous ne retrouverons pas la véritable paix. Citons à nouveau Pie XI: « Voulons-nous travailler de la manière la plus efficace au rétablissement de la paix, restaurons le Règne du Christ. Pas de paix du Christ sans le règne du Christ. » Confions-nous pour cela à la Très Sainte Vierge Marie, Mère de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui participe à la Royauté du Christ et y dispose les cœurs : Regnum Christi per Regnum Mariae.
Louis Lafargue
[1] C’est l’affirmation de l’historien Jean de Viguerie, dans un article paru dans le quotidien Présent en 1995.
[2] Léon XIII, Immortale Dei (1er novembre 1885).
[3] Nous ne voulons pas qu’Il règne sur nous !, Saint Luc, 19, 14.
[4] Expression tirée de la brochure Peut-il exister une politique chrétienne ? de Bernard de Midelt, AFS, 2011.
[6] Ainsi l’État reconnaît sans peine la vraie religion, même s’il n’est pas « catholique » au départ.
[7] Léon XIII, encyclique Libertas, 20 juin 1888.
[8] Saint Jean, 15, 24.
[9] Lire à ce sujet l’ouvrage magistral de Mgr Marcel Lefebvre, Ils l’ont découronné, éditions Fideliter, 1987.
[10] Dignitatis humanae, 2.
[11] Benoît XV, Allocution au Sacré Collège, 1917.