Bertrand et Anne souffrent par leur fils étudiant, épris d’indépendance, victime de mauvaises amitiés et qui semble abandonner une partie de ce qu’il a reçu en famille et en pension. Comment garder le lien avec ce fils, et l’unité familiale, sans mettre en danger les plus jeunes frères ?
Paul et Sabine se sont brouillés avec leur premier jeune ménage pour des indélicatesses des deux côtés… Qui doit demander pardon ? Le père pour conserver la paix dans la famille doit-il fermer les yeux et « passer l’éponge » ?
Quelques principes peuvent aider à aborder saintement ces deux types de situation.
Le père, garant du Bien Commun
En tant que chef de famille, le père est le garant de son Bien Commun. Ce Bien Commun, outre un minimum de sécurité matérielle, nécessite la paix et l’unité dans la famille. Sans paix, qui est la tranquillité de l’ordre, pas de vie spirituelle solide, des difficultés pour l’épanouissement des enfants, et un risque de se faire emporter par ses passions. Cette paix s’épanouira dans l’unité de la famille.
Nous sommes appelés à refléter dans nos familles la beauté et l’unité de la Sainte Trinité, rien de moins ! Les parents donnent la vie (par procuration de Dieu le Père), les enfants imitent Jésus, l’unité de la famille est l’image du Saint Esprit qui unit l’ensemble dans un élan d’amour et lui donne sa force.
Par ces réflexions, nous comprenons mieux la beauté et la hauteur de la mission qui nous attend avec la grâce de Dieu, mais aussi le dommage grave qu’est la rupture de l’unité dans la famille.
« Il est nécessaire de croire cette unité possible et de se dire qu’elle ne se fera pas sans vous. Quel que soit l’état actuel de votre foyer, quand bien même les difficultés vous paraissent insurmontables, dites vous bien que la situation n’est pas irréversible. Si chacun y met du sien, la vie commune peut devenir plus agréable et plus douce1. »
Considérons en premier lieu, ce qui unit. Ce sont d’abord les liens du sang qui sont si forts que le premier commandement envers le prochain concerne l’honneur dû aux parents. Ces liens ne doivent pas être reniés même si nous avons des divergences avec nos enfants ou nos parents.
A ces liens du sang s’ajoutent l’union de vie surnaturelle, l’union de la grâce, de la foi, de la charité. La charité va renforcer, élever et purifier nos liens naturels.
Vérités essentielles ou opinions ?
Si la Foi ou les Mœurs enseignées par l’Église sont publiquement en cause, ou qu’il y a un danger immédiat pour les enfants, il est nécessaire de réagir, en rappelant l’importance de ces vérités dans notre famille, et en éloignant les enfants des situations de désaccords.
S’il doit y avoir une discussion avec un étudiant ou un jeune ménage sur ces sujets graves, il sera approprié de la tenir en privé.
Mais lorsqu’il s’agit de nos opinions propres ou de matières moins graves, restons bienveillants. N’oublions pas que nos adolescents grandissent et doivent former leur jugement d’adulte, en exerçant de plus en plus leur liberté. Mystère de la liberté, cadeau de Dieu, pas toujours bien utilisé !
Lorsque notre fils aura quitté son père et sa mère pour s’attacher à sa femme, notre bienveillance et notre prudence devront redoubler même si le conjoint apporte des habitudes ou des réactions qui nous agacent2.
Un risque fréquent
En effet, l’amour des discussions oiseuses et des contestations inutiles est une faute. Il faut « déférer volontiers au sentiment d’autrui, toutes les fois que les intérêts du royaume de Dieu ne sont point en jeu. (…) Ce qui nous porte à entrer en discussion, c’est souvent le souci de sauvegarder notre réputation, de défendre notre honneur. D’une part, le souci du point d’honneur, dit Ste Thérèse, est un des plus sérieux obstacles que rencontre l’avancement spirituel. D’autre part, à vouloir ainsi défendre à tout propos sa réputation (ou son point de vue), on s’expose à perdre des biens d’une valeur beaucoup plus considérable tels que la charité et la paix de son cœur. On s’engage dans une voie sans issue, les contestations de ce genre n’aboutissant jamais à convaincre l’adversaire ; on s’expose à monter de ton, à devenir violent. Le cœur s’embrase d’une ardeur qui le poursuivra … il retournera sous mille formes les arguments déjà employés, en cherchera de nouveaux, se persuadera de son bon droit, n’aura ni trêve ni repos qu’il n’ait repris la lutte… dans ce genre de rencontre, le vrai vainqueur est celui qui se tait, et il y a beaucoup plus de gloire à se retirer doucement qu’à triompher à force de cris3 ».
Ainsi, un père de famille n’hésitera pas à faire le premier pas, autant de fois que nécessaire, pour demander pardon de ses éventuelles maladresses et réparer les brouilles avec ses enfants mariés. Chacun restera maître dans son foyer, avec des règles de vie en commun propices à la paix et au respect.
La douceur avant tout
L’irritation visible ou la colère peuvent avoir des conséquences irréparables. Au lieu de convaincre et toucher l’interlocuteur, nous allons endurcir son cœur, blesser sa sensibilité et son amour-propre, surtout lorsque nous sommes face à un plus jeune et plus fougueux que nous.
« Aussi quiconque recherche la paix du Christ doit s’appliquer à déraciner de son cœur cette funeste passion. La première résolution est de ne pas satisfaire sa colère et ne jamais mettre à exécution les actes qu’elle inspire. Ne jamais prendre une sanction sans en avoir pesé les conséquences devant Dieu ; s’imposer toujours un délai avant d’agir4 » .
« Apprenez de Moi que je suis doux et humble de cœur (St Math.XI,29). Remarquons que le Maître pose la douceur avant l’humilité, indiquant par là que nul ne peut espérer venir à bout de l’orgueil, s’il ne commence par pacifier son âme et la guérir de ses emportements5 ».
Convertir et non convaincre
Gardons à l’esprit que notre objectif est l’unité de la famille, et la conversion de ceux qui seraient éloignés de la Foi.
Plus que les discours ; la prière, les sacrifices et l’exemple seront des moyens efficaces. Nous trouverons probablement le temps trop long, mais c’est celui du Bon Dieu… Qui comptera le nombre d’âmes sauvées par l’intercession de la Sainte Vierge parfois au dernier moment ?
Nous semons, mais nos prières et nos œuvres porteront du fruit, peut-être après notre mort…
Développer la bonne humeur
Une manière de rester bien unis et de pratiquer la charité en famille consiste à ne pas se laisser aller à la mauvaise humeur et à ne pas se plaindre.
Évitons le surmenage et l’oisiveté, qui sont deux causes principales de mauvaise humeur.
Organisons une occupation judicieuse de notre temps, avec des temps en commun et des temps libres pour chacun et vivons sous le regard de Dieu, évitant les couchers tardifs qui peuvent engendrer plus facilement les élans d’humeur ! En offrant notre journée au Bon Dieu, en portant nos difficultés avec lui, en acceptant les imperfections des autres pour Lui, nous préparons le terrain.
Habituons nous à voir le bon côté des choses et à rechercher les beaux côtés des personnes de notre entourage. Dans notre vie, le positif aide à accepter le négatif. Faisons un effort, pour voir ce qu’il y a de bon chez chacun et le dire ! C’est un moyen efficace pour encourager les progrès des uns et des autres.
Ne prenons pas parti pour l’un ou l’autre de nos enfants en cas de conflit entre eux, mais aidons les à prendre de la hauteur et considérer le point de vue de l’autre et la nécessité de la paix. Encourageons au pardon mutuel, à une paix sincère l’un vis-à-vis de l’autre.
C’est par les menus faits de la vie quotidienne, les attentions, la douceur que nous créerons une atmosphère propice dans notre famille.
« Regarder ce qui unit, développer la bonne humeur, ne pas se plaindre, mettre sa parole au service de la charité, pardonner… »6
Le père de famille est gardien de la paix et de l’unité !
Hervé Lepère
1 La Famille Catholique, abbé Troadec
2 Sur ce thème, voir la rubrique Grands Parents des revues Foyers Ardents N° 9 et 10
3 Les instruments de la perfection, dom Jean de Mauléon.
4 Idem
5 Idem
6 La Famille Catholique, abbé Troadec