Ma fille, ma sœur, tu le sais bien, un saint triste, est un triste saint… Et il n’est pas si facile d’atteindre, comme saint François d’Assise, la joie parfaite. Joie de la pure volonté divine quand la nature y répugne ou rechigne… Je laisse à d’autres le soin de te l’enseigner.
Je voudrais t’apprendre plutôt comment être une semeuse de joie dans un monde qui confond joie et excitation, humour et grossièreté. Ces petites joies quotidiennes pour donner à l’âme la bonne direction, l’habitude de la gaieté, socle de ce qui fera grandir vers la joie parfaite.
C’est si important de pouvoir laisser derrière toi dans la journée, ou dans ta vie un sillage de bonheur, malgré les malheurs des temps.
Oh, je sais bien que tout va mal avec les décisions de nos gouvernants, cette tyrannie qui prend forme peu à peu, et celle des hommes d’Eglise contre la vraie foi et la messe qui l’exprime.
Les conversations en sont si pleines, que l’on croirait qu’il n’existe plus d’autres sujets. Les âmes sont inquiètes, tournent et retournent tout cela dans leur tête, se précipitent sur les dernières nouvelles données à profusion par « les étranges lucarnes » et cherchent comment échapper à cet étau qui se resserre.
Le remède : semer de la joie.
C’est là le danger : nous faire perdre la paix et la joie qui l’accompagne nécessairement, cette joie simple, faite de confiance et d’émerveillement comme un enfant redécouvrant le monde chaque matin. Si pendant ce temps, Dieu est oublié, loin derrière les créatures, l’Adversaire se réjouit.
Alors à ta petite place, efforce-toi de semer de la joie autour de toi, c’est si nécessaire.
Avoir une oreille attentive et patiente donnant son temps et son cœur.
Penser à ce qui pourrait faire plaisir ou soulager la peine, deviner le petit geste de réconfort ou d’aide, rendre un service inattendu surtout s’il te coûte, tant et tant de petits riens pour,
Semer de la joie.
Montrer la bonté de Dieu dans chaque instant, savoir sourire d’une situation et rire de bon cœur, dédramatiser l’inquiétude excessive, prier pour savoir comment réconforter afin de trouver les mots justes, même si c’est juste un petit mot.
Être heureuse d’offrir ce qui nous peine ou nous mortifie, comme un honneur qui nous fait participer à la Rédemption.
Réprimer un mouvement d’impatience, au contraire mettre l’autre en valeur.
Souligner ce qui est bien fait et complimenter, s’effacer si cela nous contrarie.
Ne pas se mettre en avant mais laisser les louanges aux autres.
Ne pas contrister pour,
Semer de la joie.
Rappeler que Dieu est au-dessus de tout et permet le mal dans un dessein mystérieux, qu’après la Passion vient la Résurrection.
Aider à voir toute la bonté divine dans nos vies, dans ce soin permanent si nous Le laissons faire calmement.
Emmener l’ami un peu triste se promener et s’émerveiller de la beauté de la création ou lui faire découvrir une belle œuvre, un beau lieu, un beau livre.
Décorer la maison et faire de bons et beaux repas autant que possible,
Sourire enfin si tu n’as rien d’autre à donner, un sourire franc et net, du fond du cœur.
Modestement, gratuitement, sans attendre le retour ou le remerciement qui peut-être ne viendra jamais,
Semer de la joie.
Vocation bien féminine que de répandre du bonheur autour de toi. Au soir de ta vie, que laisseras-tu derrière toi ? Peu de choses somme toute car nous ne faisons que passer, mais si chacun peut se souvenir que tu semas de la joie, alors celle-ci te sera rendue au centuple. Tu auras alors une place toute particulière dans l’éternité bienheureuse, où la joie ne finit jamais, comme
Semeuse de joie
Jeanne de Thuringe