Le féminisme, ou le meilleur ennemi de la femme

           « Les femmes ne seraient pas opprimées s’il n’existait pas un concept de la femme1 ». Se présentant comme seul mouvement défenseur de la femme, le féminisme est aujourd’hui incontournable sur la scène politique aussi bien que civile. On ne peut, sous peine d’être taxé de machisme, « mysoginisme » et obscurantisme, se désintéresser de la cause féminine et remettre en question ce qui fait aujourd’hui le credo de tous les partis : l’égalité des sexes. Mais, il peut sembler pour le moins incongru de chercher à atteindre une quelconque égalité si l’on refuse à la femme, comme l’énonce, entre autres, la féministe Judith Butler, une nature propre. Se pencher sur le féminisme présente alors un intérêt certain, afin de voir un peu plus clair dans ce mouvement multiforme mais omniprésent dans notre monde moderne, mêlé étroitement aux plus profonds bouleversements moraux et politiques des XXème et XXIème siècles. Aussi, aborderons-nous tout d’abord le féminisme en tant que tel, puis son instrumentalisation dans le système révolutionnaire, et enfin la réponse qu’en donne le Magistère de l’Eglise.

 

L’idéologie féministe en bref

 

  La genèse du féminisme remonte, – on n’en sera pas surpris-, au siècle, ô combien obscur, des « Lumières », siècle de la révolte contre Dieu, contre l’Eglise, et contre l’Etat. Partant d’une observation juste, à savoir la place différente et inégale qu’occupent les hommes et les femmes dans la société d’Ancien Régime, les premiers ayant seuls accès aux fonctions de magistrats, d’officiers dans l’armée, les secondes étant confinées au rôle ingrat de mères et d’épouses, Poullain de la Barre s’insurge3 voyant dans cet écart une injustice née d’un préjugé sans fondement : « De tous les préjugés, on n’en a point remarqué de plus propre à ce dessein que celui qu’on a communément sur l’inégalité des deux sexes ». Le préjugé dénoncé ici est le suivant : « les femmes sont faibles, incapables de vivre sans l’homme, inconstantes, irrationnelles ». Elles se trouvent alors en infériorité dans une société naturellement encline à favoriser la force, l’intelligence, la capacité à commander. L’inégalité entre l’homme et la femme n’est donc due qu’à un fait social, et non à un objectif réel. On retrouve là le vieux couplet libéral sur la corruption de l’être humain par la société, et son état de perfection avant la création du premier corps social. Ce dernier, loin d’apporter à l’Homme une perfection, l’aliène et le brime, il ne lui est nullement naturel mais, au contraire, est imposé artificiellement. A la source du féminisme se trouve donc un rejet pur de la société.

  Rousseau, même s’il n’est pas à proprement parler féministe, accentue ce phénomène en attaquant l’ordre social, le mariage, l’éducation, en vue de l’égalité la plus complète entre tous les hommes. L’acte conjugal n’est que l’assouvissement d’un instinct aveugle, « dépourvu de tout sentiment du cœur », l’enfant qui en découle « [n’est] plus rien à la mère sitôt qu’il [peut] se passer d’elle4 » et est son propre éducateur, en bref, personne ne dépend de qui que ce soit puisque tous sont égaux, et de cette égalité découle la liberté universelle.

  Plus proche de nous, Simone de Beauvoir fait figure d’héroïne du féminisme. Son célèbre « On ne naît pas femme, on le devient5 » exprime bien le rejet d’une quelconque nature féminine, et même humaine. Au rebours de l’adage antique « l’Agir suit l’être », Simone de Beauvoir et les féministes proclament que la nature n’est en rien stable, définie, mais bien plutôt le fruit d’un acte continuel, permanent : notre nature ne s’impose pas à nous, c’est nous qui décidons ce que nous sommes. La filiation de cette pensée avec le « Non serviam » de Satan est évidente, et s’inscrit pleinement dans le mouvement révolutionnaire qu’a vécu, et que vit encore notre pays.

 

Féminisme et révolution

 

  Nous venons de voir qu’à la base de l’idéologie féministe se trouve la remise en question de la société comme naturelle à l’homme, car cause d’inégalités. Le système révolutionnaire, même s’il n’en fait pas son cheval de bataille principal, ne peut que s’en faire le défenseur et le promoteur6, puisqu’ils partagent les mêmes modes de pensée. Le libéralisme qui est leur base commune débouche sur une même conséquence : l’absolutisation de l’individu et le rejet de tout ce qui lui est supérieur. Cela se traduit par des actes concrets, à commencer par la suppression de l’institution du mariage, expression par excellence de la soumission de la femme à son homme de mari. La Constitution de 1791, ne considérant plus le mariage que comme un « Contrat civil », est suivie par la loi du 20 septembre 1792, autorisant le divorce en même temps qu’elle supprime les vœux religieux : l’homme étant libre, il est impossible de le priver de cette liberté par un quelconque engagement irrévocable : « On le forcera à être libre ».

  Même s’il ne s’agit pas à proprement parler d’une mesure féministe, la légalisation du divorce est, dans la stratégie révolutionnaire, le premier pas vers la destruction de la famille, lieu où s’exprimait par excellence la domination de l’homme sur la femme. La législation en 1967 des moyens contraceptifs7, puis de l’avortement en 1975, inscrit dans la loi le slogan féministe « Mon corps, ma propriété », déconnectant l’acte conjugal de la procréation pour en faire principalement un outil de plaisir et d’émancipation de la femme, la rendant moins dépendante de l’homme.

  Ces mesures phares de la « libération de la femme » sont accompagnées d’actions plus discrètes mais primordiales dans la praxis féministe. Parmi elles, la question de l’habillement féminin, anodine pour beaucoup, a grandement participé à brouiller les différences hommes/femmes. Le port du pantalon et de tenues originellement masculines manifeste, à la base, l’opposition au « patriarcat » et à l’inégalité des sexes : « le pantalon féminin s’inscrit dans une dynamique de remise en cause des mythes structurant les deux genres8 », il est « un symbole politique de la lutte pour l’égalité des sexes9 ». Il est à ce propos édifiant de faire le constat suivant : loin d’en faire une question de mode comme une autre, les femmes qui, les premières ont porté le pantalon et en ont fait la promotion, ne sont nulles autres que les grandes militantes du féminisme : Simone de Beauvoir, Françoise Sagan, plus tôt George Sand, Rosa Bonheur… Autant de femmes dont l’attachement aux idéaux de la Révolution et les mœurs dissolues ne sont plus à prouver10. Fidèles à la maxime maçonnique du « Solve et coagula », les féministes et la Révolution s’acharnent à pervertir la femme, en lui ôtant la pudeur et la retenue qui lui sont naturelles, pour en faire, soit un être asexué et androgyne, sur le modèle de la « garçonne », soit un être sexualisé à outrance, débridé et objet de plaisir.

 

Féminisme chrétien

 

  Aux dires des féministes et des révolutionnaires, eux seuls se sont intéressés au sort de la femme. C’est oublier près de deux mille ans d’œuvre civilisatrice de l’Eglise, qui par l’esprit de l’évangile, a toujours cherché à adoucir ce qu’il pouvait y avoir de trop rude dans les mœurs des peuples. Le Magistère rappelle qu’il existe un ordre naturel, loin des idéologies de l’homme. De par leurs différences psychologiques et physiques, homme et femme n’ont pas la même mission dans la vie de famille. L’homme possède la force et est doué d’un jugement plus général, d’une vision plus abstraite des choses, lui permettant de décider et d’agir plus facilement en visant le bien commun de la famille. Autant de traits de caractères que l’on attend instinctivement d’un chef. De son côté, la femme est naturellement plus attentive et patiente, plus apte à voir les détails qui échappent à l’œil masculin. Elle est donc plus compétente dans l’éducation des petits enfants, plus capable de gérer la maison et de conseiller l’homme dans la direction de la famille en lui faisant voir certaines conséquences inaperçues. Cette hiérarchie naturelle n’entraîne pas pour autant un asservissement de la femme à l’homme, celui-ci devant s’appuyer sur elle pour assurer sa tâche de chef de famille. La femme est une aide, et non un instrument de son mari. Tous deux sont complémentaires.

  C’est la grande erreur des modernes que de considérer que la soumission de la femme à l’homme dans la vie de famille est une déchéance, une autre forme d’esclavage, alors qu’il est tellement beau, noble et nécessaire pour elle de se dévouer à l’éducation des petits et à la vie de la famille. Sans elle, la maison n’est rien moins qu’un foyer sans âme : « N’est-ce pas une vérité que c’est la femme qui fait le foyer et qui en a le soin, et que jamais l’homme ne saurait la remplacer dans cette tâche ? (…) attirez-la hors de sa famille (…), le foyer cessera pratiquement d’exister et il se changera en un refuge précaire de quelques heures11 ». Cette mission est d’autant plus belle qu’elle demande à la femme une force, un esprit de sacrifice et un dévouement de chaque instant, lui méritant ce magnifique éloge de Dieu lui-même par la bouche de l’auteur sacré : « Une femme forte, qui la trouvera ? Elle est plus précieuse que les perles, le cœur de son mari a confiance en elle (…)12 ».

  Mais cette mission ne peut s’accomplir en complète indépendance, en séparant la femme de l’homme. Son accomplissement se trouve dans la maternité, dans la vie de famille et donc passe par la soumission à son mari — lequel est aussi fait pour la vie de famille. Combien de femmes, arrivées au sommet d’une carrière brillante et exemplaire, regrettent d’avoir consacré toute leur énergie à un patron indifférent ou à une cause stérile, plutôt que d’avoir donné la vie et l’être à une nouvelle génération d’enfants ! « La femme sera sauvée par la maternité », déclare solennellement saint Paul13, que celle-ci soit physique ou spirituelle (enseignement,…). Malheur à celui qui voudrait l’en séparer ! En corrompant la mère, il corrompt les enfants, et appelle sur lui la vengeance de Dieu. A sa mort, il sera jugé par toutes ces mères et tous ces petits qu’il aura voulu éloigner du Sauveur.

  « Femmes, soyez des hommes ! », clame le féminisme. Fondamentalement, l’erreur de cette idéologie néfaste est de refuser à la femme sa mission propre, et de la vouloir l’égale de l’homme dont elle est le complément. Elle est dès lors vouée à n’être qu’une créature sans cesse changeante et incomplète, car privée de sa raison d’être et soumise au diktat capricieux d’une caste de révoltés et de dégénérés. Rendre à la femme sa grandeur passe par la restauration de ce lien qui la rattache à l’homme, sans lequel elle ne peut exercer son rôle dans la société : « Femmes, soyez soumises à vos maris », enseigne saint Paul. Mais il ajoute également, et ces mots sont lourds de sens : « Maris, aimez vos épouses, tout comme le Christ aime l’Eglise et s’est livré pour elle14. »

 

Un animateur du MJCF

 

 

1 Judith Butler

2 Il n’est bien évidemment pas question ici de faire un exposé exhaustif, du fait de l’ampleur du sujet. Afin d’approfondir la question, nous conseillons la lecture de l’ouvrage D’Eve à Marie du Père Jean-Dominique, O.P., et la lettre sur le féminisme de Monsieur l’abbé de Cacqueray (La Porte Latine, Gender).

3 In De l’égalité des deux sexes (1673),

4 Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes

5 In Le Deuxième Sexe

6 Tout en s’autorisant à le réprimer s’il devient trop envahissant : se rapporter à l’exécution en 1793 de Olympe de Gouges, rédactrice de la « Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne », présentée comme pionnière du féminisme.

7 Loi Neuwirth

8 Histoire politique du pantalon, Christine Bard

9 Ibid.

10 Pour une étude plus approfondie sur le sujet de l’habillement dans la stratégie révolutionnaire, se référer à l’article « Du genre vestimentaire au Gender », 1er oct.2012, La Porte Latine, P. Joseph d’Avallon.

11 Pie XII, Allocution aux jeunes époux

12 Epître de la messe d’une sainte femme, Prov. 31, 10

13 1 Tim. 2, 15

14 1 Pe. 3,1