Le château de Versailles reprend d’année en année une nouvelle jeunesse. (…) Ce chef-d’œuvre est une image de la France, de son génie d’ordre, de mesure et de clarté. Ici, disait Pierre de Nolhac, « le royaume se mire en son ouvrage.» On vient en foule visiter les salles dorées et parcourir les jardins fleuris. On s’émerveille aux images et aux spectacles qui exaltent la noblesse de cette architecture et la majesté de ses souvenirs. A certains jours, les allées du parc ressemblent à des chemins de pèlerinage. Les visiteurs des deux mondes affluent. Toutefois, le symbolisme de cet ensemble prestigieux leur échappe. Les marbres du parc n’ont pas de voix pour eux ; ils ne disent point leur nom et, quand ils le diraient, cela n’avancerait guère les choses car la culture classique latine qui imprégnait l’esprit des hommes d’autrefois est de plus en plus reléguée au nombre des nobles inutilités. De la pensée antique, c’est le laïcisme même qui nous éloigne. Le paganisme était profondément religieux et le matérialisme des technocrates et des communistes devine en lui un adversaire et un obstacle. Mgr Calvet écrivait que ce fut l’adresse des éducateurs des XVIème et XVIIème siècles de promouvoir l’humanisme gréco-latin dont le danger était exorcisé par la vérité chrétienne mais qui gardait le sens de l’étroite relation des choses divines et humaines. Quelque chose de mystérieux et de sacré pouvait faire des antiques légendes une matière éminemment poétique ; toute une philosophie affleurait à travers les rêves des Anciens et un amour profond de la nature.
Révérend Père Édouard GUILLOU (1911-1991)
Moine bénédictin