Deux jeunes en début de carrière se retrouvent :
– Mes clients se plaignaient du service après-vente. Je n’en étais pas responsable, mais j’ai proposé des idées pour arranger les choses. Le patron l’a appris et il me propose de devenir responsable de ce secteur ! Une belle promotion !
– Tu es fou, ça va être difficile ! Moi, je me contente de faire ce qu’on me demande. Je risque d’être mal vu si je donne des idées. D’ailleurs, mon patron est peut-être franc-maçon…
Un employé doit s’engager
Chers jeunes (et moins jeunes), une fois entrés dans le monde du travail, notre devoir d’état ne se limite plus à faire nos devoirs scolaires pour notre bien personnel, mais consiste à remplir notre rôle avec tous nos talents et à contribuer au bien commun. C’est un moyen de nous épanouir et de nous sanctifier.
Un catholique a de nombreux atouts pour y réussir : droiture, sens du devoir, courage et persévérance, honnêteté, humilité, respect des autres, charité, recherche du bien commun et non de son seul intérêt personnel, donc capacité à travailler en équipe, à supporter les caractères imparfaits, à s’entraider… Tous les patrons soucieux de la réussite de leur entreprise (même s’ils n’ont pas les mêmes idées religieuses ou politiques que nous) ont besoin de collaborateurs avec ces qualités ! ça tombe bien : nous les travaillons normalement déjà pour notre progrès moral et spirituel !
Le catholique, contrairement à ses autres collègues, sait que le péché originel existe. Il ne s’étonnera donc pas de croiser quelques clients ou fournisseurs malhonnêtes ou menteurs, des profiteurs ou des colériques, des patrons ou des subordonnés avec de gros défauts. Il pourra être déçu, il devra prendre des précautions pour éviter les situations où ces défauts se manifestent, mais il se maîtrisera ou se corrigera pour ne pas tomber lui-même dans la médisance, la colère, la vengeance, l’orgueil ou le découragement. Il saura pardonner et continuer à faire le premier pas pour le bien commun.
Le catholique sait qu’il doit garder un équilibre entre son devoir professionnel et ses devoirs familiaux et sociaux. Engagé à fond pendant ses heures de travail, il sait que la réussite professionnelle n’est pas le but de la vie et qu’il faut « chercher d’abord le royaume de Dieu et sa justice, et tout le reste sera donné par surcroît ». Pour progresser, gardons du temps de réflexion et de formation, et soyons équilibrés. Restons raisonnables : si le travail nous envahit soir et week-end, c’est qu’il y a quelque chose à corriger en nous.
Quelles belles occasions de progrès personnel dans notre engagement professionnel, dans les joies ou les croix ! Ayons donc confiance en nous, en nos talents et en l’assistance de la Providence : « Mais qui donc peut vous nuire, si vous vous montrez zélés pour le bien ? »1.
Être un bon chef, c’est exigeant
Que vous dirigiez un stagiaire apprenti, une secrétaire, des bénévoles, une petite équipe ou plusieurs centaines de personnes, votre devoir de catholique sera d’être un bon chef ! Ce rôle est déterminant pour créer les conditions du bien commun. Le bien commun de l’entreprise et le développement personnel des collaborateurs sont non seulement des conditions de succès, mais une contribution au règne du Christ-Roi dans la société. Ne soyons donc ni le chef tatillon, ni le laxiste, mais visons haut pour chacun de nos collaborateurs et dans les objectifs collectifs.
« Chaque évènement quotidien, chaque parole, chaque décision est l’occasion d’un éveil de la vie ou d’une fermeture et d’un repli sur soi (de nos collaborateurs). Aucun instant n’est jamais neutre.»2
Le rôle du chef, grand ou petit, est essentiel pour permettre à chacun de donner le meilleur de lui-même et de progresser dans le respect des valeurs morales. N’attendons pas que nos supérieurs soient parfaits pour jouer notre rôle de chef catholique3 à notre niveau ! Voici quelques pistes de réflexion. « Il existe un consensus autour de 4 fondamentaux pour avoir des salariés impliqués et pleins d’initiatives : simplifier le travail, partager l’information, donner autonomie et autorité, considérer les personnes en tant qu’êtres humains. Mais pour être féconds, ces principes doivent s’imposer à tous les étages de l’organisation et rester liés les uns avec les autres.»4
Nous le sentons : pour bien remplir notre rôle de chef, il ne suffit pas d’avoir des talents innés, ni de travailler sur nos propres vertus, il faut aussi nous former voire nous faire aider. Le catéchisme ne suffit pas ! Connaissons-nous suffisamment la doctrine sociale de l’Église ? Elle nous éclairera sur les droits et devoirs de chaque membre de l’entreprise et de la société.
Des témoignages de patrons catholiques ou des formations5 nous seront également utiles. L’exemple de François Michelin (1926-2015) montre qu’on peut être catholique convaincu et propulser son entreprise au premier rang mondial !
L’apostolat par l’exemple
Employé ou patron, cent fois sur le métier il faut remettre l’ouvrage de notre progrès personnel, naturel et spirituel, et développer nos talents (souvenons-nous de la parabole…). Cet effort pour nous corriger de nos défauts – qui n’en a pas ? – sera aussi visible de nos collègues que nos qualités de chrétien : droiture, persévérance dans le devoir d’état et sens du service, charité par le souci du bien commun et attention à chacun, notamment les plus pauvres, défavorisés ou malheureux, avec le sourire que nous afficherons souvent ! Ce sourire doit être le reflet de notre âme, remplie de la grâce de Dieu.
« La première des conditions de travail, c’est le sourire du chef. Garder le sourire en toutes circonstances, c’est difficile quand, à la fatigue, s’ajoute l’inquiétude, les soucis, les ennuis. Rester détendu et bienveillant est pourtant nécessaire : la figure que le chef fait dans l’épreuve conditionne l’attitude de ses salariés.»6
Ces attitudes et ces sourires seront notre premier et plus efficace apostolat au travail ! Ils rendront possibles, pour quelques-uns, des discussions plus approfondies, des questions ou des conseils. Les grandes fêtes et les évènements familiaux, heureux ou tristes, qui frappent ceux que nous côtoyons et nous-mêmes, seront alors souvent des occasions d’aller plus loin de manière personnalisée et avec la confiance de notre interlocuteur.
Hervé Lepère