C’est faute de se connaître respectivement et mutuellement que bien des époux, des frères et sœurs, des amis se heurtent parfois jusqu’à se blesser profondément. Ce sujet passionnant et délicat devrait constituer un chapitre important au grand livre de l’éducation parentale.
Voici quelques pistes, très générales, qui guideront peut-être les parents sur les différences psychologiques, biologiques masculine et féminine, leurs richesses et nécessaire complémentarité pour une meilleure compréhension.
Ce n’est ni dans l’art, ni dans la science, ni dans les découvertes, ni dans les lettres pour elles-mêmes, ni dans la domination que la femme atteindra sa fin : elle est ordonnée de corps et d’âme pour la maternité ou pour le sacrifice, dans le dévouement. Rôles sublimes auxquels elle n’apportera jamais trop de compétences, et qui nécessite donc une intelligente et solide éducation.
Tandis que généralement le garçon perçoit, compare, juge, la femme saisira souvent par une perception intérieure mystérieuse, « l’intuition », le sens d’un geste, d’une démarche, d’un regard, d’un sourire, d’un mot. Cette différence essentielle dans la manière d’aborder le champ des conceptions intellectuelles saute déjà aux yeux chez le petit garçon comparé à la fillette.
L’intelligence :
En face d’un objet inconnu, le premier demande : « Comment l’a-t-on fait ? D’où cela vient-il ? » La petite fille s’exclame : « C’est beau ! » ou « C’est laid ! », « Pour qui est-ce ? » Dans le premier cas, recherche de la vérité ; dans le second, expression d’émotion.
La mémoire de la femme subit le contrecoup de son affectivité envahissante pour tout ce qui l’intéresse. Ses souvenirs se fixent ou se transforment au gré de ses impressions du moment. Celles-ci sont renforcées par l’imagination dominante. Les devoirs de rédaction des jeunes filles sont riches de fantaisies précisément parce qu’elles ont une facilité à s’évader du réel dans le rêve (ou le roman vécu jusqu’à l’intime !). Le langage des fillettes est, de ce fait, très aisé et coloré, alors que celui des garçons du même âge reste hésitant, embarrassé, sec, comme un énoncé de problème ! De cette vérité découle la nécessité d’une culture, d’une éducation spirituelle et temporelle, pour contrebalancer les effets souvent désastreux de leurs penchants innés.
La raison :
L’homme se place nettement en face de la situation, en dégage le côté immuable et concentre toutes ses énergies pour résoudre au mieux le problème de sa propre existence en fonction de son milieu, de ses charges familiales ou professionnelles, de ses moyens. Logique raisonnable, capacité d’atteindre, dans le cours des événements, une tranquillité d’âme relative, « égocentrique », qui peut tenir lieu de bonheur.
La femme, souvent, répugne instinctivement à calquer sa vie sur la réalité, et lutte contre les points fixes qui la jalonnent, même si de perpétuelles désillusions meurtrissent son cœur. Illogisme poussé à fond dans la recherche du possible dans l’impossible, souffrance perpétuelle qui parfois diffuse d’étranges mélopées !
Selon les psychologues, il n’y a là ni incohérence, ni manque de raison, mais différence entre la logique abstraite masculine et la logique concrète féminine. L’une repose sur la loi théorique des idées, la seconde sur l’imprévu pratique de l’existence. Ce déséquilibre apparent est permis par la Providence pour rétablir sur un autre plan la stabilité familiale compromise par les événements anormaux dont la vie de chacun de nos foyers est épinglée.
La sensibilité :
L’élan originel de la femme la porte spontanément vers autrui, vers l’homme « pour lequel, dit saint Paul, elle a été créée ». C’est sa tendance, son but.
« Par ce don vital, supérieur à tout don, la femme sait qu’elle vaut surtout par le cœur. Mais, en raison de sa constitution délicate, vibrante, les risques de sa sensibilité sont extrêmes, et c’est parce qu’elle éprouve, pour un rien, ce frémissement intense qui irradie le flux nerveux jusqu’aux ultimes ramifications de son organisme, qu’elle croit « trop » en son cœur1. »
La grande illusion des jeunes filles et des femmes est de tenir pour raisonnable cette passion de sentir à fond, cette erreur qui les livre cœur et âme à la faculté « d’éprouver », de faire du sentiment à tout propos, de confondre l’épanouissement du cœur avec ce culte exagéré de la sensibilité : sensualisme des émotions qui détourne peu à peu du véritable amour ! La maîtrise de ce sentiment est difficile, mais nécessaire, bien avant la puberté (surveillance des lectures, musiques, amitiés, travail de la volonté, etc). L’aiguillage de ce sentimentalisme requiert une force en dehors de sa nature (la raison), et comme base d’élan un idéal supérieur à celle-ci (la foi) : deux ailes capables de stabiliser en plein vol l’amour féminin. Ce déséquilibre apparent justifie son besoin de dévouement, de protection, de direction. Se dévouer, c’est-à-dire entourer l’élu, qu’il soit le mari ou l’enfant, de toutes les délicatesses de l’amour, de tout l’appui d’une tendresse indéfectible.
L’amour propre :
Chez l’homme, l’amour propre est souvent basé sur l’intérêt, il s’appelle ambition et vise le profit (puissance ou fortune). La femme dédaigne, en général, les privilèges qui ne visent que la domination, les honneurs, l’autorité ; elle désire être première dans l’estime des autres pour augmenter leur affection à son endroit. C’est la logique de sa dépendance passionnelle pour autrui : le jugement des autres prévaut sur la réalité. Cela se remarque dès l’enfance des petites filles, très facilement portées à « être sages » quand il s’agit de mériter un éloge. Ce travers, s’il n’est pas combattu par l’éducation et la grâce divine, est un frein moral puissant et source de graves défauts : se vanter à tout propos, se mettre en lumière, dénigrer le prochain, avoir recours au mensonge…
Le remède à cet amour propre est d’abord dans la formation familiale sérieuse des filles, qui les habitue à raisonner, et surtout dans l’éducation chrétienne qui leur fait rechercher la cause de leurs fautes. Il appartient aux hommes de ne pas se laisser prendre par la critique ou la médisance féminine. Leur silence éloquent arrêtera comme par magie les critiques. Qu’ils en usent sans crainte, et n’exploitent jamais la vanité des jeunes filles ou femmes avec lesquelles ils se trouvent.
L’expansion :
Dans un jardin public où sont groupés des bébés qui essayent leurs premiers pas ou premiers mots, il est facile de distinguer les fillettes des garçons, aux avances, aux gazouillis, aux caresses prodiguées par celles-là à ceux-ci, lesquels en demeurent comme étonnés et gênés ! Toute jeune, la petite fille manifeste ce besoin d’extériorisation. Quand les unes et les autres ont grandi, les petites sœurs racontent beaucoup plus volontiers que leurs frères les menus incidents. S’il s’agit d’écrire en famille, entre amies, les fillettes le font spontanément avec satisfaction, tandis que les garçons considèrent l’exercice comme un supplice. Ils n’ont rien à dire parce que chez eux le besoin d’expansion n’existe pas. Le raisonnement, aptitude originelle développée dans le cerveau masculin, apporte avec lui une certitude qui n’exige pas de contrôle ; l’intuition, l’émotion, instinctives à la femme, demeurent essentiellement vagues, il leur faut la communion intellectuelle avec d’autres êtres vivants. C’est l’abus de ce besoin qui est cause du bavardage excessif des jeunes filles et des femmes. Les écolières parlent entre elles en reproduisant, en se racontant les unes aux autres, les manières d’agir de leurs mères ou de leurs professeurs. Alors que les garçons jouent rarement aux jeux d’imitation, et ne convoitent des camarades que pour dépenser leurs forces musculaires ou partager des récréations mouvementées.
Le jeune homme, comme la jeune fille doivent se souvenir qu’ils sont des êtres complémentaires, convaincus que si le fond entre les deux sexes est commun, il y a entre eux, du fait de leurs caractéristiques et de leurs fonctions physiques, des différences morales considérables. Il a des déficiences qu’elle doit compenser, comme elle a des faiblesses qui appellent le soutien de l’homme. Il leur faut se connaître tels qu’ils sont, non pas pour se mépriser, se comparer, mais pour se comprendre, et en se comprenant s’attacher l’un à l’autre, être une aide réciproque et vraiment aimer.
Sophie de Lédinghen
1 Marie-Madeleine Defrance, Psychologie des filles pour l’instruction des garçons.