Qu’il est bon d’habiter ensemble !

Il y a des familles rayonnantes d’une joie vraie, unies en toutes circonstances, fortes d’un esprit commun, d’une touchante solidarité, et cela se voit au premier coup d’œil ! Est-ce donc possible ? Bien sûr que cela est possible, même si toute œuvre humaine n’est jamais parfaite, il suffit de le vouloir, de le décider et d’en prendre les moyens.

 

Vouloir un foyer chrétien uni 

Pour créer, maintenir ou renforcer l’unité familiale, il est tout d’abord nécessaire de croire que cette unité est possible, et se dire qu’elle ne pourra se faire sans notre volonté. Unis par les liens du sang, les membres d’une même famille sont également unis par l’union de vie surnaturelle : union de la grâce, de la foi, de la charité. « La grâce ne détruit pas la nature mais la perfectionne.» « La charité maintient les affections naturelles dans l’ordre en même temps qu’elle les élève, qu’elle les purifie, qu’elle les ennoblit et, en un mot, les surnaturalise1.» La charité entraîne ainsi l’homme à aimer toujours davantage les membres de sa famille pour leurs biens supérieurs que sont la vie éternelle, la grâce, les vertus. Toute la famille doit donc être également unie par le désir de progresser spirituellement.

 

Ce qui unit 

La prière : « Si la famille prie, elle vit, si elle prie unie elle vit unie.» (Pie XII) On ne recommandera jamais assez de dire la prière en famille. L’enfant qui aura vu son père, sa mère à genoux reproduira naturellement ce geste tout au long de sa vie. Prière du matin, du soir, examen de conscience, chapelet ainsi qu’une éducation spirituelle régulière donneront le sens de la présence habituelle de Dieu dans la petite âme. Le dimanche, toute la famille assistera regroupée à la messe, comme une petite Église domestique qu’elle est. On est plus fort lorsque l’on est ensemble, on prie mieux et on se tient bien en voyant Papa et Maman à côté.

 

– L’ambiance : si les parents sont eux-mêmes bien unis, se témoignant délicatement leur affection mutuelle, cela engendrera un climat de paix, de sérénité qui aura beaucoup de retentissement sur le climat général de la famille. Les enfants reproduiront entre eux, et envers leurs parents, des gestes affectueux ; se parleront comme ils entendent leurs parents se parler (ou leur parler) ; seront joyeux si l’ambiance y entraîne et qu’ils ont le cœur léger. Et s’il arrive que les parents aient besoin de s’expliquer, qu’ils le fassent sans éclats, et en dehors des enfants. Ou si encore un mouvement d’impatience ou un mot vif venait à fuser, que les parents s’en demandent pardon aussitôt.

 

L’atmosphère de la maison doit être joyeuse et chaleureuse. La joie n’est pas le plaisir, la facilité. Non, la joie chrétienne n’amollit pas, ne décourage pas, au contraire elle ranime l’énergie dont elle est le reflet, et s’accroît elle-même par le combat. La joie qu’il faut établir en famille est donc la joie de l’effort, la joie de la victoire, la joie du sacrifice. Ce sourire dans la générosité qui plaît tant à Dieu ! « La seule manière qui soit vraie, utile, chrétienne, de regarder cette terre de péché, c’est celle du vainqueur ; il faut racheter le monde avec joie2. »

 

– Tout ce qui ne se dit pas mais qui se vit comme une évidence : le respect de soi et celui des autres. La valeur morale des gestes comme celle du langage porteront l’enfant au respect ou à la grossièreté, à la délicatesse ou à la brutalité. Si le père de famille se laisse aller à des vulgarités, comme jurer au volant de sa voiture, inévitablement les jeunes enfants répèteront très spontanément ce qu’ils auront entendu ! Les parents veilleront sur leur propre langage, et ne se laisseront pas aller à des paroles ou à des expressions qui témoigneraient qu’ils ont perdu le contrôle d’eux-mêmes. Ils auront une autorité juste, ne critiqueront pas leur prochain, resteront bienveillants et sans rancune, pardonnant toujours même s’ils ont été péniblement offensés. À ce sujet, il y a des « affaires de grandes personnes » qui ne concernent en rien les enfants et que les parents doivent garder pour eux. Cela ramène plus vite une paix de l’esprit, puis le pardon, plutôt que de troubler toute la famille. « Toute vérité n’est pas toujours bonne à dire ! »

 

– Le règlement familial : « La liturgie de l’Église se compose d’un très riche ensemble de rites, réguliers et obligatoires. Elle compte sur la puissance de ces rites pour nous inspirer le respect et l’amour que nous devons avoir pour Dieu3.» Si donc on veut développer dans l’âme des enfants de bonnes habitudes tout empruntes de sentiments chrétiens, il faut qu’il y ait des règles, pour ainsi dire des « rites chrétiens » de la vie de famille, bien définis, et respectés par tous. Ces rites, pour être efficaces, seront stables et communs à tous les membres, car la famille a besoin d’homogénéité pour conserver la force de sa vitalité et de son caractère, pour calmer l’agitation de la vie et faire régner la paix. En rentrant chez soi, on les y trouvera et l’on se ressourcera. « La règle n’est pas un obstacle pour l’enfance. Elle est un besoin, elle est une nécessité4. »

 

Commençons par bannir les caprices, les plaintes, le mensonge, les gros mots, les portes qui claquent, au profit de la franchise, la bonne humeur, la confiance mutuelle, l’esprit de service… Ensuite, ne nous critiquons jamais entre nous. Protégeons notre intimité familiale en « réglant nos affaires » entre nous, et toujours chrétiennement ! Pensons surtout à voir notre prochain avec le regard de la foi plutôt que celui de la passion, en nous efforçant de bien vite pardonner, et du fond de notre cœur.

 

Les horaires et la régularité dans le rythme quotidien ou hebdomadaire sont un socle pour la fidélité aux petites, puis aux grandes choses.

Le milieu familial doit aussi avoir la « splendeur de l’ordre » (saint Augustin). Le désordre matériel entraîne en effet l’esprit à ne pas plus s’étonner du désordre des idées et de la conduite que du désordre de sa chambre. Le mot « désordre » lui-même est devenu synonyme de « dérèglement des mœurs ». Il faut donc exiger que, dans leur petit domaine, les enfants rangent eux-mêmes le fatras de livres, de jeux et de vêtements qui traînent dans leur chambre. Si l’on a eu cette exigence pour eux et que le reste de la maison est habituellement propre et ordonné, les petits s’imprègneront naturellement de ce goût de l’ordre et acquerront une qualité éminente : la maîtrise de soi.

Il est nécessaire que tous se sentent bien en famille. C’est à chacun d’y mettre du sien, d’y contribuer en une fusion des pensées, des sentiments et des vertus comme les flammes entremêlées d’un même feu consumant l’égoïsme, l’individualisme, les recherches de soi… Toutes ces duretés étouffent un véritable esprit de famille. C’est de tout cela que dépend le bonheur d’un foyer où il fait bon se retrouver le soir, et « habiter ensemble ».

 

   Sophie de Lédinghen