Roland de Roncevaux, neveu de l’Empereur Charlemagne, comte de la Marche de Bretagne, mort à Roncevaux le 15 août 778, est probablement l’un des héros médiévaux les plus connus. Associé aux campagnes militaires franques, il est devenu l’incarnation de l’idéal de chevalerie. Encore aujourd’hui, tous se souviennent de son épée Durandal, de son cor, ou de son amitié légendaire avec son frère d’arme, Olivier le sage. Le héros est passé dans l’histoire comme l’archétype du chevalier qui, non seulement bataille avec bravoure, mais surtout sait mourir avec héroïsme, sans avoir jamais failli à son idéal.
L’évènement historique à l’origine de la légende :
En 777, à la demande de son allié Sulayman, gouverneur musulman de Saragosse, Charlemagne marche sur l’Espagne avec ses armées pour affronter les Maures et mettre un terme à l’expansion de l’Empire d’Al-Andalous. Mais, à son arrivée, Sulayman, ayant été renversé, il trouve Saragosse portes closes. Mécontent, il met à sac Pampelune, ville navarraise dont il rase les murailles. Au terme d’une campagne militaire mitigée, il repart avec ses troupes pour Aix-la-Chapelle, sa capitale. Mais, alors que l’armée passe les Pyrénées, l’arrière-garde, composée d’une grande partie des dignitaires de la cour, tombe dans une embuscade au col de Roncevaux. En représailles du sac de Pampelune, les Vascons, opposés aux Francs pour le contrôle de l’Aquitaine, attaquent les armées de Charlemagne et récupèrent le butin.
Ce qui devait être un retour triomphant se transforme en désastre. Charlemagne perd tragiquement ses plus précieux chevaliers et un nombre considérable de dignitaires de sa cour, dont son propre neveu, Roland. Initialement c’est donc le silence et la honte qui entourent l’épisode. Les Annales des Francs, qui ne tarissent pas d’éloges sur la glorieuse expédition d’Espagne, omettent de le signaler. La Vita Caroli, biographie de l’Empereur, n’en parle que très succinctement. Absent des textes, l’évènement reste pourtant gravé dans les mémoires. C’est ainsi que la Vie de Louis le Pieux, fils et successeur de Charlemagne, rapportera l’évènement par écrit sans préciser les noms des dignitaires disparus « car tous connaissent leurs noms ». Cela ne fait aucun doute, l’embuscade du col de Roncevaux hante les mémoires.
La geste de Roland :
Ce n’est que bien plus tard, au tournant des XIe-XIIe siècles, que la légende du chevalier Roland et de ses frères d’armes est mise par écrit. Et ce n’est pas dans une chronique historique, mais dans une chanson de geste, genre littéraire très prisé à l’époque. Face aux nouveaux périls militaires, la mort tragique du chevalier franc devient glorieuse, épique, pleine d’héroïsme. Dans le contexte de la croisade, l’ennemi n’est plus basque mais sarrazin. Chacun veut alors marcher dans les pas de Charlemagne et poursuivre ce qu’il avait entrepris. L’itinéraire du pèlerinage de Compostelle est lui-même ponctué d’étapes rappelant les exploits militaires des guerriers francs de Charlemagne, notamment la Basilique Saint-Romain de Blaye où Roland aurait été enterré.
Roland devient l’idéal du chevalier chrétien. La trahison dont il est victime, celle de Ganelon, contraste avec sa fidélité envers ses frères d’armes, notamment son ami Olivier, dont il est fiancé à la sœur, Aude. Par sa sagesse, Olivier tempère la témérité de Roland. Paré de toutes les vertus du preux, Roland est tellement populaire que le chevalier, pourtant défait, se retrouve de temps à autres sculpté sur la façade des églises. C’est le cas notamment d’un linteau de la façade de la cathédrale d’Angoulême, où Roland affronte le roi Marsile, qui après avoir été vaincu se réfugie à Saragosse.
La légende :
Les exploits relatés dans la chanson trouvent un écho dans certains objets, hissés au rang de reliques, en dépit des doutes entourant leur appartenance au chevalier légendaire. Son cor notamment, qui avertit Charlemagne du péril, est revendiqué en plusieurs endroits : il serait conservé dans le trésor de la Basilique Saint-Sernin de Toulouse ou bien à Compostelle. En réalité, il semblerait que certains oliphants fabriqués par la suite aient été dits « de Roland » pour perpétuer sa mémoire et faire raisonner son appel par-delà les montagnes et par-delà le temps.
Son épée Durandal, contenant une dent de saint Pierre, lui est remise par Charlemagne, qui lui-même la reçoit de saint Michel. Pour ne pas qu’elle tombe aux mains des infidèles, Roland blessé à mort essaie d’abord de la briser contre un rocher. Mais c’est le rocher qui se brise ! Il se résigne alors à s’allonger dessus pour que nul sarrazin ne s’en empare. Certains préfèrent dire qu’il s’en remet à l’archange saint Michel et que, l’ayant lancée aussi fort qu’il le put, elle serait miraculeusement venue se planter dans le roc de Rocamadour, à des milliers de kilomètres de Roncevaux. Cette épée est toujours là, rouillée mais bien fixée dans le roc, à quelques mètres de hauteur au-dessus de la chapelle Notre-Dame.
Conclusion :
Roland, par-delà l’histoire et la légende, c’est donc ce héros franc, incarnation de l’homme d’arme tombé vaillamment au combat, qu’après avoir pleuré, beaucoup aspirent à imiter. Pendant toute l’époque médiévale, il inspira les armées françaises. On dit qu’à la bataille de Hastings en 1066, un soldat de Guillaume le Conquérant aurait entonné ce poème lors de la bataille qui l’opposait à Harold. D’autres rapportent que le roi Jean II le Bon, prisonnier des Anglais, soupirait qu’il était inutile de chanter encore Roland puisqu’il n’y en avait plus. Ce à quoi on lui répondit non sans raison qu’il y aurait encore des Roland s’il y avait encore un Charlemagne.
Une médiéviste