La Vierge a toujours occupé une place à part dans l’art religieux. Qu’il s’agisse de relater les principaux épisodes de sa vie, d’exalter ses vertus, ou d’honorer ses apparitions, rien n’est jamais trop beau pour rendre gloire à notre Mère du Ciel. Parmi les thématiques mariales méconnues, se trouve notamment l’illustration des litanies de la Sainte Vierge.
Les litanies de la Vierge
Les premières litanies de la Vierge seraient apparues au XIIe siècle à Lorette, en Dalmatie, sur les bords de la mer Adriatique, où la tradition rapporte que la maison de la Vierge, celle de Nazareth, où l’ange Gabriel lui était apparue, aurait été rapportée par les Croisés en 1291, ou miraculeusement transportée par des anges. C’est en ce sanctuaire de Lorette que se répand d’abord la pratique des litanies mariales. A l’origine il s’agissait de simples invocations telles que « Sancta Maria », « Ave Domina », suivies du traditionnel « Ora pro nobis ». Progressivement les litanies s’étofferont, augmentant sans cesse les titres et vertus attribués à la Vierge, au point qu’une multitude de variantes voient le jour. La version définitive, celle que nous connaissons aujourd’hui, est fixée au XVIe siècle. Sixte V accorde une indulgence à qui les récite en 1587, puis Clément VIII en 1601 unifie les pratiques en fixant la liste officielle.
Sa mise en image
Du fait de leur fixation tardive, leur représentation ne remonte pas avant le XVIe siècle. Quelques gravures en présentent une liste complète associée d’une illustration. Dans chaque case, la Vierge est, soit remplacée par un symbole comme la Turris eburnea (tour d’ivoire) ou Stella matutina (étoile du matin), soit représentée avec un attribut spécifiant la vertu mise en avant. Ainsi la Mère du Sauveur (Mater Salvatoris) tient son fils arborant la Croix dans ses bras, ou la Vierge prudente (Virgo prudens) est munie d’une lampe allumée à la manière des vierges sages.
Plus régulièrement, c’est la Vierge des litanies qui remplace l’illustration des litanies elles-mêmes. Celles-ci sont alors réduites au nombre des métaphores héritées de l’Ancien Testament mettant en avant les principales vertus de la Vierge : Puits d’eau vive, Tour de David, Tige de Jessé fleurie, Miroir sans tâche, Cité de Dieu, Comme le lis entre les épines, etc… Sur un retable de Bayeux, ou dans certains manuscrits, la Vierge apparaît ainsi au centre d’un halo lumineux, entourée de différents symboles, la plupart étant identifiés par un phylactère. On y retrouve la rose mystique, la porte des cieux, l’échelle du salut, etc…
La célébration de l’Immaculée Conception
Sur certaines représentations, la Vierge centrale est toutefois remplacée par sainte Anne, sa mère, tenant sa fille et l’Enfant-Jésus entre ses bras. C’est le cas notamment dans un livre d’heures conservé à Beauvais. L’ajout de sainte Anne aux litanies s’explique par la volonté de mettre en avant sa pureté dès sa conception, son caractère immaculé dès avant sa naissance. Cette exaltation du caractère immaculé de la Vierge prend un autre tournant au XIXe siècle, à la faveur de la proclamation du dogme de l’Immaculée Conception. En 1883, le Regina sine labe concepta devient même le Regina sine labe originali concepta. Les litanies elles-mêmes proclament de manière plus nette le dogme. Le XIXe siècle, si prompt à la proclamer immaculée, ne manquera pas d’orner églises et chapelles de ses armes en ajoutant ses litanies sur les vitraux ou sur les peintures dans l’intrados d’une arcade. Peu d’églises du XIXe siècle semblent avoir échappé au phénomène.
Conclusion
Depuis, la liste des litanies s’est encore allongée. En 1883, l’invocation Reine du Très Saint Rosaire est ajoutée aux litanies, puis en 1903, c’est au tour de la Mère du Bon Conseil. En pleine guerre, en 1917, elle devient Reine de la Paix avant d’être proclamée Regina in caelum assumpta (Reine montée aux Cieux) en 1950.
Une médiéviste