Qui peut dire aujourd’hui, sans s’étouffer, que la France est un beau pays ? Que la France de Péguy « mon pays, ma mère, toujours fidèle à sa promesse », suscite toujours notre admiration ?
La question invite à une réflexion sur notre amour de la France et particulièrement sur l’enthousiasme que pourrait encore allumer en nous une France tellement défigurée.
A l’évidence le constat est cruel pour la « fille aînée de l’Eglise » : apostasie généralisée, laïcisme revendiqué, constitutionnalisation de l’avortement, lois sociales immorales, politiques dégénérées, système éducatif pervers, art décadent, mœurs dépravées, économie en ruine, désindustrialisation, agriculture à l’abandon, santé en déliquescence… La description ne mérite pas d’être poursuivie, elle ressemble à un cauchemar qui ne mérite pas qu’on s’y attarde, nous le connaissons tous.
Peut-on aimer la France ? Peut-on encore aimer la France aujourd’hui ? Peut-on s’enthousiasmer pour la France ?
Certes, on peut rabâcher les trop célèbres banalités qui pourtant sont bien réelles et qui assurent à notre pays une renommée si méritée : « Tu dois aimer la France, parce que la nature l’a faite belle et parce que l’histoire l’a faite grande » disait Ernest Lavisse2.
Ainsi, de sa littérature et de sa langue : faut-il que nous soyons menacés de la perdre comme le petit Frantz de Daudet pour comprendre son élégance, sa précision et sa mélodie ? La diversité des paysages et des côtes spectaculaires, une architecture infiniment variée depuis l’humble chapelle jusqu’à la majestueuse cathédrale dont l’embrasement fit si peur au monde entier. La rude forteresse du moyen-âge qui tranche avec le distingué château de la Loire, ou encore ses traditions, sa gastronomie, ses vins…
Tout cela est bon et vrai. Assurément, peu de pays allient une géographie, une culture et une histoire aussi équilibrées et aussi généreuses que le nôtre. Ne méprisons pas ces harmonies, elles sont une œuvre qui a été préservée au prix de tant de sacrifices, de larmes et de gloire qu’elle mérite l’admiration et les égards de ses enfants reconnaissants. Malheur aux ingrats !
Cependant, notre enthousiasme n’est-il pas cimenté par l’arrimage irréversible de la France à son vrai Roi comme un navire sur son ancre ? Ainsi parle Gustave Thibon: « Une des constances de l’histoire de France, c’est que sa vitalité et sa grandeur ont toujours été intiment liées à sa fidélité au Christ3 ».
Avant les devoirs envers la nature et la terre des pères, s’impose la fidélité au Dieu rédempteur. La France Lui est indéfectiblement liée par son baptême, par ses saints et par la foi de son peuple.
Il y a quelques années, un ancien ministre de l’intérieur se permettait de fanfaronner: « Il y a un moment où l’Etat doit s’imposer et dire que la loi est au-dessus de la foi4 ».
Qui pourrait, qui oserait rester froidement et négligemment détaché devant de telles menaces faites à la France et à ses enfants ? Tout au contraire, l’enthousiasme – au sens propre : inspiration par Dieu – est stimulé, attisé et comme dynamisé par la provocation. La fidélité et la ferveur des enfants de France répondent par la voix du poète: « Tous les prosternements du monde ne valent pas le bel agenouillement droit d’un homme libre. Toutes les soumissions, tous les accablements du monde ne valent pas une belle prière, bien droite agenouillée, de ces hommes libres-là 5».
Mais laissons à saint Pie X le soin d’illuminer notre enthousiasme et notre espérance :
« Un jour viendra, et Nous espérons qu’il n’est pas très éloigné, où la France, comme Saül sur le chemin de Damas, sera enveloppée d’une lumière céleste et entendra une voix qui lui répétera : « Ma fille, pourquoi me persécutes-tu ? » Et sur sa réponse : « Qui es-tu, Seigneur ? », la voix répliquera : « Je suis Jésus que tu persécutes. Il t’est dur de regimber contre l’aiguillon, parce que, dans ton obstination, tu te ruines toi-même. » Et elle, tremblante et étonnée, dira : « Seigneur, que voulez-vous que je fasse ? » Et Lui : « Lève-toi, lave tes souillures qui t’ont défigurée, réveille dans ton sein tes sentiments assoupis et le pacte de notre alliance, et va, Fille aînée de l’Eglise, nation prédestinée, vase d’élection, va porter, comme par le passé, mon nom devant tous les peuples et tous les rois de la terre. » Ainsi soit-il ! 6»
Bizerbouec
1 Espérant contre toute espérance (Saint Paul, Romains, 4,18.)
2 Lavisse, Histoire de France, cours moyen 1e et 2e années.
3 G. Thibon, Propos d’avant-hier pour après-demain.
4 G. Darmanin : Interview sur CNEWS à propos du projet de loi contre le séparatisme (Fev.2021)
5 C. Péguy, Le mystère des saints innocents.
6 Saint Pie X : Fin de l’allocution consistoriale du 29 novembre 1911.