La tradition veut que la basilique Saint-Pierre ait été construite sur la tombe du premier pape, mais qu’en était-il réellement ? En 1939, le pape Pie XII, pour répondre à la volonté testamentaire de son prédécesseur, Pie XI, souhaitant être enterré au plus près de saint Pierre, entreprend des fouilles archéologiques sous la basilique. Les fouilles débutent en 1939, et en 1952, Pie XII déclare solennellement que Pierre est là. Cette entreprise se transforme en un véritable retour aux origines de Rome.
Les fouilles de Saint-Pierre de Rome
Aujourd’hui figée dans l’âge baroque, Rome a connu d’autres visages. Avant la basilique Saint-Pierre, se tenait la basilique constantinienne, déjà sous le vocable de Saint-Pierre, mais érigée sous Constantin, à l’emplacement du cirque de Néron, où d’après la tradition saint Pierre fut crucifié la tête en bas. C’est à cet emplacement également qu’il fut inhumé et où sa tombe fut découverte. Sur le sol est inscrit un très simple AT PETRVM, dépouillé de tout adjectif, sans aucun honneur humain. Pas de sanctus, pas de beatus, pas même d’episcopus, seulement le nom reçu du Christ lui-même par celui qui était appelé à être la première pierre de son église. Aujourd’hui son tombeau est la première fondation de la basilique qui porte son nom. Les fouilles initiées par Pie XII ont démontré que l’actuel autel baroque, réalisé par Le Bernin au XVIe siècle, était érigé au centimètre près dans l’axe de la tombe de saint Pierre.
En 1941, une boîte renfermant des ossements enveloppés dans un tissu pourpre cousu de fil d’or est également retrouvée près de la tombe, dans une niche, à proximité d’un mur rouge érigé sous Constantin. D’abord mise de côté, il faut attendre une deuxième campagne de fouilles, entre 1952 et 1958, pour que soit découverte l’inscription grecque « Pierre est ici » à l’emplacement originel de la boîte. Après quelques analyses, les ossements se révèlent être ceux d’un homme de constitution robuste, ayant vécu au Ie siècle, d’un âge avancé et souffrant d’arthrose, maladie courante chez les pêcheurs. En 1968, Paul VI déclare qu’il s’agit bien des reliques de saint Pierre et les fait replacer près de la tombe.
Saint Pierre était donc là, bien qu’invisible depuis des siècles. D’un point de vue historique, cela n’a rien d’étonnant. Dans l’Empire romain, interdiction formelle était faite de déplacer un corps, sous peine de mort. Les premiers chrétiens ont donc tout simplement construit leurs premières basiliques au-dessus des tombes des martyrs, eux-mêmes parfois inhumés sur les lieux de leur martyre. C’est la raison pour laquelle une basilique se dresse au-dessus de la plupart des catacombes de Rome.
Les catacombes
Souvent décrites à tort dans les romans comme le refuge des premiers chrétiens pour échapper aux persécutions, les catacombes n’avaient en réalité rien de secret. Les autorités romaines connaissaient parfaitement leur emplacement, personne n’y était donc à l’abri. Par ailleurs, les lieux de culte chrétiens étaient connus. Les nobles romains convertis, telle la famille des CAECILIUS, accueillaient les cérémonies dans leur propre maison. Ils étaient considérés par les autorités romaines comme responsables de tout ce qui advenait lors des cérémonies. Par la suite, leur nom sera parfois associé aux premières basiliques chrétiennes, érigées à l’emplacement de leurs demeures.
Les catacombes sont en réalité des cimetières souterrains qui n’avaient pas vocation à accueillir des cérémonies, excepté les prières pour les morts comme cela se fait encore dans nos cimetières. Chacun venait y ensevelir ses défunts et se recueillir sur leurs tombes. Même si beaucoup de chrétiens des premiers temps y sont enterrés, elles n’ont a priori aucun lien direct avec les persécutions. Il en existait également pour les juifs, tandis que les plus anciennes furent creusées pour des païens. Les chrétiens se distinguaient toutefois de leurs contemporains par la pratique de l’inhumation, et non de la crémation, raison pour laquelle la plupart des tombes sont celles de chrétiens.
Enfin, la loi romaine exigeait d’être enseveli en dehors des murs de la ville, pour des questions d’hygiène, ce qui explique leur localisation en périphérie, hors les murs. Beaucoup de chrétiens formulaient le souhait d’y être inhumés pour reposer ad sanctos, au plus près des martyrs. Un cimetière existait donc en surface et, pour rentabiliser l’espace, on creusait le sol pour y installer le plus de tombes possibles.
Le premier art chrétien
C’est dans les catacombes qu’émerge le premier art chrétien, qui est donc initialement un art funéraire. Le long des galeries sont creusées des niches rectangulaires, les loculi, où les corps étaient déposés. Ces niches étaient recouvertes par une plaque de marbre, de terre cuite ou de bois sur laquelle étaient gravés les noms des défunts accompagnés parfois du chrisme, du signe du poisson, de l’encre, d’une colombe ou d’autres motifs évoquant sa foi ou sa vie. Les galeries mènent également à des cubicula, chambres funéraires réservées aux plus aisés et faisant office de caveau familial. Certaines niches, nommées arcosolium, sont des tombeaux plus vastes et plus soignés qui pouvaient être peints.
Parmi les scènes peintes les plus connues des catacombes on pense évidemment au bon pasteur ou à des thématiques liées à la mort comme la résurrection de Lazare. En réalité tout un répertoire iconographique se développe progressivement car il s’agit d’affirmer la foi chrétienne, qui est une foi en la Résurrection. On retrouve donc l’arche de Noé, Jonas avalé par le poisson, le sacrifice d’Isaac mais aussi la Cène, l’Adoration des Mages, le baptême du Christ ou encore la Traditio Legis et Clavium, transmission des clefs à saint Pierre par le Christ lui-même. Ancien et Nouveau Testament, et parfois même vies des saints, sont représentés sur les murs des Catacombes dès les IVe-Ve siècles.
Seule la Crucifixion est la grande absente. Le supplice du Christ, particulièrement humiliant, était réservé aux pires des scélérats. Il était très difficile pour les premiers chrétiens de le représenter ainsi. Aussi il faudra attendre un certain temps pour qu’apparaissent des représentations de la Croix. Dans les catacombes, le Christ est évoqué soit par le Chrisme (Superposition du Chi et du Rho, les deux premières lettres grecques de Christos), soit par le signe du poisson (Ichthus en grec, acronyme pour dire « Jésus Christ fils de Dieu Sauveur »)
Conclusion
Par la suite, les catacombes et la basilique Saint-Pierre deviennent des lieux de pèlerinages. Les chrétiens médiévaux venaient y rendre hommage aux martyrs des premiers siècles comme en attestent encore les monnaies de différentes époques et différents pays, retrouvées près de la tombe de saint Pierre, ou certains graffitis. Parmi ceux-ci on trouve de nombreuses invocations adressées aux saints Pierre et Paul en grec ou en latin, laissées dans la Memoria Apostolica dans les catacombes de Saint-Sébastien. À l’époque, à Rome comme dans la plupart des lieux de pèlerinages, l’usage était de laisser quelque chose, un présent ou un graffiti pour laisser une trace de son passage. Ces ex-voto d’un autre temps nous rappellent aujourd’hui l’histoire millénaire de Rome.
Une médiéviste