Nos parents dans la vieillesse et la maladie

Nos père et mère sont ceux qui nous ont transmis la vie. C’est d’eux que Dieu s’est servi pour nous donner une âme et une intelligence, et nous leur devons la vie de la grâce par les sacrements, l’instruction de la religion et l’éducation de la vraie vie chrétienne.

L’honneur et les égards que nous témoignons à nos père et mère procèdent de l’amour que nous avons pour eux, c’est-à-dire un sentiment sincère et profond de l’âme. Nous les honorons lorsque nous prions pour eux et que nous mettons tout en œuvre pour qu’ils soient aimés de Dieu.

Aimer nos parents d’un amour de charité

Durant notre enfance, nos parents nous ont appris à les respecter, à leur obéir, exactement selon le modèle de l’amour de tout baptisé pour Dieu le Père. Cela nous est devenu naturel, même si notre pauvre nature humaine se cabre parfois, nous aimons nos parents et leur obéissons. Aimer celui qui nous aime est facile.

Parlons plus précisément de nos parents vieillissants, que nos yeux d’adultes découvrent sous un jour plus réaliste qu’au temps de l’enfance, avec leurs qualités, mais aussi quelques défauts de caractère ou de mauvaises habitudes acquises avec le temps. Qui peut se vanter d’être parfait ? N’ai-je pas, moi-même, un certain poids d’imperfections à tirer quotidiennement ? Mais Dieu commande que l’on aime en toute circonstance. Il y a une différence entre l’amour qui est un acte de la nature, et la charité qui est le fait de la grâce. Or ce n’est pas le simple amour que nous commande la loi évangélique, mais l’amour de charité. Et ce n’est que l’amour de charité qui nous mène vers notre fin dernière ; nous pouvons, si nous le voulons, aimer tous les hommes de cet amour qui provient de la nature, mais nous n’en retirerions aucun avantage pour la vie éternelle.

Pour pratiquer l’amour de charité, il nous faut discerner l’homme de ses défauts, aimer l’homme et détester le péché qui est en lui, un peu comme le médecin aime le malade et hait la maladie. L’amour de charité nous demande d’aimer l’autre comme Dieu l’aime.

Grâce à Dieu, nous gardons cet attachement de l’amour naturel pour nos parents, mais avons à enrichir cet amour en les entourant de toute notre affection, de tous nos soins, sans perdre de vue leur bien supérieur en toute chose, à savoir le bonheur du Ciel.

Nos devoirs d’enfants adultes, vis-à-vis de nos parents âgés, sont à la fois affectifs, matériels et spirituels.

Devoirs affectifs 

Où qu’ils soient, nos parents auront besoin d’être visités, entourés très régulièrement, et cela d’autant plus s’il ne reste qu’un seul parent. Vieillir n’est pas toujours chose simple, ni pour nos parents qui perdent peu à peu leurs forces, ni pour nous qui devons composer entre leurs sautes d’humeur et leur entêtement. Parfois nos parents sont mieux enclins à écouter d’autres que leurs propres enfants. Il nous faut alors avoir recours à un peu d’humour, de gentilles taquineries pour désamorcer les tensions, dédramatiser une situation, sans se moquer ni minimiser leurs inquiétudes.

L’âge et la maladie accentuent souvent les traits de personnalité de manière désagréable. Par exemple, une personne irritable se mettra facilement en colère, tandis qu’une personne impatiente deviendra autoritaire et impossible à satisfaire. Malheureusement, les principales victimes des personnes âgées sont leurs proches.

Essayons alors d’identifier la cause de leur agacement : douleurs chroniques, pertes d’amis, troubles de la mémoire… Tâchons de ne pas prendre la colère personnellement, de voir le côté positif des choses tout en prenant du recul sur l’aspect négatif. Prenons quelques instants pour nous aérer, ou pour nous défouler en faisant quelque chose d’autre. Parfois les parents s’en prennent à l’enfant adulte qui leur témoigne le plus de douceur, car ils se sentent en sécurité pour le faire. Ils ne maltraitent pas leur fils ou leur fille, mais expriment plutôt leur frustration en s’en prenant à eux. Essayons alors de leur expliquer gentiment la peine que cela nous fait, et éloignons-nous de la situation pour faire comprendre que certains comportements ne sont pas  acceptables. Souvent, il est efficace de pratiquer la vertu opposée au défaut : colère/douceur, paresse/courage, tristesse/joie.

Devoirs matériels 

Tant que notre parent peut rester seul chez lui, nous veillerons à ses différents besoins matériels (aspects pratiques du logement et des objets, confort, ménage, courses, soutien financier, administratif, rendez-vous médicaux, transport…). Le mieux est, sans aucun doute, de le laisser le plus longtemps possible dans son cadre habituel, avec ses affaires personnelles et ses repères. Mais viendra bien assez vite le manque d’autonomie.

S’il ne peut plus rester seul chez lui, il faudra l’aider à envisager d’autres solutions qui pourraient lui convenir autant qu’au reste de la famille (accueil chez l’un de ses enfants, maison de retraite, hospitalisation…), en s’organisant pour qu’il y ait des visites familiales régulières et pas trop fatigantes, car se sentir entouré des siens est surtout ce qu’il reste comme joie pour le parent âgé.

Devoir spirituel 

La plus grande des charités est, autant que cela nous est possible, le salut de l’âme de nos parents en leur offrant les meilleures conditions en vue d’atteindre leur salut éternel. L’amour du prochain doit toujours avoir pour motif l’amour de Dieu. La joie, la générosité et la paix sont trois moyens pour préparer les âmes.

La bonne humeur est source de joie profonde. Mais la bonne entente est difficile s’il n’y a pas quelqu’un qui répande ou entretienne un climat de bonne humeur, particulièrement quand surviennent les frictions. Il semble que la joie touche l’âme et la prédispose mieux à se tourner vers Dieu. Commençons donc par sourire, par donner nous-mêmes de notre joie chrétienne pour élever l’âme de nos parents âgés, car la joie est contagieuse ! Dans l’épreuve de la maladie ou de la vieillesse, donnons-leur la joie courageuse de l’acceptation dans l’offrande. « Ce que veut l’homme, ce n’est pas une attention vague ; c’est un amour qui le renouvelle1. »

La générosité dont l’effort essentiel est de sortir de soi pour être aux autres. Il y a un arrachement à faire de tout ce qui, dans notre vie, peut nous replier sur nous-même. Donnons donc cet exemple du don de nous-même, sans compter nos heures, pour redresser ou maintenir cette âme qui, bientôt peut-être, se présentera au Tribunal divin ; conduisons-la au prêtre pour une confession régulière, une extrême onction qui redonne force et courage à l’âme autant qu’au corps (même sans être à l’article de la mort). Disons notre chapelet ensemble, ou faisons de temps à autre une petite lecture simple qui stimulera des élans du cœur. « La générosité chrétienne, appuyée sur la vertu de force et s’épanouissant dans la charité, nous porte, dans les grandes et petites circonstances, à rechercher sans éclat, sans retour sur nous-même, avec ardeur et persévérance, le bien et le bonheur des autres2. »  

« La générosité est l’inspiratrice de la délicatesse, des égards et prévenances. Elle est génératrice de confiance, de joie. Rien de grand, ni de fécond ne se réalise sans elle1. »

La paix que l’on surnomme « porte du Ciel » !

Aidons nos parents à gagner cette paix qui apporte la sérénité aux âmes saintes. Il nous faut tout mettre en œuvre pour que leur âme soit dans les meilleures dispositions possibles au moment de paraître devant Dieu. Que tout soit non seulement en ordre par le sacrement de pénitence et une contrition aussi parfaite que possible (et cela se prépare doucement, sérieusement, avant la venue du prêtre), mais aussi par le pardon. Comment pourrait entrer au ciel une âme qui n’a pas pardonné, qui n’a pas fait la paix avec ses semblables ? Il faut absolument encourager nos parents à pardonner tout grief, toute injustice ou insulte, qu’ils en soient auteurs ou victimes. On pourra proposer une visite ou un appel téléphonique pour encourager à un pardon mutuel sincère et définitif, tout parti s’en sortira bien soulagé ! Disposons-les enfin avec douceur à sacrifier à l’amour de Dieu leurs attaches, leurs défauts de caractère, leur amour propre et toutes leurs passions passées.

Et nous, encore loin du grand âge, quels vieux parents serons-nous pour nos enfants ou notre entourage ?

La vie conjugale a, pour nous, époux catholiques, le grand avantage d’avoir à travailler quotidiennement les vertus chrétiennes. Pour l’amour de Dieu, et l’un pour l’autre, nous combattons pour désherber nos défauts, éradiquer nos germes de vices afin de plaire à Dieu en favorisant l’humilité, la patience, le respect, nous rendant plus agréables l’un à l’autre. Nous essayons, chaque jour, de travailler sur nous-mêmes pour progresser ensemble, avec certes quelques chutes régulières, mais, nous encourageant l’un l’autre, nous nous relevons inlassablement pour avancer encore.

Autre chose qui nous motive aussi, c’est l’exemple que nous donnons à nos enfants. Évitons de râler, de critiquer notre prochain. Tâchons de traiter les autres comme nous aimerions qu’ils nous traitent, faisons preuve de discrétion, d’humilité ou de courage persévérant selon les situations. Prions ensemble, acceptons la volonté de la Providence avec patience et résignation… Le Bon Dieu ne nous demande rien d’impossible, acceptons de voir vieillir nos parents en leur apportant tout ce que nous pouvons jusqu’au bout de leur vie terrestre, et travaillons à être des vieillards les moins pénibles possible pour le bien supérieur de tous.

A notre fin sur terre, du haut du Ciel, nos parents sauront nous encourager dans les difficultés, et nous remercier de toute l’affection et des attentions dont nous les aurons honorés.

Sophie de Lédinghen

 

1 Etienne du Bus de Warnaffe

2 M. Migneaux – Pour faire de nos garçons des hommes de caractère