Pour les fils et les filles d’Adam, honorer son père et sa mère ne va certainement pas de soi. C’est pourquoi Dieu a jugé que nous avions besoin d’un commandement sur ce sujet. Avec la vie, en effet, nos parents nous ont transmis ce goût pour l’indocilité, qui poussa Adam et Eve au premier péché contre Lui. Ayant Lui-même éprouvé l’ingratitude de ses créatures à son égard, Il se devait de prémunir contre ce péché des autorités souveraines que sont père et mère, lequel se manifeste en chacun dès l’enfance. D’autant plus que cette tendance à ne pas les honorer, l’enfant la reçoit ipso facto de ses propres parents qui sont eux-mêmes soumis au péché, alors qu’Adam et Ève naquirent du Père Céleste parfait.
Enfants, honorez vos parents
Il y a donc quelque chose de vital pour l’espèce en cette nécessité de transmettre, de génération en génération, en même temps que la vie, cette vertu d’obéissance que produit chez l’enfant le fait d’honorer son père et sa mère. Il s’agit en effet de contrevenir à l’un des fruits les plus amers de la nature blessée de l’homme. Pour mesurer ce que coûta au Fils Rédempteur la réparation d’une telle faute, il suffit de songer à cette parole décisive de saint Paul aux Hébreux [5 :8–9], que rappelle bien à propos le nocturne du Vendredi Saint, que tout Fils de Dieu qu’il est, le Christ « a dû apprendre ce que c’est qu’obéir par ses propres souffrances ». Il fallait cela pour qu’au terme de sa vie, il devînt, pour tous ceux qui lui obéissent, cause de salut éternel, Dieu l’ayant institué grand prêtre selon l’ordre de Melchisédech.
Ce respect des parents constitue une loi morale naturelle, respectée dans toutes les cultures païennes, et l’on voit partout que les crimes les plus abominables sont ceux du parricide et du matricide. L’enfant doit donc honorer ses parents pour que la Loi de Dieu soit transmise de génération en génération, et que l’espèce survive à toutes les tribulations. Cependant, pour les catholiques, cette nécessité de respecter ce quatrième commandement se double d’un autre effet : l’enfant doit honorer ses parents pour que soit transmise la possibilité du salut de chacun, fruit de la Croix, de génération en génération.
On comprend dès lors pourquoi Satan, assassin des âmes depuis le commencement, a toujours poussé les hommes à l’enfreindre, en jouant sur toutes les cordes à sa disposition. Puisque par le péché originel, tout enfant découvre en lui une tendance spontanée à résister à l’obéissance et au respect qu’il doit à ses parents, ce commandement implique et sous-entend un devoir d’éducation de leur part, comme de la part de toute personne détentrice d’autorité dans la cité. Ainsi, comme il y a de mauvais enfants, il y a de mauvais parents. Comment, dès lors, un enfant qui perçoit que ses parents sont ouvertement pécheurs peut-il les honorer ? Un premier risque est alors que l’enfant honore le péché de ses parents en croyant les honorer eux-mêmes, et ainsi se perde à son tour, par la simple raison de son imitation. Un deuxième risque est que, confondant ses parents avec le péché qu’il les voit commettre, il cesse, pour de bon, de les honorer eux.
Parents, honorez vos enfants
La plus grande partie des scenarii proposés par la littérature occidentale se situe dans le sillage de l’un ou l’autre risque. Tant que les nations ont été gouvernées par des chefs catholiques agissant sous l’autorité morale de l’Église, le mal était endigué, en amont, par des lois favorisant la famille, la natalité, l’instruction morale et civique ; en aval, par nombre d’institutions religieuses dont les orphelinats, les foyers d’accueil et des œuvres miséricordieuses de toutes sortes. Mais depuis que les gouvernements obéissent à d’autres maîtres, dont la visée est la fin du règne du Christ sur les sociétés, tout ce qui protégeait la structure familiale classique a été remis en cause : toutes les religions ont été mises sur le même plan, l’autorité des pères de famille a été contestée, le rôle des femmes redéfini, le divorce, l’union libre et la libération des mœurs encouragés, l’individualisme ainsi que le consumérisme plébiscités, et, partout, on a assisté à la naissance de familles dites recomposées, ainsi qu’au triomphe des entreprises dites « de déconstruction ». Un certain nombre de lois iniques, contrevenant directement ou indirectement à chaque commandement de Dieu, ont été votées ou sont en cours de l’être, sous des prétextes libertaires fallacieux, comme le droit à l’avortement ou celui à l’euthanasie. D’autres l’ont été, au prétexte de l’égalité, qui ont fait voler en éclat la légitimité de l’autorité et de la verticalité dans bien des domaines. Egalité des sexes, égalité des âges, égalité des genres et des conditions, égalité des droits… Ajoutons à cela l’idolâtrie du progrès, qui a permis la redéfinition de l’éthique au profit de la recherche scientifique sur la philosophie et la morale, ce qui justifia des recherches aussi contestables que celles sur les embryons, à des fins expérimentales, libérales ou commerciales, et permis la GPA et la PMA.
Suivre ce quatrième commandement était déjà compliqué pour des enfants abandonnés, ou bien confrontés à des parents alcooliques, drogués, divorcés, pervers, abusifs, voire incestueux… Mais quel romancier saura aujourd’hui traduire le désarroi d’un enfant élevé par « deux mères » ou bien par « deux pères », face à ce commandement ? Ajoutons à cela la sexualisation des programmes scolaires, l’accès facilité à la pornographie ou à l’ultra violence et au terrorisme sur le web…
Les hommes de bonne volonté
La faiblesse de la réaction contre l’ensemble de ces lois, dans la majorité du corps social, étonne. On peut l’attribuer, certes, au remarquable travail de propagande effectué par le pouvoir politique. Ou bien à une certaine forme d’érosion, de lassitude devant le constat d’impuissance qu’on tire devant l’évolution des choses. On perçoit bien, de fait, la dimension satanique à l’œuvre derrière la malignité et l’efficacité de toutes ces refondations sociétales qui touchent même la Constitution. Dans un tel contexte, rien d’étonnant à ce que la violence, sous toutes ses formes, s’empare de la rue et des foyers, après s’être emparée des consciences.
On nous annonce comme à venir un chaos qui est déjà advenu, puisqu’il est précisément organisé par des textes de loi : jusqu’à cette récente proposition condamnant toute critique de la République et de sa laïcité, et donc tout engagement public auprès du règne du Christ-Roi en France, alors que si les choses en sont à ce point, c’est parce que, précisément, Son règne a été soigneusement aboli. Il n’est pas vain d’affirmer, dès lors, que comme Saturne, cette société finit par dévorer ses enfants.
Dieu, dans sa miséricorde, n’abandonne pas cependant les hommes de bonne volonté. C’est une vérité que nous pouvons chacun ressentir à chaque fois que nous nous tournons vers Lui. Et sa grâce est justement proportionnée aux épreuves que nous subissons, aux pénitences qu’il nous faut assumer, collectivement comme individuellement. Cela a été vrai à chaque époque et le demeure aujourd’hui. C’est cette note de foi et d’espérance que nous devons garder à l’esprit. Il est fondamentalement Notre Père, Celui que nous avons à cœur de respecter, comme son Église est notre Mère en Jésus-Christ, que nous ne pouvons qu’adorer d’autant plus que sont abominables les outrages que subissent « les plus petits d’entre les siens ».
- Guindon