S’il est vrai que ce sont les moines qui ont inventé les règles de politesse, en poussant la pratique de la charité jusqu’à l’aménité et à l’extrême délicatesse des relations avec le prochain, laminant peu à peu les rugosités du mode de vie barbare, on peut imaginer que la politesse découle directement du degré de charité et de sainteté de chacun. Et cette charité n’a-t-elle pas été poussée à l’extrême dans des moments ou toute autre personne ordinaire aurait perdu ses bonnes manières ? Comment un saint Laurent, placé sur son grill, a-t-il pu demander à ce qu’on le retourne du côté non encore brûlé ? Comment un Louis XVI a-t-il pu monter sereinement à l’échafaud, sans émettre la moindre parole de révolte contre ses bourreaux ? Comment tant de grands saints ont-ils pu souffrir tant de quolibets et de calomnies sans jamais rétorquer ni contredire les mensonges qui couraient sur eux ? Est-ce que dans ces cas-là, l’extrême charité de leurs attitudes n’était pas déjà la manifestation de l’héroïcité de leurs vertus ?
La vie du chrétien ne contiendrait-elle pas, en elle-même, une part d’héroïsme dans la façon de se vaincre soi-même, et de se maîtriser vis-à-vis des autres ? C’est ce que tendent à prouver tant d’exemples de vies de saints, qui, même s’ils n’ont pas eu à réaliser des exploits éclatants aux yeux du monde, ont été des héros du quotidien, par le combat spirituel toujours renouvelé, en vue de l’acquisition des vertus et d’une plus grande charité.