Cultivons la paix et l’optimisme 1

Vous avez certainement rencontré M. Catastrophe… Cet homme modèle, sérieux, voire grave. A la sortie de la messe ou chez des amis, il écoute attentivement ce qu’on dit. Mais à la moindre réflexion encourageante qui passe, il lance : « Je ne suis pas d’accord…C’est évident que la situation s’aggrave, le danger est là, untel a fait une erreur… Je ne sais pas comment nous allons nous en sortir… » Son discours refroidit l’ambiance, à moins qu’il ne la tende si un inconscient ose protester en apportant des éléments positifs. Le messager de mauvaises nouvelles, s’il ne se cabre pas, se recule derrière son œuvre : « Je n’ai fait que des constatations et suppositions, qui vivra verra ! » Il se tait mais le mal est fait : son entourage aura un peu moins de courage, un peu moins de douceur à opposer à la dureté de la vie ce jour-là. L’inquiétude est au cœur, elle grandit, sera probablement colportée, amplifiée, et refera la néfaste besogne.

Au-delà d’être humainement lourd à porter, le pessimisme est moralement mauvais. « Le désespoir contemporain est le fruit de l’humanité athée », pensait Saint-Exupéry. Aux âmes en état de grâce et de bonne volonté, saint Ignace de Loyola enseigne : « C’est le propre du mauvais esprit de leur causer de la tristesse, des tourments de conscience, d’élever devant elles des obstacles, de les troubler par des raisonnements faux, afin d’arrêter leurs progrès dans le chemin de la vertu. Au contraire, c’est le propre du bon esprit de leur donner du courage et des forces, de les consoler… et de les établir dans le calme2. »

Bien sûr, la croix fait partie de notre vie – rien ne se fait sans travail et sans effort – mais il nous faut chasser les tentations de tristesse, d’inquiétude et de trouble face aux difficultés, pour trouver la paix et la joie de Dieu, ouvrir les cœurs à l’amour et à l’Espérance, et fortifier les volontés pour accomplir le Bien. Le père de famille joue un rôle essentiel pour le bien de sa famille et l’équilibre de ses enfants en montrant l’exemple sur ce point.

Bienheureux les artisans de paix !

Commençons donc par accepter calmement les frictions avec les autres ou à apaiser les relations entre époux, entre enfants, en famille élargie, avec les collègues ou les voisins… « Mettre l’union dans les cœurs, c’est travailler avec Jésus ; mettre la discorde, c’est travailler avec le démon. Si donc l’occasion se présente de contribuer à rétablir ou à consolider la paix, n’y manquons jamais. D’un mot, on peut pacifier un cœur meurtri, d’un mot aussi, on peut lui donner plus d’aigreur. Si même il faut, pour le bien de la paix, faire une concession, un premier pas, un geste amical, s’il faut oublier une offense, un mauvais procédé, quelques fois briser son cœur, n’hésitons pas. Souvenons-nous que bienheureux sont les pacifiques. Jésus leur promet, en récompense de leur collaboration à son œuvre de paix, qu’ils seront fils de Dieu3. »

Si vos enfants vous voient rester en paix, chercher la paix malgré les désaccords même légitimes, malgré les soucis de la vie, ils comprendront  quelque chose de la miséricorde de Dieu et de son amour.

Si la tentation ne vient pas de nos relations humaines, elle peut venir par notre regard sur notre environnement. Est-il source de trouble et de fébrilité, ou de paix et de confiance ?

L’optimisme est-il encore possible ?

« L’optimisme est-il possible de nos jours alors que nous sommes tous accablés par le malheur, la cruelle humiliation nationale,… alors que sur le plan personnel, chacun voit chanceler le résultat du patient effort de sa vie, que le présent est dur et l’avenir imprévisible ? » se demandait Marie Pignal en 1941, comme nous pouvons nous le demander aujourd’hui. Oui, répondait-elle, l’optimisme est une vertu à travailler !

« L’optimisme est mieux qu’une disposition de tempérament, plus estimable qu’un besoin égoïste de se rassurer, plus valable qu’un désir de voir les choses s’arranger. C’est une disposition à saisir les choses de la vie dans leur profondeur, c’est-à-dire en liaison avec le sens surnaturel que Dieu, qui est tout bonheur, amour, beauté a donné au monde4. »

Pour être concrets dans ce travail, plusieurs axes s’offrent à nous. Commencer par prendre de la hauteur en relisant l’Histoire. Le Bon Dieu a utilisé les crises qu’ont traversées nos ancêtres : les débâcles politiques et religieuses avant la conversion de Clovis ; la disparition programmée de la France avant l’arrivée de Jeanne d’Arc ; le protestantisme avant la réforme du Concile de Trente…

Continuer en prenant du recul sur les bons évènements, petits ou grands, des années ou des jours passés, en observant les progrès ici ou là, dans nos enfants ou notre entourage : écoles, paroisse, projets, amis, ambiance de travail. Avec nos enfants, chanter « même le plus noir nuage a toujours sa frange d’or ! » Prendre conseil d’amis au tempérament plus positif que le nôtre sera utile pour éduquer notre regard !

Enfin, « ne traçons pas de limite aux forces qui nous dépassent. Ployons sous l’orage au lieu de reculer de quelques pas pour mieux nous dresser. Soyons plus souples devant la vie. Ne nous enfermons pas dans l’impasse de notre impuissante volonté ; restons sur le grand chemin où circule la volonté de Dieu pour recueillir les dons qu’elle nous apporte. Au lieu de porter un ultimatum aux évènements, laissons passer les desseins de Dieu et faisons Lui confiance. (…) Grâce à l’optimisme, nous garderons la lucidité du regard, la force de la volonté, le pouvoir d’action5. »

« Mais qui donc peut vous nuire si vous vous montrez zélés pour le Bien6 ? »

Le Bon Dieu attend notre confiance, nos enfants aussi !

 

Hervé Lepère

 

1 Dans cet article, nous comprendrons le mot « optimisme » comme un synonyme du mot « espérance naturellement et surnaturellement réaliste ».

2 2e règle du discernement des esprits

3 Père Mortier, op, L’Evangile

4 Le livre de la Confiance, Marie Pignal, 194

5 Idem

6 Epître de saint Pierre, au 5° dim. après la Pentecôte